La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mmes et MM. les membres du Gouvernement ainsi que Mmes et MM. les députés se lèvent
au coeur de la nuit, à Saint-Denis, les hommes du RAID et de la BRI ont lancé l’assaut contre des individus impliqués dans les massacres qui ont ensanglanté notre pays vendredi dernier.
Deux terroristes ont été tués, plusieurs personnes ont été interpellées, des assassins ont été neutralisés, cinq policiers ont, hélas, été blessés.
En votre nom, je veux d’abord saluer la détermination, la rapidité et l’efficacité de l’intervention de nos forces de l’ordre et de l’ensemble des services d’urgence engagés dans cette opération, alors même qu’ils sont soumis à une mobilisation sans précédent.
Je leur exprime la reconnaissance unanime de la représentation nationale et rends hommage à leur courage ainsi qu’à leur dévouement, qui forcent jour après jour notre admiration.
Mmes et MM. les membres du Gouvernement ainsi que Mmes et MM. les députés applaudissent longuement.
Monsieur le président, chers collègues, monsieur le Premier ministre, bravo ! Bravo aux policiers du RAID, bravo aux gendarmes, bravo aux médecins, bravo aux pompiers, bravo aux services de renseignement…
… bravo à toutes les forces de sécurité qui assurent notre protection aujourd’hui, avec courage, face au terrorisme et face à l’islamisme radical !
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le Premier ministre, pour lutter contre le terrorisme et l’islamisme radical, il faut des mesures fortes. Vous en avez annoncé un certain nombre. Vous nous trouverez toujours à vos côtés pour décider ces mesures qui renforcent la sécurité des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, l’union nationale n’a qu’un seul prix : c’est l’efficacité des décisions que vous prendrez pour garantir la protection de tous nos compatriotes. À vous de nous assurer que la réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République renforcera réellement la sécurité de nos compatriotes !
Pour lutter contre l’islamisme radical, monsieur le Premier ministre, il faut traiter le mal à la racine.
Où en sommes-nous, monsieur le Premier ministre, de la coalition internationale qui doit nous permettre d’éliminer l’État islamique en Syrie ?
Où en sommes-nous du soutien des acteurs européens ? Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à remettre en cause les relations avec certains États du Golfe, dont l’ambiguïté, aujourd’hui, face à l’islamisme n’est plus acceptable ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Nous voulons de la clarté, nous voulons sortir des ambiguïtés !
Enfin, monsieur le Premier ministre, lutter contre l’islamisme radical, c’est le nommer, c’est dire que nous n’accepterons plus, sur notre sol, la radicalisation, des comportements inacceptables, des atteintes aux femmes, des atteintes à la laïcité, des atteintes à la liberté de parole, des atteintes à tout ce qui fait la République et à tout ce qui fait notre nation.
Monsieur le Premier ministre, quelles décisions êtes-vous prêt à prendre pour lutter contre la radicalisation de certains sur notre territoire et protéger des valeurs de notre République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur le député Bruno Le Maire, dans un instant, Bernard Cazeneuve aura l’occasion de revenir devant la représentation nationale sur ce qui s’est passé ce matin.
À mon tour, comme nous le faisons beaucoup, depuis des mois sinon des années, mais plus encore depuis ce matin, je ne peux qu’exprimer la profonde reconnaissance du Gouvernement vis-à-vis de toutes les forces de l’ordre – je l’ai également fait hier – qui sont intervenues ce matin dans des conditions d’une violence incroyable.
Oui, monsieur le député, vous avez raison : bravo à nos forces de l’ordre ! Nous sommes fiers d’elles.
Applaudissements sur tous les bancs
Monsieur Le Maire, pour lutter contre le terrorisme dans cette guerre impitoyable que nous lui livrons, nous devons être présents sur tous les champs.
Bien sûr – Laurent Fabius y reviendra –, sur le champ diplomatique mais aussi dans l’action militaire afin d’établir une coalition la plus large possible. Nous voyons bien que les événements que nous avons vécus le vendredi 13 ici, à Paris, ont changé beaucoup de choses, dont l’attitude des Américains et des Russes.
Cela permettra au Président de la République de prendre des initiatives dès la semaine prochaine – adoption d’une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU, rencontre des Présidents Poutine et Obama – afin de permettre la constitution, dans la plus grande détermination, de cette coalition contre notre ennemi, c’est-à-dire Daech, c’est-à-dire l’État islamique.
Cette détermination, c’est celle de la France, c’est elle qui se manifeste dans les choix qui ont été faits depuis déjà plus d’un an de bombarder les sites de Daech en Irak et, depuis déjà plusieurs semaines, en Syrie.
Je rends là aussi hommage à nos pilotes qui, depuis plusieurs jours, bombardent les sites de Daech (Applaudissements sur tous les bancs) – quartiers généraux, camps d’entraînement. Bien sûr, nous poursuivrons sur la même voie.
En outre, monsieur le député, vous avez raison, il faut toujours poser les mots sur le mal.
Nous avons un ennemi extérieur : le terrorisme, Daech, l’État islamique, et nous devons agir tous ensemble dans le cadre d’une grande coalition, avec nos armées, je viens de le rappeler, contre cet ennemi afin de l’abattre et de l’anéantir.
Mais cet ennemi existe également chez nous : ce sont les mots que j’avais utilisés dès 2012 – je n’étais pas le seul, bien sûr –, dès la tentative d’attentat de Sarcelles contre un magasin cacher.
Nous avions pris conscience à ce moment-là, le 19 septembre 2012, du danger de cette cellule. L’enquête qui vient de se terminer montrait la puissance montante de ces réseaux, de ces filières. Nous étions alors très loin des 1 900 individus concernés aujourd’hui, mais c’était le début. D’où la première loi anti-terroriste adoptée en 2012.
J’avais utilisé ces mots parce que nos quartiers populaires, comme nous l’avons dit voilà quelques mois après les attentats contre Charlie Hebdo, comprennent des dizaines, des centaines, peut-être des milliers de jeunes qui, comme ailleurs dans le monde, sont attirés par le djihadisme, par l’islamisme radical, par cette idéologie totalitaire.
Je vous renvoie aux travaux de l’Assemblée nationale ou du Sénat, ainsi qu’au rapport de Malek Boutih, parce que nous devons être lucides sur ce qui se passe dans notre société.
Oui, nous devons combattre ce phénomène en prison, parce que c’est là que se déroulent ces processus de radicalisation, mais aussi sur internet – nous avons déjà beaucoup avancé en la matière mais il faudra sans aucun doute aller plus loin – et dans les mosquées, en fermant certaines d’entre elles et en procédant à la dissolution de certaines associations. Le texte de loi que je présenterai demain comprend d’ailleurs un outil afin d’être plus rapides et efficaces en la matière.
Oui, nous avons un ennemi et il faut le nommer : c’est l’islamisme radical
Applaudissements sur tous les bancs
et l’un des éléments de l’islamisme radical est le salafisme, monsieur le député. J’avais eu déjà l’occasion de le dire ici, à l’Assemblée nationale.
Nous ne devons pas uniquement nommer les choses ni faire des discours, comme nous le verrons demain avec le projet de loi permettant de prolonger l’état d’urgence. Nous pouvons également, sans doute, améliorer un certain nombre de dispositifs.
Je suis sûr qu’avec le président Jean-Jacques Urvoas à l’Assemblée et le président Philippe Bas au Sénat, nous allons converger pour faire en sorte que ce texte soit le plus efficace possible pendant les trois prochains mois.
Quant à la réforme constitutionnelle, je le répète, monsieur le député : le Gouvernement a la volonté d’aboutir évidemment à l’accord le plus large possible – de toute façon nécessaire – afin de démontrer aux Français la réalité de cette union nationale qu’ils attendent de nous, de cette union sacrée, parce que nous sommes engagés dans une guerre.
Alors, oui, posons les bons mots, sachons qui sont nos ennemis et c’est ensemble que nous les détruirons, parce que les Français le demandent ! Nous le ferons avec nos valeurs, avec le souci de la concorde nationale, avec la volonté de rassembler tous les Français, quelles que soient leurs origines, diverses, comme celles des victimes des attentats vendredi dernier au Bataclan et dans les rues de Paris.
Oui, nous avons besoin de cette unité pour dire aux Français qui aiment nos valeurs, qui aiment la liberté, qui aiment la possibilité de fraterniser mais qui aujourd’hui ont peur, qui sont marqués par ce qui s’est passé, que nous sommes un peuple debout ! Je suis sûr que nous en ferons tous la démonstration !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, m’associant à votre propos introductif, je veux à mon tour, au nom du groupe socialiste républicain et citoyen – et, j’en suis certain, d’une large partie de cette assemblée – dire notre fierté pour le travail d’investigation effectué par les magistrats et les services de police judiciaire. Je veux dire notre reconnaissance et notre admiration à nos forces, en particulier au Raid et à la brigade de recherche et d’intervention, la BRI, engagés ce matin encore à Saint-Denis, qui mettent leur vie en jeu pour traquer les coupables présumés des actes ignobles perpétrés vendredi soir à Paris, ou ceux qui menacent de s’en prendre encore à nos compatriotes.
Depuis vendredi soir, dans le cadre des procédures judiciaires immédiatement engagées, et grâce aux dispositions permises par l’état d’urgence, que le Gouvernement a eu raison de déclarer, avant que nous ne décidions de le proroger demain pour trois mois, des actions massives sont en cours sur l’ensemble de notre territoire et s’appuient sur tous les éléments recueillis par nos services depuis des mois. C’est dans le cadre de ce vaste mouvement que des opérations se sont déroulées ce matin en Seine-Saint-Denis, dans des conditions extrêmement difficiles et violentes.
Monsieur le ministre de l’intérieur, pouvez-vous préciser à la représentation nationale le cadre de l’intervention de ce matin et les éléments dont vous disposez, à ce stade, sur ses résultats ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le député, une enquête est en cours, qui est conduite, sous l’autorité du procureur antiterroriste, par les services de la police judiciaire. Cette enquête a conduit ce matin 110 policiers du Raid et de la BRI à intervenir à Saint-Denis, de manière à démanteler un réseau d’acteurs terroristes. Cette intervention s’est faite dans des conditions extrêmement difficiles, et les policiers de la BRI et du RAID que j’ai rencontrés m’ont dit que, jamais dans leur carrière, ils n’avaient essuyé un feu d’une telle violence.
Je veux leur dire la fierté qui est la nôtre ; je veux leur dire qu’ils sont des grands ; je veux leur dire qu’ils sont des courageux ; je veux leur dire l’admiration que j’ai pour eux et qui est partagée, j’en suis convaincu, par l’ensemble des Français, au moment où nous nous battons contre le terrorisme.
Vifs applaudissements sur tous les bancs.
Cinq d’entre eux ont été blessés, que j’irai visiter tout à l’heure. Les habitants de Saint-Denis ont été, eux aussi, extrêmement courageux et ont fait preuve d’une grande maîtrise, comme l’ensemble des pompiers et acteurs médicaux qui sont intervenus sur le site.
Cette opération a permis sept interpellations, et les personnes interpellées sont en cours d’identification. Il y aurait au moins deux morts, et peut-être davantage, dont une personne qui s’est fait sauter par des explosifs. Ces arrestations ont été conduites à l’égard de personnes qui auraient pu frapper de nouveau. Ce sont donc, une fois de plus, des crimes, des meurtres, la barbarie qui ont été évités. Cela a été rendu possible, aussi, par le travail des services de renseignement, auxquels je veux rendre hommage.
Je veux également profiter de cette réponse pour dire à la représentation nationale que je suis à la disposition de chacun de ses groupes et de ses commissions pour rendre compte de l’action qui a été conduite. Je veux aussi dire ma fierté d’être à la tête d’un ministère qui compte des personnels aussi engagés, aussi valeureux et aussi magnifiquement républicains.
Vifs applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme Gilda Hobert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je tiens, avant toute chose, à saluer nos forces de l’ordre pour leur intervention de ce matin.
Madame la ministre de la culture, vendredi soir, les attentats nous ont plongés dans l’effroi. Je veux redire notre douleur et témoigner de notre soutien aux victimes et à leurs proches. À l’heure où ils partageaient des moments de convivialité, l’horreur a frappé aveuglément. Nous ne pourrons l’oublier. Malgré les peurs légitimes, nous ne devons ni faiblir ni faillir.
La culture a payé un lourd tribut, mais elle demeure le meilleur rempart contre la barbarie. La culture nous donne parmi les plus grandes joies de nos vies. Y renoncer, ce serait capituler. Les salles de spectacles rouvrent progressivement. Madame la ministre, vous avez eu les mots justes : tout doit être fait « pour que la musique continue de vivre ».
Dans un contexte difficile, le risque de baisse de fréquentation menace la survie des événements et des établissements les moins favorisés. Trois sujets émergent : le manque d’assurances, la trésorerie à court terme et la sécurisation des lieux de spectacles.
Vous avez annoncé la création d’un fonds d’aide de plusieurs millions d’euros pour les salles et les entrepreneurs de spectacles. Nous devons d’abord donner les moyens aux lieux de culture de faire face au remboursement des annulations ; garantir, ensuite, la pérennité économique des acteurs, et en particulier des petites salles ; renforcer la confiance, enfin, par des dispositifs de sécurisation et des mesures de court terme, puis par un plan d’action avec l’ensemble des parties prenantes.
Le spectacle vivant, avec plus de 8 milliards d’euros et 268 000 emplois enracinés localement, est un vecteur essentiel de l’attractivité de nos territoires.
Madame la ministre, une mobilisation significative et la solidarité de tous sont indispensables. Pouvez-vous nous préciser comment, et à quelle hauteur, ce fonds sera mis en oeuvre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la députée, vendredi soir, les terroristes se sont attaqués à l’âme de la France, à sa culture, à son mode de vie, à sa diversité. Le monde de la musique tout entier – artistes, producteurs, tourneurs, organisateurs de spectacles – est en deuil et pleure ses disparus. Mais, à l’obscurantisme, à l’intolérance, à l’intimidation, il veut déjà répondre et opposer la vie, le partage et le plaisir de l’art.
Le Gouvernement est au côté des lieux de culture, avec un double objectif : d’abord, assurer la protection du public et de tous les acteurs culturels, qui déjà reviennent dans les musées et dans les salles de spectacles. En lien avec le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et la préfecture de police, mon ministère aide les organisateurs de spectacles à mettre en place toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité, notamment le renforcement de la présence visible des forces de l’ordre. J’ai déjà tenu plusieurs réunions pour examiner les besoins de chacun : dimanche, avec les directeurs d’établissements culturels ; lundi, avec la filière musicale au Centre national de la chanson, de la variété et du jazz ; hier encore, avec exploitants de salles et producteurs de musique.
Il convient par ailleurs d’anticiper les difficultés que vont rencontrer les acteurs du spectacle vivant, notamment les plus fragiles d’entre eux, du fait des annulations, de la baisse de fréquentation des lieux, ou des investissements de sécurité à engager. Pour cela, j’ai décidé de créer un fonds de solidarité, doté à ce jour de 3,5 millions d’euros par les pouvoirs publics et 500 000 euros par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM. Ce n’est qu’un début, car je souhaite que d’autres contributions puissent venir compléter ce montant.
Je travaille également avec la Fédération des salles de cinéma sur le renforcement de leur sécurité, et j’ai demandé que les dépenses d’équipement de sécurité soient éligibles aux aides du Centre national du cinéma et de l’image animée – CNC –, ce qui sera fait dans les prochains jours.
Madame la députée, j’étais avant-hier au Louvre, pour sa réouverture, hier au musée d’Orsay, au musée Picasso et au Zénith. J’y ai vu des fonctionnaires et des salariés ébranlés, mais debout, et je veux rendre hommage à leur dévouement. J’ai vu aussi un public ardent. La France dansera à nouveau, chantera à nouveau, dessinera de nouvelles caricatures, et notre culture restera fière, insolente et libre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, face à la barbarie qui a ensanglanté notre pays et meurtri la jeunesse de France, les députés du Front de gauche partagent une détermination totale à mettre hors d’état de nuire ces fossoyeurs de l’humanité. Nous saluons l’action exemplaire des services de police, de santé, de secours, encore à l’oeuvre aujourd’hui à Saint-Denis.
Oui, l’épreuve de force contre Daech est nécessaire. Mais elle ne pourra aboutir que si elle s’accompagne d’un assèchement de ses sources de financement et d’un règlement politique pour tous les peuples concernés. Avec plusieurs millions de dollars tirés chaque jour de la vente du pétrole, Daech dispose d’une puissance de feu inégalée et, reconnaissons-le, d’un proto-État.
II y a déjà un an, l’ambassadrice de l’Union européenne en Irak affirmait qu’une partie de ce pétrole transitait par la Turquie, était achetée en bout de course par certains États européens. Depuis 2007, nous avons noué des liens étroits avec plusieurs pétromonarchies du Golfe. Ce choix est-il conforme à l’intérêt de la France et à la sécurité de nos concitoyens ? Plusieurs de ces pays, au premier rang desquels se trouvent le Qatar et l’Arabie saoudite, sont mis en cause pour leur implication dans le financement du terrorisme. Pourquoi d’ailleurs avoir maintenu la visite officielle en France du Premier ministre du Qatar et l’avoir invité à inaugurer hier le salon de la sécurité intérieure des États ? Mais cela reste anecdotique.
Monsieur le Premier ministre, quelles initiatives internationales allez-vous prendre pour couper définitivement les vivres à Daech ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, comme vous l’avez fort bien souligné, la lutte contre le financement du terrorisme est une nécessité absolue et une des clés pour éradiquer Daech. Nous savons comment Daech se finance : la contrebande de pétrole, le rançonnage des populations, les taxes sur certains migrants qui veulent se rendre en Europe, le pillage des oeuvres d’art.
La coalition qui lutte contre Daech en Syrie et en Irak a mis en place une coopération sur le sujet du financement. Au G20, où nous étions, M. Michel Sapin et moi-même, un accord a été passé pour renforcer les moyens existants. Cette question sera au premier rang dans la résolution française du Conseil de sécurité des Nations unies qui devrait être adoptée la semaine prochaine.
Il faut toutefois en même temps renforcer l’action, intensifier les frappes contre les infrastructures qui permettent à Daech de collecter des ressources liées à la contrebande du pétrole – les Américains viennent de le faire et nous l’envisageons aussi – et renforcer la coopération internationale entre les services de renseignement, avec des objectifs précis.
S’agissant de l’accusation de financement du terrorisme portée contre certains pays du Golfe, nos services, à la demande du Premier ministre et à la mienne, ont procédé aux vérifications nécessaires et les éléments dont nous disposons – je l’ai dit il y a quelque temps – ne nous permettent pas de porter des accusations contre les gouvernements de ces pays. Nous avons en revanche toujours dit que si, à l’avenir, des éléments montraient l’inverse, il est évident que nous changerions nos relations du tout au tout. Je veux le réaffirmer ici solennellement : il ne saurait y avoir et il n’y aura pas la moindre complaisance à l’égard de gouvernements qui aideraient financièrement les terroristes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, vendredi dernier, 129 morts et 352 blessés de dix-neuf nationalités ont été victimes d’assassins porteurs d’une idéologie de mort qui veut anéantir la civilisation et les valeurs de l’humanité. Parmi ces victimes, surtout des jeunes, de notre jeunesse française, diverse, métissée, mais unie dans la même joie de vivre.
La France, notre pays, est meurtrie, mais elle est debout. Elle continue à vivre et résiste à la peur. Elle en appelle à la fraternité comme encore ce matin à Saint-Denis. C’est notre réponse aux terroristes qui veulent que notre société se déchire. En cet instant tragique, mes chers collègues, nous avons un devoir de dignité. Merci pour la séance de cet après-midi.
Je veux moi aussi remercier nos forces de sécurité et de secours, nos militaires, exemplaires de courage, de compétence et de dévouement à notre patrie.
Lundi, devant le Congrès du Parlement, le Président de la République a décidé d’intensifier les frappes contre Daech et a appelé à une « grande et unique coalition ». Car, contrairement à certaines allégations, la France n’a jamais cessé de parler à la Russie, à l’Iran et aux pays arabes de la région, comme aux Américains et aux Européens. Le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez toujours mené le dialogue directement avec MM. Poutine et Lavrov sur les dossiers ukrainien et syrien.
La semaine prochaine, le Président de la République rencontrera avec vous M. Obama à Washington et M. Poutine à Moscou. Hier, pour la première fois, la Russie a frappé Daech à Racca. Les Etats-Unis nous fournissent aussi davantage de renseignements. À la suite du G20 et de la réunion de Vienne, que pouvons-nous attendre, monsieur le ministre, de nos partenaires ? Comment se positionnent les pays de la région, en particulier les Iraniens ?
En Syrie, même si les actions militaires sont nécessaires, la solution reste politique. Comment voyez-vous s’amorcer la transition politique, même si le sort d’Assad n’a pas été tranché ? Où en sont les discussions ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Madame la députée, chacun ici vous rejoint dans l’hommage que vous avez rendu.
Vous m’avez posé des questions précises et nombreuses, peut-être trop nombreuses pour le temps limité dont je dispose pour y répondre.
S’agissant des décisions prises à Vienne, même si cela est passé inaperçu dans le fracas, inévitable, c’est la deuxième fois que nous nous y sommes retrouvés, samedi dernier : nous avons adopté ensemble, y compris avec les Russes et les Iraniens, un plan qui, dans l’idéal, devrait nous conduire à un cessez-le-feu et à un gouvernement nouveau, puis à une constitution et à une nouvelle élection. C’est très difficile mais nous l’avons adopté. Le fait marquant, c’est que c’est le Conseil de sécurité des Nations unies, dont la France est un membre permanent, qui sera chargé, finalement, de superviser tout cela.
S’agissant des Russes, comme vous l’avez souligné, lorsque ceux-ci ont proposé au mois de septembre une coalition internationale, nous avons répondu oui dès lors qu’ils frapperaient prioritairement Daech et non l’opposition modérée. Il semble que ce soit désormais le cas et c’est une bonne chose.
Quant aux Iraniens, s’ils se sont associés à l’hommage rendu aux victimes à Paris, en revanche, je n’ai pas, jusqu’à présent, observé de modification de posture, ni dans leur langage sur la transition politique, qui reste nécessaire, ni sur les combats eux-mêmes.
Voilà où nous en sommes. Le Président de la République sera la semaine prochaine à Washington et à Moscou. Le ministre de la défense et moi-même travaillons sur les questions européennes. Des propositions devraient être acceptées par nos partenaires. Oui, la coalition internationale est indispensable. Nous pensons que ce plan d’ensemble doit avancer. En tout cas, même si nous considérons que la lutte contre Daech sera longue, notre détermination est totale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, notre pays traverse l’une des pires épreuves de son histoire. Cette épreuve impose au Gouvernement et à la représentation nationale d’apporter une réponse efficace. Nous le devons aux victimes et aux blessés, pour lesquels j’ai une pensée ; nous le devons aux forces de l’ordre, qui ont été ce matin, encore une fois, admirables face aux barbares auxquels elles ont donné l’assaut.
Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé des mesures précises, que nous soutenons et que nous soutiendrons, d’autant qu’elles correspondent en grande partie à des propositions que nous avions formulées.
Parmi ces mesures figure le retour des contrôles aux frontières. C’est un point extrêmement important. Aujourd’hui, ce rétablissement des contrôles aux frontières se heurte à de nombreux problèmes, à de nombreuses difficultés qui le rendent plus virtuel que réel. Il s’agit d’abord de problèmes matériels, naturellement : à la frontière franco-italienne, par exemple, une voiture sur dix, en moyenne, est contrôlée. Il s’agit également de problèmes juridiques, dus à l’absence de PNR – Passenger Name Record –, mais aussi de problèmes humains, compte tenu de l’arrivée massive et incontrôlée, au cours des derniers mois, de personnes en situation illégale ou légale venant de théâtres de guerre.
Monsieur le Premier ministre, mes questions seront simples. Où en sommes-nous dans la création de ce PNR dont on parle depuis tant d’années ? Où en sommes-nous dans la mise en oeuvre de la solidarité européenne en matière de contrôles aux frontières, après la demande que nous avons adressée hier à l’Europe ? Enfin, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à instaurer un moratoire, compte tenu de la situation de crise, sur l’arrivée de nouveaux migrants dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Comme vous le savez, monsieur le député, j’ai demandé dimanche la convocation d’une réunion extraordinaire des ministres de l’intérieur de l’Union européenne. Elle se tiendra vendredi à Bruxelles. J’ai souhaité que son ordre du jour soit extrêmement précis.
Premier point : le PNR européen. Sur le métier depuis de nombreuses années, il est désormais dans la phase de « trilogue », c’est-à-dire qu’il fait l’objet de discussions entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne.
Pour être efficace, ce PNR européen doit traiter de tous les sujets dont nous avons besoin pour assurer la traçabilité des terroristes à leur retour sur le territoire européen. Il doit notamment prendre en compte les vols intracommunautaires et concerner des personnes associées non seulement aux organisations terroristes, mais aussi à un certain nombre d’organisations criminelles, compte tenu de la porosité entre les acteurs du terrorisme et ceux du banditisme, du trafic de drogue et de stupéfiants. C’est la raison pour laquelle nous demanderons vendredi que les trois institutions européennes trouvent un accord autour des objectifs que je viens d’indiquer.
Deuxièmement, la France demande, depuis le 30 août 2014, que des contrôles systématiques et coordonnés soient assurés aux frontières de l’Union européenne. Nous n’avons pas besoin de modifier les accords de Schengen pour cela. Il faut aller plus loin : ces contrôles doivent être non seulement systématiques et coordonnés, mais aussi obligatoires. Il faut que l’Union européenne comprenne et intègre cette nécessité, car il y a trop d’atermoiements sur ce sujet.
Troisièmement, j’ai souhaité mettre en oeuvre une grande action en matière de lutte contre le trafic d’armes. Là aussi, une directive est sur le métier depuis de nombreux mois : elle doit désormais aboutir.
Lors du conseil Justice et affaires intérieures de vendredi, nous serons inflexibles sur ces sujets.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de la défense, hier, en cette période de deuil, nous avons vécu un grand jour de fraternité européenne. Dans le stade de Wembley, supporters anglais et français ont joint leurs voix pour entonner La Marseillaise. Elle était très belle, cette Marseillaise – aussi belle que celle que nous avons chantée lundi après-midi au Congrès, ou que celle que les maires de France ont entonnée en fin de matinée devant le Président de la République.
Mais la fraternité européenne s’est également affirmée lorsque vous avez réussi, monsieur le ministre, à convaincre nos partenaires européens de mettre en oeuvre l’article 42, paragraphe 7, du traité de l’Union européenne – une première dans notre histoire commune ! Nos partenaires de l’Union s’engagent ainsi à nous porter assistance pour faire face à l’acte de guerre qui a été commis vendredi 13 novembre sur notre sol. Nous attendons désormais leurs propositions logistiques, militaires et budgétaires.
Avec ces attentats sur notre sol, le monde prend enfin conscience de la terreur que vivent aujourd’hui les Syriens, les Irakiens et tous les autres peuples de la région, des peuples qui subissent au quotidien le joug de l’armée terroriste Daech, une organisation composée de plusieurs dizaines de milliers de combattants endoctrinés, drogués, équipés et entraînés militairement. Une organisation qui rémunère gracieusement ses tueurs, qui les loge, qui leur fournit des épouses – parfois des femmes enfants – qui se trouvent prises au piège, enfermées, maltraitées, violées, massacrées. Une organisation qui tue sans distinction des femmes et des hommes qui n’ont qu’un seul tort, celui de vouloir vivre libres dans leur pays. Que ces peuples vivent ici, en France, à Paris, ou là-bas, au Levant, en Afrique ou ailleurs, nous devons être à leurs côtés.
J’en viens à ma question. En cette période, nous devons réaffirmer notre opposition totale à cette barbarie. Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur l’engagement de nos forces, à cette heure, pour lutter…
Merci, monsieur le député.
La parole est à M. le ministre de la défense.
Monsieur le député, j’ai répondu hier à votre question sur les engagements européens et l’application de l’article 42, paragraphe 7 du traité de l’Union européenne.
En réponse à vos observations, je ferai le point sur les interventions militaires que nous menons en ce moment.
Comme vous le savez, l’armée de l’air française a effectué depuis trois jours, à partir de la base d’Al-Dhafra et de notre base en Jordanie, des vols et des interventions très robustes. Une soixantaine de bombes ont été lancées sur le centre névralgique de Raqqa. L’ensemble des cibles ont été atteintes, et je veux rendre hommage à nos aviateurs, dont je salue le professionnalisme
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants
et qui travaillent dans des conditions très difficiles, notamment la nuit dernière, où les conditions météorologiques étaient particulièrement délicates.
Cette intensification des frappes sur des postes de commandement et des lieux d’entraînement de Daech va se poursuivre. En effet, le porte-avions Charles-de-Gaulle et l’ensemble du groupe aéronaval ont appareillé ce matin. Ils seront sur zone à la fin de la semaine. Dès lors, la capacité d’intervention de la chasse française sera portée à trente-six avions, ce qui permettra de mener des interventions beaucoup plus fortes.
Cette possibilité est aussi liée à une inflexion de la position des États-Unis, qui nous ouvrent désormais beaucoup plus largement qu’auparavant leurs capacités de renseignement, permettant ainsi d’accompagner l’action de nos chasseurs de la manière la plus performante qui soit.
Cette intensification se poursuivra également sur les centres que je viens d’indiquer, jusqu’à ce que nous puissions anéantir Daech.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, un piège nous est tendu, celui de l’énervement, de l’exploitation politicienne et du réflexe partisan. Ce piège, il nous est tendu à nous tous. Il est ancien et il est dangereux. Je ne veux pas, monsieur le ministre, tomber dans ce piège et je crois que notre Assemblée, toute notre Assemblée, s’honore d’éviter, alors que le monde nous regarde, nos amis comme nos ennemis, de sombrer dans les invectives et les provocations
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste
qui sont peut-être la marque des démocraties vigoureuses, mais qui ne sont pas à la hauteur du moment, pas à la hauteur des morts et, au moins aussi grave, pas à la hauteur des vivants.
Vendredi soir, le Président de la République a décidé de mettre en oeuvre l’état d’urgence. Il a pris une bonne décision. Le Gouvernement nous propose aujourd’hui de le proroger de trois mois. C’est une bonne proposition. Je crois même que c’est la meilleure des réponses à l’attaque qui nous est portée. Bien plus qu’une éventuelle modification de la Constitution et bien plus que les nécessaires recrutements qui seront malheureusement lents à produire leurs effets.
Cet état d’urgence me conduit à vous poser trois questions. D’abord, quels sont les objectifs précis du Gouvernement dans la mise en oeuvre de cet état d’urgence ? S’agit-il de prévenir de nouveaux attentats, de démanteler des réseaux suspects, de collecter du renseignement, de remonter des filières, d’agir dans les prisons ?
Deuxième question, quel est le niveau de menace auquel nous devons faire face ? Les terroristes qui agissent sur notre sol utilisent des armes de guerre et des explosifs. Faut-il redouter l’emploi d’armes plus lourdes encore, voire d’armes non conventionnelles ?
