Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 9 novembre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le sujet que nous discutons ce jour est sans doute l’un des plus contestables du projet de loi de finances pour 2016 : il ne s’agit pas seulement des 3 milliards 800 millions d’euros de dotations en moins pour les collectivités territoriales dans les programmes concernés, mais du sort qui leur est fait dans ce texte de loi. Le choix ici réaffirmé, celui d’une réfaction de 12 milliards et demi d’euros en quatre ans, et donc de 28 milliards d’euros en cumulé des dotations aux collectivités locales apparaît, au fil des mois qui passent, comme une erreur manifeste.

On trouvera toujours, çà et là, dans la diversité des situations, une collectivité pour qui la baisse de la dotation globale de fonctionnement sera quasi indolore, mais dans leur très grande majorité, les collectivités locales sont très fortement touchées par cette baisse et le congrès de l’association des maires de France, la semaine prochaine, exprimera l’inquiétude et la colère qui montent de nos territoires de France. Ces diminutions brutales et massives ont des incidences sur les choix des élus locaux mais aussi, plus grave encore, sur la vie des territoires et sur leur possibilité de relever les enjeux de l’avenir. C’est d’autant plus vrai que cette diminution vient après la suppression de la taxe professionnelle et l’inconséquence du nouvel impôt économique, et après le gel des dotations entre 2010 et 2013, gel contre lequel la gauche, toute la gauche, avait protesté avec raison. En plus des bouleversements territoriaux, marqués par une métropolisation qui ne vise qu’à mettre en concurrence les territoires, le garrot financier qui leur est appliqué pousse leurs représentants, élus par le peuple, à entrer dans un triple cercle vicieux.

En effet, déjà un tiers des communes et des intercommunalités ont accru la pression fiscale, un autre tiers annonce vouloir le faire et 80 % vont revoir les tarifs des services publics à la hausse. C’est la décentralisation de l’accroissement de l’impôt, une erreur car l’impôt local est beaucoup moins juste qu’un impôt sur le revenu qui pourrait être plus progressif et porter sur les plus riches. Il apparaît d’autant plus injuste de pousser à l’augmentation de l’impôt local quand on apprend dans un journal du soir comment les classes dirigeantes, aujourd’hui en place au plus haut niveau de la Commission européenne, ont encouragé l’évasion fiscale et ses dizaines de milliards d’euros soustraits au profit d’une caste !

Quant à la suppression ou l’amoindrissement des services publics de proximité, elle amplifie de toute façon les inégalités car les plus aisés pourront y remédier par des services privés – je pense à la garde d’enfants –, ce qui ne sera pas le cas des plus modestes.

Enfin, le troisième cercle vicieux, c’est l’effondrement de l’investissement public local, avec des risques sur le bon entretien des équipements et la bonne maintenance du patrimoine, et ses conséquences sur l’emploi. Nous avons eu connaissance, en fin de semaine dernière, du cri d’alarme du président de la Fédération nationale des travaux publics, qui parle d’une progression majeure de sinistres d’entreprise dans ce secteur et de milliers d’emplois perdus. Bien sûr, on peut imaginer que l’effondrement de l’autofinancement soit compensé pour partie par le recours à l’emprunt, mais alors qu’est-ce que cela aura permis en termes de réduction du déficit ? Rien ! L’enveloppe prévue n’y répondra pas avec seulement 150 millions d’euros de crédits de paiement.

Qui plus est, les agences de l’État – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Agence nationale pour la rénovation urbaine, Agence de financement des infrastructures de transport de France, les agences de l’eau –, qui sont des cofinanceurs, voient leurs crédits diminuer.

Ainsi, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, plus les discussions avancent sur cette question du soutien aux collectivités locales, que ce soit dans le cadre de la commission d’enquête pour laquelle j’ai été élu rapporteur, dans les commissions parlementaires ou dans les associations d’élus, plus la faute est indéniable.

Diminuer de 11 milliards d’euros en trois ans les dotations aux collectivités locales aura pour conséquence une baisse de 5,5 milliards d’euros de recettes de l’État selon l’Observatoire français des conjonctures économiques : quel gâchis !

Mais surtout, diminuer de 11 milliards d’euros les dotations avec des conséquences plus prégnantes sur les petites et les moyennes villes, en clair sur les communes et intercommunalités qui sont les actrices d’un territoire équilibré et dynamique, c’est accepter que notre pays mette en péril la République décentralisée qui prévaut depuis trente ans.

Dans ce cadre, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, indispensable pour assurer équité et justice doit se faire à notre sens par le biais d’un projet de loi spécifique, demandé par le Comité des finances locales.

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