Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, dans un contexte très singulier de deuil national et de nécessaire concorde, nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi du Sénat relative à la protection de l’enfant.
Des enfants meurent de mauvais traitements dans notre pays, toujours trop d’enfants souffrent de carence affective, et les failles du système de protection de l’enfance ne font que trop régulièrement la une des médias.
La protection de l’enfance concerne près de 300 000 mineurs ou jeunes majeurs. La loi du 5 mars 2007 serait peu ou mal appliquée : l’intention du législateur de l’époque était pourtant d’améliorer la prévention, le signalement et les interventions sociales et judiciaires.
Les principales limites de cette loi ont été identifiées : fortes disparités territoriales, absence de pilotage national, manque de coopération entre les différents acteurs, insuffisance des formations dispensées et instabilité des parcours des enfants placés. Alors, la question se pose de savoir si cette nouvelle loi sur la protection de l’enfance permettra de les dépasser. Personnellement, j’estime qu’elle va dans le bon sens.
Je me réjouis que la rapporteure ait réintroduit des articles ou amendements supprimés par le Sénat. Je pense, à l’article 1er, au rétablissement du Conseil national de protection de l’enfance, à l’article 2 ter, au suivi renforcé de la scolarisation de l’enfant, ou encore, à l’article 7, à l’examen annuel du projet pour l’enfant par une commission pluridisciplinaire.
Je trouve également nécessaire la rédaction, sous l’autorité du président du conseil départemental, d’un protocole de coordination des acteurs de la protection de l’enfance : au-delà de la caisse d’allocations familiales, des services de l’État et des collectivités locales, il faut absolument y associer les services judiciaires. L’article 8 va dans ce sens puisqu’il vise à améliorer, dans l’intérêt de l’enfant, les échanges et la coordination entre les services de l’ASE et les magistrats.
Je pense aussi que la désignation, dans chaque département, d’un médecin référent est une nécessité. De même, il apparaît approprié que l’évaluation des informations préoccupantes soit réalisée par des équipes pluridisciplinaires et prenne en compte la situation des autres mineurs présents au domicile. Il est aussi important que l’ASE propose, comme le prévoit l’article 18, des mesures de soutien aux parents avant de transmettre une demande de déclaration de délaissement parental.
S’agissant de l’article 16, j’approuve également le fait de donner à l’administration fiscale la possibilité de remettre gracieusement les droits d’enregistrement, dans les cas où le décès de l’adoptant est intervenu avant la date d’entrée en vigueur de la loi. Cependant, cette possibilité n’est offerte qu’aux personnes qui ne peuvent pas payer parce qu’elle sont endettées. J’aurais préféré la rédaction proposée par nos collègues Bérengère Poletti et Denys Robiliard, dont je voterai les amendements.
En revanche, deux mesures contenues dans ce texte me posent problème. La première a trait, à l’article 5 ED, au versement de l’allocation de rentrée scolaire, due au titre d’un enfant confiée à l’aide sociale à l’enfance, sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations. J’estime que cela revient à dévoyer le rôle de l’allocation de rentrée scolaire qui, comme l’a rappelé notre collègue Bérengère Poletti, est avant tout destinée à financer les dépenses de la rentrée scolaire et ne vise pas à permettre aux jeunes confiés à l’ASE de se constituer un pécule. Je continue à penser que l’ARS doit être versée aux services de l’ASE, qui est capable d’évaluer si cette allocation doit être versée à la famille du jeune, à sa famille d’accueil ou aux responsables des centres d’hébergement.
Une deuxième mesure, à l’article 21 ter, me laisse perplexe : elle limite la possibilité d’effectuer des tests osseux pour aider à la détermination de l’âge des jeunes étrangers isolés. Ces tests ne sont pratiqués aujourd’hui qu’en dernier recours pour déterminer l’âge d’un mineur, sur décision de l’autorité judiciaire. Mais le seul fait de considérer qu’il faut recueillir l’accord de l’intéressé rend, de fait, cette mesure inopérante.
Enfin je m’interroge sur les moyens financiers qui seront mis en oeuvre pour l’application concrète de cette loi. Je pense en particulier au financement de la formation continue que j’estime absolument nécessaire, au même titre que la formation initiale des travailleurs sociaux. Qui financera cette formation : les conseils départementaux ou les conseils régionaux ?
Je pense aussi, à l’instar de notre collègue tout à l’heure, aux moyens dévolus aux services de la protection maternelle et infantile.
Nous allons examiner une trentaine d’amendements en séance. Malgré les réserves que je viens d’évoquer, je m’oriente – à titre personnel – vers un vote positif, et je serai très attentive à l’application de cette loi dans mon propre département.