Enfin, monsieur le ministre, entendez-vous, dans les jours et les semaines qui viennent, prendre des mesures pour dissoudre des associations, cultuelles ou non, de droit ou de fait, qui auraient apporté un soutien direct ou indirect aux personnes suspectées ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
L’Assemblée nationale sait que vous êtes un homme précis, monsieur le ministre. La représentation nationale et les Français attendent de votre part des réponses précises.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ayant présenté le texte relatif à l’état d’urgence ce matin au conseil des ministres, permettez-moi de vous répondre personnellement, monsieur le député. Mais je veux, en tant que chef du Gouvernement, et alors que nous avons rendu hommage aux forces de l’ordre, saluer tout particulièrement une nouvelle fois l’engagement et la qualité de l’engagement de Bernard Cazeneuve, sa précision, son professionnalisme et son sens de l’État.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, vous l’avez dit, la loi de 1955 prévoit que l’état d’urgence ne peut être prolongé que par la loi. Nous allons le faire, parce que la menace – et je vous réponds très directement – reste très élevée. Elle n’a jamais été aussi élevée. Nous considérons qu’elle l’est déjà depuis plusieurs mois, avant les attentats de janvier dernier, mais qu’elle est aujourd’hui – nous en voyons malheureusement la démonstration depuis vendredi – à un niveau particulièrement élevé. Nous ne devons rien écarter quant au type de menace.
Parce que nous faisons toujours face à une situation exceptionnelle, nous proposerons au Parlement de prolonger l’état d’urgence pour trois mois, conformément à l’annonce du Président de la République.
Plus que jamais, notre objectif est l’efficacité. Pour être plus efficace, la loi de 1955 doit être modernisée sur certains points, qui répondent d’ailleurs à vos interrogations. C’est une nécessité si nous voulons pouvoir, dans les trois prochains mois, répondre à l’urgence de la situation, à l’urgence de la menace, au-delà de la mobilisation des forces de l’ordre. Au moment où nous parlons, après que le ministre de l’intérieur l’a décidé, la mobilisation est absolue et totale après ce qui s’est passé ce matin.
Cette loi de 1955, prise dans le contexte bien spécifique de la guerre d’Algérie, n’a jamais fait l’objet d’aucune modification substantielle. Elle doit être adaptée à notre temps et à la réalité des menaces, particulièrement grandes. Le texte que je vous présenterai demain proposera plusieurs améliorations.
Je pense aux assignations à résidence, qui sont un outil puissant pour surveiller, contrôler, isoler les individus radicaux. Nous examinerons des amendements sur ce sujet. Je pense aussi aux perquisitions administratives. À cet égard, je citerai un exemple simple. Il n’y avait pas d’ordinateurs en 1955. Aujourd’hui, internet, les téléphones portables sont les outils de communication quotidiens des terroristes. Il faut être en mesure de perquisitionner ces données.
Je pense aussi, troisième amélioration et je réponds ainsi à votre question et fais écho à celle de Bruno Le Maire il y a un instant, qu’il faut lutter très concrètement contre le radicalisme, l’extrémisme, les associations salafistes. Cela suppose de s’attaquer aux mosquées radicales, aux mosquées salafistes, et de pouvoir dissoudre les associations ou groupements de fait qui les constituent.
Nous poursuivrons bien sûr les expulsions d’imams étrangers qui se livrent à des prêches insupportables par rapport aux valeurs de la République, qui représentent une véritable incitation à l’action violente. Nous espérons, sans doute dans le cadre de la réforme constitutionnelle, pouvoir améliorer les moyens qui donneront à l’État la possibilité d’expulser encore plus rapidement ces prêcheurs de haine.
Enfin, moderniser l’état d’urgence, c’est aussi l’adapter aux exigences modernes en matière de droit au recours. C’est ce que nous vous proposerons, sans oublier – et je sais que vous y êtes particulièrement attachés, notamment dans cette période – le rôle du Parlement, qui doit remplir sa mission de contrôle de la mise en oeuvre de l’état d’urgence.
Ce chantier législatif extrêmement urgent vous sera proposé demain. Nous sommes convaincus, mais nous en discuterons, qu’il faudra le compléter par d’autres dispositions, notamment par la réforme constitutionnelle, mais ainsi, nous nous donnons des moyens supplémentaires pour lutter contre la violence et contre le terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. La question du Parquet européen revêt une nouvelle urgence avec les attentats terroristes que nous avons vécus et que nous allons peut-être encore vivre en France. Comme l’a souligné le Président de la République devant le Congrès, ces attaques ne visent pas seulement la France, mais menacent toute l’Europe.
Notre Gouvernement, pour la première fois, a demandé à faire jouer le mécanisme de solidarité en matière de défense, prévu par l’article 42-7 du traité de Lisbonne. Les États membres y ont répondu favorablement.
J’aimerais y voir un pas décisif pour une Europe de la défense à même de relever les défis géopolitiques qui sont les nôtres. Mais l’Europe ne peut se transformer en camp retranché.
Certes, l’Union européenne doit se mobiliser, mais elle doit aussi réaffirmer ses valeurs que sont la solidarité et la justice. Nous venons de constater le hiatus entre la France et la Belgique. Il est urgent d’y mettre fin et de renforcer fortement la coopération judiciaire.
Notre Assemblée a adopté, en janvier 2014, une résolution européenne demandant que la compétence du futur parquet européen soit étendue à la lutte contre la criminalité grave ayant des dimensions transfrontières et ne se limite pas à la seule protection des intérêts financiers de l’Union.
Vous vous êtes déjà engagée, madame la garde des sceaux, sur cette question. En janvier dernier, devant vos collègues européens, vous avez plaidé pour accélérer la mise en place de ce parquet. Il apporterait une réponse concrète au crime organisé de manière transnationale. Il permettrait aussi de placer la justice, garante au premier chef des valeurs démocratiques, au coeur du projet européen, question tout aussi importante que la défense ou l’accueil solidaire des réfugiés.
À la veille du Conseil extraordinaire Justice et affaires intérieures du 20 novembre prochain, pensez-vous, madame la garde des sceaux, demander à nouveau l’accélération des négociations sur le parquet européen et l’extension de ses compétences ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Madame la députée, comme vous l’avez rappelé, le parquet européen a pour fondement juridique l’article 86 du traité de Lisbonne. La France a été extrêmement active et très offensive en termes d’initiatives, puisque c’est à l’occasion d’un déplacement à Berlin en février 2013 qu’avec mon homologue, nous avons engagé une initiative commune de façon à accélérer la mise en place d’un calendrier pour l’instauration, la création de ce parquet européen.
Dès le début, nous avons indiqué – c’était d’ailleurs une légère divergence entre la France et l’Allemagne – que nous étions très volontaires pour que la compétence de ce parquet européen s’étende au-delà des atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne, à la criminalité grave, au terrorisme et même à la fraude complexe transfrontalière de la TVA, aux carrousels de TVA.
Nous avons beaucoup avancé. Pratiquement à chaque conseil des ministres européens, le parquet européen était à l’ordre du jour. Parce qu’il fallait régler des questions de structure, nous avons opté pour une structure collégiale qui permet une compatibilité entre nos systèmes juridiques et judiciaires. Il y avait des questions de procédure à régler, nous les avons réglées en mutualisant les mesures d’enquête.
Il y avait des questions d’autorité juridictionnelle pour engager l’action, nous les avons réglées également. Il y avait la question des enquêtes transfrontalières et de l’admissibilité des preuves, nous avons également réglé cela.
Nous avons pu accélérer, sous présidence lettone, puis sous présidence luxembourgeoise. Nous conservons encore l’espoir que d’ici à la fin de l’année, nous puissions véritablement installer le parquet européen. Nous sommes en effet persuadés que cela sera un plus considérable par rapport aux instruments non négligeables dont nous disposons actuellement, c’est-à-dire le mandat d’arrêt européen, les équipes communes d’enquête ou l’entraide pénale internationale avec les pays de l’Union européenne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, ce matin encore, nos forces de sécurité intérieure, nos pompiers, nos médecins et nos soldats ont fait preuve d’un professionnalisme, d’une abnégation et d’un courage remarquables. Comment ne pas penser aussi aux victimes et à leurs familles ? En ces moments si difficiles, nous leur devons une attitude digne et responsable, un engagement sans faille à leurs côtés et une disponibilité totale. Rien ne doit nous écarter de notre mission : l’éradication du terrorisme islamique.
Le Président de la République a annoncé lundi des mesures renforçant l’action sécuritaire dans notre pays. Vous le savez, nous les réclamions depuis plusieurs mois, car l’évolution du contexte international depuis 2013 a radicalement modifié les besoins quant à la sécurité due à nos concitoyens.
Notre devoir a été de vous soutenir à chaque intervention de nos forces armées sur les théâtres extérieurs – au Mali, en République centrafricaine et en Irak. Ce même devoir nous a conduits à vous dire dès les débats sur la loi de programmation militaire, en décembre 2013, que, compte tenu du nouveau contexte international, nous faisions fausse route quant aux moyens donnés à nos armées.
L’actualisation de la loi de programmation militaire a vu une première inflexion. Nous vous avions indiqué qu’elle allait dans le bon sens, mais qu’elle n’était pas suffisante. Le Président de la République vient d’annoncer le gel de toute nouvelle déflation d’effectifs dans nos armées. Ce gel n’interviendra qu’à compter de 2017.
Monsieur le Premier ministre, il faut inverser les choses : c’est dès 2016 que nous devons renforcer les effectifs de nos armées au-delà des seuils prévus par l’actualisation de juillet, car l’engagement de nos forces ne correspond plus à notre contrat opérationnel.
Le temps est à l’unité et à l’action. Monsieur le Premier ministre, allez-vous procéder en ce sens à une nouvelle actualisation de la loi de programmation militaire, et dans quel délai ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous connaissez parfaitement la situation des effectifs, mais puisque vous me donnez l’occasion de rappeler quelques faits, je le fais volontiers. Avec le budget pour 2016 qui a été voté par l’Assemblée nationale, pour la première fois depuis 2008 – et peut-être même depuis plus longtemps –, l’ensemble des effectifs de nos armées sera en augmentation de 2 300 postes. Ce n’était pas arrivé depuis très longtemps.
Vous avez aussi fait remarquer que la montée en puissance de nouvelles missions nécessitait des effectifs supplémentaires. C’est le cas, puisque le budget pour 2015 rectifié et l’actualisation de la loi de programmation militaire permettent la montée en puissance de la force opérationnelle terrestre, avec un accroissement de 11 000 postes, les effectifs passant de 66 000 à 77 000, ce qui permet de remplir aujourd’hui le contrat de protection du territoire et d’atteindre rapidement un effectif de 10 000 militaires présents sur le territoire national en appoint des forces de sécurité intérieure. En trois jours, en effet, l’effectif est passé de 7 000 à 10 000 militaires, dont 5 000 pour la région parisienne.
Cependant, comme vous l’avez souligné, il faut aller plus loin. Le Président de la République a pris la décision de renoncer à toute déflation des effectifs sur l’ensemble de la période couverte par la loi de programmation militaire, laquelle sera révisée afin de permettre à nos effectifs de présenter un solde positif pour les années 2017, 2018 et 2019.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de la justice, permettez-moi tout d’abord, au nom des députés attachés aux valeurs de la République, de vous adresser le témoignage de notre estime et, surtout, de notre profond respect.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Notre pays porte encore le deuil de nos compatriotes tombés depuis le vendredi 13 novembre sous les coups de la barbarie terroriste. Ces atrocités ont été commises à Paris et à Saint-Denis, mais la découverte bouleversante de l’identité et des visages des victimes montre que les femmes et les hommes tombés viennent de tous les territoires de France, de métropole comme d’outre-mer, et même du monde entier. Ce sont 129 de nos frères et soeurs, de nos enfants, de nos cousins, de nos voisins, de nos amis, dont les visages nous hanteront longtemps.
Aujourd’hui, toutes les victimes ont été identifiées. En lien avec la cellule interministérielle d’aide aux victimes, les obsèques vont pouvoir se tenir et les ressources du Fonds de garantie des victimes du terrorisme vont être mobilisées.
Nos pensées accompagnent également les 352 blessés, dont 57 sont toujours en réanimation.
Depuis le 13 novembre, les services de santé, les pompiers et les forces de l’ordre sont à pied d’oeuvre pour venir en aide aux victimes et à leur famille. Nous devons leur rendre hommage pour cette mission.
Pour les victimes et pour notre peuple, la cicatrisation des plaies sera longue. Les pouvoirs publics et leurs agents sont pleinement mobilisés pour venir en aide à toutes les victimes du terrorisme. C’est pour ces victimes que nous devons rester dignes et être à la hauteur de ce moment terrible qui a frappé notre nation.
Madame la ministre, comment l’État organise-t-il le soutien aux victimes et à leur famille après ces terribles événements ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le député, merci pour vos paroles de solidarité, auxquelles je suis profondément sensible.
Pour ce qui concerne la prise en charge des victimes, vous savez que, dès vendredi à vingt-trois heures, nous avons mis en place la cellule interministérielle d’aide aux victimes, qui est hébergée par le ministère des affaires étrangères et mobilise les personnels du ministère de la justice, du ministère de la santé et, bien entendu, du ministère des affaires étrangères lui-même, lequel a mis à notre disposition trois salles, car il nous a fallu ouvrir plus d’une vingtaine de postes d’accueil téléphonique. Depuis vendredi soir y travaillent des professionnels et des bénévoles. Nous avons ouvert samedi un centre d’accueil physique à l’École militaire. Nous avons reçu plus de 8 500 appels à la cellule interministérielle d’aide aux victimes et accueilli plus de 635 personnes.
Comme vous l’avez dit, les 129 personnes décédées ont été identifiées. Du point de vue du protocole scientifique et médical, quelques dernières formalités restent à accomplir, mais les choses sont ainsi en l’état.
Nous allons entrer dans la période très difficile et douloureuse des obsèques et allons tout faire pour dégager les familles de toutes les démarches administratives et de toutes les formalités. C’est donc la cellule qui se chargera de transporter les personnes décédées et nous demanderons aux familles si elles ont choisi une entreprise funéraire, à défaut de quoi nous leur en proposerons. Toutes les dépenses des obsèques seront prises en charge par le Fonds de garantie et, bien entendu, nous accompagnerons les familles qui se trouvent en situation matérielle et financière difficile et délicate. Surtout, nous assurerons un accompagnement sur le long terme.
Les 368 personnes blessées ont droit, elles aussi, à nos services et à notre accompagnement. Comme c’est le cas pour les familles des personnes décédées, elles disposeront d’un référent unique.
J’ai réuni hier les associations et je vous ai donné des informations tout le week-end. Nous restons, bien entendu, à votre disposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le 13 novembre, 130 personnes ont été massacrées en plein Paris. J’ai d’abord une pensée émue pour ces centaines de familles anéanties et ces milliers de vies brisées.
Nous sommes en guerre ; nous allons la gagner. Le chef de l’État a présenté un pacte de sécurité. Oui, mais c’est surtout sur un pacte d’efficacité que les Français nous jugeront. Cette efficacité passe d’abord par une exigence de clarté : après le deuil, nous devrons faire un bilan de ce qui n’a pas fonctionné et en tirer les conséquences.
Aujourd’hui, l’ennemi no l est Daech et ses hordes de barbares qui violent, décapitent, crucifient. Mais Daech n’est qu’un nouvel avatar du djihadisme. D’ailleurs, qui connaissait Daech il y a trois ans ? Personne ! En 1986, déjà, le Hezbollah assassinait à Paris, rue de Rennes, après avoir tué cinquante-huit de nos paras à Beyrouth ; puis le GIA, Al Qaida le 11 septembre, Boko Haram, Al Nosra – et maintenant Daech ! Stop au djihadisme ! Stop aux guerres de religion ! Le monde libre doit en finir avec le djihadisme une fois pour toutes, sunnite ou chiite ! C’est la peste ou le choléra, qui tue à Paris, Ankara, New York ou Jérusalem, cet islamisme qui défigure l’islam, cet islamisme qui défigure le monde !
Je salue le changement de cap du Président concernant la Russie, mais il faut aller plus loin pour définir une stratégie globale. Daech est la priorité absolue, oui, mais c’est une faute morale et stratégique que de choisir les chiites contre les sunnites. Il faut être lucide : le djihadisme ne se développe que parce que des États lui apportent leur concours logistique, financier et militaire. Parmi eux : l’Iran, théocratie djihadiste, la Syrie, son vassal, l’Arabie Saoudite et le Qatar, champions du wahhabisme, et d’autres.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas saisir l’opportunité de la COP 21 pour organiser en parallèle un sommet mondial d’urgence contre le djihadisme ? Pouvez-vous, par ailleurs, nous assurer que jamais notre pays n’engagera d’alliances avec tous ces États qui gangrènent notre politique moyen-orientale depuis près de quarante ans ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous avez raison : c’est l’efficacité qui s’impose. La France, et c’est sa tradition depuis toujours, lutte contre le terrorisme, contre les différentes formes de djihadisme ou d’islamisme radical. Vous avez rappelé un certain nombre de faits qui ont concerné très directement notre pays, qui a été visé à plusieurs reprises ; à chaque fois, nous nous sommes retrouvés ensemble, non seulement pour condamner mais pour agir contre ces actes terroristes.
Ce terrorisme touche d’abord, vous le rappeliez, les pays de la région : Israël, bien sûr, mais aussi les pays de la région, du Proche et du Moyen-Orient. Les premières victimes du terrorisme, ce sont les musulmans eux-mêmes. Nous devons donc combattre au nom de valeurs universelles ce terrorisme. Nous l’avons combattu – et de quelle manière ! – au Mali, quand le Président de la République a décidé d’engager nos troupes pour aider le Mali, mais aussi pour lutter contre le terrorisme qui menaçait de s’emparer de ce pays et qui est très présent dans le Sahel. Contre qui luttons-nous dans le Sahel, où nous sommes toujours présents ? À travers nos opérations, nous luttons contre le terrorisme.
Pour lutter contre le terrorisme, il faut être fort au niveau mondial, d’où l’initiative que nous n’avons cessé de prôner. Un changement majeur a été opéré. Il l’a été, malheureusement, par les conséquences des attentats du 13 novembre dernier. Enfin, il y a une prise de conscience de la communauté internationale : l’Europe avait des exigences, que nous avons rappelées ; la Russie, parce qu’elle a elle-même été directement touchée par un attentat revendiqué par Daech ; les États-Unis d’Amérique, qui sont présents dans la coalition et en sont bien sûr les leaders, avec qui nous travaillons de manière encore plus étroite. Tel est le sens des initiatives du Président de la République pour une résolution du Conseil de sécurité, le sens de ses initiatives, à travers des rencontres la semaine prochaine avec Barack Obama puis Vladimir Poutine, pour constituer cette coalition internationale.
Cette coalition internationale pour abattre le terrorisme – nous espérons qu’elle puisse se mettre en place le plus rapidement possible pour venir en soutien de ceux qui, comme la France, frappent Daech – devra aussi permettre des solutions politiques, notamment en Syrie. Oui, nous devons évidemment combattre tous les terrorismes, toutes les organisations, car c’est bien sûr la même matrice : Al Qaida, les groupes qui lui sont affiliés, et bien sûr Daech. Mais notre ennemi – nous le savons et chacun le dit aujourd’hui parce qu’il nous a attaqués directement, parce qu’il nous a déclaré la guerre –, c’est Daech.
Il y a deux principes : il faudra trouver, à chaque fois, les solutions politiques et diplomatiques, sinon nous connaîtrons les mêmes sorts funestes qu’en Irak ou en Libye, où les interventions n’ont pas été suivies des règlements politiques nécessaires.
Deuxième principe : éviter toute guerre de religion. Si nous intervenons là-bas, ce n’est pas pour faire une guerre de religion, mais tout simplement au nom des valeurs universelles de la paix, de la démocratie et du respect de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Les attentats de vendredi soir nous ont blessés, nous touchent profondément, et je pense en ce moment aux victimes, aux familles endeuillées et aux blessés qui luttent encore pour leur vie. Le nombre des victimes, jeunes pour la plupart, tombées sous les tirs de fanatiques islamistes lâches et barbares, a choqué et meurtri nos concitoyens.
Dans ma circonscription, des habitants choqués, révoltés, en colère, me demandent pourquoi nous avons attendu ces victimes innocentes pour frapper massivement l’État islamique en Syrie. Ils comprennent les frappes répétées sur Rakka ces derniers jours ; mais pourquoi ne pas avoir commencé plus tôt ?
Dans ma circonscription, des habitants choqués, révoltés, en colère, me demandent, après le discours du Président de la République annonçant au Congrès que les forces de l’ordre avaient mené dimanche 168 perquisitions et 23 interpellations, pourquoi avoir attendu qu’il y ait des victimes innocentes. Pourquoi ne pas avoir agi plus tôt ?
Il n’y a pas de polémique dans mes propos : l’heure n’est pas à la polémique. Mais il est de mon devoir de vous transmettre les interrogations légitimes de concitoyens effondrés et choqués qui ont conscience que ces attentats odieux pouvaient toucher des amis, des parents, des proches de passage ou qui vivent à Paris. Je vous remercie de bien vouloir leur répondre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, ces interrogations, ces cris, cette colère, nous les entendons tous, bien sûr. Nous avons été frappés une nouvelle fois au coeur. Vous rappeliez justement, comme Fleur Pellerin il y a un instant, que c’est la jeunesse qui a été touchée. Je suis frappé, comme vous, par les témoignages indirects ou directs, par les portraits dans la presse de ceux et de celles qui sont tombés, des jeunes très souvent, venus de toute la France, venus du monde entier. Nous leur devons une réponse.
La première réponse, c’est bien sûr agir, agir pour être efficace, parce que s’il y a la peur, il y a en même temps la révolte. Ce peuple se tient debout ; vous en avez tous reçu les témoignages dans vos circonscriptions. C’est frapper d’abord là où se trouve le coeur : en Syrie et en Irak, où se trouve le coeur de Daech.
Nous intervenons dans une coalition, même si c’est long et difficile, à la demande du gouvernement irakien. Nous soutenons les troupes du gouvernement irakien mais aussi, je le rappelais hier au Sénat, les Kurdes, qui obtiennent des résultats tout à fait extraordinaires. Je veux d’ailleurs saluer la vaillance et l’engagement des peshmergas kurdes,
Applaudissements sur tous les bancs
qui ont obtenu des résultats, repris des villes, coupé la route entre Mossoul et Rafa. Nous intervenons, nos Mirages et nos Rafales interviennent en Syrie et en Irak.
Nous n’avons pas attendu ces événements pour frapper en Irak ; nous n’avons pas attendu ces événements terribles pour frapper également en Syrie. Mais nous savons que seuls, nous ne pouvons pas gagner cette guerre là-bas et qu’il faut entraîner une coalition. Je rappelais il y a un instant en répondant à Meyer Habib, et le ministre des affaires étrangères également en répondant à la présidente Élisabeth Guigou, la nécessité de cette coalition contre l’ennemi, contre Daech – Daech qui a frappé la Russie : celle-ci a enfin reconnu hier, admis, considéré qu’un avion d’une compagnie russe avait subi un attentat revendiqué par Daech. C’est toute la communauté internationale qui doit se mobiliser.
Pour ce qui nous concerne, en France, nous devons poursuivre, amplifier, approfondir la lutte contre le terrorisme : deux lois antiterroristes, la loi sur le renseignement, une nouvelle loi sur le renseignement actuellement examinée par le Conseil constitutionnel ; des moyens en hommes pour la police, la gendarmerie, nos services de renseignement, nos militaires, les douanes, les services pénitentiaires ; des moyens en investissement, car il est essentiel que nous puissions investir encore davantage pour les forces de l’ordre, en armes, en protections, en véhicules, en équipements, en nouvelles technologies.
C’est un changement : ce changement, nous le portons. Chacun en est convaincu : comme tout pays confronté au terrorisme, l’effort que la France devra faire en matière de sécurité et de défense dans les cinq à dix ans qui viennent sera considérable, ce qui change d’ailleurs notre vision budgétaire. C’est pour cela qu’il fallait augmenter et donner de nouveau des moyens aux forces de l’ordre.
C’est ainsi, avec la loi que nous voterons demain, avec la possible révision constitutionnelle – si nous trouvons le moyen de nous mettre d’accord, ce dont je suis convaincu –, c’est ainsi que nous avancerons et que nous répondrons à toutes ces questions légitimes que vous posent nos compatriotes. Notre devoir, devoir impérieux, devoir sacré, c’est de répondre à nos compatriotes, en ayant en mémoire toutes les victimes qui sont tombées à cause du terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Poser une question à la ministre de la santé après de tels actes de guerre, alors que des femmes et des hommes se battent à cet instant pour la vie, est un exercice difficile.
Mes pensées vont aux victimes, aux blessés, à leurs familles, à leurs amis, ainsi qu’à celles et à ceux qui, tout au long de la chaîne de santé, oeuvrent dans des conditions exceptionnelles : qu’ils soient ici honorés, salués, respectés, admirés et remerciés.
Applaudissements sur tous les bancs.
Même avec le coeur lourd, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de la santé, je pourrais vous interroger sur votre politique de santé, que nous jugeons sans cap ni vision, mais je ne le ferai pas car l’heure est à la concorde.
Face à la souffrance du peuple de France, on ne dit jamais assez à ceux qu’on aime qu’on les aime. Eh bien, mes chers collègues, nous tenions à dire combien nous aimons notre système de santé français.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La santé en France, c’est comme la démocratie : c’est le pire des systèmes mais on n’en a pas trouvé de meilleur.
Si nous sommes en guerre, mes chers collègues, l’hypothèse d’organiser notre système de santé sur des bases nouvelles mérite d’être soulevée et débattue. Évidemment, l’heure n’est pas à la polémique, mais vous ne pouvez ignorer les mouvements de protestation que suscite votre texte sur la santé.
Quel signal, monsieur le Premier ministre, souhaitez-vous envoyer à ces femmes, à ces hommes, à ces médecins, à ces soignants, à ces infirmiers qui se mobilisent sans compter ?
Madame la ministre, sans polémique, ma question est triple. Pourquoi légiférer dans de telles circonstances ? Êtes-vous prête à suspendre les débats et à adapter notre système de santé à la situation actuelle, qui risque d’être durable ? Quel bilan faites-vous du plan blanc à cette heure ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, je veux avec vous, de nouveau, saluer le professionnalisme exceptionnel, remarquable, de tous nos professionnels de santé, depuis ceux qui sont intervenus avec le SAMU jusqu’aux professionnels hospitaliers qui, aujourd’hui encore, prennent en charge des victimes. En effet, à l’heure où je vous parle, 195 personnes sont encore hospitalisées à la suite des attentats de vendredi dernier – et je ne compte pas les victimes des événements de ce matin – ; 41 personnes sont toujours en réanimation et, pour trois d’entre elles, le pronostic vital est engagé.
Je veux donc saluer la réactivité, l’excellence, le professionnalisme de nos hôpitaux, ainsi que les gestes de solidarité des professionnels, libéraux et publics, y compris ceux qui n’étaient pas directement requis sur le terrain.
Je veux vous dire, monsieur le député, que notre système de santé est un des meilleurs qui soient. Ce n’est pas comme la démocratie, pour reprendre la formule de Churchill. Il a fait montre de son extraordinaire capacité d’adaptation et de réactivité. Et d’ailleurs, jour après jour, nous faisons en sorte que son excellence soit préservée.
Savez-vous, monsieur le député, que, le matin même du vendredi 13 novembre, il y avait un exercice associant les hospitaliers, le SAMU et les pompiers pour faire face à d’éventuels attentats ?
Monsieur le député, vous m’interrogez sur le projet de loi relatif à la santé. De nombreux parlementaires souhaitant être présents dans leur circonscription pour des hommages, vendredi en particulier, nous avons pris la décision de reporter l’examen de ce texte au début de la semaine prochaine. Je crois qu’ainsi l’esprit de concorde pourra nous rassembler.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous sommes tous, comme tant de familles et de nos concitoyens, sous le choc et en colère : nulle difficulté à nous retrouver dans l’unité nationale. Je crois que tout ce qui nous unit nous grandit.
Pour autant, un certain nombre de questions se posent. Le Président de la République veut renforcer le contrôle aux frontières et c’est très bien. La principale administration en charge du contrôle des flux transfrontaliers, c’est la douane.
Elle effectue des contrôles globaux de personnes, de bagages, de moyens de transport en tous points du territoire, mais les douanes françaises réalisent aussi des contrôles douaniers d’immigration dans 82 points de passage frontaliers sur 130.
Début 2015, la création de 70 emplois avait été annoncée dans cette administration pour lutter contre le terrorisme, mais le projet de budget que nous examinons ne va pas dans ce sens, évidemment.
Pourtant, les douanes françaises ont un besoin crucial d’effectifs et de moyens. Le plan stratégique Douane 2018, ou PSD, est actuellement mis en oeuvre, mais aucun bilan de la délinquance aux frontières ni aucune étude d’impact n’avaient précédé ce plan.
Si on le maintenait, il y aurait de nombreuses suppressions de brigades et d’unités de garde-côtes. Je crois qu’on ne peut le conserver en l’état, car il est en décalage complet avec la réalité.
Dès lors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple et elle reprend une question écrite que je vous ai adressée le 10 novembre, trois jours avant les lâches attentats. Au-delà des 1 000 postes qui ont été annoncés lundi par le Président de la République, le plan stratégique Douane 2018 a vécu. A-t-il vécu aussi concernant les suppressions d’unités terrestres, aéroterrestres et de garde-côtes ? Allez-vous l’annuler, le suspendre, le réviser ? Quels moyens comptez-vous attribuer aux douanes françaises, gardiennes de nos frontières ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question qui me permet d’insister sur le rôle de la douane. Vous avez évoqué sa mission de contrôle aux frontières : elle est assurée par 16 000 agents en uniforme, qui représentent d’ailleurs une cible pour des attentats potentiels, il faut le savoir.
Dès vendredi matin, nous avions renforcé les contrôles douaniers en prévision de la COP 21. Bien entendu, après la tragédie survenue dans la nuit de vendredi à samedi, nous avons encore renforcé ces contrôles, ce qui nécessite un engagement très fort des douaniers.
Avec Michel Sapin, nous avons dès samedi, en fin de journée, visité la cellule de crise : nous avons pu ainsi mesurer la qualité de la coopération mise en place dans le cadre des enquêtes en cours. Les échanges d’informations sont essentiels, on ne le dit pas assez.
Hier soir, je suis allé rendre visite, à Halluin dans la banlieue lilloise, à nos équipes, à nos brigades, sur le terrain. J’ai mesuré leurs difficultés, parce qu’on rétablit des contrôles à des endroits où les postes de douane ont disparu, tout comme les aires de stockage, et cela sur des axes où la circulation internationale des personnes et des marchandises est une réalité.
Il nous faut trouver le bon équilibre. C’est ainsi que 1 000 emplois supplémentaires ont été annoncés par le Président de la République, en plus des 80 emplois que vous avez mentionnés dans votre question. C’est bien entendu pour nous l’assurance que la mission assignée à nos brigades sur le terrain sera accomplie.
Nous verrons comment adapter le réseau à cette nouvelle donne, compte tenu des nouveaux objectifs que nous nous sommes fixés.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Le Gouvernement a informé le président de l’Assemblée nationale que la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de notre système de santé était retiré de l’ordre du jour des jeudi 19 et vendredi 20 novembre.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie.
Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, ce n’est pas une conjoncture heureuse qui permet à ce texte d’arriver un jour plus tôt que prévu devant la représentation nationale. Même si les mots les plus réconfortants peinent encore à trouver un sens, je voudrais adresser mes pensées les plus sincères aux familles endeuillées, bouleversées par les attentats de Paris.
La famille, l’enfance, la jeunesse ont été durablement meurtries vendredi 13 novembre. Chaque parent, chaque responsable politique s’est interrogé, quand la frayeur a laissé place à la réflexion : comment protéger nos enfants – les nôtres, ceux de nos proches et les générations à venir ?
Nous ne débattrons pas ici des moyens de protéger nos enfants de l’abomination des actes terroristes. Le Président de la République y a répondu lundi devant le Congrès. Ici, humblement, nous soutiendrons une réforme de la politique publique de protection de l’enfance, qui place l’enfant, le respect de ses besoins et de ses droits, son développement complet, au centre de l’action publique et qui, ce faisant, participe de la construction d’une société plus apaisée et harmonieuse.
Lorsque nous avons débattu, en première lecture, de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, en mai dernier, ce texte portait déjà l’ambition d’une réforme. Vous le savez, j’ai engagé durant près d’un an un grand travail de concertation avec les acteurs de la protection de l’enfance, en donnant une acception très large au terme d’« acteurs », puisque j’ai tenu à entendre aussi les anciens enfants de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, les parents et les bénévoles.
La concertation que j’ai engagée a été exigeante : elle a donné lieu à des groupes de travail, des temps d’échanges, des propositions. Elle a demandé du temps, de l’énergie, et parfois le questionnement de ses propres pratiques aux 500 personnes qui ont été mobilisées. Cette exigence fait, je crois, la force de la feuille de route qui a été construite avec les acteurs de la protection de l’enfance.
À l’exigence, j’ajouterai les convictions et les valeurs communes. Ces valeurs ont permis de dépasser les cultures professionnelles, de susciter l’adhésion, de conforter la nécessité d’agir. Ces valeurs, ce sont celles de la Convention relative aux droits de l’enfant, c’est la conviction partagée qu’il est possible de mieux prendre en compte les besoins de l’enfant, de viser l’effectivité de ses droits dans le cadre d’une politique publique bien traitante.
À deux jours de l’anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, à deux mois de l’examen de la France par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, les droits de l’enfant ne s’énoncent pas en principe, ils se traduisent concrètement dans les relations humaines, sociales et institutionnelles. C’est en tout cas l’ambition de chacune des 101 actions de la feuille de route 2015-2017 pour la protection de l’enfance.
Traduire les principes de la Convention relative aux droits de l’enfant, c’est avant tout ancrer dans le quotidien des familles et des professionnels qui les entourent des repères effectifs qui permettront de mieux répondre aux besoins de l’enfant, dans leur pluralité. Protéger l’enfant, ce n’est pas uniquement lui garantir le respect de son intégrité physique, c’est aussi le soutenir, lui et toutes les ressources qui l’entourent, en vue de garantir le développement de ses capacités.
À partir de ce socle fondateur ont été définies les trois grandes orientations de la réforme : mieux tenir compte des besoins de l’enfant, pour soutenir sa réussite et garantir la cohérence de son parcours ; améliorer le repérage et le suivi des situations de maltraitance ; enfin, développer la prévention à tous les âges de l’enfance.
Ces orientations traduisent des intentions partagées, mais elles doivent s’appuyer sur des mesures qui accompagneront les évolutions souhaitées, guideront les professionnels et permettront que ces intentions se traduisent effectivement sur le terrain. En effet, identifier les dysfonctionnements et poser de grands objectifs, cela ne suffit pas à modifier durablement les pratiques. J’ai donc pris des mesures afin de renforcer la gouvernance de la protection de l’enfance – question sur laquelle le travail interministériel devra être exemplaire –, adapter la formation aux besoins des équipes et des cadres, et développer la recherche et la diffusion des connaissances.
La feuille de route, c’est évidemment accompagner les professionnels dans l’évolution de leurs pratiques, mais c’est aussi faire évoluer la loi quand cela s’avère nécessaire. Le texte dont nous débattons aujourd’hui est l’assise législative de la réforme que je mène.
La loi est un outil, lorsqu’il s’agit d’améliorer les dispositions existantes, de mieux encadrer les visites médiatisées, de clarifier les conditions de saisine de l’autorité judiciaire ou de désigner un médecin référent dans chaque département.
La loi est un message, elle affirme des principes lorsqu’il s’agit d’inscrire dans le code de l’action sociale et des familles la prise en compte des besoins de l’enfant comme le coeur de la protection de l’enfance. Elle est le reflet de la société que nous avons l’ambition de construire.
La loi dessine enfin le contour de l’action, les responsabilités de chacun dans la mise en oeuvre de ce dessein commun. La protection de l’enfance relève, en termes de compétences, de financement, de mise en oeuvre, des conseils départementaux mais, lorsqu’il s’agit de garantir à chaque enfant la même protection sur l’ensemble du territoire, de lui garantir le bien-grandir, l’épanouissement, la place qu’il construit petit à petit, c’est aussi une mission de l’État, une mission régalienne. C’est bien l’État qui est garant au plan national et international de la protection de l’enfance.
Les actions de l’État et des départements ne sont pas concurrentes, elles sont complémentaires. Elles se renforcent dans le cadre d’un travail partenarial. Les départements sont les principaux acteurs de la protection de l’enfance. C’est pourquoi je les ai d’emblée associés au travail que j’ai engagé, et je regrette qu’à certains moments de la navette parlementaire, prérogatives départementales et prérogatives étatiques aient pu être opposées et que cette opposition se soit traduite par l’adoption au Sénat d’amendements de suppression de dispositions que vous aviez adoptées.
Sous l’impulsion de Mme la rapporteure, dont je salue le travail, de même que celui des membres de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, ont été réintroduites de nombreuses dispositions supprimées au Sénat, que le Gouvernement a également soutenues.
Parmi ces dispositions, il y a, à l’article 1er, une instance nationale de pilotage de la protection de l’enfance à la fois opérationnelle et interministérielle. Le Conseil national de protection de l’enfance, le CNPE, permettra d’organiser le lien entre les différents champs professionnels et de donner une véritable impulsion à la politique publique de protection de l’enfance. C’est une attente forte des acteurs de la protection de l’enfance.
La commission a également souhaité réintroduire, dans leurs formes initiales, les mesures de soutien aux jeunes majeurs.
Tous les anciens de l’aide sociale à l’enfance que j’ai rencontrés dans le cadre de la concertation me l’ont dit, le moment le plus difficile, le plus brutal, c’est la sortie du dispositif parce qu’on a 18, 19, 20 ou 21 ans. Du jour au lendemain, ces enfants, ces jeunes adultes dont le parcours a déjà été émaillé de ruptures se retrouvent désemparés, souvent isolés et, parfois même, à la rue, sans ressources, sans toit.
Accompagner ce moment charnière de leur parcours, c’est le sens des dispositions que j’ai souhaité introduire dès la première lecture à l’Assemblée nationale et dont nous avons déjà discuté. Je vous sais majoritairement convaincus de leur bien-fondé, puisque vous les avez adoptées alors et que vous l’avez fait à nouveau en commission : il s’agit d’abord de la possibilité pour les jeunes, selon le souhait du Président de la République, d’être accompagnés au-delà de la mesure de protection afin de leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire en cours, ce qui est bien le moins ; et ensuite du versement de l’allocation de rentrée scolaire non pas au département, comme l’aurait souhaité le Sénat, mais au jeune, directement, afin qu’il puisse bénéficier d’un petit pécule à lui, qui soit une aide dans les premières démarches de sa vie d’adulte, mais aussi le symbole de la confiance et de l’attention que lui portent, au moment si particulier et symbolique de l’entrée dans la vie d’adulte, les institutions qui l’ont soutenu enfant.
J’ai reçu cette semaine à mon cabinet le témoignage d’une mère de famille qui accueille chez elle une amie de sa fille parce que, à 18 ans, celle-ci s’est retrouvée à la rue en sortant de l’ASE. Je vous en livre deux phrases. « Cette jeune fille est désespérée, disant qu’elle n’est rien, qu’elle n’existe pas ! » « Avez-vous des solutions pour que cette jeune fille ait une petite ressource ? » Ce que nous dit ce témoignage, c’est que les postures doivent savoir s’effacer devant les réalités.
Ainsi, ces mesures viendront conforter l’action que porte la proposition de loi en faveur de l’accompagnement des jeunes majeurs et dont le principe fait consensus. Je pense notamment à la construction systématique, avec le jeune, d’un projet d’accès à l’autonomie ou au travail de coordination conclu par les préfets et les présidents de conseil départemental, avec le concours des acteurs de la cohésion sociale, de la santé, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, pour favoriser l’autonomie des jeunes de l’ASE.
Le décloisonnement, la mise en place d’espaces permettant d’échanger des informations, de s’enrichir de l’expérience et du regard d’autres professionnels, le tout dans l’intérêt de l’enfant, constituent certainement l’une des avancées majeures de la réforme de la protection de l’enfance.
Les députés de la commission des affaires sociales l’ont bien compris quand ils ont soutenu le rétablissement dans le texte des commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles chargées de l’examen régulier des situations des enfants les plus vulnérables.
À quelques jours de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, je voudrais saluer la détermination de la délégation aux droits des femmes et de sa présidente lorsque les droits des enfants et les droits des femmes se répondent directement. Renforcer la lutte contre la maltraitance, c’est aussi continuer de sensibiliser les professionnels et le grand public au fait que l’enfant témoin de violences intrafamiliales ou conjugales est aussi une victime de ces violences.
Il n’est jamais inutile de rappeler que l’aide sociale à l’enfance ne limite pas son action au placement d’enfants maltraités par des parents violents. L’aide sociale à l’enfance, ce sont aussi des enfants oubliés, carencés, ce sont des parents en difficulté, parfois même dépassés, hospitalisés, qui, à un moment de leur vie, ont besoin d’être aidés pour assumer leurs responsabilités éducatives.
Bien sûr, les mesures de l’aide sociale à l’enfance se mettent en place pour protéger les enfants avant tout, mais la protection des enfants n’empêche pas, au contraire, d’accompagner aussi les parents, en les conseillant, en les aiguillant, en les écoutant, parfois aussi en les déculpabilisant. Il n’est pas facile d’être parent aujourd’hui, entre une parentalité que l’on n’interroge pas parce que, génération après génération, on a toujours élevé des enfants, et c’est donc tellement simple, et une parentalité que l’on interroge trop devant la multitude d’injonctions contradictoires.
On ne peut pas défendre le meilleur intérêt de l’enfant sans envisager son environnement immédiat, celles et ceux qui l’entourent, les relations humaines qu’il a déjà construites, ses affects, ses repères. L’enfant, âge à part, n’est pas un monde à part.
C’est pourquoi la prévention s’est rapidement imposée comme une priorité de la feuille de route. Vous la retrouvez aussi dans ce texte, dans les mesures qu’a soutenues le Gouvernement en première lecture à l’Assemblée nationale, en positionnant clairement dans le code de la santé publique l’entretien prénatal précoce comme un temps dédié à la prévention, ou encore en favorisant la création de centres parentaux, parce que défendre le meilleur intérêt de l’enfant, c’est aussi faire de la protection de l’enfance une politique publique qui ne soit plus stigmatisante.
Envisager l’enfant dans son environnement, c’est enfin prendre appui, quand l’intérêt de l’enfant le demande, sur les ressources qui existent à proximité, quitte à parfois sortir des sentiers battus, des logiques institutionnelles. C’est en ce sens que nous avons fait évoluer la définition du projet pour l’enfant, que j’ai voulu inscrire le parrainage, les solidarités de proximité, la prévention par les pairs comme de véritables mesures de prévention.
Placer l’enfant au centre, croiser et enrichir les approches et les interventions, envisager l’enfant dans son parcours et son environnement, repenser les solidarités : nous inscrivons par cette réforme l’innovation au sein de nos politiques sociales. Placer l’enfant au centre, ce n’est pas réformer la protection de l’enfance, c’est construire une véritable politique de l’enfance.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’associe à mon tour à l’hommage rendu aux familles, aux enfants touchés par les horreurs du terrorisme dans notre pays. Quel contexte difficile pour parler de l’enfance en danger ! Mais nous devons poursuivre notre travail. Les enfants incarnent l’avenir, l’espoir, notre force.
Protéger l’enfant, alors qu’il ne trouve pas dans sa famille les bonnes conditions de sa sécurité et de son épanouissement, l’accompagner pour lui donner les meilleures chances de réussir sa vie d’adulte, tel est l’enjeu fondamental de ce texte, qui vient renforcer la loi de 2007.
Environ 300 000 jeunes sont concernés par l’aide sociale à l’enfance, compétence assurée par les départements. Merci à notre collègue sénatrice Michelle Meunier, qui, avec Muguette Dini, a été à l’initiative de cette proposition de loi. Merci à vous, madame la secrétaire d’État, d’avoir contribué à faire évoluer ce texte pour répondre aux insuffisances du cadre législatif de 2007. Vous l’avez fait après une large concertation saluée par les professionnels et les personnes directement concernées par l’aide sociale à l’enfance.
Je tiens à saluer le travail qui a été réalisé par le Sénat lors de l’examen, en deuxième lecture, de la présente proposition de loi. Nous avons de grandes divergences mais l’examen du texte s’est passé de manière plutôt constructive.
À l’issue des travaux de la Haute assemblée, huit des cinquante et un articles de la proposition de loi qui restaient en discussion au terme de la première lecture à l’Assemblée nationale ont été adoptés conformes. Un autre, l’article final de gage financier, a fait l’objet d’une suppression conforme. Il restait donc quarante-trois articles en navette ; la commission en a adopté vingt sans leur apporter de modification.
Un certain nombre d’avancées majeures contenues dans la proposition de loi ont été confortées et enrichies par le Sénat, notamment celles prévues à l’article 5, qui tend à préciser le rôle et le contenu du « projet pour l’enfant », ainsi que les modalités de son élaboration. Le projet pour l’enfant est au coeur de ce texte, et ces précisions sont fortement attendues par les professionnels qui oeuvrent chaque jour aux côtés des familles et des enfants en difficulté.
En première lecture, la commission avait adopté, à mon initiative ainsi qu’à celle de Mme Françoise Dumas et des commissaires du groupe socialiste, républicain et citoyen, deux amendements identiques proposant une nouvelle rédaction de l’article 5. Il s’agissait en effet d’élargir son champ d’application à l’ensemble des enfants bénéficiant d’une décision de protection de l’enfance, que celle-ci soit de nature administrative ou de nature judiciaire, hors aides financières.
Cette nouvelle rédaction tend par ailleurs à mieux prendre en compte, dans l’élaboration et la mise en oeuvre du projet, les ressources de l’environnement de l’enfant, en y reconnaissant la place des personnes qui s’impliquent auprès de lui. Elle tend à faire de l’enfant l’acteur central du projet, puisqu’il est précisé que le mineur est associé à son établissement « selon des modalités adaptées à son âge et à sa maturité ».
En séance publique, notre Assemblée a précisé, sur proposition de Mme Chantal Guittet et de plusieurs de nos collègues, que le projet pour l’enfant devait prendre en compte les relations personnelles entre les frères et soeurs, lorsqu’elles existent, afin d’éviter les séparations, sauf, bien sûr, si cela est impossible ou si l’intérêt de l’enfant impose une autre solution.
À l’initiative de M. Joël Aviragnet, notre Assemblée a voulu préciser que l’élaboration du projet pour l’enfant comprendrait une évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soins qui devraient être intégrés au document. Joël Aviragnet a quitté notre assemblée en septembre mais je le salue et le remercie de s’être engagé et d’avoir contribué à faire progresser la protection de l’enfance grâce à son expérience de professionnel au service de l’enfance et des adolescents.
Le Sénat n’a pas remis en cause ces avancées. Outre des amendements rédactionnels et de coordination, la commission des affaires sociales de la Haute assemblée a adopté deux amendements de sa rapporteure afin de garantir, d’une part, que le projet pour l’enfant soit communicable à chacune des personnes physiques ou morales qu’il identifie, selon les conditions relatives à l’accès aux documents administratifs prévues par la loi du 17 juillet 1978, et, d’autre part, que les autres documents relatifs à la prise en charge de l’enfant, notamment le document individuel de prise en charge et le contrat d’accueil dans un établissement, s’articulent bien avec le projet pour l’enfant.
Par ailleurs, l’introduction dans le code pénal de la qualification d’inceste constitue une avancée essentielle de cette proposition de loi. Elle est très attendue par ceux et celles qui ont été victimes d’agressions sexuelles et à qui l’on doit cette reconnaissance de qualification.
Le Sénat a adopté trois amendements permettant d’améliorer la définition de l’inceste retenue à l’article 22.
Le premier amendement a supprimé la condition d’autorité de droit ou de fait pour les incestes qui seraient commis par le frère, la soeur, l’oncle, la tante, le neveu ou la nièce. Il ne semble, en effet, pas opportun de prévoir cette condition et de qualifier différemment, par exemple, un viol ou une agression sexuelle commis par un grand frère ou une grande soeur, ayant une autorité de droit ou de fait, et ceux commis par un frère ou une soeur plus jeune n’ayant pas cette autorité.
Le deuxième amendement a exclu de la qualification d’inceste les actes commis par le tuteur ou le délégataire de l’autorité parentale. Cette suppression nous paraît nécessaire car un tel ajout aurait permis de qualifier d’inceste une agression sexuelle alors qu’il n’existerait entre l’enfant et l’auteur de l’infraction aucun lien familial ou d’alliance.
Le troisième amendement a exclu de la qualification d’inceste les actes commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin et l’ancien partenaire lié par un PACS. Cette suppression est elle aussi pertinente, car cette mention rendrait possible la condamnation d’une personne pour inceste à l’encontre de l’enfant d’un ancien compagnon ou d’une ancienne compagne né après leur séparation et avec lequel il n’a aucun lien familial.
Néanmoins, la convergence de vues entre les deux assemblées n’est que partielle et un certain nombre de sujets importants continuent de faire l’objet de désaccords.
Tel est notamment le cas de l’article 5 EA, qui prévoit l’accompagnement des jeunes majeurs au-delà du terme de la mesure de protection dont ils font l’objet. Au stade de l’examen de la proposition de loi en séance publique, le Sénat a supprimé cet article, que la commission a bien sûr rétabli depuis.
Les mineurs pris en charge doivent continuer à être accompagnés après leur majorité. C’est notamment le cas de ceux qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel ou de ceux qui rencontrent des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou service à caractère expérimental. Ces mineurs doivent se voir proposer un accompagnement une fois qu’ils sont devenus majeurs, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. De la même façon, les majeurs âgés de moins de vingt et un an qui éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, et qui sont, pour cette raison, pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance doivent se voir proposer le même accompagnement.
Sans supprimer l’article 5 ED, le Sénat a modifié de façon substantielle le dispositif voté par notre Assemblée en première lecture qui prévoyait que, lorsqu’un enfant est confié au service de l’aide sociale à l’enfance, l’allocation de rentrée scolaire ou la part d’allocation différentielle qui lui est due doit être versée à la Caisse des dépôts et consignations. La Caisse des dépôts et consignations en assurera la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, jusqu’à son émancipation. À cette date, le pécule sera attribué et versé à l’enfant.
Contre l’avis de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement prévoyant désormais que, lorsqu’un enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant serait versée à ce service, soit au département. Jugeant au contraire que doter les jeunes majeurs, à leur sortie de l’ASE, d’un pécule constitué par le versement de l’allocation de rentrée scolaire est une mesure innovante de nature à faciliter leur entrée dans la vie adulte, la commission a rétabli, et précisé, cet article qui avait été retenu par l’Assemblée nationale en première lecture.
Pour nous prononcer sur cette mesure, pensons d’abord à l’enfant et à son avenir. Le témoignage dont vous venez de nous faire part, madame la ministre, relatif à cette famille qui a dû accueillir une jeune fille sortant de l’ASE, démontre combien cette mesure est bonne. Je vous remercie donc de cette initiative particulièrement innovante qui témoigne de notre confiance donnée à ces jeunes majeurs marqués par une enfance perturbée.
Parmi les autres modifications importantes auxquelles le Sénat a procédé et que notre assemblée ne saurait approuver, il faut citer : la suppression des dispositions de l’article 1er qui prévoient la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance ; celle de l’article 2 ter, relatif au suivi des mesures prises pour lutter contre l’absentéisme scolaire et le décrochage, et que la commission a rétabli sur proposition de Mme Sandrine Doucet ; la suppression de l’article 7 – sur laquelle notre commission est également revenue – qui prévoit que le président du conseil départemental devra mettre en place une commission pluridisciplinaire pour examiner les situations d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance depuis plus d’un an, lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins – cet examen devant avoir lieu tous les six mois lorsqu’il s’agit d’enfants de moins de 2 ans.
Le retour à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture, de l’article 21 ter, relatif à l’encadrement du recours aux tests osseux, me semble nécessaire et adapté pour protéger les mineurs d’une utilisation abusive et arbitraire de ces tests. L’encadrement strict du recours aux tests osseux dans la rédaction que nous avons adoptée en première lecture apporte les garanties nécessaires aux mineurs, sans qu’il soit nécessaire de créer, dans chaque département, un comité d’éthique chargé de statuer sur la minorité ou la majorité des personnes à partir des éléments d’évaluation. Par ailleurs, la codification de cet encadrement strict dans le code civil demeure souhaitable, à savoir que la réalisation de ces tests ne peut se faire qu’à la demande du juge, avec l’accord du mineur, le doute lui bénéficiant.
Enfin, ne saurait être retenue la rédaction adoptée par le Sénat à l’article 22 quater, qui prévoit l’obligation, pour les départements, de transmettre au ministère de la justice les informations dont ils disposent sur le nombre de mineurs isolés étrangers présents sur leur territoire. Cette transmission d’informations permet au ministère de la justice de fixer des objectifs de répartition proportionnés aux capacités d’accueil de ces mineurs dans les différents départements. Nous souhaitons mettre en place un dispositif de solidarité nationale entre les départements : l’article 22 quater ne peut donc prévoir une simple évaluation des capacités d’accueil des départements.
Mes chers collègues, cette proposition de loi comporte des avancées considérables pour mieux garantir une égalité de traitement de l’enfance en danger ou en risque de l’être, sur l’ensemble de notre territoire national ; mieux détecter des situations d’enfants en danger ; mieux protéger des milliers d’enfants qui aspirent à vivre dans un cadre stabilisé leur permettant le meilleur épanouissement ; mieux coordonner l’action des nombreux partenaires qui interviennent au quotidien auprès de nos enfants.
Pour ces raisons, je vous invite à adopter la présente proposition de loi en deuxième lecture, qui a reçu l’avis favorable de notre commission des affaires sociales. Œuvrons ensemble pour que les situations de Marina, de Damien et des autres ne puissent plus se reproduire. Ce texte le permettra.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Au titre de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, je voudrais vous signaler, madame la présidente, que le Conseil immobilier de l’État, qui existe depuis dix ans environ, tient l’une de ses deux réunions non pas dans le Palais Bourbon, mais au 101, rue de l’Université. Or, il vient de nous être interdit de siéger ce jour, alors que ce conseil est rattaché au ministère du budget et qu’il est composé de personnes parfaitement identifiées depuis très longtemps : des membres de la Cour des comptes et de l’inspection générale des finances, des parlementaires – deux sénateurs et deux députés – et quelques autres personnalités qui peuvent rendre compte de leur engagement républicain. Nous auditionnons des ministères et des opérateurs de l’État.
Je ne sais si c’est la questure, la présidence ou l’administration qui a pris cette décision. Je comprends que, dans la situation actuelle de notre pays, un colloque mérite des précautions et une sécurité particulières, lesquelles ont un coût, mais qu’un conseil qui se réunit depuis dix ans une fois par mois au 101, rue de l’Université soit empêché de siéger, je ne le comprends pas. Si certains veulent se mettent aux abris, qu’ils y aillent ! Nous avons entendu cet après-midi une Assemblée nationale qui exprimait, debout, son union pour la République, mais de telles décisions remettent en cause tous ses engagements.
Monsieur le député, compte tenu des événements dramatiques subis par le pays vendredi dernier, une décision de principe a été prise par la questure et par la présidence de l’Assemblée nationale de ne pas autoriser, cette semaine, l’accès de l’Assemblée nationale aux personnes extérieures, même préalablement enregistrées. Vous comprendrez que cette décision ne saurait admettre aucune dérogation.
Ces règles sont rappelées dans un courrier que le président et les questeurs adresseront à chaque député aujourd’hui même. Dès la semaine prochaine, pour peu que l’enregistrement ait été fait trois jours à l’avance, ces réunions pourront se tenir à nouveau, afin que nous puissions continuer de travailler dans de bonnes conditions.
Monsieur le député, au-delà de cette difficulté que vous, et d’autres, rencontrez aujourd’hui, je suis certaine que vous comprendrez ce choix et le partagerez.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, pour ma première prise de parole devant l’hémicycle depuis les attentats, je voudrais m’incliner devant la mémoire des victimes, m’associer à la douleur des familles et des proches et saluer le courage des forces de l’ordre, des pompiers et des équipes de santé qui sont intervenus de manière admirable tout au long de la nuit et encore ce matin en Seine-Saint-Denis.
En ces temps troubles, permettez-moi, chers collègues, d’introduire mes propos en citant quelques vers de Gérard de Nerval :
« Qu’ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain. »
Ces lignes extraites du poème L’Enfance offrent un écho tout particulier à la proposition de loi que nous examinons à nouveau aujourd’hui. On pourrait estimer que la solidité de notre cohésion sociale se mesure à l’aune de notre capacité à protéger les plus faibles et, parmi eux, nos enfants. Ne dit-on pas que la capacité de protection des plus faibles est la définition même de la civilisation – comme ce mot résonne encore plus singulièrement depuis cette terrible nuit de vendredi !
S’investir pour les jeunes, en particulier pour les mineurs en danger ou qui risquent de l’être, est sans aucun doute une lourde responsabilité. Permettre à des enfants abandonnés, maltraités et traumatisés de grandir afin d’entrevoir un avenir d’adulte serein et confiant est une tâche éminemment difficile. La protection de l’enfance est une politique essentielle qui concerne près de 300 000 jeunes pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Elle poursuit un objectif de cohésion sociale, en protégeant les enfants issus de familles que la vie a fragilisées, abîmées, parfois détruites.
Huit ans après la promulgation de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, force est de constater que, malgré des avancées importantes, son application se caractérise encore par des carences, des retards et des inégalités territoriales. Il n’est pas ici question de mettre en cause l’équilibre de cette loi qui a constitué, depuis la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements, la première réforme d’ampleur de la protection de l’enfance, mais il nous faut faire évoluer la loi et les pratiques des professionnels sur certains points précisément identifiés.
À titre d’exemple, chacun conviendra que la législation actuelle n’apporte pas de réponses satisfaisantes au problème majeur de l’instabilité des parcours des mineurs pris en charge. Il est nécessaire de renforcer l’action des départements, chefs de file de l’aide sociale à l’enfance. S’ils sont animés d’une réelle volonté de faire évoluer leurs pratiques, ils se heurtent souvent à différentes difficultés : une augmentation du nombre de placements ; une augmentation de la durée moyenne des placements ; des situations très complexes ; l’arrivée, de plus en plus, de jeunes étrangers isolés ; et cela dans un contexte budgétaire particulièrement dégradé.
Face à des dépenses sociales en progression continue et menacés – le terme est faible – par une inadéquation des concours de l’État pour compenser leurs charges, les conseils départementaux sont confrontés à une véritable impasse budgétaire. Pourtant, malgré les contraintes financières, le travail accompli par l’ensemble des personnels institutionnels et associatifs est à saluer. Chaque jour, ils sont confrontés à la vulnérabilité et à la fragilité de ces enfants et ils travaillent avec détermination, dévouement et courage pour les aider. Je souhaite leur rendre ici solennellement hommage.
Cette proposition de loi doit permettre de stabiliser le parcours de l’enfant, de lui donner les moyens de construire un projet stable, de se construire, alors que la vie l’a profondément bouleversé. Si chacun s’accorde sur les principes qui sous-tendent le vote d’une nouvelle loi relative à la protection de l’enfance, les débats sont vifs entre le Sénat et l’Assemblée.
Je pense notamment à l’article 1er de la proposition de loi qui prévoit la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance. Cet organisme serait chargé de proposer au Gouvernement les grandes orientations nationales de la protection de l’enfance, de formuler des avis et d’évaluer la mise en oeuvre des orientations retenues. Il apparaît ici indispensable de conférer à la protection de l’enfance une impulsion nationale, compte tenu – cela a été dit et répété – du manque de coopération et de la persistance d’un cloisonnement entre les différents secteurs d’intervention. Aussi, dans cette perspective, selon l’UDI, la création d’un tel organisme va dans le bon sens.
L’article 4 prévoit la désignation, dans chaque service départemental, d’un médecin référent pour la protection de l’enfance, chargé d’établir des liens de travail réguliers entre les services départementaux, la cellule de recueil des informations préoccupantes, les médecins exerçant dans le département et, bien sûr, les médecins scolaires. Ce dispositif devrait permettre de repérer les situations de négligence, de maltraitance ou de danger avec plus d’efficacité qu’aujourd’hui. Il est inacceptable de rester passifs quand des enfants continuent de mourir sous les coups de parents violents, et ce alors même que les situations familiales sont connues des services. J’espère sincèrement et profondément que ce nouveau dispositif mettra fin à cette souffrance indicible et parfois invisible.
Par ailleurs, le groupe UDI, qui avait porté et défendu une proposition de loi modifiant le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles sur les mineurs, soutient tout particulièrement l’inscription de l’inceste dans le code pénal. En effet, l’introduire dans notre droit en tant qu’infraction à part entière participera à reconnaître enfin la spécificité des violences et des traumatismes endurés par les enfants qui en sont victimes. Il n’en était que temps. Comment se fait-il qu’il ait fallu attendre 2015 pour qu’une telle modification soit enfin introduite dans notre législation ?
À travers cette proposition de loi, qui s’inscrit dans le prolongement de la mission d’information qui avait été confiée à Mmes Dini et Meunier, des dispositions utiles sont proposées. Elles ont été complétées et enrichies par les travaux du Sénat et de l’Assemblée, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Notre seule crainte bien sûr, et je crois qu’elle est partagée sur tous les bancs, porte sur la capacité du département à assumer financièrement ces mesures dans un contexte budgétaire que chacun sait particulièrement contraint. Pour mémoire, les départements consacrent chaque année déjà 7 milliards d’euros à l’aide sociale à l’enfance, soit environ 20 % de leurs dépenses d’action sociale, et les dispositifs sont saturés. Malgré cette réserve, cette proposition de loi allant dans le bon sens, le groupe UDI la soutiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, je pense comme vous à celles et ceux qui manquent, à celles et ceux qui souffrent, à celles et ceux qui aident, à celles et ceux qui soignent, à celles et ceux qui enquêtent, à celles et ceux qui protègent et à celles et ceux, si nombreux, qui pleurent mais sont debout. Au lendemain de ces trois jours de deuil national, il est de notre responsabilité de poursuivre tout de même notre action de parlementaires, particulièrement en faveur des plus fragiles. Mais mes premiers mots vont bien sûr au soutien aux victimes des atrocités qui se sont déroulées à Paris et en région parisienne, ainsi qu’à leurs proches. Notre émotion est immense et notre unité précieuse. Je tiens à saluer le courage des nombreuses personnes qui ont contribué aux opérations médicales ou aux opérations de sécurité.
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi sur la protection de l’enfance. C’est une mission importante de la puissance publique, à l’égard d’enfants déjà malmenés par la vie. L’enjeu est de leur offrir une protection nécessaire et adaptée, des conditions de vie dignes ainsi que la garantie du respect de leurs droits. S’agissant d’enfants, ce sont donc bien plus que les seuls besoins matériels ou les droits à la santé et à la sécurité qui sont en jeu mais, bien plus largement et parfois plus essentiellement, les besoins affectifs, intellectuels ou encore sociaux.
Il est dès lors indispensable de définir un véritable parcours d’accompagnement pour ces enfants dont le début de la vie a été douloureux. En effet, l’enfance est une période déterminante dans la construction d’un être humain. Il est donc nécessaire de pallier les troubles causés par une enfance difficile à l’aide d’un véritable accompagnement qui leur permette d’entrevoir un avenir meilleur.
Les services de protection de l’enfance ont la charge de près de 300 000 enfants et jeunes. Près de 7 milliards d’euros sont investis chaque année par nos départements en faveur de cette mission d’action sociale. Actions de prévention, de présence éducative, soutien aux parents en difficulté, mais aussi, bien sûr, placement de certains enfants : ces missions essentielles ont aujourd’hui besoin d’être renforcées.
En effet, de trop nombreux cas de maltraitances ne sont encore détectés que trop tardivement par ces services. Selon les associations, 100 000 enfants seraient, au moment où nous débattons de ce texte, en danger sur notre territoire, dont 20 000 physiquement maltraités. Il s’agit donc de prendre sans tarder les mesures nécessaires afin de pallier les difficultés rencontrées encore aujourd’hui par les services de protection de l’enfance, à commencer par l’insuffisance de la formation des professionnels concernés, qu’il s’agisse du personnel éducatif ou médical. De plus, certains secteurs d’intervention ont encore du mal à travailler ensemble alors que leur coopération permettrait de mieux identifier les situations à risque. Enfin, il demeure de fortes disparités territoriales.
Plusieurs dispositions contenues dans ce texte constituent autant de réponses adéquates aux enjeux que je viens d’évoquer. Ainsi, grâce à la diversification des modes d’accueil et d’accompagnement des enfants, la particularité de chaque situation aura plus de chances de trouver la réponse la mieux adaptée. La possibilité offerte aux parents de très jeunes enfants ou d’enfants à naître d’être accueillis en centre parental pour favoriser les premiers liens d’attachement et garantir un soutien éducatif me semble également devoir être soulignée. L’accompagnement des parents, parfois démunis face à la tâche éducative, est aussi une très bonne mesure. Les écologistes sont très sensibles à l’aide à la parentalité car la protection de l’enfant commence bien avant les constats alarmants de dysfonctionnements. Il faut encore mentionner le développement de l’accueil par un tiers, à titre bénévole, d’un enfant pris en charge par l’aide sociale à l’enfance lorsque c’est dans l’intérêt de ce dernier : la mention de ces dispositions, introduites par la rapporteure, est d’ailleurs l’occasion de saluer le travail qu’elle a accompli sur ce texte. Le suivi de l’enfant et de sa mère ayant accouché dans le secret avant de se rétracter est une autre disposition de bon sens, protectrice pour l’enfant et rassurante pour la mère. Nous veillerons à ce que les moyens alloués à l’application de cette mesure soient suffisants dans les faits.
Mais la protection de l’enfance recouvre aussi le suivi jusqu’à l’âge adulte. À cet égard, la stabilisation des parcours scolaires et universitaires, ainsi que l’accompagnement des mineurs vers l’autonomie pour favoriser leur insertion sociale, est une mission incontournable vis-à-vis de ces jeunes déjà fragilisés par la vie et une nécessité pour garantir la cohésion sociale.
Enfin, le travail parlementaire a permis d’avancer utilement sur la question controversée des tests osseux sur les mineurs étrangers. Un amendement de notre collègue Jeanine Dubié, sous-amendé par la rapporteure, a permis d’encadrer très fortement le recours à cette pratique et nous nous en félicitons. Ces tests ne seront donc possibles que sur décision de l’autorité judiciaire et après accord de l’intéressé. De plus, les marges d’erreurs devront être précisées et le doute bénéficiera au jeune. Toutefois, au regard des questions éthiques posées par cette technique, par ailleurs coûteuse et peu fiable du point de vue de la capacité à déterminer l’âge réel des personnes concernées, mon collègue Sergio Coronado proposera, par voie d’amendement, d’écarter totalement tout recours à ce test.
Vous l’aurez compris, nous abordons l’examen de cette proposition de loi avec le sérieux requis par un sujet aussi important et délicat.
Je veux tout d’abord avoir une pensée pour les enfants dont un parent aura été fauché vendredi dernier.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, cette proposition de loi touche au plus profond notre responsabilité d’adultes et je ne peux évidemment que la saluer. N’est-ce pas le rôle des adultes de protéger un enfant et le rôle de la loi de s’y employer ? Qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, les enfants ont cette spontanéité qui nous fait sourire, cette fragilité qui nous émeut. Il leur arrive d’être victimes ou témoins de mots ou d’actes de violence, de maltraitance, et nous devons les rassurer, leur apporter protection. On dit parfois que les enfants sont cruels entre eux… Pas davantage que peuvent l’être les adultes. Certes, les dispositifs qui préviennent le harcèlement à l’école sont à saluer, il faut les mettre en oeuvre. Les enfants savent d’ailleurs cerner l’injustice, ils nous le prouvent dans leur propos.
Nous devons la proposition de loi relative à la protection de l’enfant qui nous rassemble aujourd’hui, en deuxième lecture, aux sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini, que je remercie. L’enjeu de ce texte est de renforcer et d’améliorer la prise en charge des enfants et des adolescents en difficulté, et ce de façon équitable sur l’ensemble de notre territoire. Il a par ailleurs vocation à améliorer la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, loi qui s’inscrit dans la lignée de la Convention internationale des droits de l’enfant dont nous avons fêté, l’année dernière, les vingt-cinq ans.
Si nous, députés RRDP, reconnaissons les immenses avancées concernant la protection de l’enfant que ce texte introduit – j’y reviendrai –, nous avons toutefois déposé un amendement, similaire à celui que ma collègue Jeanine Dubié avait défendu en première lecture, et visant à écarter le recours aux tests osseux pour déterminer l’âge des mineurs étrangers isolés arrivant sur le sol français.
Un tel examen consiste à radiographier de face la main et le poignet gauche de la personne, et à examiner les points d’ossification des doigts afin d’en tirer des conclusions qui peuvent être hâtives : plus il y aurait de cartilage de croissance, plus la personne serait jeune. Lorsqu’il n’y a plus de cartilage de croissance, la maturité osseuse est atteinte, ce qui correspond plus ou moins à l’âge de 18 ans selon la personne et selon le sexe.
Cette comparaison s’effectue selon un atlas de références réalisé entre 1931 et 1942 à partir d’une cohorte d’enfants américains, selon des tranches de six mois à un an. La finalité initiale de cette technique était alors essentiellement médicale, utilisée en particulier dans le suivi des maladies endocriniennes. Mais cet atlas n’a jamais été mis à jour, si bien qu’on peut douter de la fiabilité de cette méthode, également remise aujourd’hui fortement en question par certaines instances tant judiciaires que médicales. Pourtant, ces tests restent souvent utilisés sur des jeunes gens arrivant sur le sol français sans papier d’identité ou avec des papiers sujets à caution, et ce alors même que la circulaire Taubira relative aux mineurs étrangers isolés précise que cet examen osseux ne doit intervenir qu’en dernier recours. Ainsi, allons-nous passer d’une finalité à caractère médical à une finalité judiciaire ?
Même s’il y a consensus sur le relatif manque de fiabilité des tests osseux, vous avez expliqué, madame la secrétaire d’État, lors des débats au Sénat, que les différentes autorités de santé consultées à ce sujet, qu’il s’agisse du Comité consultatif national d’éthique, de l’Académie nationale de médecine ou du Haut conseil de la santé publique, n’ont pas exclu le recours à ces tests à condition que la marge d’erreur soit prise en compte et qu’ils soient croisés avec d’autres modes d’évaluation médicale. Le texte qui nous est soumis prévoit qu’ils ne pourront être réalisés dorénavant que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Mais pour certains enfants, leur mauvaise compréhension du français peut induire en erreur et l’acquiescement obtenu dû à une mauvaise interprétation.
Cette réserve mise à part, je tiens à saluer les dispositions votées en commission à l’article 2 ter, qui prévoient que le directeur d’un établissement puisse informer les autorités concernées par la protection de l’enfance des mesures prises en matière d’absentéisme et de décrochage scolaire. Je souscris aussi pleinement à la réintroduction de la disposition portant sur l’accompagnement des jeunes et qui leur permet de terminer leur année scolaire ou universitaire. Pour notre groupe, cet article 5 EA est très important car il permet aux jeunes de renforcer les outils acquis lors de leurs études et qui, par la suite, favoriseront leur intégration dans la vie active. Pour nous, l’éducation est et reste l’un des socles de notre pacte républicain, que nous devons plus que jamais préserver.
Plus généralement, nous saluons le travail accompli par la rapporteure, Mme Le Houérou, sur cette proposition de loi. À part l’article 21 ter que j’ai évoqué, ce texte contient des avancées vertueuses pour l’amélioration de la protection de l’enfant. À ce titre, nous saluons la décision de la commission des affaires sociales d’avoir réintroduit, après sa suppression au Sénat, le Conseil national de la protection de l’enfance, chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en oeuvre.
La prévention et l’aide à la parentalité n’ont pas été oubliés dans cette proposition de loi. Ce sont là des points essentiels pour garantir la protection des enfants.
À l’heure où le Gouvernement a déjà pris plusieurs mesures concernant ces enfants, en tenant toujours compte de leur intérêt supérieur – nous l’avons notamment vu lors de la discussion sur le projet de loi relatif à l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État en 2013 –, le groupe RRDP ne doute pas, madame la ministre, que ce texte saura, une fois de plus, rassembler et faire consensus au sein de notre hémicycle.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, les fortes inégalités territoriales qui caractérisent la mise en oeuvre de la politique de protection de l’enfance sur le territoire national rendent indispensable une évolution du dispositif de la protection de l’enfance.
En 2013, la cellule de prévention et de protection de l’enfance en Martinique a reçu plus de 2 000 signalements d’enfants en danger. Sur tout le territoire national, les enquêtes les plus récentes de l’Observatoire de l’action décentralisée font état de plus de 100 000 signalements. En Martinique encore, ce sont 1 200 mineurs et jeunes majeurs qui ont été suivis par l’aide sociale à l’enfance.
Dans cette perspective, la proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture modifie certaines pratiques et certains principes qui guident aujourd’hui l’action des services départementaux, des juges et de l’ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine. Nous soutenons cette réforme car nous pensons qu’il est urgent de donner une cohérence nationale à la politique de protection de l’enfance.
Depuis son adoption en première lecture au Sénat, à l’unanimité, ce texte a beaucoup évolué. Si les modifications adoptées après son examen en première lecture dans notre assemblée ont permis de l’enrichir, les travaux du Sénat en deuxième lecture ont malheureusement abouti à la suppression de plusieurs dispositions importantes. Je pense en particulier aux articles 5 EA et 5 ED qui prévoyaient respectivement un accompagnement des jeunes majeurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance pour leur permettre de terminer leur année scolaire ou universitaire, et la constitution d’un pécule.
Je pense également à la suppression de l’article 7, qui prévoyait un examen annuel du projet pour l’enfant par une commission pluridisciplinaire, ainsi qu’à la suppression des dispositions de l’article ler relatives au Conseil national de la protection de l’enfance.
Il est particulièrement regrettable que ces modifications aient été motivées par des considérations d’ordre économique, au détriment de la prise en compte de l’intérêt de l’enfant.
De manière générale, le débat au Sénat en deuxième lecture s’est focalisé sur la question de l’insuffisance des moyens financiers des collectivités territoriales. Cette réalité, que nous n’avons de cesse de dénoncer, ne saurait justifier de renoncer à améliorer les dispositifs de protection de l’enfance. Après les reculs du Sénat, nous nous réjouissons que la commission des affaires sociales de notre assemblée ait rétabli un certain nombre d’articles votés en première lecture. Plusieurs dispositions amélioreront en effet le système de protection de l’enfance dans son ensemble.
Tout d’abord, nous nous réjouissons que la commission des affaires sociales ait rétabli l’article 1er du texte, qui propose de créer, auprès du Premier ministre, un Conseil national de la protection de l’enfance – CNPE. La création de cette instance de pilotage interministérielle de la politique de protection de l’enfance répond à la nécessité d’améliorer la coordination entre les différents acteurs ainsi qu’entre l’échelon local et l’action de l’État. Elle permettra de donner une impulsion nationale à la protection de l’enfance et d’améliorer l’évaluation des orientations ainsi définies.
De même, au regard de l’insuffisance de la formation des professionnels de la protection de l’enfance, nous sommes favorables à l’article 2, qui permettra utilement de parfaire cette dernière. La qualité et l’exhaustivité des formations dispensées, l’effectivité de leur suivi et l’octroi de moyens humains et matériels suffisants sont autant de conditions à la réussite de ce dispositif.
Par ailleurs, la désignation d’un médecin référent prévu à l’article 4 est également une mesure nécessaire, afin d’améliorer la détection des enfants en danger du fait d’actes de maltraitance.
S’agissant des dispositions relatives à la sécurisation du parcours des enfants placés, nous relevons plusieurs améliorations notables. Le renforcement du projet pour l’enfant – PPE – nous semble indispensable car cette obligation prévue par la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance n’est toujours pas appliquée par l’ensemble des départements. Le texte prévoit, dans son article 6, que le PPE définit les modalités selon lesquelles les actes usuels de l’autorité parentale sont exercés par la personne physique ou morale qui accueille l’enfant. Les titulaires de l’autorité parentale sont tenus informés de cet exercice selon des modalités qui sont également précisées par le PPE.
S’agissant de la gestion de la vie des enfants placés, cette disposition permettra de lever les difficultés, notamment scolaires, en particulier lorsqu’une demande urgente et simple est formulée pour des actes ne mettant pas en cause les attributs de l’autorité parentale, telle une demande de voyage ou de sortie scolaires.
Notons toutefois que le Défenseur des droits appelle à la vigilance pour que cette disposition « ne se traduise pas par une déresponsabilisation des familles et une rupture du lien lorsque celui-ci est possible ». De même, nous partageons la volonté de mieux encadrer les changements de famille d’accueil et d’éviter les ruptures répétées dans la vie des enfants placés. Nous sommes satisfaits que la proposition de loi insiste désormais sur l’importance de veiller au regroupement des fratries, ce qui constitue, comme le souligne le Défenseur des droits dans son avis no 14-l1 du 27 novembre 2014, « un facteur de stabilité dans la vie de l’enfant placé ».
La problématique des jeunes majeurs qui sortent des dispositifs de protection de l’enfance sans parvenir à s’insérer socialement et professionnellement était absente de la proposition de loi initiale. Or de nombreux jeunes sont perdus de vue dès l’âge de 18 ans, parce qu’ils ne font pas auprès du département les démarches nécessaires pour continuer à bénéficier d’une aide – argent, logement, voire accompagnement – et se retrouvent en situation d’extrême fragilité. Selon une étude de l’Institut national d’études démographiques, 34 % des moins de 30 ans qui vivent dans la rue en Île-de-France avaient précédemment été pris en charge par les services de protection de l’enfance.
Nous nous réjouissons donc que le texte ait acté plusieurs mesures visant à encadrer la sortie de ces jeunes majeurs. L’allocation de rentrée scolaire – ARS –, habituellement versée aux parents, sera placée sur un compte bloqué afin que ses bénéficiaires la perçoivent à leur majorité. De même, un accompagnement sera systématiquement proposé aux jeunes majeurs.
Nous regrettons en revanche que la prise en charge des mineurs isolés étrangers ne soit pas traitée dans le texte. Ces enfants particulièrement vulnérables doivent bénéficier de la protection prévue par les dispositions nationales et internationales, indépendamment de leur situation au regard des règles de séjour. En effet, comme le souligne le Défenseur des droits, un mineur seul et étranger arrivant en France, sans représentant légal sur le territoire, sans proche pour l’accueillir, est, par définition, un enfant en danger : il doit relever à ce titre du dispositif de la protection de l’enfance.
À cet égard, nous ne pouvons accepter la possibilité – quand bien même elle serait encadrée – d’évaluer l’âge de ces enfants à partir de tests osseux, dont la fiabilité est remise en cause par la communauté scientifique et dont les conséquences sont potentiellement désastreuses pour les enfants. C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec d’autres députés, d’interdire tout examen médical aux fins de déterminer l’âge d’un individu.
S’agissant de l’article 22 qui crée une qualification pénale de l’inceste, nous avons déjà exposé nos réserves en première lecture et réitérons nos regrets qu’il n’y ait pas eu à ce sujet, en particulier depuis la censure du Conseil constitutionnel, de réflexion approfondie menée avec les plus éminents spécialistes des très nombreuses disciplines concernées par ces questions pour avancer des propositions efficaces dans la lutte contre l’inceste.
Enfin, nous ne pouvons manquer de souligner le silence de la proposition de loi sur la question des moyens humains et financiers, notamment ceux consacrés à la prévention. Je pense en particulier aux services de la protection maternelle et infantile, qui manquent cruellement de moyens. Or, sans les moyens nécessaires, plusieurs dispositions du texte resteront lettre morte. Surtout, alors que la loi de 2007 a transféré les compétences de la protection de l’enfance aux collectivités territoriales, la réduction drastique de leurs budgets est particulièrement inquiétante et le risque d’accroissement des disparités territoriales, bien réel.
Dans ce contexte, nous aurions souhaité que le texte, à tout le moins, réaffirme le rôle central de l’État, seul à même de garantir l’égalité de traitement de toutes les familles et de tous les enfants sur le territoire, et d’assurer la cohérence du système.
En définitive, comme en première lecture, nous voterons ce texte, en dépit des limites que j’ai soulignées.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, plus que jamais en ces jours de violence, de deuil, de doute, nous devons prendre toutes nos responsabilités pour permettre à notre jeunesse de naître, de grandir, de s’éduquer dans les meilleures conditions, de dignité républicaine, de justice sociale, et pour lui offrir un avenir plus rassurant et structurant.
C’est l’esprit qui nous a animé tout au long de la construction de ce texte, fruit de la concertation entre les deux chambres, à partir des excellents travaux de nos collègues sénatrices, Mmes Meunier et Dini, ainsi que de notre rapporteure, Annie Le Houerou, comme de la large concertation menée par Mme la secrétaire d’État avec l’ensemble du secteur de la protection de l’enfance.
Plusieurs points ont fait l’objet de consensus productifs. Nous devons nous en féliciter, car ce sujet mérite des débats sereins, dans le respect des quelque 280 000 mineurs confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance, et de leurs familles.
Cette proposition de loi vient compléter la loi du 5 mars 2007, qui – chacun le reconnaît volontiers aujourd’hui – a posé les jalons de la protection de l’enfance. Son application a toutefois révélé certaines lacunes : l’absence d’un pilotage national de la protection de l’enfance permettant de donner une réelle impulsion à cette politique de prévention et de protection ; un manque d’homogénéisation des pratiques entre les territoires ou encore une coopération insuffisante entre les différents secteurs d’intervention.
Régulièrement, l’actualité vient nous rappeler que des dysfonctionnements perdurent et mettent en danger la vie des mineurs. Les chiffres en témoignent : deux enfants meurent chaque semaine de mauvais traitements au sein de leur milieu familial. Ce texte pragmatique et équilibré vise à repenser et compléter les outils nécessaires. Il est guidé par la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant en toute situation. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé depuis la première lecture, avec la même constance.
La création d’une instance nationale de pilotage de la protection de l’enfance, clé de voûte de ce texte, garantit l’égalité de traitement des enfants sur l’ensemble du territoire. Nous sommes en effet confrontés à un enjeu majeur puisqu’il s’agit de stabiliser les parcours des enfants protégés, fragilisés par leur situation de vie, privés temporairement ou définitivement de liens familiaux et, en tout état de cause, que nous devons accompagner dans leur grandissement, y compris après leur majorité.
Des mesures innovantes sont proposées, qui sont adaptées aux réalités de terrain des jeunes en difficulté. Il s’agit d’avancées majeures, tant pour les enfants que pour leurs familles ou pour les équipes sociales et judiciaires qui les accompagnent, afin de sécuriser tout parcours en protection de l’enfance.
Ainsi, les présidents des conseils départementaux pourront confier un mineur à un tiers bénévole, donnant une base légale à ce mode d’accueil et le sécurisant. La préparation de l’accession à l’autonomie sera rendue obligatoire pour les jeunes concernés, l’année précédant leur majorité. Ces derniers bénéficieront en outre d’un accompagnement après leur majorité, s’ils poursuivent un parcours scolaire ou universitaire.
De plus, les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance percevront l’allocation de rentrée scolaire sur un compte bloqué jusqu’à leur majorité, date à laquelle un pécule leur sera versé afin de mieux les préparer à l’autonomie.
Le statut des enfants placés à long terme pourra également être complété, notamment par la réforme du dispositif de révocabilité de l’adoption simple.
Mais aussi et surtout, la procédure de déclaration judiciaire d’abandon sera remplacée par celle de délaissement parental, notion beaucoup plus objective et beaucoup moins culpabilisante, tant pour les parents concernés que pour les enfants délaissés.
Enfin, le texte inscrit l’inceste dans le code pénal. L’article 22, supprimé en séance publique par le Sénat, apportera à des centaines de milliers de victimes une reconnaissance symbolique, mais néanmoins déterminante pour se reconstruire.
Mes chers collègues, je suis fière, au nom de notre groupe, de porter ce texte, qui sera, j’en suis convaincue, une avancée majeure pour les enfants, leurs familles et ceux qui les accompagnent dans un parcours de vie parfois douloureux et souvent chaotique.
Je conclurai en saluant particulièrement les travailleurs sociaux, médico-sociaux et médicaux de l’aide sociale à l’enfance, les familles d’accueil, les personnels des établissements médico-sociaux, qui, au quotidien, accompagnent, soignent, éduquent et protègent ces enfants et ces jeunes majeurs qui sont souvent tellement fragilisés par leurs conditions de vie.
Cette proposition de loi constitue, j’en suis convaincue, madame la secrétaire d’État, une réponse aux nombreux obstacles que rencontrent beaucoup de familles et ceux qui les accompagnent. Elle constitue aussi un progrès pour notre société et pour notre avenir, dans tout ce que nous avons de plus intime et de plus humain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, « On est de son enfance comme on est d’un pays », écrivait Antoine de Saint-Exupéry. La France a, aujourd’hui plus que jamais, après les terribles événements qu’elle vient de vivre, revendiqué d’être le pays des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Elle se doit donc d’être irréprochable dans sa politique de protection de l’enfant. Notre pays doit, justement, encore progresser en la matière, car, en dépit des textes, et notamment de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, les dysfonctionnements persistent aujourd’hui et font régulièrement la une d’actualités morbides.
Cette proposition de loi doit apporter une véritable avancée en matière de sécurité et de protection des enfants : nous voici, pourtant, avec une deuxième lecture aux airs de déjà-vu. Les propositions des sénateurs ont été majoritairement supprimées en commission, et nous retrouvons donc, ici, la version d’une proposition de loi pleine de bonnes intentions, telle qu’issue des travaux de notre assemblée en première lecture.
Certaines mesures sont efficaces, comme la nouvelle version de l’article 22, qui, suite à une véritable coproduction entre le Sénat et l’Assemblée, introduit la notion d’inceste dans le code pénal : notre groupe soutient cette mesure qui représente une avancée importante.
Mais certaines dispositions destinées à protéger les enfants, sans moyens les accompagnant, ne vont malheureusement pas dans le bon sens. Je pense notamment à la création, au sein des départements, des commissions pluridisciplinaires chargées d’examiner tous les ans la situation des enfants confiés à l’ASE, ou tous les six mois s’agissant des enfants de moins de 2 ans.
Aujourd’hui, faute de moyens notamment, 30 % des départements n’ont pas satisfait à l’obligation de définition des projets personnalisés pour l’enfant. Or nous assistons à la création de nouveaux niveaux d’intervention et de décision. Vous le savez, cela implique des contraintes supplémentaires pour les conseils départementaux, qui n’arrivent déjà pas à appliquer celles issues des dispositifs en vigueur, qui se trouvent au bord du dépôt de bilan et qui risquent de subir une double asphyxie au niveau de leurs missions tout autant que de leurs moyens.
Madame la secrétaire d’État, il faudrait que nous ayons l’assurance que cette réorganisation de l’action publique en faveur de l’enfance soit réellement efficace et opérante : dans ce domaine en particulier, il s’agit d’aller vite.
C’est d’ailleurs pourquoi notre groupe doute, également, de la pertinence de l’article 1er bis, qui, de nouveau, met à la charge du conseil départemental la mise en place d’un protocole de coordination des acteurs de la protection de l’enfance. De nouvelles contraintes, un temps d’action plus long, de nouveaux surcoûts, alors que l’intérêt des enfants commande d’agir plus rapidement.
Dans le même esprit, l’article 5 ED, qui consiste à bloquer l’allocation de rentrée scolaire sur un compte d’épargne en faveur des enfants confiés à l’ASE, soulève quelques interrogations.
Une remarque de gestion s’impose : ce sont les départements qui assument les frais scolaires des enfants confiés à l’ASE. Dans le contexte financier difficile qui est le leur, il serait logique de leur reverser l’ARS, même si nous savons bien qu’en l’état actuel des choses, ce sont les familles qui touchent cette allocation.
J’ajouterais une remarque de bon sens : si nous comprenons la volonté du Gouvernement de doter les jeunes gens confiés à l’ASE d’un petit pécule pour démarrer dans la vie, ce n’est pas à l’allocation de rentrée scolaire de l’alimenter. Cette allocation, comme son nom l’indique, vise à couvrir les dépenses de fournitures scolaires des élèves modestes.
Si nous devons faire un geste pour les enfants confiés à l’ASE, il doit faire l’objet d’une autre mesure, mobilisant par exemple une fraction des allocations familiales qui, je le le rappelle, peuvent être, sur décision du juge, versées aux parents ou au conseil départemental, ou, parfois, réparties entre les deux. Un autre argument pourrait être tiré du niveau du pécule pour l’enfant.
Je souhaiterais maintenant évoquer l’article 16 : je soutiens la version du texte votée par notre assemblée en première lecture, qui visait à résoudre une situation d’inégalité flagrante. Il existe en effet des enfants qui, aujourd’hui, paient toujours des dettes fiscales parce qu’ils étaient mineurs lors du décès de leur parent adoptif et qu’ils n’ont pas été correctement pris en charge.
L’enfant adopté simple et mineur lors du décès de son parent est victime d’une discrimination, en raison de son incapacité juridique : il ne peut en effet constituer lui-même le dossier de preuve requis. Dans ce cas, l’enfant est soumis au jugement et à la diligence aléatoire de son tuteur, qui peut parfois, malheureusement, se désintéresser de son sort.
Nous avions adopté en première lecture, à l’initiative de M. Denys Robiliard et de moi-même, un amendement prévoyant la possibilité de demander à l’administration fiscale la remise des droits impayés pour la partie qui excède les droits qui auraient été dus si les dispositions de l’article 16 avaient été en vigueur à la date du fait générateur, c’est-à-dire du décès de l’adoptant. C’était une mesure de justice, et nous nous étions tous retrouvés pour la voter.
La commission des affaires sociales n’a pas souhaité revenir, en deuxième lecture, sur la rédaction adoptée par le Sénat mais a, fort heureusement, donné un avis favorable, au titre de l’article 88, à un amendement proposant de rétablir cette mesure qui permettrait réellement de garantir la sécurité juridique des personnes concernées.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, et en l’absence de mauvaises surprises, notre groupe s’abstiendra sur ce texte et pourrait même voter pour, si nos amendements – les plus importants en tout cas – étaient adoptés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, il est difficile, dans le moment douloureux que travers notre pays, de reprendre le cours de la vie parlementaire.
Comme mes collègues qui se sont exprimés avant moi à cette tribune, mes pensées vont aux victimes, aux blessés, à leurs proches ainsi qu’à leurs familles qui ont été meurtris et se trouvent dans la peine.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour votre propos liminaire : vous avez su trouver des mots justes qui nous ont tous touchés.
Je vous remercie également de la concertation que vous avez su organiser autour de ce texte si difficile : elle a permis à l’Assemblée nationale et au Sénat de produire un travail globalement positif, en deuxième comme en première lecture.
Ce travail a été réalisé dans une volonté d’enrichissement, après les avancées importantes que notre assemblée avait, notamment à l’initiative de notre rapporteure Annie Le Houerou mais aussi à celle de notre collègue Françoise Dumas dont nous avons tous apprécié la connaissance du sujet – elle vient encore de nous la démontrer –, apportées en première lecture.
Certains amendements ont également été défendus par notre collègue Chantal Guittet afin que le projet de l’enfant prenne en compte les relations avec ses frères et soeurs.
Je salue également l’amendement qui a introduit, à l’initiative de nombreux collègues sur ces bancs, la qualification d’inceste dans le code pénal : cette disposition a été complétée par des amendements du Sénat.
Néanmoins subsistent un certain nombre de points de divergence : d’ores et déjà, la commission des affaires sociales a, la semaine dernière, rétabli des articles qui avaient été purement et simplement supprimés par le Sénat. Je pense à l’article relatif à l’accompagnement des jeunes majeurs au-delà du terme de la mesure de protection dont ils ont fait l’objet.
De la même manière, le Sénat a supprimé des articles qui, pour nous, ne sont pas uniquement symboliques. Je pense à celui portant création du Conseil national de la protection de l’enfance ainsi qu’à celui contenant les dispositions visant à lutter contre l’absentéisme qui avaient été portées par notre collègue Sandrine Doucet et que la commission des affaires sociales a rétablies.
Je pense également à celui qui prévoit que le président du conseil départemental devra mettre en place une commission pluridisciplinaire afin d’examiner les situations d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance depuis plus d’un an lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins.
Je souhaite que nous confirmions ces mesures qui ont été rétablies par la commission des affaires sociales la semaine dernière.
Certains points demeurent en discussion et, je le crois, feront encore débat : je pense, notamment, à l’article 21 ter pour lequel la rédaction du Sénat ne peut être retenue et que la commission a rétabli dans sa rédaction issue de la première lecture.
Néanmoins, plusieurs collègues se sont montrés réservés s’agissant de ces dispositions, nonobstant l’encadrement prévu. D’autres pays utilisent en effet des méthodes de détection de l’âge différentes, eut égard à l’importante marge d’erreur et aux résultats peu fiables du test osseux. Ce dernier ne me semble pas conforme à nos traditions ni à l’esprit de ce texte, même si l’enfant demeure effectivement libre de refuser le test.
J’ai bien entendu les arguments avancés par notre rapporteure, et, à défaut d’interdire ces tests, la solution d’encadrement strict semble en effet la plus acceptable.
J’exprime une réticence similaire à l’égard du choix qui a conduit à ne pas retenir, pour l’article 16 relatif à l’adoption simple et au régime applicable aux transmissions en ligne directe lorsque l’adopté est mineur au moment du décès de l’adoptant, la rédaction de l’Assemblée nationale que le Défenseur des droits nous a pourtant recommandée.
J’espère que certains amendements, déposés par des collègues siégeant sur tous les bancs, permettront d’aboutir à une rédaction équilibrée tenant compte des avis que nous avons reçus et prenant également en considération les injustices que nous risquons de créer.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, comme l’ont dit beaucoup d’orateurs à cette tribune, nombre d’avancées permises par ce texte méritent incontestablement d’être saluées. Je suis persuadée que notre débat permettra encore d’améliorer cette proposition de loi, dans le meilleur intérêt de l’enfant. Il serait sans doute heureux de que nous puissions l’adopter à l’unanimité, ou, à défaut, qu’il fasse l’objet d’un large consensus.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, dans un contexte très singulier de deuil national et de nécessaire concorde, nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi du Sénat relative à la protection de l’enfant.
Des enfants meurent de mauvais traitements dans notre pays, toujours trop d’enfants souffrent de carence affective, et les failles du système de protection de l’enfance ne font que trop régulièrement la une des médias.
La protection de l’enfance concerne près de 300 000 mineurs ou jeunes majeurs. La loi du 5 mars 2007 serait peu ou mal appliquée : l’intention du législateur de l’époque était pourtant d’améliorer la prévention, le signalement et les interventions sociales et judiciaires.
Les principales limites de cette loi ont été identifiées : fortes disparités territoriales, absence de pilotage national, manque de coopération entre les différents acteurs, insuffisance des formations dispensées et instabilité des parcours des enfants placés. Alors, la question se pose de savoir si cette nouvelle loi sur la protection de l’enfance permettra de les dépasser. Personnellement, j’estime qu’elle va dans le bon sens.
Je me réjouis que la rapporteure ait réintroduit des articles ou amendements supprimés par le Sénat. Je pense, à l’article 1er, au rétablissement du Conseil national de protection de l’enfance, à l’article 2 ter, au suivi renforcé de la scolarisation de l’enfant, ou encore, à l’article 7, à l’examen annuel du projet pour l’enfant par une commission pluridisciplinaire.
Je trouve également nécessaire la rédaction, sous l’autorité du président du conseil départemental, d’un protocole de coordination des acteurs de la protection de l’enfance : au-delà de la caisse d’allocations familiales, des services de l’État et des collectivités locales, il faut absolument y associer les services judiciaires. L’article 8 va dans ce sens puisqu’il vise à améliorer, dans l’intérêt de l’enfant, les échanges et la coordination entre les services de l’ASE et les magistrats.
Je pense aussi que la désignation, dans chaque département, d’un médecin référent est une nécessité. De même, il apparaît approprié que l’évaluation des informations préoccupantes soit réalisée par des équipes pluridisciplinaires et prenne en compte la situation des autres mineurs présents au domicile. Il est aussi important que l’ASE propose, comme le prévoit l’article 18, des mesures de soutien aux parents avant de transmettre une demande de déclaration de délaissement parental.
S’agissant de l’article 16, j’approuve également le fait de donner à l’administration fiscale la possibilité de remettre gracieusement les droits d’enregistrement, dans les cas où le décès de l’adoptant est intervenu avant la date d’entrée en vigueur de la loi. Cependant, cette possibilité n’est offerte qu’aux personnes qui ne peuvent pas payer parce qu’elle sont endettées. J’aurais préféré la rédaction proposée par nos collègues Bérengère Poletti et Denys Robiliard, dont je voterai les amendements.
En revanche, deux mesures contenues dans ce texte me posent problème. La première a trait, à l’article 5 ED, au versement de l’allocation de rentrée scolaire, due au titre d’un enfant confiée à l’aide sociale à l’enfance, sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations. J’estime que cela revient à dévoyer le rôle de l’allocation de rentrée scolaire qui, comme l’a rappelé notre collègue Bérengère Poletti, est avant tout destinée à financer les dépenses de la rentrée scolaire et ne vise pas à permettre aux jeunes confiés à l’ASE de se constituer un pécule. Je continue à penser que l’ARS doit être versée aux services de l’ASE, qui est capable d’évaluer si cette allocation doit être versée à la famille du jeune, à sa famille d’accueil ou aux responsables des centres d’hébergement.
Une deuxième mesure, à l’article 21 ter, me laisse perplexe : elle limite la possibilité d’effectuer des tests osseux pour aider à la détermination de l’âge des jeunes étrangers isolés. Ces tests ne sont pratiqués aujourd’hui qu’en dernier recours pour déterminer l’âge d’un mineur, sur décision de l’autorité judiciaire. Mais le seul fait de considérer qu’il faut recueillir l’accord de l’intéressé rend, de fait, cette mesure inopérante.
Enfin je m’interroge sur les moyens financiers qui seront mis en oeuvre pour l’application concrète de cette loi. Je pense en particulier au financement de la formation continue que j’estime absolument nécessaire, au même titre que la formation initiale des travailleurs sociaux. Qui financera cette formation : les conseils départementaux ou les conseils régionaux ?
Je pense aussi, à l’instar de notre collègue tout à l’heure, aux moyens dévolus aux services de la protection maternelle et infantile.
Nous allons examiner une trentaine d’amendements en séance. Malgré les réserves que je viens d’évoquer, je m’oriente – à titre personnel – vers un vote positif, et je serai très attentive à l’application de cette loi dans mon propre département.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous consacrerons, ce soir, notre réflexion à nos enfants et à leur avenir.
Dans ce monde si troublé, où nous sommes parfois si démunis, il importe de leur transmettre ce que nous avons appris, en l’adaptant aux temps difficiles que nous vivons. En tant que père de famille, j’ai pu me rendre compte du fait que cette transmission est l’une des tâches les plus difficiles à accomplir dans une vie ; mais c’est aussi l’une des plus belles et des plus exaltantes.
Il n’en reste pas moins que même dans un pays moderne comme le nôtre, la France, beaucoup trop d’enfants sont malheureux – et même extrêmement malheureux. L’accélération des temps, les troubles, le basculement du monde, les terribles tensions qui sont de plus en plus fréquemment imposées aux familles, amènent un grand nombre d’entre elles à s’auto-détruire, à disparaître. Or il n’est rien de plus cruel que de voir, le dimanche soir, ces enfants qui ne se connaissent pas repartir dans des directions différentes, pour retrouver qui son père, qui sa mère, avec qui ils n’étaient pas pendant le week-end.
De plus, ces enfants évoluent dans un contexte dangereux, qui n’a pas grand-chose à voir avec celui que nous connûmes. Il y a aussi toutes les facilités apportées par le monde nouveau, cette avalanche de connaissances, de savoirs, qui ne sont pas toujours de leur âge. Quelqu’un me disait un jour que si l’on évalue généralement à vingt-cinq ans l’écart qui sépare un père de son fils, une mère de sa fille, lui-même avait l’impression qu’un saut de mille ans s’était produit entre l’époque de son fils et la sienne, tant les choses ont évolué !
Plus que jamais, la protection de l’enfant commence dans sa famille, avec ses proches. C’est l’affaire de la société tout entière : c’est pourquoi je me réjouis, madame la rapporteure, du texte équilibré que vous nous présentez. J’y retrouve nombre des préoccupations qui sont les miennes ainsi que, je le crois, celles d’un grand nombre de nos concitoyens.
Je relèverai cependant quelques éléments, notamment concernant la précision, dans le code pénal, de la notion d’inceste : je ne sais pas si cela se fera. Je reviendrai également sur la question des financements : j’ai été très longtemps conseiller général, et j’ai particulièrement siégé dans la commission chargée des affaires sociales, et donc de l’enfance et de l’adoption. Les conseils départementaux n’ont plus, aujourd’hui, des moyens financiers aussi importants que par le passé, alors même qu’ils étaient déjà en difficulté ; quant à l’État, il n’est pas un acteur majeur en la matière – bien qu’il soit en première ligne pour un certain nombre d’éléments régaliens, tels que les allocations familiales, pour ne citer qu’elles.
Je souhaite de tout mon coeur, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez mettre en oeuvre ce texte. Adopter une proposition de loi qui porte sur l’enfant, sur l’avenir de l’enfant, est un acte qui nous honore et nous oblige. Je fais mien ce combat, et je nous souhaite bonne chance pour le mener à terme.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi, issue d’une initiative sénatoriale, répond notamment à la nécessité de mettre fin à certains drames de la petite enfance dont l’actualité n’a malheureusement pas été avare.
Ce texte répond donc à une urgence, mais il est le fruit d’un travail de fond, patient, que nous menons depuis fort longtemps. Il fait suite au rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur la protection de l’enfance, présenté en juin 2014 par Mmes Meunier et Dini. La qualité de ce rapport avait été saluée par tous ; je tiens à me faire, une fois de plus, l’écho de ces félicitations.
Ce texte tient aussi compte des réflexions d’autres rapports. La dernière grande réforme de cette politique a été opérée par la loi du 5 mars 2007 ; il nous revient aujourd’hui, sans remettre en cause cette loi, de tirer les conséquences de ses imperfections, et des dysfonctionnements qui ont été constatés.
Les modifications apportées à cette proposition de loi au Sénat l’ont parfois améliorée, mais ont dans l’ensemble diminué son degré d’ambition. Je suis certaine que nos débats permettront de revenir à l’esprit et à la lettre de ce texte, ainsi qu’à la volonté initiale de ses promotrices : améliorer la gouvernance – tant locale que nationale – de la protection de l’enfance, adapter son statut sur le long terme, et sécuriser le parcours si complexe emprunté par ces enfants.
Ces évolutions sont concrètes, et très attendues : je pense par exemple aux protocoles départementaux des acteurs de la petite enfance, à la désignation d’un médecin référent pour la protection de l’enfance dans chaque département, ou encore à l’échange d’informations entre différents services et institutions. Les professionnels, que l’on sait mobilisés et investis sur le sujet, attendent que l’on perfectionne la boîte à outils dont ils disposent – permettez-moi cette comparaison familière ! – : tel est l’objet de ce texte.
Je reviendrai plus précisément sur plusieurs points. Premièrement, à l’initiative conjointe de MM. Denaja et Roman, et de M. Geoffroy et Mme Fort, la commission des lois a proposé de rétablir l’article 22 relatif à l’inceste. Il est indispensable d’inscrire l’inceste dans le code pénal, afin de reconnaître sa spécificité, et le traumatisme qu’il représente pour les victimes. Il s’agit là d’une avancée importante, nécessaire aussi bien du point de vue humain que du point de vue du droit. Au-delà du débat juridique, causé notamment par la décision du Conseil constitutionnel de novembre 2011, cette avancée est attendue par bon nombre d’acteurs, en premier lieu les victimes. L’application sera immédiate, puisque les peines ne sont pas aggravées.
Deuxièmement, concernant les tests osseux, il me semble que la rédaction actuelle du texte présente un compromis intelligent, car il est fondé sur l’accord du jeune, et que le doute profite à celui-ci. Je signale que pour des motifs éthiques, humains, tout autant que pour des raisons d’efficacité, il faudra revenir sur cette question.
Troisièmement, je nourris un regret quant à l’article 16, non rétabli par l’Assemblée nationale : nous laissons ainsi des enfants payer des dettes sur lesquelles ils n’ont malheureusement pas prise.
Quatrièmement, je salue notre rapporteure pour sa pugnacité au sujet de la prise en compte de la parole de l’enfant. Je salue la commission des affaires sociales pour sa sagesse, puisqu’elle a rétabli l’article concerné, qui donne véritablement la parole à l’enfant.
Avant de conclure, je salue sincèrement et chaleureusement Mme la rapporteure Annie Le Houerou pour la qualité de son travail. Je salue également notre collègue Françoise Dumas : travailler à leurs côtés fut aussi plaisant que constructif.
La petite enfance est cet âge de la vie où s’établissent les fondations de notre émancipation future. Il nous appartient de faire en sorte que ces fondations ne vacillent pas, qu’elles soient solides. C’est dans l’intérêt de l’enfant, mais également de notre société tout entière, dont l’harmonie – qui a rarement été au centre de toutes nos préoccupations comme elle l’est ces derniers jours – est la somme de nos constructions individuelles. Progrès social, efficience juridique, gouvernance intelligente, le tout au bénéfice de l’enfant et des familles : voilà, mes chers collègues, ce dont nous allons débattre.
À l’approche de la journée internationale des droits de l’enfant, je nous invite à être à la hauteur de l’enjeu. Ainsi modifiée, cette proposition de loi renforcera significativement la protection de l’enfant. J’espère qu’elle fera l’objet d’un large consensus. Je remercie Mme la secrétaire d’État pour tout ce qu’elle a apporté à ce texte, pour ses efforts en vue de le faire aboutir, pour le bien de l’enfant.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Françoise Dumas.
Via cet article, nous souhaitons réintroduire le Conseil national de la protection de l’enfance, qui a été supprimé par le Sénat. La création de cette institution est l’une des principales avancées prévues par ce texte dans sa version initiale et revêt à nos yeux une grande importance : c’est pourquoi nous l’avons rétablie en commission.
Toutes les politiques publiques disposent d’un organisme de conseil pouvant formuler des propositions sur les orientations nationales. Ainsi, ce conseil national sera une force d’impulsion et de proposition : il portera une véritable ambition pour la protection de l’enfance. En outre, il répond à une véritable demande des professionnels. On constate un manque de coordination évident, à la fois entre les différents acteurs et entre l’échelon local et l’échelon national. De ce fait, il y a une grande hétérogénéité dans les prises en charge et dans le renouvellement des gouvernances.
Notre responsabilité est donc d’harmoniser les pratiques, afin d’assurer l’égalité de traitement des enfants, quel que soit l’endroit où ils se trouvent sur notre territoire. Il y a des inégalités criantes selon les politiques mises en oeuvre et les moyens des départements : cette instance se superposera donc à celles qui existent déjà, que ce soit le Conseil technique de la prévention spécialisée ou l’Observatoire national de l’enfance en danger. C’est une mesure nécessaire, indispensable pour coordonner la protection de l’enfance sur notre territoire.
Madame la secrétaire d’État, madame la présidente, madame la rapporteure, ce texte est essentiel et tout à fait précieux. Je tiens à dire à quel point je suis heureuse de voir que le concept d’inceste sera enfin inscrit dans le droit français. Ce concept, tout le monde l’a en tête, mais il ne figurait pas dans les textes : il le sera à l’avenir, et c’est à l’honneur de nos assemblées.
La notion de « projet pour l’enfant » est, elle aussi, bienvenue, de même que la précision suivante : « selon des modalités adaptées à son âge et à sa maturité ». Le fait que ce projet soit transmis à toutes les parties prenantes, à tous les acteurs concernés par la vie de l’enfant, montre que la société se soucie de lui. Ces enfants ne sont pas seulement des êtres humains qui traversent notre paysage administratif et politique, mais des personnes que l’on accompagne et que l’on choie – au-delà même de l’âge de 18 ans, jusqu’à 21 ans, car ils sont souvent seuls. On ne peut pas leur dire : « Vous êtes majeurs, maintenant débrouillez-vous. » Sur ce point, le choix qui a été fait est le bon.
Ce texte permet également d’épargner l’allocation de rentrée scolaire afin que ces jeunes disposent d’un petit pécule au moment d’entrer dans la vie active, car l’on sait d’emblée qu’ils ne seront pas riches – et même qu’ils seront pauvres. La société peut le faire, elle doit donc le faire.
J’appelle par ailleurs l’attention de notre assemblée sur la question des tests osseux. Le choix qui a été fait est le bon : il faut que le doute profite non à l’accusé, mais au faible. Même si ces tests sont imparfaits, l’absence de test osseux conduirait les autorités à décider pour ainsi dire à vue de nez ; ces décisions seraient plus arbitraires.
Bien sûr la science n’est pas parfaite mais, en dépit de son imperfection, elle permettra au doute de bénéficier au jeune, qu’il soit mineur ou majeur, ce qui est une bonne chose.
L’accompagnement du jeune majeur est essentiel ; avec le secours de la loi, de l’argent et de la science, comprise avec intelligence – et nécessaire malgré ses imperfections, je le répète –, et grâce au Conseil national de la protection de l’enfance, nous pourrons commencer à envisager une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire français.
De fait, le traitement se faisant au niveau départemental, trop de disparités demeurent.
Le présent article définit ce que doit être la protection de l’enfance. Sa rédaction met en avant ce que doit être l’intérêt de l’enfant et envisage sa protection à partir de ses besoins et d’un meilleur respect de ses droits, tout en s’appuyant sur la responsabilité des parents, ce qui me semble important également.
Je m’étais déjà exprimé, en première lecture, sur les dispositions de cet article, et je continue de partager le choix de mettre l’enfant en avant, en premier.
Je n’en continue pas moins de regretter, madame la secrétaire d’État, que vous n’ayez pas souhaité inscrire, dès cet article qui constitue le socle de la protection de l’enfance, la prévention spécialisée, action éducative spécifique dont le principal but est la prévention de la marginalisation des jeunes de 11 à 21 ans, voire 25, dans les territoires marqués par une inadaptation sociale : nous mesurons, aujourd’hui plus que jamais, l’importance de ce dernier point.
J’avais également approuvé la création d’un conseil national de la protection de l’enfance, chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique conduite en ce domaine, de formuler des avis sur toutes les questions qui s’y rattachent et d’en évaluer la mise en oeuvre. Je m’explique mal, madame la secrétaire d’État, les raisons qui ont conduit le Sénat à revenir sur la création de ce conseil. Certes, le nombre des instances qui s’occupent du sujet est déjà très élevé, et ce nombre nuit sans doute à la bonne coordination des politiques en faveur de l’enfance en difficulté, mais cette simple raison justifierait précisément la création d’une instance de coordination, afin de répondre aux attentes en matière de collaboration et de concertation entre les services de l’enfance, les services de la justice, les départements et les professionnels du monde médical.
En janvier 2016, madame la secrétaire d’État, la France sera évaluée sur sa politique de protection de l’enfance par le comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Cette évaluation, qui sera bien entendu rendue publique, prendra certainement en compte des observations déjà portées sur la situation actuelle. C’est pourquoi on peut être très inquiet.
Il y a quelques années, notre pays s’est vu déclassé, en termes de ratios de développement humain, par le rapport annuel du Programme des Nations unies pour le développement, le PNUD. Peu, en dehors des spécialistes, avaient alors relevé cette alerte. Or l’évaluation à venir peut, elle aussi, révéler une dégradation de la situation dans notre pays. Nous devons au demeurant faire preuve de retenue en le disant, car nous parlons de la souffrance de la petite enfance, des bébés.
Récemment, la presse s’est fait l’écho de faits horribles, relevant d’une nouvelle barbarie, portés devant la justice. Comment les éviter ? Chaque enfant sauvé peut l’être grâce à un protocole, grâce à une incitation par la loi : ce n’est pas une circulaire qui réglera le problème.
Peut-être faut-il revenir sur certaines pratiques : tel est l’objet de quelques amendements que j’ai modestement déposés. Fort d’une expérience de cinquante ans de militantisme – de militantisme seulement –, je puis constater que la paupérisation gagne du terrain : je ne parle pas seulement de la pauvreté économique, mais aussi de la pauvreté culturelle.
Au sein des populations fragiles, la première personne qui souffre, c’est le bébé, l’enfant ou l’adolescent. Le présent texte est porteur d’espoir, mes collègues l’ont fort bien rappelé ; mais il doit encore être amélioré.
S’il vous plaît, madame la secrétaire d’État, soyez à l’écoute de l’Assemblée et des amendements qu’elle vous propose.
Je vous redonne immédiatement la parole, monsieur Dumont, pour soutenir l’amendement no 25 .
Les cosignataires de cet amendement estiment que l’enfant doit bénéficier d’une information sur l’étendue de ses droits et être représenté en justice. À tout moment une écoute et une explication sont nécessaires.
À cette fin, l’amendement tend à rédiger la fin de l’alinéa 2 en ces termes : « et l’effectivité de ses droits par une information puis une assistance juridique », assistance qui doit aussi être publique.
Trop souvent, le regard est focalisé sur la famille et non sur l’enfant.
Je comprends le sens de cette précision, mais elle n’a pas vraiment sa place, me semble-t-il, dans la définition même de la protection de l’enfance, objet de l’article 1er. Celui-ci, tel qu’il rédige l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, prévoit que « la protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant […], et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits ». Cela suppose que ces droits soient effectifs, et c’est aussi le rôle des travailleurs sociaux de s’en assurer.
D’autre part, toutes les situations ne se prêtent pas à la présence, par exemple, d’un avocat auprès de l’enfant durant l’application des mesures de protection. Avis défavorable.
L’article 1er définit la mission et la philosophie – la doctrine, d’un certain point de vue – de la protection de l’enfance, pour laquelle les textes et les pratiques donnent souvent une place prépondérante aux parents. Aussi ledit article positionne-t-il la protection de l’enfance, notamment par rapport à l’article L. 112-4 du code de l’action sociale et des familles, aux termes duquel « l’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant ».
Dans sa première partie, votre amendement, dont je partage au demeurant l’intention, me paraît donc satisfait par le droit en vigueur.
S’agissant de l’assistance juridique, je rappelle que nous parlons de la protection de l’enfance en général, non des seuls enfants qui pourraient avoir besoin d’un avocat ; nous parlons aussi, par exemple, des services d’action éducative en milieu ouvert, l’AEMO, bref, de la protection de l’enfance dans sa globalité. L’assistance juridique ne peut d’ailleurs être qu’un outil, non une finalité ; or le présent article traite des finalités. Aussi je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Par ailleurs, vous l’avez rappelé, le comité des droits de l’enfant des Nations Unies a en quelque sorte tancé la France en 2009 ; il l’a d’abord fait en raison de la désinvolture dont notre pays avait fait preuve en la matière, mais aussi parce que celui-ci s’est insuffisamment engagé dans une plus juste prise en compte des droits de l’enfant. Cet exercice sera le nôtre en janvier 2016 ; je le traite avec sérieux – et n’ai donc pas, de ce point de vue, à assumer la désinvolture de ceux qui nous ont précédés. D’autre part, un certain nombre de progrès ont été réalisés, depuis 2012, dans le sens de la conformité à la Convention internationale des droits de l’enfant. Ils ne nous mettront pas à l’abri de certaines critiques, déjà formulées dans des rapports d’organisations non gouvernementales, mais j’ai bon espoir qu’ils soient pris en compte. Le texte dont nous débattons fait incontestablement partie, à cet égard, des mesures susceptibles de rapprocher la France du respect de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Mes collègues et moi sommes sensibles à l’amendement de M. Dumont, notamment sur la question de l’assistance juridique auprès des enfants, pour laquelle des progrès seraient bienvenus. Sauf erreur de ma part, une telle assistance est déjà possible à partir d’un certain âge : nous pourrions donc la rendre plus systématique. L’accompagnement des enfants s’en verrait amélioré, notamment dans des situations de déchirement au sein de la famille.
L’amendement no 25 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 26 .
L’association que je présidais, lorsqu’elle fut amenée à accueillir des enfants et à s’occuper de familles, considérait que la mission qui lui était confiée par l’ASE justifiait une permanence téléphonique. On a aujourd’hui les moyens, ne serait-ce que par la téléphonie mobile, d’assurer un tel service, avec une personne compétente, y compris du vendredi après-midi jusqu’au lundi.
Cette permanence doit être assurée même si l’éducateur est en retard, malade ou en vacances : l’ensemble du service doit se sentir concerné par une alerte, par un appel qui, d’ailleurs, est souvent un appel au secours : celui-ci est alors l’occasion d’explications et d’un déplacement.
La France pratique peu l’évaluation, qui a cours dans d’autres pays : elle est davantage habituée à l’inspection, mais celle-ci, justement, n’est pas synonyme d’évaluation. Or l’évaluation de missions confiées à des associations, qu’il ne s’agit au demeurant pas de mettre en cause, appelle de nouvelles responsabilités en termes d’organisation du service. Il faut éviter, en somme, qu’un vide s’installe et que l’on s’en satisfasse, que chacun se repose ou se désintéresse de tortures ou d’actes de barbarie, en faisant comme s’ils ne pouvaient avoir lieu le week-end. Le lien doit être permanent : c’est l’objet de mon amendement.
Votre amendement, monsieur Dumont, prévoit l’instauration d’une permanence téléphonique au sein des services de protection de l’enfance. Ce complément ne me semble pas non plus avoir sa place dans l’article 1er, qui définit la protection de l’enfance.
Je rappelle d’ailleurs qu’il existe un numéro gratuit, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour faciliter le dépistage et le recueil de situations de maltraitance des enfants et de protection des mineurs en danger : le 119, numéro du Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée, créé par la loi de 1989 et devenu, par la loi du 5 mars 2007, le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger. Ce numéro a acquis le statut de numéro d’urgence, au même titre que le 115, le 17, le 18 et le 112.
Les coordinateurs de cet organisme maîtrisent l’ensemble des procédures de transmission des informations préoccupantes et sont en lien direct avec les services départementaux.
Une relation permanente est établie entre ce dispositif et celui, départemental, de l’aide sociale à l’enfance. Il fonctionne me semble-t-il plutôt bien mais je conviens que des dysfonctionnements, parfois, se font jour, lesquels sont le plus souvent liés à la gestion du temps sur le plan départemental.
Je ne suis pas sûre que votre proposition remédie à ces situations qui, somme toute, demeurent exceptionnelles même si elles sont toujours regrettables.
La question de la continuité du service public et de l’aide sociale à l’enfance doit être traitée avec les services départementaux. Quoi qu’il en soit, votre proposition n’a pas sa place au sein de cet article.
Avis défavorable.
Même analyse que celle de Mme la rapporteure.
Le principe de la continuité du service public est déjà prévu dans la loi et s’applique donc par définition aux services de l’ASE.
En outre, le traitement des informations de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, la CRIP, peut et doit être effectué à tout moment et quelle qu’en soit l’origine.
Enfin, le numéro 119 implique que chaque département dispose d’un correspondant disponible chaque week-end mais cela relève du mode d’organisation des départements. Je ne suis pas convaincue que l’ajout proposé dans la loi aurait l’effet que vous souhaitez.
Par ailleurs, la situation des départements est extrêmement tendue en raison des dépenses supplémentaires – je note qu’ils en ont voté une précédemment, très bien, s’ils veulent en voter d’autres, j’en prends encore bonne note, mais cela se fera sans le soutien de la secrétaire d’État.
L’avis du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, est donc si j’ai bien compris défavorable.
En effet.
Je conçois que cet amendement puisse trouver place ailleurs, madame la rapporteure. Vous auriez peut-être pu dire qu’il n’était pas adéquat au sein de l’article 1er et proposer qu’il soit voté à un autre endroit du texte.
Il n’en reste pas moins que nous avons eu peu de temps pour travailler sur une proposition de loi issue de la commission vendredi, le dépôt des amendements étant quant à lui autorisé jusqu’à lundi midi.
De surcroît, nous n’avons pas manqué de préoccupations pendant tout le week-end.
Si la commission nous avait permis de travailler quelques heures ou quelques jours de plus, cet amendement aurait peut-être trouvé sa place ailleurs.
Le numéro 119, quant à lui, est connu, mais le dispositif est bien différent.
Nous évoquons un lien entre une famille et un service, une relation directe avec ceux qui l’entourent et interviennent. Le numéro est parfaitement identifié et renvoie à des personnels et des professionnels précis. Cela n’a rien à voir avec le 119 !
Parfois, la question du signalement auprès des magistrats est également en jeu mais lorsque l’on commence par porter un jugement sur la personne qui opère le signalement, sur son statut, avant d’en mesurer le contenu, je peux vous garantir dans cet hémicycle, par expérience, madame la secrétaire d’État, que rien n’est possible.
Je sais bien que la vocation de la loi n’est pas de tout résoudre mais seul un texte attestant de principes forts peut rendre possible l’organisation des différents services concernés. Or, en l’occurrence, cette organisation n’en sera pas améliorée.
Comme hier, vous serez confrontés demain aux mêmes accidents. Dans quelques années, vos et nos successeurs devront traiter les mêmes faits.
Je comprends l’idée de notre collègue Dumont.
Dans notre département d’Ile-et-Vilaine, nous avons besoin d’un numéro de téléphone joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an. Nous avons certes la chance d’avoir le Centre de l’Enfance mais comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, des disparités territoriales existent.
Cet amendement ne sera sans doute pas adopté mais, puisque l’on oeuvre à une meilleure coordination de l’ensemble des services, il importe de disposer d’un numéro de téléphone connu. Il en va des pratiques professionnelles ; il est nécessaire que quelqu’un réponde au téléphone – pas seulement pour les familles, qui peuvent appeler le 119, mais pour les services de gendarmerie, les services sociaux ou un tiers.
Manifestement, je le répète, des disparités existent d’un département à l’autre.
C’est donc dans les pratiques professionnelles, grâce aux conventions qui seront signées et à travers une meilleure coordination entre les services que la nécessité suivante sera satisfaite : pouvoir appeler quelqu’un pour signaler que quelque chose est en train de se passer.
L’amendement no 26 est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 15 .
Des « visites impératives » – le terme peut être révisé – doivent pouvoir se dérouler au sein des lieux de vie de l’enfant et en sa présence. C’est ce dont dispose cet amendement à l’alinéa 4.
Trop souvent, madame la secrétaire d’État, les portes ne s’ouvrent pas tout de suite lors de visites à des familles qui sont en situation précaire. Il faut parfois revenir, alerter d’autres services – que sais-je, la caisse d’allocations familiales, l’ASE, des associations.
Il n’en reste pas moins que, régulièrement, l’enfant doit être vu dans son milieu de vie.
L’exposé des motifs fait référence à un certain nombre de cas qui, à la limite, peuvent constituer pour chacun d’entre nous autant de cas de conscience.
Faute d’avoir pu joindre une famille par téléphone, parce que telle ou telle mesure a été prise – quelle que soit la qualité du magistrat et des éducateurs – des prolongations de missions ont été conférées à des associations alors que l’enfant était déjà décédé.
Cela prouve que nous n’avons pas pu mesurer la situation faute de temps ou de dispositifs adéquats. On a donc cru sur parole. Certes, il faut donner un tel sentiment mais un contrôle et un croisement des informations n’en sont pas moins nécessaires.
Il faudra bien donner force de loi à de telles obligations dans le cours du texte afin de mobiliser les personnes concernées et d’appeler leur attention sur tel ou tel cas.
Nous devons réfléchir en conscience aux conséquences d’un mot qui, dans une loi ou un décret, ferait défaut.
Vous proposez donc une visite obligatoire au sein des lieux de vie de l’enfant pour la mise en oeuvre des décisions judiciaires et administratives le concernant.
J’entends bien votre objectif, pour autant des visites dans les lieux de vie sont déjà prévues dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions judiciaires.
L’organisation de visites dans le cadre de la mise en oeuvre des décisions administratives concernant l’enfant relève quant à elle, là encore, de la responsabilité des services départementaux.
Le travail sur les protocoles communs aidera à ce qu’un cadre peut-être plus contraignant soit fixé mais, pour ma part, je pense que ce que vous proposez n’a pas à figurer dans la loi.
Il n’en est pas moins vrai que certains dysfonctionnements peuvent être malheureusement constatés. Aujourd’hui, si la famille ou le parent n’ouvrent pas la porte au travailleur social venu se livrer à quelques investigations, ce dernier ne peut agir…
…sauf à saisir le procureur de la République.
En l’occurrence, plusieurs possibilités lui sont offertes en cas de suspicion de danger et de mise en danger de l’enfant. Il peut donc aujourd’hui en appeler au Parquet.
Votre amendement fait état de deux situations.
Je m’engage à répondre à la première dans le décret d’application de l’article 5 AA concernant la question de l’évaluation de la situation d’un enfant à partir d’une information préoccupante.
Je m’engage donc à ce que le décret prévoie l’obligation de rencontre avec l’enfant sur son lieu de vie, comme vous le demandez.
Vous me concéderez que votre amendement, si pertinent et utile soit-il, ne relève pas tout à fait du domaine législatif et que ce qu’il propose a sa place dans les décrets d’application.
La seconde situation concerne quant à elle l’affaire de la petite Inaya. Les services de l’action éducative en milieu ouvert se sont rendus à plusieurs reprises au domicile des parents sans y voir la petite fille et ont pris pour argent comptant ce que les parents ont raconté, selon quoi elle était absente.
En l’occurrence, il s’agit d’un dysfonctionnement. Normalement, ces services doivent voir l’enfant. Ce principe fût-il réinscrit dans la loi, je ne suis pas sûre qu’il nous protège totalement d’un tel dysfonctionnement. Il s’agit déjà d’une évidence !
Les services des départements qui, comme nous tous, ont suivi le procès des parents ont dû se poser la question d’une confrontation à une situation comparable. À un moment, c’est le problème de la responsabilité des services dédiés à l’enfance qui est posé.
Si vous maintenez votre amendement, j’émets un avis défavorable à son adoption mais son objectif sera pris en compte dans les décrets d’application.
Une fois encore, je soutiens la démarche de mon collègue Dumont.
J’ai vécu dans mon département une situation également préoccupante. Un jeune couple de 18 ans, parent d’un enfant, a été signalé. À quatre reprises, les services sociaux ont proposé d’aller voir l’enfant. Les parents ont refusé ou n’ont pas ouvert la porte et, depuis plusieurs semaines, le petit est dans le coma en raison des coups portés par son père.
Comme M. Dumont, je suis intimement convaincue que nous devons nous montrer bien plus contraignants afin que les services puissent pénétrer dans le domicile des parents et se rendre compte de la situation vécue par la famille – sur place, donc, avec les parents, pour évaluer les dangers encourus par l’enfant.
Je voterai donc en faveur de cet amendement. Peut-être rend-il la loi bavarde mais il peut aussi nous obliger à avancer en la matière.
Je ne vois pas d’inconvénient à inscrire une telle disposition dans la loi si ce n’est qu’elle relève du décret et que ce n’est donc pas le véhicule approprié.
En l’occurrence, les services sociaux auraient dû effectuer un signalement auprès de l’autorité judiciaire. Il n’est pas question d’avoir droit ou pas de pénétrer dans un domicile, même si je reconnais que lorsqu’une porte est fermée, elle peut le rester.
Dans ce cas-là, il faut effectuer un signalement auprès de l’autorité judiciaire afin qu’il soit possible de requérir la force publique et de savoir ce qu’il en est de la santé de l’enfant.
Une inscription dans la loi est donc possible mais si les services sociaux n’ont pas l’idée de demander à l’autorité judiciaire de requérir la force publique, la situation ne changera pas.
La solution juridique et judiciaire existe donc déjà mais elle est ailleurs et il faut aller la chercher.
J’ai l’impression que notre discussion tourne un peu en rond.
Le 119 décroche, évidemment, mais je vous suggère, madame la secrétaire d’État, de demander à vos conseillers ou conseillères de l’appeler pour signaler qu’un enfant placé en famille par l’ASE est malheureux. Il vous sera répondu d’aller voir cette dernière et que cela ne relève pas du 119. Voilà comment répond le 119 ! Excusez-moi d’avoir à le dire ! Nous parlons d’un signalement, pas d’un traitement !
J’ai par ailleurs bien compris que certains de mes amendements ne figurent pas au bon article – peut-être cela pourra-t-il être corrigé à l’occasion d’une prochaine lecture ?
Je vais parler avec prudence sur ce sujet. Il y a des personnes qui, lorsqu’elles sonnent à une porte, voient cette porte s’ouvrir. Ce ne sont pas toujours les professionnels, pas toujours les gens qu’il faudrait : cela m’est arrivé, à moi. Pour avoir échangé avec une de nos collègues, qui fut une professionnelle de l’aide à l’enfance, pour en avoir discuté avec des professionnels, des experts, les différentes associations de mon département, voire de ma ville, je vois bien le souci que cela leur pose.
Je le dis avec prudence, mais il arrive que la porte s’ouvre devant un élu, même quand cela revient à découvrir le pire du pire, parce que l’élu est accepté. Ce peut aussi être le cas d’un bailleur – car je suis aussi considéré comme un bailleur social. Il m’est arrivé d’aller voir comment se portait un bébé qui venait de naître, et dans quelles conditions il vivait, après qu’un technicien d’intervention sociale et familiale – TISF – l’avait signalé.
C’est toute cette chaîne de solidarité et de responsabilité qu’il faut essayer de mettre en oeuvre, par des signaux – parce qu’une loi, c’est aussi un signal. Il s’agit de dire aux professionnels que l’on a confiance en eux, que l’on connaît leur engagement, que l’on ne le met pas en cause, mais qu’un signalement peut venir d’une autre personne qu’eux.
Mais j’ai l’impression, madame la rapporteure, que vous êtes dans un cadre qui peut nous empêcher d’adopter certains amendements, ce que je regrette.
L’amendement no 15 est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 16 .
Cet amendement, qui porte toujours sur l’article 1er, tend à compléter l’alinéa 4 par la phrase suivante : « Toute décision judiciaire implique une rencontre préalable de l’enfant par le juge, ce dernier est associé aux décisions qui le concernent selon son degré de maturité. » Il va de soi que si c’est un nourrisson, le juge aura du mal à le rencontrer, mais il verra au moins qu’il est vivant, ce qui, compte tenu des affaires qui ont défrayé la chronique, devrait vous faire réfléchir, mes chers collègues.
Nous sommes ici, je le répète, pour donner des signaux. J’ai connu, à Verdun, le premier juge des enfants : c’était le juge Muller. Je ne sais pas s’il y a encore des magistrats assez anciens pour l’avoir côtoyé, mais il était connu dans la filière, comme ses successeurs, d’ailleurs. J’ai fréquenté d’autres juges, à propos de dossiers précis, ou simplement pour échanger. Je peux donc mesurer les difficultés que rencontrent les jeunes magistrats qui prennent un premier poste dans un tribunal, où le juge des enfants est constamment sollicité, sur des cas difficiles. Je le conçois bien. Mais il faut aussi se rendre compte de ce que représente l’enfant.
Il y a très peu de temps, avant qu’il ne parte en retraite, j’ai passé une journée dans le cabinet d’un de ces juges. Je me suis alors rendu compte à quel point le dialogue avec un enfant ou un adolescent déjà coutumier de certaines dérives pouvait être fructueux : pour l’enfant, pour la compréhension du dossier et pour la décision à prendre. Bien sûr qu’on doit faire confiance, bien sûr qu’il faut faire le pari que l’enfant va devenir mature et évoluer. Bien sûr ! Et le juge y réussit neuf fois sur dix. Mais que fait-on la dixième fois ?
Je suis désolée, monsieur le député, mais j’émets à nouveau un avis défavorable. En effet, la précision que vous souhaitez apporter est déjà largement satisfaite par le droit existant. L’article 388-1 du code civil dispose en effet : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. »
Malheureusement, monsieur le député, dans le cas que vous évoquez, le juge qui a renouvelé des ordonnances concernant la petite Inaya sans voir l’enfant n’a pas appliqué le code de procédure civile ni respecté l’article 1189 du code de procédure civile, qui dispose qu’ à l’audience, « le juge entend le mineur, ses père et mère, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l’enfant a été confié ».
Ce code est un texte bien connu des juges ; par conséquent, je ne suis pas sûre qu’ajouter dans le code de l’action sociale et des familles une disposition déjà prévue dans le code de procédure civile permettra de la renforcer. Ce qu’il faut faire, c’est appeler les dysfonctionnements par leur nom, identifier le mauvais exercice de la justice, de la même façon que nous avons appelé, tout à l’heure, à repérer le mauvais exercice de leur activité par des professionnels ou des travailleurs sociaux. Sur ces sujets, c’est l’évolution des pratiques et leur compréhension qui feront évoluer les différents acteurs intervenant dans le parcours d’un enfant.
Mon avis est donc défavorable. Pas sur le fond, mais parce que cet amendement est déjà satisfait par le code de procédure civile.
Madame la ministre, à propos de ces amendements, comme au sujet des cas que nous avons rencontrés dans nos territoires, vous nous répondez à chaque fois que, normalement, la justice ou les services de l’aide sociale à l’enfance auraient dû faire leur travail. Or on voit bien, à chaque fois, qu’il y a eu des dysfonctionnements, et que ces derniers ont eu des conséquences graves.
Vous dites qu’il faut améliorer les pratiques. Mais que faut-il faire, exactement, pour que l’on arrête de constater l’accumulation de tels dysfonctionnements ? Honnêtement, je trouve que cela commence à faire beaucoup. Ne faudrait-il pas, par exemple, définir des bonnes pratiques dans les départements ? Je ne siège que depuis peu de temps au conseil départemental, mais je constate déjà des problèmes semblables. J’ai donc suggéré au directeur des solidarités qu’en pareil cas, on mette en place une commission pour analyser où le dysfonctionnement s’est produit à l’intérieur des services.
À l’hôpital, c’est comme cela qu’on travaille : dès qu’on constate une erreur médicale ou un accident thérapeutique, une commission se met en place, et on analyse toute l’histoire du patient afin de savoir où on a dysfonctionné. On devrait faire exactement la même chose dans ce type de situation : à chaque fois qu’un enfant est victime de maltraitance, on devrait essayer d’améliorer, pour la fois suivante, le fonctionnement des services sociaux ou des services juridiques.
Je suis très gênée depuis le début de ce débat. Certes, je comprends le souci de mon collègue Jean-Louis Dumont d’améliorer l’ensemble du dispositif. Mais l’article 1er a précisément vocation à rétablir la création du Conseil national de la protection de l’enfance, lequel nous permettra d’harmoniser nos pratiques, aussi bien à l’échelon départemental que national.
J’entends de part et d’autre des remarques justes et légitimes, mais on ne peut pas fonder un texte sur des cas de figure qui sont autant d’exceptions, liées à des erreurs ou à la défaillance d’un individu, d’une ligne téléphonique ou d’un travailleur social. J’ai été travailleur social et responsable des services de protection de l’enfance : il y aura toujours, quoi que nous fassions, des cas qui passeront à travers les mailles du filet. Ce n’est pas toujours le résultat d’un dysfonctionnement, mais quand il s’en produit, il importe – vous l’avez dit, madame Poletti – que les services réfléchissent aux moyens d’améliorer leur dispositif. Or ce conseil national permettra précisément d’échanger sur un certain nombre de dispositifs qui ont été mis en oeuvre dans certains départements et qui portent leurs fruits.
La recherche d’une coordination est justement l’esprit qui a animé le Gouvernement et qui a présidé à nos travaux. C’est pourquoi nous devons nous montrer sages et ne pas entrer dans le détail de dysfonctionnements locaux. Aller à la rencontre d’un enfant faisant l’objet d’une décision judiciaire, c’est tellement le « b a-ba » pour un magistrat ou un travailleur social, que le préciser revient à lui faire offense. En tant que travailleur social à l’aide sociale à l’enfance, je me suis occupée de dizaines de milliers d’enfants et je peux vous assurer qu’il ne m’est jamais venu à l’idée de ne pas rencontrer les familles et les enfants quand je prenais une décision ou que je la renouvelais. C’est donc faire offense aux professionnels que de ne pas considérer qu’ils ont en permanence un tel souci. Nous risquons d’alourdir la loi et d’en compromettre le respect en voulant préciser des modalités qui doivent justement être étudiées dans le cadre du Conseil national.
Je voudrais juste ajouter un mot pour aller dans le sens de ce qui vient d’être dit. Ces cas particuliers sont des cas réels, qu’il ne faut pas nier, puisqu’ils mettent au jour des dysfonctionnements. Mais, pour l’heure, nous examinons l’article 1er. D’autres dispositions à venir, dont certaines ont été votées à l’unanimité, ont justement pour but d’éviter de tels dysfonctionnements, à commencer par celles qui recherchent une meilleure coordination entre les nombreux acteurs qui interviennent autour de l’enfant pour assurer son épanouissement et sa prise en charge. Une meilleure coordination, une meilleure formation des professionnels, une plus grande place donnée au médecin de famille, en lien avec les médecins scolaires et l’école : tous ces éléments, nous les avons déjà examinés en première lecture et au Sénat. Et nous allons encore affiner et améliorer le texte.
Les amendements que nous venons d’examiner sont légitimes. Mais, soit ils sont déjà satisfaits par des textes antérieurs, soit leur dispositions font partie intégrante du texte que, je l’espère, nous allons voter, et si possible à l’unanimité, justement parce qu’il va dans le sens que vous souhaitez, monsieur le député.
Monsieur Dumont, madame Poletti, je comprends ce qui justifie vos interventions.
Je m’adresse à vous, madame Poletti, en tant que députée, mais peut-être surtout en tant qu’élue départementale. Je comprends à quel point il peut être perturbant, voire angoissant, pour un exécutif départemental, de se rendre compte, à travers un cas survenu dans sa collectivité ou des exemples ayant eu un retentissement national, qu’il pourrait un jour avoir à répondre de semblables dysfonctionnements. Mais ce n’est pas en surajoutant des dispositions dans la loi que nous apporterons une réponse à ce problème. C’est peut-être rassurant, mais ce n’est pas efficace, parce que répéter dans la loi ce qui y figure déjà ne garantit pas une meilleure application de celle-ci.
Les cas que vous évoquez relèvent bien de dysfonctionnements. J’ai examiné les différentes affaires survenues au cours des derniers mois car, à chaque fois que l’une d’elles est portée à la connaissance du public, ce n’est pas vers le département que l’on se tourne, mais vers le membre du Gouvernement chargé de la protection de l’enfance. En général, j’ai donc eu, non pas à justifier, mais à expliquer ce qui s’était passé. Et c’est pour cela que nous avons travaillé comme nous l’avons fait : en envisageant une évolution législative, mais aussi en élaborant une feuille de route contenant 101 actions pour la protection de l’enfance.
Si j’étais aujourd’hui vice-présidente d’un département, en charge de la protection de l’enfance, je ferais, au niveau de mon département, ce que nous avons fait au niveau national : je mettrais tout le monde autour de la table, tous les services, et j’essaierais de comprendre quels sont leurs pratiques, leurs habitudes et leur fonctionnement. Ces habitudes et ces pratiques leur permettent de sauver des milliers d’enfants chaque année – il faut toujours le rappeler – mais, parfois, elles conduisent aussi certains enfants à échapper à la vigilance et à l’accompagnement des services sociaux.
Le moment est vraiment venu de nous confronter à la pratique de nos propres services et des travailleurs sociaux. Il faut installer dans les départements des lieux d’échange pluridisciplinaires et pluri-institutionnels. Il faut passer des conventions avec l’éducation nationale, avec les juges pour enfants, les procureurs chargés de la protection de l’enfance. Il faut faire tout cela, car c’est seulement de cette manière que nous ferons avancer les choses.
C’est la raison pour laquelle je ne suis pas hostile au fond de votre amendement : simplement, je ne crois pas à son efficacité. Mettez sur la table la feuille de route de la protection de l’enfance et réunissez vos services pour qu’ils comparent leurs pratiques, en l’absence de toute démarche suspicieuse ou sans que soit porté un quelconque jugement sur leur travail. Le seul objectif est d’avancer ensemble.
Un des dysfonctionnements les plus fréquents que j’observe est l’insuffisance ou la difficulté d’implication des élus dans les départements…
Laissez-moi finir.
…pour piloter les politiques de protection de l’enfance comme ils pilotent d’autres politiques. Je l’avais déjà souligné en première lecture. Il n’y a là aucune critique de ma part. C’est difficile pour les élus. Réussir à faire partager ce sujet par l’ensemble de l’exécutif départemental demande de l’énergie et une grande volonté : la politique de la protection de l’enfance est loin de faire partie des politiques les plus partagées et les plus observées dans un conseil départemental. Pour avancer, les élus doivent créer entre eux des groupes. Je le répète : il n’y a là aucune critique de ma part. Ce sujet difficile exige de se confronter aux pratiques.
Je pense être d’un caractère très optimiste, madame la secrétaire d’État : c’est pourquoi je sens presque une inflexion dans vos propos en deuxième lecture par rapport à la première. Je comprends que vous vouliez un cadre législatif : vous avez semblé prendre des engagements permettant la prise en compte et la rectification des dérives, notamment en insistant sur l’évaluation.
Elle est du ressort des départements, et ils appliquent la loi.
Certes, mais vous êtes la secrétaire d’État, donc vous êtes la référence de ceux qui font respecter la loi.
Bien que Mme la rapporteure et vous-même ayez donné à cet amendement un avis défavorable, je le maintiens, tout en rectifiant sa rédaction, qui doit être améliorée. Il convient donc de substituer aux mots : « rencontre préalable de l’enfant par le juge, ce dernier » les mots : « rencontre préalable, par le juge, de l’enfant ; ce dernier ».
Si je maintiens mon amendement, c’est que j’ai cru comprendre que l’esprit qui anime certains de ceux qui ont été signés par plusieurs parlementaires vous permettra, madame la secrétaire d’État, d’assurer l’ensemble des services qu’ils sont respectés. Lorsque les présidents des conseils départementaux prennent leurs fonctions, ils n’ont tout d’abord pas conscience de ce que représente la politique sociale de l’ASE. Ensuite, ils considèrent que, compte tenu de l’ampleur du budget, ils ne peuvent pas ne pas s’y impliquer. Ils oublient alors bientôt l’aspect budgétaire pour mettre en place de vraies politiques. S’il leur faut du temps, c’est qu’ils ne sont pas tous préparés à cette politique spécifique, qui n’est dépourvue ni de sensibilité ni de responsabilité et qui met en jeu de nombreux intervenants.
Madame la secrétaire d’État, sachez que les élus départementaux ne demandent pas mieux que de s’impliquer dans la protection de l’enfance : c’est le fameux respect du secret professionnel des travailleurs sociaux qui leur rend la tâche impossible. C’est une vraie difficulté. Je suis conseillère départementale : je peux saisir, indiquer, interpeller, je n’ai jamais de retour. Plutôt qu’au secret professionnel, nous devrions travailler tous ensemble au secret partagé, ce qui permettrait d’avancer et, peut-être, d’éviter des drames tels que ceux que nous avons précédemment évoqués.
Je rappelle la rectification proposée par M. Dumont : substituer aux mots : « rencontre préalable de l’enfant par le juge, ce dernier » les mots : « rencontre préalable, par le juge, de l’enfant ; ce dernier ». Cet amendement devient ainsi l’amendement no 16 rectifié . Je le mets aux voix.
L’amendement no 16 rectifié n’est pas adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Sur l’article 1er bis, je suis saisie d’un amendement no 10 .
La parole est à M. Gilles Lurton, pour le soutenir.
Si j’ai cosigné cet amendement de Mme Zimmermann, c’est que je l’ai trouvé très bon.
Il propose de confier l’autorité et le pilotage du protocole de mobilisation et de coordination au représentant de l’État dans le département en concertation avec le président du conseil départemental, plutôt qu’exclusivement à ce dernier.
En effet, au niveau départemental, le préfet semble mieux disposé à piloter une stratégie transversale rassemblant un aussi grand nombre d’acteurs comme celle qui est proposée au service de l’enfant dans cet article. Les acteurs cités dans la proposition de loi sont d’origines très diverses : certains sont issus de la Sécurité sociale, comme la caisse d’allocations familiales, d’autres sont des collectivités territoriales, comme les communes, d’autres encore des services de l’État.
Depuis 1982, la protection de l’enfance en danger relève des compétences des départements. Ainsi, chaque département comprend un service de l’aide sociale à l’enfance, qui est évidemment placé sous l’autorité du président du conseil départemental et qui est chargé des actions et des missions que je ne citerai pas ici.
Cette loi de 1982 et ce positionnement du président du conseil général, devenu aujourd’hui conseil départemental, ont été réaffirmés par la loi de 2007. C’est pourquoi je trouve curieux de voir des membres de votre groupe défendre cet amendement qui vise à remettre au préfet la responsabilité de coordonner les actions en la matière. La politique de l’enfance est au coeur des missions des départements : c’est même une de leurs missions principales. J’émets un avis d’autant plus défavorable sur cet amendement qu’il s’agit de sauvegarder la proximité des travailleurs sociaux avec le président du conseil départemental sous la responsabilité duquel ils effectuent leur travail. Il a toute sa place pour assurer la coordination entre les acteurs aussi nombreux que différents qui interviennent dans le champ de la protection de l’enfance.
Je m’efforce de retracer l’histoire de cet article : de mémoire, sa rédaction initiale engageait un peu plus le préfet que sa rédaction actuelle, mais toutefois bien moins que ne tend à le faire cet amendement. Au Sénat, ce sont les sénateurs des groupes homologues aux vôtres qui ont modifié l’article au profit des départements, trouvant que sa rédaction permettait une abominable intrusion du préfet dans la libre administration des collectivités territoriales.
C’est pourquoi je suis aussi perplexe qu’ennuyée. Je crois savoir que l’Association des départements de France n’était pas favorable à la rédaction initiale qui était infiniment moins intrusive que celle que vous proposez.
Dans ces conditions, je ne prendrai pas la responsabilité d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement no 10 est retiré.
L’article 1er bis est adopté.
L’article 2 est adopté.
Article 2
Article 2
Cet article, issu d’un amendement de Mme Sandrine Doucet, poursuit un double objectif : prévenir le décrochage et l’absentéisme scolaires et repérer d’éventuelles situations à risque pour l’enfant. Le Sénat a supprimé cet article qui consistait à désigner un référent au sein de chaque établissement scolaire afin d’assurer le suivi des mesures prises pour lutter contre l’absentéisme et le décrochage.
Dans cette nouvelle rédaction adoptée en commission, le chef d’établissement endosse la double casquette de lanceur d’alerte et de référent. Il devra informer les collectivités territoriales et les autorités concernées des mesures qui sont prises pour lutter contre l’absentéisme. Des absences répétées peuvent constituer un signal qui permet de repérer des situations de mise en danger de l’enfant : il est donc important que les intervenants scolaires soient sensibilisés à cette question.
Cette disposition fait écho à la circulaire du 24 décembre 2014 relative à la prévention de l’absentéisme scolaire, qui insiste sur le caractère prioritaire de la prévention de l’absentéisme et renforce le rôle de soutien de l’éducation nationale auprès des familles.
En ce sens, nous réaffirmons dans ce texte que l’absentéisme doit faire l’objet d’une attention très particulière. Traiter ce fléau au plus près du terrain et mobiliser rapidement les autorités permettront de faire reculer l’absentéisme et le décrochage. Il y va de l’intérêt de l’enfant. Il est donc nécessaire de le renforcer car on peut considérer le décrochage scolaire soit comme un désintérêt manifeste des parents pour l’enfant soit comme, sinon une forme de maltraitance, du moins une situation de mise en danger.
L’article 2 ter est adopté.
L’objet de l’article 4, qui est de désigner un médecin référent « protection de l’enfance » dans chaque département, a été soutenu par l’ensemble du groupe.
Le médecin référent sera chargé d’établir des liens réguliers entre le secteur médical et les acteurs du département concernés par la protection de l’enfance. Le Sénat a introduit une modification permettant aux professionnels de santé d’être désignés comme référents, au prétexte que certains départements souffrent d’une pénurie de médecins.
Toutefois, au vu de la pratique, il est préférable de limiter au seul médecin cette possibilité. En effet, un médecin parle beaucoup plus facilement à un confrère et il y a moins de problèmes liés au secret médical, notamment lorsqu’il s’agit d’échanger sur des soupçons de maltraitance sur un enfant.
Cette rédaction vise donc à faire passer les informations plus rapidement et plus facilement entre professionnels et à améliorer la coordination : nous savons que la réactivité est importante dans les situations qui concernent les plus jeunes ou qui sont les plus dangereuses. Cette préoccupation rejoint celles de l’article 1er.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement no 4 .
En raison des difficultés de démographie médicale qui frappent de nombreux départements, notamment le mien, cet amendement vise, après le mot : « médecin », à insérer les mots : « ou un professionnel de santé ». En effet, certains professionnels de santé peuvent avoir les mêmes compétences dans ce domaine que les médecins et peuvent discuter avec eux. Si d’autres professionnels de santé ne sont pas capables de discuter avec des médecins et qu’il faille absolument être médecin pour discuter avec un médecin, c’est grave.
Des professionnels de santé sont très sensibilisés à la problématique de la protection de l’enfance et sont tout à fait capables de discuter avec des médecins. Je le répète : l’inverse serait assez grave.
Compte tenu des difficultés de démographie médicale que connaissent certains départements, on doit pouvoir continuer à garder l’esprit de cet article que nous approuvons – l’instauration d’un référent qui puisse échanger avec les médecins sur le département – tout en prévoyant qu’un médecin référent peut être remplacé par un professionnel de santé.
Cet article a bien pour objet de désigner en tant que référent « protection de l’enfance » un médecin – telle est la rédaction adoptée par la commission –, alors que vous proposez qu’un professionnel de santé puisse, lui aussi, être désigné comme référent.
Il est vrai que les professionnels de santé peuvent parler à des médecins et s’intéresser à la protection de l’enfance. Mais tel n’est pas le sujet. Il ne s’agit pas, du reste, de recruter un nouveau médecin. Des médecins sont déjà présents dans les services de protection de l’enfance dans l’ensemble des départements.
Et même si des problèmes de démographie médicale se posent – c’est le cas dans mon département –, j’espère que nous n’en sommes pas arrivés au point qu’il ne serait pas possible de trouver un médecin dans un service du département. Nous n’en sommes pas encore arrivés là, fort heureusement.
Si nous avons souhaité introduire la présence de ce médecin, c’est pour faciliter les liens : on a évoqué précédemment la question de la coordination ainsi que celle des dysfonctionnements au sein des services. Il nous paraît important que l’information puisse circuler de manière plus fluide et peut-être plus professionnelle entre les médecins, qu’il s’agisse du médecin traitant ou des médecins intervenant dans le cadre de la protection de l’enfance et dans les écoles.
L’expérience a montré qu’il était parfois plus difficile de parvenir à un échange d’informations optimal lorsqu’il n’y avait pas de médecin. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons fortement que ce soit un médecin qui soit désigné comme référent de la protection de l’enfance au sein des services départementaux d’aide sociale. Avis défavorable.
Nous avons déjà abondamment discuté de ce sujet en première lecture, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.
Il faut comprendre pourquoi je tiens à ce que le référent soit un médecin. Nous partons d’un constat : aujourd’hui, parmi les signalements d’informations préoccupantes, beaucoup trop peu – moins de 5 % – émanent des médecins. Cette situation s’explique, en partie, par des raisons liées au secret professionnel, au secret partagé. Le 5 novembre a été promulguée la loi Giudicelli tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé, qui réaffirme que les médecins ne peuvent être poursuivis en cas de signalement d’information préoccupante : ainsi, nous avons levé une inquiétude, qui existait moins dans le droit que dans la tête des médecins, puisqu’ils étaient déjà bien protégés auparavant.
En revanche, après avoir discuté avec l’Ordre des médecins, je me suis rendu compte que les médecins parlaient aux médecins. Je n’y peux rien : c’est une corporation qui se parle à elle-même. Si nous voulons qu’un médecin de ville échange des informations avec les services du département, avec la CRIP, et qu’il soit un véritable acteur en matière d’informations préoccupantes, alors nous devons lui donner un médecin comme interlocuteur. C’est pour cela que nous avons prévu cette disposition.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la députée : un autre professionnel de santé serait tout à fait capable d’accomplir la mission que nous confions au médecin. Mais ce n’est pas le sujet. L’idée, c’est d’identifier un médecin qui soit l’interlocuteur des autres professionnels de santé dans le département. Ce peut être le médecin de PMI, par exemple, puisqu’il y en a un dans chaque département. Cela ne doit pas être un travail à plein temps.
Je suis donc défavorable à l’amendement no 4 , parce qu’il nous empêcherait d’atteindre le but que nous recherchons : nous voulons impliquer les médecins de ville dans un dialogue avec un médecin qui soit capable de mettre en mouvement des actions et des procédures pour protéger un enfant.
L’article 4, relatif au rôle du médecin, me donne l’occasion de m’exprimer sur un sujet qui ne correspond pas tout à fait au contenu de cet article, mais qui a déjà été soulevé par plusieurs associations. Je veux simplement appeler votre attention sur une question qui n’a pas été traitée dans le présent texte, mais dans le PLFSS pour 2016 : il s’agit de la possibilité d’obtenir une carte Vitale dès l’âge de 12 ans. Plusieurs associations nous ont fait remarquer, à juste titre, que cette disposition pouvait poser quelques difficultés, non seulement pour certains enfants dont les parents sont séparés et qui font l’objet d’une garde alternée, mais aussi pour des enfants en situation de handicap.
Ces associations nous ont proposé de réfléchir et d’aller plus loin sur ce sujet – je pense d’ailleurs que nous aurons l’occasion de le faire dans le cadre de la discussion du PLFSS et du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Il conviendra d’étudier la possibilité de délivrer la carte Vitale plus tôt, sur demande des parents ou dans certaines situations particulières. Parfois, en effet, des enfants souffrant de handicaps ou de maladies chroniques doivent recourir à des consultations fréquentes, dans le cadre d’un parcours médical qu’il faut surveiller plus attentivement.
L’ouverture d’un dossier médical personnel permettrait évidemment d’accompagner ces enfants. À ce jour, deux éléments sont nécessaires à la création d’un tel dossier : l’attribution d’un numéro INSEE et l’utilisation conjointe de la carte Vitale du patient et de la carte de professionnel de santé du soignant. Or, à l’exception des jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance et des ayants droit de parents affiliés à certaines caisses de Sécurité sociale, les jeunes ne disposent pas de carte Vitale personnelle avant l’âge de 16 ans : de fait, ils n’ont donc pas la possibilité d’avoir un dossier médical personnel.
À notre sens, il serait intéressant de prolonger la réflexion sur ce sujet et d’étudier comment nous pourrions améliorer ces dispositions, dans le cadre de la protection de l’enfance mais également au-delà.
Je voterai l’amendement no 4 de Mme Poletti, qui ajoute simplement la possibilité de désigner, en cas de besoin, un professionnel de santé comme référent pour la protection de l’enfance dans un département, afin d’éviter une vacance de cette responsabilité.
Pensez que, dans une ville de 20 000 habitants, 2 000 personnes attendent déjà un médecin référent ! Dans les services de PMI, de l’ASE, ou dans d’autres services du département – puisque c’est de ces services qu’il est question –, combien de postes sont-ils occupés physiquement ? Les médecins existants sont déjà débordés. Prenons donc cette précaution afin de garantir une application complète de l’article 4, y compris en milieu rural – cet argument va peut-être intéresser certains d’entre vous !
Quand nous écrivons à des ministres parce que nous manquons de médecins référents, on ne nous répond pas, ou alors on nous propose d’ouvrir une maison de santé. Mais quand la maison de santé est vide et que le dernier médecin roumain est parti, parce qu’il a trouvé un poste plus intéressant ailleurs, que fait-on ? Il faut passer par des réseaux payants pour trouver un médecin !
Mieux vaut avoir un professionnel de santé déjà installé, qui a de la pratique et qui exercera sa responsabilité avec les compétences et les valeurs qui sont les siennes, que de n’avoir personne. Dans ce texte, nous traitons de la protection de la petite enfance, mais nous devons aussi nous occuper du personnel qui permettra d’intervenir en la matière.
Là encore, je ne vois pas où est la cohérence. Mon collègue Jean-Louis Dumont souligne la nécessité de désigner un professionnel de santé comme référent pour la protection de l’enfance, sans que ce soit nécessairement un médecin. Nous venons justement d’expliquer qu’il fallait améliorer la coordination entre les professionnels, afin de faciliter la prise en charge des enfants et de prendre en compte les observations des uns et des autres le plus tôt possible.
Il est vrai qu’en dépassant le principe du secret professionnel, nous améliorons les choses et permettons d’aller beaucoup plus vite dans l’observation et le traitement des situations préoccupantes : la réaffirmation du principe selon lequel les médecins ne peuvent être poursuivis en cas de signalement d’une information préoccupante est une garantie supplémentaire, qui facilitera l’observation et la prise en compte des situations de maltraitance, de même que le suivi des enfants confiés.
Tout cela est un peu paradoxal. En tout cas, je suivrai la position de la rapporteure et du groupe.
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
L’article 4 est adopté.
Article 4
L’article 4 bis est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 18 .
Toute évaluation de situation de danger d’un enfant doit être impérativement éclairée par des enquêtes et un recueil d’informations concrètes sur l’environnement de cet enfant. C’est d’ailleurs ce que font souvent les services chargés des actions éducatives en milieu ouvert – AEMO. Mais certaines contraintes empêchent parfois une réalisation complète de ces enquêtes. Prenons bien en compte l’environnement, notamment familial, dans lequel l’enfant vit au quotidien.
Là encore, permettez-moi de relire le deuxième alinéa de l’article 5 AA : « L’évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Un décret précise les conditions d’application du présent alinéa. »
Je vois bien, monsieur Dumont, l’objectif de votre amendement, mais je ne suis pas sûre qu’il apporte des précisions utiles aux dispositions existantes. Pour moi, cela va de soi : l’évaluation de la situation d’un enfant se fait évidemment dans l’environnement de ce dernier.
Il ne pourrait pas en être autrement, d’autant que la deuxième phrase de l’alinéa tend à le suggérer, puisqu’elle impose l’évaluation de « la situation des autres mineurs présents au domicile ».
Votre amendement me semble tout à fait satisfait par la rédaction actuelle de l’article 5 AA. Je lui donnerai donc un avis défavorable, à moins que vous ne le retiriez.
Je comprends ce que vous dites, monsieur Dumont, mais si l’évaluation de la situation d’un enfant ne tenait pas compte de son environnement, comme vous le souhaitez, alors il y aurait un dysfonctionnement ! On constate d’ailleurs parfois un dysfonctionnement inverse : dans certains cas, pour évaluer si une information est préoccupante, il est nécessaire de ne pas prendre uniquement en compte l’environnement de l’enfant, mais aussi l’enfant lui-même, ce qui n’est pas systématiquement le cas. La diversité des dysfonctionnements aboutit à des situations totalement orthogonales – nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir.
Cela dit, nous avons justement l’ambition d’éliminer tous les dysfonctionnements. Nous allons donc assortir cet article d’un décret qui en précisera les conditions d’application et mettra en place un référentiel de la protection de l’enfance et des informations préoccupantes.
Très bien !
Permettez-moi de souligner que cet article 5 AA a déjà été modifié, par amendement, afin d’y ajouter la prise en compte des fratries, ce qui n’était pas le cas initialement. La démarche que vous proposez, monsieur Dumont, est donc déjà contenue dans la proposition de loi, puisque la prise en considération des fratries dans l’évaluation de l’information préoccupante est déjà une obligation de prise en compte de l’environnement de l’enfant.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cet amendement, madame la secrétaire d’État ?
Si M. Dumont me fait confiance et pense que le décret relatif au référentiel permettra de prendre en compte cette situation et bien d’autres, et s’il retire son amendement, alors je n’aurai pas à émettre un avis défavorable.
Avant que Mme la secrétaire d’État ne précise son avis, j’allais dire que, compte tenu des propos qu’elle a tenus, je lui fais confiance. Si cette confiance s’avère déçue, nous y reviendrons.
Je le retire, non seulement parce que je fais confiance à Mme la secrétaire d’État, mais aussi pour vous être agréable, madame la présidente.
Sourires.
La moindre des choses était de laisser le Gouvernement s’exprimer avant de le dire, monsieur Dumont.
L’amendement no 18 est retiré.
L’article 5 AA est adopté.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour soutenir l’amendement no 33 portant article additionnel après l’article 5 AA.
L’amendement no 33 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 5 AB est adopté.
Cet article, adopté à l’initiative du groupe socialiste, républicain et citoyen, vise à donner au président du conseil départemental la possibilité de faire accueillir par un tiers, à titre bénévole, un mineur pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Il permet ainsi au juge de confier un enfant à un tiers digne de confiance dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative.
Cet article vise à donner une base légale à un mode d’accueil qui existe de fait, mais qui doit être soutenu et sécurisé. En effet, il s’agit surtout de prendre en considération l’intérêt de l’enfant, qui a pu développer des liens avec certaines personnes avant ou pendant sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance.
Ces liens seraient non seulement maintenus, mais beaucoup plus encadrés afin que cette personne soit accompagnée par le service de l’aide sociale à l’enfance ou devienne partenaire de la prise en charge de l’enfant.
En outre, le suivi de cet accueil serait assuré par le service de l’aide sociale à l’enfance, comme dans n’importe quelle autre situation de placement, afin de vérifier les conditions tant matérielles que morales d’accueil de l’enfant par des entretiens, des visites à domicile, qui sont les outils classiques de prise en charge.
L’article 5 B présente un intérêt majeur. Il n’y a pas que les liens familiaux qui soient importants pour un mineur. Toute personne – un parrain, une marraine, un cousin, un voisin – est susceptible de pouvoir être volontaire et s’investir auprès d’un enfant. Cela serait une façon de le sécuriser en termes de responsabilité. Ces liens sont même parfois plus importants pour l’enfant que des liens familiaux. Cela est important, enrichissant et structurant pour les enfants.
C’est une réelle avancée et j’espère que l’unanimité se fera autour de cette mesure.
L’amendement no 11 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 20 .
Il s’agit d’insérer les mots : « in situ » après le mot : « contrôle ».
Le service social, lorsqu’un enfant suivi est placé chez un tiers, se doit de se rendre au domicile de celui-ci. On va me dire que c’est redondant, mais il faut appeler l’attention pour que les textes qui sortiront après le vote définitif de la loi portent bien la marque d’une volonté d’être très attentif à ces questions. Lorsque c’est nécessaire, il faut sortir du train-train habituel, des habitudes.
Il est des secteurs où la mobilité des personnels est absente – pour des raisons liées au fait que l’on veut travailler sur le lieu où l’on vit –, comme il y a des départements où elle n’est pas aussi rapide que dans d’autres. On doit donc prendre des précautions. Il faut que chacun prenne bien conscience de la nécessité et du suivi et du contrôle, du contrôle in situ, du contrôle de l’environnement de telle sorte que l’on puisse éviter au maximum les dérapages, les dérives, les oublis qui ont été signalés tout au long de nos débats.
Cet amendement est en effet redondant. Lorsque les services sociaux évaluent la situation d’un enfant, considèrent qu’il est en situation de danger ou que la situation nécessite qu’il soit confié à un tiers, je n’imagine pas que les travailleurs sociaux ne procèdent pas à l’évaluation de l’environnement de l’enfant. Les travailleurs sociaux, dans leur immense majorité, font leur travail. Il peut, certes, y avoir des dysfonctionnements, mais je ne voudrais pas, là encore, qu’un cas particulier nous conduise à généraliser les dysfonctionnements. Il faut rendre hommage aux travailleurs sociaux qui font en général un travail très sérieux, de coordination avec l’ensemble des partenaires. Bien évidemment, si l’enfant est placé chez un tiers, je ne peux pas imaginer, je le répète, que l’environnement d’accueil ne soit pas évalué.
Avis défavorable, donc.
Même avis que sur les amendements précédents. Bien entendu, nous allons encadrer les conditions du suivi par les services sociaux. Cela relève du décret d’application qui sera pris.
Il y a des populations diverses, y compris pour ce qui concerne l’âge. Aujourd’hui, on parle de la petite enfance, on peut aussi parler des adolescents – peut-être au plan d’un suivi judiciaire –, mais il y a aussi dans les services sociaux une responsabilité à destination des personnes âgées.
Je peux vous garantir, madame la secrétaire d’État, que si nous étions dans le cadre d’un texte consacré aux personnes âgées suivies, on pourrait pratiquement dire la même chose. Il s’agit de cas minoritaires, mais qui sont toujours des cas de trop. Chaque élu a pu faire l’expérience de telles dérives. Un mot supplémentaire dans la loi peut donc appeler l’attention d’un président de conseil général et lui être utile dans ses interventions : lorsqu’il visite ses services, lorsqu’il anime une réunion ou défend une politique. Cela peut être utile à son vice-président chargé de l’ASE, qui est souvent quelqu’un d’expérimenté et de très impliqué – nous avons tous pu constater à quel point ces personnes sont impliquées – dans cette politique. Bref, à tout moment, il peut rappeler la loi tout au long de la chaîne d’interventions.
L’amendement no 20 n’est pas adopté.
L’article 5 B est adopté.
L’article 5 C est adopté.
Le présent article a fait l’objet d’un consensus au sein de notre groupe. Il vise à rendre obligatoire un entretien d’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Tout mineur bénéficiera obligatoirement d’un entretien l’année précédant sa majorité, entre dix-sept et dix-huit ans. On s’est en effet rendu compte que d’un département à un autre, l’organisation de l’accès à l’autonomie différait. Le passage à la majorité, à dix-huit ans, entraîne pour certains jeunes une rupture dans les prises en charge.
Pour anticiper ces situations, nous avons, dans le cadre d’une harmonisation des pratiques au niveau national, rendu cet entretien obligatoire, ce qui permettra à chaque jeune de savoir que dans l’année qui suit, au-delà de sa majorité, il doit préparer ce passage – cela est vrai pour tout jeune, mais particulièrement pour ceux qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance.
Lors de cet entretien, pourront être posées des questions fondamentales sur le devenir du jeune, son projet de vie, la poursuite ou non de la scolarité, l’accompagnement par une personne qui sera à ses côtés pour le prendre en charge. Certains départements ont mis en place des services d’aide aux jeunes majeurs, avec des solutions de logement, d’accompagnement et de prise en charge, lesquelles peuvent ou non être proposées au jeune, sachant que celui-ci peut ou non les accepter. À partir du moment où il est majeur, le jeune doit décider lui-même de la suite de son projet de vie.
L’article 5 D est adopté.
Les articles 5 EA et 5 EB sont successivement adoptés.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 22 .
Je tiens tout d’abord à remercier Mme la secrétaire d’État pour le document qu’elle m’a fait parvenir et que je lirai avec la plus grande attention. Comme il date du mois d’août 2015, je ne suis pas trop en retard dans mes informations.
Cependant, j’ai d’ores et déjà noté que vous indiquiez, madame la secrétaire d’État, que la politique de l’enfance était un angle mort des politiques. Cela a fait réagir, ici et là.
Alors, même si l’on abuse du droit d’amendement, et on n’en abuse jamais assez quand on est parlementaire, croyez-moi, c’est précisément pour que la politique dédiée à l’enfance s’entoure de toutes les garanties et donne aussi du temps. Il faut que l’enfant continue à être accompagné. Il faut être sûr de ce qui se passe dans la famille, dans la famille d’accueil. On ne sort pas systématiquement un enfant de la famille. Un service éducatif comme les aides aux mères de famille contribuent à donner un peu plus d’appétence au père ou à la mère par rapport à l’attention que l’on doit porter à l’enfant, à l’attitude que l’on doit avoir. Cela s’apprend. Il est nécessaire de l’apprendre à certains parents pour éviter les dérives qui mettraient l’enfant en danger.
Mon amendement vise à faire confiance au président du conseil départemental pour qu’il s’assure que le suivi de l’enfant s’inscrira dans la durée. En matière de pédagogie, il faut souvent du temps !
J’avoue ma perplexité devant cet amendement. Je m’interroge sur la durée de l’accompagnement de long terme ! L’article indique que le président du conseil départemental s’assure qu’un accompagnement permet le retour et le suivi de l’enfant dans sa famille dans les meilleures conditions. Si tout va bien, il n’y a pas lieu de poursuivre régulièrement un accompagnement au plus près sous prétexte qu’à un moment donné, il y a eu quelques difficultés. Il faut une vigilance particulière, mais il n’est pas utile d’ajouter : « à court, moyen et long termes »,…
Dès lors que nous sommes en deuxième lecture – quatre lectures si on y ajoute leur examen par le Sénat –, ces articles ont une histoire. Le présent article a été introduit à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement qui prévoyait l’accompagnement. Nous avions proposé cet amendement pour répondre à un cas où il y a eu une « restitution sèche », si je puis dire, de l’enfant à la famille après un placement. Nous avons eu à connaître de cette affaire parce qu’elle s’est mal terminée pour l’enfant. Et ce sont ces cas dont il est fait état le plus souvent.
En commission des affaires sociales, au Sénat, l’article avait été supprimé. Puis, à la suite du dépôt d’un nouvel amendement du Gouvernement, au Sénat, il a été rétabli en commission. Mieux, le président de la commission des affaires sociales avait sous-amendé l’amendement du Gouvernement en ajoutant après le mot :« accompagnement » le mot : « suivi ». Cet amendement s’est construit au cours des différentes lectures de la navette parlementaire.
Certains disaient qu’il était évident qu’un enfant ne pouvait pas rentrer dans sa famille sans qu’il y ait de suivi. D’autres nous reprochaient d’alourdir les charges et les compétences du conseil général, qui n’ont pas les moyens nécessaires, etc.
Nous avons considéré qu’avec les mots « accompagnement » et « suivi », notre objectif était atteint. Vous proposez d’ajouter : « à court, moyen et long termes ». Mais on n’a pas toujours besoin d’un suivi de long terme.
Lorsqu’un enfant revient dans sa famille parce que ses parents ont été hospitalisés, un suivi de long terme peut ne pas s’imposer s’il ne s’agit pas d’un milieu difficile, et le suivi peut être de courte durée.
Avec la présence des mots « accompagnement » et « suivi », nous considérons que nous avons atteint le but recherché. En outre, il faut faire un peu confiance aux présidents des conseils départementaux pour s’adapter à la diversité des situations.
Avis défavorable, donc, si l’amendement était maintenu.
La durée de l’accompagnement et du suivi ne doit pas être déterminé par des contraintes – je vais être poli – qui n’ont rien à voir avec l’accompagnement, le suivi et l’évaluation du suivi. Ce n’est donc peut-être pas « et » qu’il faut écrire, mais « ou ». Quoi qu’il en soit, il faut être assuré que c’est l’enfant qui est suivi.
Eu égard à l’état de difficulté des finances des conseils départements, il ne faudrait pas qu’ici ou là, la capacité de suivi soit restreinte en raison de questions financières alors que l’évaluation n’a peut-être pas donné tous les résultats que l’on souhaitait.
Cependant, j’ai compris et je vais retirer cet amendement, après mûre réflexion, madame la présidente. Mais soyons très attentifs à ce que les protocoles d’intervention, de suivi, d’évaluation soient bien destinés à l’enfant et que celui-ci soit bien suivi.
C’est le but de la réforme !
Il faut éviter toute dérive qui conduirait à interrompre le suivi pour des raisons d’ordre financier.
L’amendement no 22 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 24 .
Cet amendement, que j’ai presque déjà défendu, tend à préciser que les modalités de mise en oeuvre du suivi font l’objet de rencontres régulières avec l’enfant. Peut-être sommes-nous, me direz-vous, un peu traumatisés par certains cas, mais c’est parce que de telles rencontres formelles n’ont pas eu lieu que des enfants sont morts – 200 nourrissons meurent chaque année ! Il faut donc s’assurer qu’il y a bien une rencontre avec l’enfant. Même si l’on commence à faire confiance à la famille, il faut, comme je l’ai dit tout à l’heure, croiser les informations.
Je me souviens du cas d’un adolescent à qui nous avions décidé de faire confiance. Je lui ai annoncé le matin qu’il pourrait aller chercher sa paye le soir et on ne l’a jamais revu. Nous avons seulement eu de ses nouvelles le lendemain par la presse – je ne dirai pas pourquoi. L’équipe éducative dont j’étais responsable avait analysé la situation et connaissait cet adolescent, mais il est pourtant parti et n’est jamais revenu.
Cette disposition figure déjà dans l’article. J’émets donc un avis défavorable.
Avis défavorable.
J’ajouterai un mot sur les aspects financiers que vous avez évoqués. Lorsqu’il est question de la protection de l’enfance, politique qui est l’une des missions premières des départements, les questions financières ne doivent pas entrer en ligne de compte. De fait, cette responsabilité confiée au président du conseil départemental compte parmi ses missions premières et des moyens doivent être consacrés prioritairement à la protection de l’enfance, même si les départements ont de multiples autres missions.
À cet égard, j’ai toujours été étonnée de constater que, lorsqu’on parle des routes en conseil départemental, tous les conseillers s’expriment, mais que, lorsqu’il y est question de la protection de l’enfance, il y a généralement moins de monde et le sujet passe d’ordinaire beaucoup plus vite.
L’amendement no 24 n’est pas adopté.
L’article 5 EC est adopté.
La parole est à Mme Françoise Dumas, première oratrice inscrite sur l’article 5 ED.
Cet article 5 ED, inséré par l’Assemblée nationale en première lecture à l’initiative du Gouvernement, prévoit dès la rentrée scolaire de 2016 le versement de l’allocation de rentrée scolaire sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations, laquelle en assure la gestion jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance. Cet article est donc en cohérence avec l’article 5 D. Il permet à des mineurs qui se trouvent souvent dans des situations de rupture familiale de pouvoir bénéficier, à leur majorité, d’un petit pécule et d’entrer dans la vie d’adulte avec un petit soutien financier, comme c’est souvent le cas dans le cadre d’un processus éducatif visant à aider nos enfants, tous les enfants, à découvrir la gestion et l’autonomie financière.
À la différence des allocations familiales, l’allocation de rentrée scolaire reste systématiquement versée à la famille lorsque l’enfant est placé. Cette solution innovante va donc dans le sens de l’accès des jeunes majeurs à l’autonomie. La suppression de cette mesure et son remplacement, pour des raisons exclusivement financières, par le versement de l’allocation au service auquel l’enfant est confié ne sont pas recevables.
Cette disposition est assez attendue, son coût est très limité et elle ne remet pas en cause les règles habituelles de fonctionnement. Elle va dans le sens de l’autonomie des jeunes accueillis dans les services de l’aide sociale à l’enfance.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette période si troublée, il est réconfortant de pouvoir légiférer sur le sort des 300 000 enfants concernés par la protection de l’enfance. Il est en effet de notre devoir de parfaire la législation lorsqu’elle est inadaptée, et c’est précisément le sens de ce texte. Sa deuxième lecture, que nous avons engagée, montre que les deux chambres du Parlement ont parfois des approches différentes et nous pouvons nous féliciter que certaines dispositions adoptées au Sénat aient, cette fois, été retenues par la majorité à l’Assemblée nationale.
Ce n’est malheureusement pas le cas de cet article 5 ED. Il vient certes corriger une anomalie, qui veut que les parents dont l’enfant est placé en famille d’accueil continuent de percevoir l’intégralité de l’allocation de rentrée scolaire – il est en effet difficilement acceptable que des familles n’assumant plus la charge effective et permanente d’un enfant continuent de percevoir une allocation au même titre que les familles dont les enfants ne sont pas placés.
Afin de corriger cette anomalie, la majorité a adopté ici même, en première lecture, un article prévoyant que l’allocation de rentrée scolaire ou la part d’allocation différentielle initialement destinée à l’enfant soit versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, jusqu’à son émancipation et qu’à cette date, le pécule soit attribué et versé à l’enfant.
Or, le Sénat, dans sa grande sagesse, a voté que, lorsqu’un enfant était confié à l’aide sociale à l’enfance, l’allocation était versée à ce service. L’allocation de rentrée scolaire, comme l’indique clairement son intitulé, est destinée à couvrir les frais liés à la scolarité, et non pas à contribuer à créer un pécule que le jeune récupérera à sa majorité.
Chers collègues, je vous invite donc à faire preuve d’autant de sagesse et de raison que le Sénat et à revenir à la disposition prévue par les sénateurs.
D’autre part, je voudrais profiter de ce débat pour rappeler la nécessité de donner aux départements les moyens d’assumer cette noble mission qu’est la protection de l’enfance, sachant que leurs moyens baissent et que leurs charges augmentent.
Cet article 5 ED est un dévoiement de l’allocation de rentrée scolaire. En effet, cette allocation a pour but de couvrir les frais scolaires des enfants de familles modestes, et non pas d’alimenter un compte d’épargne, même dans le cas spécifique des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance – ASE. C’est pourquoi, lorsqu’un enfant est placé à l’ASE, il importe de reverser à ce service l’allocation de rentrée scolaire due à la famille pour cet enfant, car il supporte la totalité des dépenses liées à la rentrée scolaire de ce dernier.
L’existence de ce pécule destiné à l’enfant est par ailleurs une excellente idée, qui peut permettre à la jeune fille ou au jeune homme de commencer correctement dans la vie et de payer des études ou une formation, mais peut-être faut-il alors employer plutôt à cela les allocations familiales et demander au juge de nourrir le pécule au moyen de ces dernières. Je le répète : actuellement, le juge décide de verser les allocations familiales à la famille ou au conseil départemental, et parfois au deux. On pourrait imaginer d’en faire un troisième levier permettant de nourrir ce pécule, plutôt que d’y employer l’allocation de rentrée scolaire.
L’amendement no 29 , identique au précédent, tend à revenir sur la disposition visant à constituer, au moyen de l’allocation de rentrée scolaire, un petit pécule pour les enfants placés. Nous avons longuement débattu de ce point lors de l’examen de la proposition de loi visant à confier les allocations familiales à l’aide sociale à l’enfance en cas de placement d’un enfant. L’utilisation de l’allocation de rentrée scolaire à cette fin a également été évoquée dans ce cadre.
Si ma position a pu évoluer, à la faveur des auditions auxquelles nous avons procédé, à propos des allocations familiales, ce n’est pas le cas pour ce qui concerne l’allocation de rentrée scolaire, qui est, selon moi, une somme destinée à aider l’enfant à financer sa rentrée scolaire et ne peut donc être affectée qu’à cela. L’amendement tend donc à confier cette allocation à l’aide sociale à l’enfance.
Mon amendement no 7 , prévu pour le cas où l’amendement no 29 ne serait pas adopté et où vous ne voudriez donc pas confier l’allocation de rentrée scolaire à l’aide sociale à l’enfance, propose de la confier à la famille d’accueil, qui a la charge de l’enfant et de sa rentrée scolaire, et qui paie souvent des sommes importantes, même si elle est aidée à ce titre par les services départementaux, car les allocations qui lui sont octroyées sont d’un montant inférieur à celui de l’allocation de rentrée scolaire.
Nous avons là une divergence de vues. Le débat a déjà eu lieu ici en première lecture, ainsi qu’au Sénat. On peut certes choisir d’être formaliste et de considérer que l’allocation de rentrée scolaire est destinée à la rentrée scolaire.
Elle est d’abord conçue pour l’enfant et je soutiens donc la proposition particulièrement innovante de Mme la secrétaire d’État, qui prévoit que ce pécule soit constitué au fil des années afin de permettre à l’enfant, au jeune adolescent, puis au jeune adulte, de s’engager dans sa vie d’adulte et, par exemple, de passer le permis de conduire ou de poursuivre sa formation. C’est aussi une marque de confiance donnée à notre jeunesse.
L’accès des jeunes majeurs à l’autonomie est un problème réel, notamment lorsqu’ils ont été suivis par l’aide sociale à l’enfance. Cette mesure mérite de recevoir notre soutien et, pour ma part, je lui apporte le mien. Avis défavorable, donc, aux trois amendements présentés.
Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture, mais je la reprendrai tout de même brièvement. Cette disposition, qui vise effectivement à doter d’un petit pécule les enfants passés par l’aide sociale à l’enfance, s’explique simplement par le fait que, lorsqu’ils en sortent, ils n’ont rien. Nous ne laissons, quant à nous, aucun de nos enfants de 18, 19 ou 20 ans seul, à la rue, sans un centime, sans avoir de quoi payer ne serait-ce que la caution d’une chambre, passer le permis de conduire ou payer toute autre chose indispensable dans la vie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les jeunes passés l’aide sociale à l’enfance sont surreprésentés parmi les jeunes en errance – 40 % environ des jeunes SDF vivant dans l’errance en sont en effet issus.
Cette disposition est relativement modeste, je vous le concède, car l’allocation de rentrée scolaire est versée à l’âge de l’obligation scolaire : pour un enfant qui aurait passé dix ans auprès de l’aide sociale à l’enfance, le petit pécule s’élèverait donc environ à 3 600 euros – ce qui permet tout de même d’acheter un lit et de payer une caution.
Il est étonnant que l’amendement no 6 soit le seul qui mobilise la totalité du groupe Les Républicains. Il n’est donc pas simplement issu du travail de celles et ceux qui ont suivi le texte et contribué à son élaboration, mais il s’agit d’un amendement politique qui incarne la position du groupe Les Républicains, lequel ne veut pas que nous dotions les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance d’un petit pécule. Il est important de le dire, car cela lui donne une dimension et une qualité différentes de celles des autres amendements.
Je n’aurai pas la cruauté d’insister, mais je ne puis m’empêcher de relever, dans l’exposé sommaire de cet amendement, que « cet article consiste en un dévoiement de l’allocation de rentrée scolaire ». Combien de fois ai-je répondu, au même endroit, à cet argument d’un dévoiement de l’allocation de rentrée scolaire par les parents, qui l’utiliseraient pour acheter des écrans plasma et des enjoliveurs – car chacun sait que les mères des familles monoparentales, qui représentent une grande partie des familles touchant l’allocation de rentrée scolaire, achètent beaucoup d’enjoliveurs ! Voilà donc le deuxième dévoiement d’une allocation souvent décriée déjà comme dévoyée.
Votre position m’étonne, car je ne peux pas croire qu’elle se fonde sur la prise en compte des finances de départements. Ceux-ci sont certes confrontés à des charges lourdes et à des difficultés, mais ce n’est pas à 360 euros près, par an et par enfant, que se jouent leurs budgets ! Le hiatus est donc important entre la mobilisation que suscite cet amendement et la réalité de la somme en jeu.
Il n’est pas évident que des parents dont les enfants sont confiés à l’aide sociale à l’enfance et auxquels le juge n’a pas choisi de maintenir le versement des allocations familiales continuent de bénéficier de l’allocation de rentrée scolaire.
C’est pour cela que j’ai inventé cette disposition. En effet, il m’a paru juste tant sur le plan moral, dans les rapports entre les institutions et la famille, que sur le plan de l’avenir de l’enfant et de ce que nous lui devons, d’attribuer l’allocation de rentrée scolaire non pas à ses parents, non pas à l’institution, au département, mais au jeune lui-même, en lui versant ce petit pécule d’entrée dans la vie.
Je suis réellement désolée que vous n’acceptiez pas cette mesure de justice sociale et d’innovation sociale. Je vous concède qu’elle est atypique car elle ne suit pas les formes habituelles, à savoir la création d’une dépense supplémentaire que l’on finance par un surcroît de recettes. En l’occurrence, il y a de l’argent, il est quelque part, il est déjà versé par les caisses d’allocations familiales et on l’attribue au jeune.
Cette mesure restera, et je peux d’ores et déjà en apprécier l’accueil chez les anciens de l’ASE que j’ai interrogés sur ce sujet, chez les associations caritatives, qui sont très vigilantes sur le respect du droit des familles, en particulier ATD-Quart Monde, ainsi que chez l’ensemble des professionnels de la protection de l’enfance.
J’émets bien entendu un avis défavorable à votre amendement car je pense que vous avez tort de jouer sur cet amendement le débat sur les finances des départements.
Votre avis est donc défavorable sur les deux amendements identiques. Qu’en est-il de l’amendement no 7 ?
Quant à cet amendement de repli, qui vise à verser aux assistants familiaux la somme de l’allocation de rentrée scolaire, ce n’est pas possible.
Il ne porte pas sur les familles d’accueil ?
D’accord : les familles d’accueil – c’est la même chose, pardonnez-moi ! –, que l’on appelle « assistants familiaux », reçoivent chaque mois à la fois une rémunération et des sommes déterminées pour l’entretien de l’enfant. Je ne crois pas avoir entendu dire qu’elles étaient demandeuses d’une augmentation de la somme qui leur est allouée chaque mois, d’autant plus que, pour les autres enfants qui seraient en foyer, ce sont les départements ou les foyers qui garderaient l’argent. Bref, si je puis me permettre, ce n’est pas un bon amendement de repli.
L’avis du Gouvernement est donc également défavorable sur l’amendement no 7 ?
Tout à fait, madame la présidente.
Je souhaite m’exprimer tant sur les propos de la rapporteure que sur ceux de la secrétaire d’État. Madame la rapporteure, le groupe Les Républicains n’est pas formaliste. Madame la secrétaire d’État, pour nous, cet amendement n’est pas politique – j’en suis désolé. Ce débat a certes déjà eu lieu ; la preuve en est que le Sénat a compris les choses différemment.
Ici, nous n’avons sans doute pas la même conception que la majorité de l’utilisation de l’allocation de rentrée scolaire. Pour notre part, nous estimons que le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un enfant est de lui offrir les meilleures conditions de réussite scolaire ; or, pour réussir à l’école, on a besoin de cette allocation de rentrée scolaire pour placer l’enfant dans des conditions favorables. Là est, selon nous, la mesure de justice sociale.
Il est sans doute généreux de votre part de prévoir un pécule pour les jeunes qui sortent de l’ASE, leur permettant ainsi un démarrage dans la vie un peu plus agréable – cela reste très modeste, selon vos dires, mais c’est un début. Ainsi que Bérengère Poletti l’a dit tout à l’heure, il faudrait sans doute prévoir cela par le biais d’autres allocations, par exemple les allocations familiales, mais pas en utilisant cette allocation de rentrée scolaire qui, selon nous, doit réellement financer la rentrée scolaire. C’est la raison pour laquelle nous soutenons vraiment ces amendements.
Je ne peux pas laisser Mme la secrétaire d’État dire que le groupe Les Républicains ne souhaite pas qu’on dote les jeunes confiés à l’ASE d’un pécule lorsqu’ils prendront leur autonomie. La question que l’on se pose est la suivante : avec quels fonds peut-on le faire ? Vous venez de dire que les familles d’accueil reçoivent une somme pour l’entretien des jeunes. Je pense que, comme dans une famille, on peut tout à fait faire de la pédagogie avec les enfants, y compris quand ils sont placés dans une famille d’accueil, afin de mettre un peu d’argent de côté pour le jour où l’on partira.
Ce qui nous gêne avec votre proposition, c’est que l’allocation de rentrée scolaire est censée exister pour assumer le coût de la rentrée scolaire. En ouvrant cette possibilité, certes innovante, vous nous forcez à répéter que l’utilisation de l’ARS est dévoyée ; nous vous l’avons exprimé en d’autres occasions.
Quant à confier l’ARS aux services de l’aide sociale à l’enfance, j’y suis particulièrement favorable. C’est à l’aide sociale à l’enfance de déterminer si cette somme doit être confiée à la famille d’origine si c’est elle qui fait les achats avec l’enfant au moment de la rentrée scolaire, ou à la famille d’accueil.
Je me pose en outre une question, madame la secrétaire d’État : quid des enfants qui ne sont pas placés en famille d’accueil mais dans des structures spécialisées ?
C’est pareil ! Ils restent des enfants de l’ASE !
Oui, mais, comme vient de le dire Frédéric Reiss, il s’agit quand même des besoins de rentrée scolaire.
Je souhaite dire à Mme la secrétaire d’État que je ne trouve pas que l’amendement no 7 , le fameux amendement de repli dont j’ai parlé, qui vise à confier l’ARS à la famille d’accueil, soit un mauvais amendement. Je vous répète que la famille d’accueil perçoit des sommes pour la rentrée scolaire de l’enfant qui n’ont aucune comparaison avec le montant de l’allocation de rentrée scolaire. Cela me paraît donc totalement injustifié.
Que dit l’amendement ? Quels enfants sont visés par cet amendement ? Les jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance, qu’ils soient placés en établissement ou en famille d’accueil. L’article ne distingue pas selon le lieu de placement et la nature du placement, famille d’accueil ou foyer. Cela concernera donc tous les enfants. C’est ma première remarque.
Deuxième remarque : aujourd’hui, les départements ne perçoivent pas cette allocation de rentrée scolaire ; ce sont les familles qui continuent de la percevoir, alors que le juge a la capacité d’attribuer les allocations familiales soit au département soit à la famille. Mais l’allocation de rentrée scolaire n’a pas la même nature juridique que les allocations familiales.
Aussi, quand le juge souhaite que la famille continue d’effectuer des dépenses avec l’enfant, continue d’accompagner l’enfant et puisse matérialiser cet accompagnement, le juge maintient les allocations familiales à la famille ; mais il ne peut pas toucher à l’allocation de rentrée scolaire.
Aujourd’hui, les enfants de l’aide sociale à l’enfance vont à l’école avec des cartables, des cahiers et des crayons, bien que cette somme soit confiée à des parents avec lesquels, parfois, ils n’ont plus aucun lien, aucune relation, mais qui continuent de percevoir l’allocation de rentrée scolaire.
Il existe trois options. La première consiste à décider de donner la même nature juridique à l’allocation de rentrée scolaire qu’aux allocations familiales, le juge décidant s’il l’attribue à la famille ou au département. C’est une option.
La deuxième option consiste à laisser les choses en l’état ; la troisième option, infiniment plus innovante, je vous le concède, considère que l’enfant quittera l’aide sociale à l’enfance et qu’il est nécessaire de lui constituer un pécule. Néanmoins, les départements, les familles d’accueil, les établissements dotent aujourd’hui les enfants des cartables, des crayons, des cahiers nécessaires pour qu’ils fassent leur rentrée scolaire. Il n’est donc pas nécessaire que cette somme attribuée aux familles soit attribuée aux familles d’accueil ni aux départements, parce que les enfants vont déjà à l’école.
En fonction de cela, j’ai donc proposé que ce soit l’enfant, le jeune qui sort de l’ASE, qui en bénéficie pour constituer son pécule. D’un certain point de vue, quand on a passé dix ans à l’aide sociale à l’enfance plutôt que d’être élevé dans sa famille, le pécule que l’enfant aura me paraît constituer une somme nécessaire pour entrer dans la vie, alors que ces enfants sont peu accompagnés par leur propre famille.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
L’article 5 ED est adopté.
Les articles 5E, 5, 6, 6 bis et 6 ter sont successivement adoptés.
Cet article concerne le retrait de l’autorité parentale lorsque l’enfant est témoin de pressions, de violences à caractère physique ou psychologique. Un amendement défendu en première lecture par Catherine Coutelle, adopté en commission des affaires sociales, a rétabli l’article 6 quater qui avait été supprimé au Sénat. Il complète l’article 378-1 du code civil. L’enfant doit évoluer dans un environnement sécurisé et sécurisant. Le fait d’être témoin de violences entre les parents peut entraîner de graves traumatismes. Dans l’intérêt de l’enfant, il doit donc être explicitement précisé que l’autorité parentale peut être retirée en cas de violence, même indirecte.
L’ajout au comportement délictueux prévu par le code civil d’un critère supplémentaire relatif à l’enfant témoin de pressions ou de violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre répond à de nombreuses situations dramatiques où l’enfant se retrouve en situation de danger, sans pour autant faire l’objet de violence. Cette exposition pour le moins traumatisante peut avoir des conséquences psychologiques sur l’enfant à long terme.
Si être exposé à des violences constitue une maltraitance en soi, cet ajout permettra également de prévenir des cas où l’enfant serait la victime accidentelle des agissements de ses parents.
L’article 6 quater est adopté.
Les articles 7, 8, 9, 11 ter, 13, 13 bis et 15 sont successivement adoptés.
Cet amendement, dont nous avons discuté en première lecture, a été corrigé par le Sénat de manière aléatoire et pas forcément correcte.
Il propose de rétablir la rédaction de l’alinéa 2 de l’article 16 issue de l’Assemblée nationale : « II. – Pour les droits de succession dont le fait générateur est antérieur à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, et par dérogation à l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, l’administration procède, à la demande du contribuable, à la remise des droits restés impayés, pour la partie qui excède les droits qui auraient été dus si le I du présent article avait été en vigueur à la date du fait générateur ».
La nouvelle version de l’article 16 adoptée au Sénat prévoit d’appliquer exceptionnellement la procédure de remise gracieuse, normalement réservée aux impôts directs, aux droits dus dans les situations visées au I de l’article mais pour lesquelles le fait générateur est intervenu avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Cette procédure est plus longue et son caractère exceptionnel rend son application trop aléatoire. Une telle application ferait ainsi peser sur les enfants un risque juridique et une inégalité de traitement générant un état de souffrance et un sentiment d’injustice auxquels nous avons le pouvoir, mes chers collègues, de mettre fin par le présent amendement, lequel est identique à celui déposé par M. Robiliard.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement identique no 17 .
Je confirme à Mme Poletti que mon amendement est identique au sien. En première lecture, nous l’avions d’abord adopté à l’unanimité en commission, avant de rejeter l’amendement du Gouvernement visant à supprimer ce que nous avions adopté en commission.
L’amendement a pour objet, comme l’a expliqué Mme Poletti, de rendre partiellement rétroactive la modification apportée au régime des droits de mutation par l’article 16 pour l’enfant adopté dont l’adoptant décède au temps de sa minorité.
Il s’agit pour nous de répondre à une situation d’injustice qui naîtrait inéluctablement de la non-adoption de cet amendement. Selon la date de décès de l’adoptant, le régime fiscal serait très différent pour l’adopté. Il s’agit donc qu’à partir du moment où la loi entre en vigueur, et quelle que soit la date du décès de l’adoptant, les adoptés simples puissent bénéficier d’un même et unique régime.
Il est vrai qu’une forme d’injustice serait maintenue entre ceux qui ont déjà acquitté les droits et ceux qui ne les ont pas acquittés.
Pour autant, ce n’est pas en généralisant l’injustice qu’on la combat. Cet amendement permet de réduire l’injustice, ce qui me paraît préférable au maintien d’une injustice plus générale au nom de l’égalité devant la loi.
J’ajouterai qu’il faut considérer l’intérêt de l’enfant : de ce point de vue, nous pouvons faire primer ceux d’un maximum d’enfants. C’est le but de cet amendement.
Vous proposez de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.
Cependant, on ne peut méconnaître les arguments avancés par le Sénat, pointant le risque d’inconstitutionnalité auquel nous expose la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.
En effet, ce dispositif peut être vu comme instituant une rupture d’égalité entre des personnes ayant régulièrement acquitté des droits de succession, à raison des dispositions fiscales actuellement en vigueur, et d’autres qui bénéficieraient de cette extension du régime applicable aux transmissions en ligne directe, parce qu’elles n’auraient pas encore acquitté ces droits.
Néanmoins, je ne trouve pas non plus la rédaction adoptée par le Sénat satisfaisante, car elle fait reposer le non-remboursement des impayés non sur le législateur mais sur une décision discrétionnaire de l’administration fiscale, ce qui me semble tout aussi problématique du point de vue du principe d’égalité.
La commission a émis un avis favorable. À titre personnel, je m’en remets à votre sagesse. En effet, aucune des deux rédactions ne me paraît satisfaisante : dans les deux cas, il y a un risque d’inconstitutionnalité. Il y aurait rupture d’égalité et rétroactivité de la loi dans le cas où nous adopterions ces amendements qui me semblent un peu particuliers.
J’ai soutenu les dispositions adoptées au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, qui permettent sous certaines conditions un alignement des régimes de succession entre adoption simple et filiation biologique, parce qu’elles s’inscrivent dans l’une des ambitions de la proposition de loi : favoriser l’accès à l’adoption simple et en renforcer l’attractivité.
S’agissant de la fiscalité et de son caractère rétroactif, je pense avoir reçu le même courrier que l’ensemble des parlementaires, appelant l’attention sur une situation qui peut effectivement émouvoir.
Le Sénat a pris en compte ce courrier en faisant référence à la situation d’indigence. Vous souhaitez étendre le dispositif pour éviter une trop grande distorsion entre ceux qui auraient déjà acquitté les droits de succession et ceux qui ne les auraient pas acquittés.
Comment vous dire ? La disposition que vous proposez est tout de même étonnante du point de vue de nos principes en droit fiscal. Chaque nouvelle disposition fiscale crée par définition une inégalité par rapport à ceux qui n’en bénéficiaient pas l’année précédente. Or, la loi fiscale n’est pas systématiquement rétroactive pour effacer de telles inégalités dans le temps.
J’ai bien compris que le courrier que nous avons tous reçu vous a convaincus. Néanmoins, ma position est la même qu’en première lecture, la même qu’au Sénat : avis défavorable.
Je le regrette, madame la secrétaire d’État. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, s’est saisi de cette question. Il a eu à connaître des dossiers d’enfants adoptés simples, mineurs lors du décès de l’adoptant, et il nous a fait savoir, comme à vous, qu’il était favorable à ces amendements identiques de nos collègues Poletti et Robiliard.
On le voit bien : là où ça bloque, c’est à Bercy ! Nous sommes suffisamment nombreux dans l’hémicycle pour apporter nos voix à des amendements qui font consensus, dont nous avons beaucoup débattu en première et en deuxième lecture à la commission des affaires sociales. Ils viennent des deux côtés de cet hémicycle et je trouve que, par les temps qui courent, voter un tel amendement nous ferait du bien.
Je partage l’analyse de Mme Le Callennec : je crains qu’en effet l’obstacle soit en bord de Seine…
Si le Gouvernement était vraiment soucieux de garantir l’égalité parfaite, il existe des dispositifs techniques qu’il serait possible d’adopter.
La rétroactivité du droit fiscal pose un problème quand elle est en défaveur du contribuable. Là, c’est une rétroactivité qui lui bénéficie : avouez que ce n’est pas habituel.
Si on voulait placer tous les bénéficiaires potentiels à égalité, il suffirait d’un amendement du Gouvernement. Ce ne peut être un amendement parlementaire, puisqu’il se heurterait à l’article 40.
Il est également possible de légiférer en restant soucieux des deniers publics si on conditionne la recevabilité de la demande et un éventuel remboursement à la règle dite de la déchéance quadriennale – ou de la prescription quadriennale puisqu’on utilise plutôt ce vocabulaire aujourd’hui. Cela limiterait dans le temps les effets de l’amendement.
J’ai bien compris que le Gouvernement ne souhaitait pas présenter un tel amendement et, dans cette situation, la solution que Mme Poletti et moi proposons est la moins mauvaise.
Un dernier mot : il y a une forme de maltraitance de la part de l’administration fiscale et j’ai l’impression que nous avons le pouvoir, tous ensemble aujourd’hui, d’y mettre fin.
L’article 16, amendé, est adopté.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 17 bis A.
Les articles 17 bis et 17 ter sont successivement adoptés.
Cet article tend à transformer la procédure de déclaration judiciaire d’abandon en déclaration judiciaire de délaissement parental.
Nous avons récrit cet article en première lecture, en commission, afin d’en modifier la portée juridique et psychologique, au bénéfice des enfants.
Cet article est en effet ressorti du Sénat en réaffirmant la notion d’« abandon volontaire » : cette terminologie est pour le moins inadaptée à la situation, du point de vue des enfants comme de celui des familles. Elle est porteuse d’un jugement de valeur, et revêt un caractère fortement stigmatisant et culpabilisant pour les parents. Or, je rappelle que l’objectif de la proposition n’est pas de sanctionner des parents, mais de protéger des enfants et de faire en sorte que leur situation soit la plus claire possible.
Nous avons donc préféré le terme de « délaissement » parental, qui consacre un régime de constatation objective plutôt que la recherche de la volonté et qui permet de tenir compte de situations dans lesquelles le délaissement est reconnu par les parents et s’avère réel.
Pour cette deuxième lecture, nous avons adopté en commission un amendement précisant que le service départemental de l’ASE qui a recueilli l’enfant doit vérifier que des mesures de soutien appropriées ont été proposées en amont aux parents, avant de transmettre la décision de déclaration de délaissement parental.
Cet article reflète bien l’esprit de l’article 18, alinéa 2, de la convention internationale des droits de l’enfant selon lequel « les États parties accordent l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant ». Mais il est opportun de rappeler, dans le cadre de la procédure de déclaration de délaissement parental, qu’une des conséquences de cette procédure peut être l’admission en qualité de pupille de l’État et la formation d’un projet d’adoption pour l’enfant, ce qui est une façon d’éclaircir un certain nombre de situations qui placent les enfants dans des régimes de délaissement de fait. C’est donc le moyen d’apporter une réponse claire à ces enfants ainsi qu’à un certain nombre de parents qui n’arrivent pas à reconnaître l’abandon, mais peuvent admettre le délaissement de leur enfant.
L’article 18 est adopté.
L’article 21 bis A est adopté.
La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour soutenir l’amendement no 28 .
Je voudrais d’abord présenter nos excuses, celles de Mme Chapdelaine et les miennes, à Mme la rapporteure et aux membres de la commission qui n’ont pu examiner notre amendement, puisque nous l’avons rédigé ce week-end.
On se rappelle que l’article 21 bis avait fait l’objet d’un vote à l’unanimité au Sénat en première lecture et qu’à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a sollicité sa modification pour porter de deux à trois ans la période d’accueil dans une famille française d’un mineur étranger pour qu’il puisse solliciter l’accès à la nationalité française.
Cette modification a été votée. Le Sénat, en deuxième lecture, a complété cette disposition en limitant les cas envisagés à ceux qui auraient fait l’objet d’une décision judiciaire en amont : c’est le texte qui nous est soumis.
Nous proposons simplement de lui adjoindre une disposition qui ne concerne certes pas des cohortes de familles ni de jeunes, mais qui est fortement symbolique : ce délai de trois ans, qui nous paraît raisonnable, pourrait être ramené à deux ans pour les jeunes qui contractent un engagement citoyen – concrètement, un service civique en métropole ou une autre forme d’engagement citoyen.
Nous maintenons donc le principe souhaité par le Gouvernement d’une durée suffisante pour être en situation d’égalité avec les jeunes étrangers nés en France et éviter que cette disposition incite des familles naturelles à solliciter un titre de séjour en France au prétexte que leur enfant naturel est devenu Français.
C’est une disposition qui, vous le comprendrez, a une charge symbolique forte même si elle ne concerne pas de très nombreux jeunes.
Je comprends votre réflexion, qui vous a conduit à vouloir rendre plus rapide l’accès à la nationalité française pour les jeunes qui s’engagent dans le service civique. En effet, par un tel engagement, ces jeunes montrent leur attachement tout particulier à nos valeurs. Pour autant, une réduction automatique du délai, sans qu’aucun examen particulier de situation ne soit réalisé, serait de nature à causer une rupture d’égalité : en effet, comment prenez-vous en compte les engagements des jeunes sapeurs-pompiers volontaires ou d’autres jeunes dont l’engagement associatif est tout aussi respectable ?
J’émets donc un avis défavorable. De surcroît, votre amendement me pose un problème de cohérence, notre souci étant d’aligner cette durée de résidence régulière en France sur les conditions d’accès à la nationalité des enfants nés en France de parents étrangers.
Pour ces raisons, avis défavorable.
Cet article a été construit avec les députés et les sénateurs des Français de l’étranger, dont Pouria Amirshahi. Nous avons trouvé ensemble le meilleur dispositif, ce qui n’a pas été simple. Nous avons atteint le bon équilibre, qui satisfait ceux qui s’étaient le plus engagés sur cette question.
Aujourd’hui, il faut s’en tenir à cet équilibre et ne pas, de cette façon, c’est-à-dire en dernière minute, insérer des exonérations et des réductions de délai. Cela a été dit, il y a un instant, par la rapporteure : si votre amendement était accepté, il faudrait également prendre en compte d’autres situations, que je n’ai pas en tête à cet instant.
Il ne me paraît pas raisonnable de procéder ainsi : nous avons un bon article, qui satisfait les porteurs et ceux qui, dans les deux assemblées, travaillent sur ce sujet depuis de nombreuses années. Je propose que l’Assemblée s’en tienne à cet équilibre et émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la secrétaire d’État, nous sommes bien conscients de perturber l’équilibre d’un article qui a fait l’objet d’un compromis, mais le Parlement est justement fait pour cela : les textes qui viennent en séance publique doivent prendre en compte l’appréciation des parlementaires, ainsi que le contexte dans lequel ils votent.
Je pense qu’après le débat que nous avons eu, et le vote que nous avons émis sur l’amendement de nos collègues – dont Denys Robiliard – compte tenu de l’objection tenant au principe d’égalité, il faut tout de même avoir une certaine audace pour invoquer ce principe s’agissant de l’engagement citoyen. Je maintiens donc l’amendement.
L’amendement no 28 est adopté.
L’article 21 bis, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à écarter toute utilisation d’examens médicaux, et notamment le test de maturation osseuse, aux fins de détermination de l’âge d’un individu.
En effet, la fiabilité des tests osseux effectués aux fins de détermination de l’âge est largement contestée par de très nombreuses instances, qu’elles soient médicales, scientifiques ou éthiques. La marge d’erreur – de dix-huit mois à deux ans – est reconnue : on voit bien les conséquences très défavorables que cela entraîne pour les jeunes isolés.
Même le Haut conseil de la santé publique, dans un rapport datant de 2014, reconnaît, dans ses conclusions, qu’ « il n’est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et interpréter un test qui n’est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n’est pas mis en oeuvre dans un intérêt thérapeutique ».
Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommande fermement l’interdiction pure et simple des tests osseux. Je rappelle que plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, n’utilisent plus, à ce jour, cette méthode.
D’autres moyens existent pour évaluer l’âge, tels que la preuve documentaire – pour laquelle il existe une présomption d’authenticité prévue à l’article 47 du code civil – ou encore le faisceau d’indices dégagés par un personnel qualifié, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons effectivement substituer aux alinéas 2 à 4 l’alinéa suivant : « L’évaluation tendant à la détermination de la minorité ne peut être effectuée à partir de données radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ou à partir du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 31 .
Je ne vais pas reprendre les arguments de ma collègue. Vous avez voulu, madame la secrétaire d’État, limiter au maximum l’usage des radiographies afin de déterminer l’âge des mineurs. Dans ce genre de situations, soit on est pour, soit on est contre : on ne peut pas avoir le verre à moitié vide.
Je voudrais soulever plusieurs points. Il y a d’abord un problème éthique : les médecins ne sont pas là pour dire si quelqu’un est mineur ou non, mais pour soigner, et on ne doit pas pratiquer d’actes thérapeutiques en vue de trier les gens en fonction de leur âge.
Deuxième point : alors même qu’ils ne sont pas pertinents, ces tests peuvent, à mon avis, être très traumatisants et très abaissants pour des jeunes. Arrêtons de penser que tous les jeunes étrangers qui, pour sauver leur peau, ont fui des conditions de vie souvent exécrables dans leur pays d’origine, sont forcément des profiteurs.
Je ne suis pas naïve : si quelques-uns passent à travers les mailles du filet, ce n’est, finalement, pas très grave. Nous leur devons la protection en tant qu’enfants et nous leur devons l’accueil. Je préfère que ces jeunes ne soient pas poursuivis ni condamnés, puisque c’est cela qu’ils risquent si les tests osseux déterminent qu’ils sont majeurs.
Je pense que la place des étrangers, qu’ils soient mineurs ou qu’ils aient, depuis un mois ou deux, atteint l’âge de la majorité, n’est ni dans la rue, ni dans les prisons. Pour toutes ces raisons, je suis absolument contre les tests osseux.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Ces amendements ont donné lieu à beaucoup de discussions et de réflexions entre nous. Nous étions, je pense, parvenus à un équilibre, grâce à un encadrement satisfaisant de l’utilisation de ces tests osseux et de leur pratique.
Nous les avons strictement encadrés puisque la proposition que je propose de retenir est qu’ils puissent être réalisés dans des conditions très particulières, sur décision d’un juge, avec l’accord de l’intéressé, en l’absence de documents d’identité valables permettant de déterminer l’âge de ce dernier et lorsque l’âge qu’il allègue n’est pas vraisemblable.
Par ailleurs, les conclusions de l’examen doivent préciser la marge d’erreur. Enfin, ces tests ne peuvent, à eux seuls, permettre de déterminer si l’intéressé est ou non mineur, le doute devant donc profiter au mineur.
Ces conditions apportent, je pense, toutes les garanties nécessaires aux mineurs. Il n’est donc pas souhaitable d’interdire totalement le recours à ces tests : je pense que dans certaines situations, ils permettent de protéger l’enfant mineur. Je donne donc un avis défavorable à ces deux amendements.
Nous avions eu cette discussion, qui est bien normale, à l’occasion de la première lecture puisque déjà, à ce stade de la navette, un amendement parlementaire avait proposé d’interdire les différents examens qui contribuent à – ou sont utilisés pour – déterminer la minorité des jeunes étrangers isolés.
Je vous rappelle que nous avions déjà, en première lecture, interdit, pour évaluer l’âge des personnes concernées, le recours aux examens de développement pubertaire. À la suite d’une discussion poussée avec les auteurs des amendements de la première lecture, nous avions fait, ensemble, le choix d’un encadrement des tests osseux.
En effet, nous sommes, les uns et les autres, d’accord à la fois pour constater que leur fiabilité est loin d’être extrêmement sûre, et que, effectivement, une marge d’erreur – qui est d’ailleurs toujours évoquée par l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, ou le Haut Conseil de la santé publique – les affecte. Il est même recommandé de prendre en compte cette marge d’erreur.
Je constate qu’aujourd’hui on revient sur ce que nous avions bâti en première lecture : un encadrement très strict. Je vous rappelle, en effet, qu’il avait été voté qu’il n’était possible, d’abord, de recourir aux tests osseux qu’avec l’accord de l’intéressé. Ensuite, en cas de doute, il était prévu qu’il profite à ce dernier.
Cela fait tout de même deux conditions extrêmement favorables aux jeunes mineurs étrangers. Par ailleurs, je vous fais remarquer que dans la proposition de loi figurent également des articles qui concernent la répartition des mineurs dans les départements, et que la circulaire Taubira, qui prévoyait la mutualisation et la solidarité entre les départements, a été annulée à la suite d’un recours des présidents de département devant le Conseil d’État. Le texte, dans le même esprit, redonne une base légale à cette circulaire.
Je ne vous cache pas que nous traitons d’un sujet extrêmement délicat dans les départements. Je considère donc que le point d’équilibre qui a été trouvé lors de l’adoption du texte en première lecture, c’est-à-dire le strict encadrement, qui d’ailleurs nous place dans une situation tout à fait comparable à celle des pays étrangers, puisque aucun n’a interdit le recours à de tels examens, mais que ceux-ci y ont fait l’objet d’un encadrement partout où leur utilisation a été envisagée par la loi, doit être respecté.
J’appelle votre attention sur la situation et la période dans laquelle nous sommes.
Exclamations sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Attendez, pardonnez-moi : je ne parle pas de la semaine dernière ni de la période récente. Je parle d’une autre période, déjà ouverte, et de l’effort que constitue, pour les départements, l’accompagnement des mineurs isolés étrangers. Bon nombre des départements font remarquer que le nombre d’entrées de ces mineurs est de plus en plus important.
Pour ces raisons, je considère que le point d’équilibre qui avait été trouvé avec les députés en première lecture doit être respecté en deuxième lecture. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements qui visent à revenir sur ce que nous avions construit, ensemble, en première lecture.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma collègue Chantal Guittet l’a rappelé : l’encadrement des recours aux tests osseux pour déterminer l’âge des mineurs isolés étrangers a, effectivement, été voté. Je vous propose d’aller plus loin, c’est-à-dire jusqu’au bout de la logique, et de supprimer le recours à ces tests, et ce pour trois raisons principales.
La première tient, comme cela a été rappelé, à leur fiabilité. Le Haut Conseil de la santé publique et le Comité consultatif national d’éthique ont mis en exergue l’absence de fiabilité de ces tests : la marge d’erreur est, en moyenne, de dix-huit mois. Dans la loi, il est clairement spécifié que les conclusions de ces examens ne peuvent, à elles seules, permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Et le doute profite au jeune : l’âge ne peut s’apprécier qu’à partir d’un faisceau d’indices divers.
Pourquoi, dans ces conditions, maintenir le recours aux tests ? Ce sont bien les faisceaux d’indices qui peuvent permettre de déterminer l’âge du jeune.
La deuxième raison tient au fait que de nombreuses instances médicales, scientifiques ou éthiques, comme de nombreuses personnalités ont exprimé leur opposition ou leur réticence à l’égard de ces tests : le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, des médecins, des scientifiques, des magistrats, des juristes, des dirigeants d’associations, l’UNICEF, le Syndicat de la magistrature, Médecins du monde, l’Ordre des médecins, Médecins sans frontières, la Ligue des droits de l’homme, la CIMADE, le Planning familial, le GISTI, France terre d’asile, le Réseau éducation sans frontières, la Voix de l’enfant, Droit au logement et SOS-Racisme.
Enfin, mes chers collègues, la troisième raison tient à l’éthique. L’Assemblée s’honorerait en supprimant le recours aux tests osseux : cela serait une belle décision en faveur d’enfants qui ont connu de nombreux traumatismes. Ne rajoutons pas du malheur au malheur !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je fais peut-être erreur mais il me semble que l’Angleterre a bien interdit ces tests au seul motif qu’ils n’était pas éthique d’utiliser des rayons, même en faible quantité, à des fins non thérapeutiques.
Quand aux entrées de plus en plus importantes, elles sont également liées à un phénomène que nous connaissons bien : de multiples guerres et conflits, et donc des enfants qui cherchent à les fuir.
Sur la question de l’accord de l’intéressé, il me semble préférable que cette disposition figure dans le texte plutôt qu’elle n’y figure pas, mais elle est largement illusoire. Ces enfants, dont un certain nombre ne parlent pas ou mal la langue, qui arrivent seuls et sont des mineurs isolés, ne sont pas tout à fait en situation de refuser ce test.
Les enfants pour lesquels un tel refus a été enregistré – certes, avant que cette disposition ne figure dans la loi, mais la directive l’encadrait déjà – sont évidemment présumés avoir menti et triché sur leur âge. Ils sont donc quand même, plus ou moins, obligés de s’y plier.
Enfin, cela a été rappelé à plusieurs reprises, ces tests ne sont pas fiables. Au-delà des questions éthiques et au-delà de la position des défenseurs des droits de l’enfant, l’Académie de médecine, le Haut conseil de la santé publique et même le Conseil de l’Ordre, je crois, se sont prononcés pour leur suppression.
Vous expliquez que vous les encadrez, mais vous les mettez en fait dans la loi, vous les légitimez. Il faut les supprimer. La loi ne doit sûrement pas servir à les légitimer, quand bien même on les encadrerait.
La position arrêtée en première lecture était extrêmement mesurée et pondérée.
Nous avons tout de même avancé sur cette question puisque nous avons totalement supprimé les tests pubertaires. C’est beaucoup plus intrusif, nous sommes d’accord.
Nous sommes parvenus à trouver un compromis. Nous sommes dans le cas où il y aura un faisceau d’indications pour déterminer la majorité. Ce sera toujours avec l’accord du jeune concerné et sur décision judiciaire. C’est donc une position très raisonnable, très pondérée. Elle permet de respecter le droit à l’intimité des jeunes, et je suis, comme tout le monde, je pense, très attentive à la protection de l’enfance et des jeunes majeurs, et en particulier des mineurs isolés. Cela permettra néanmoins, dans un certain nombre de cas, d’utiliser un faisceau supplémentaire et je ne vois pas en quoi cela va remettre en cause la protection d’un certain nombre de mineurs.
« Très bien ! » sur divers bancs.
Je me sens humaniste et attentive à la protection de l’enfance. J’ai juste quinze ans de métier et je suis absolument persuadée qu’il y a tout de même quelques cas qui peuvent poser problème et pour lesquels nous avons besoin que l’autorité judiciaire nous permette de faire des investigations supplémentaires.
Nous respectons les droits fondamentaux des enfants mais avec une position médiane.
Les députés du groupe Les Républicains voteront contre ces amendements. Nous partageons totalement la vision très mesurée du Gouvernement, qui a été adoptée par la commission des affaires sociales.
Pour effectuer des tests, on recueille le consentement du jeune concerné et on le fait sur avis du juge, et cela donne la possibilité dans cette situation extrême d’avoir un argument supplémentaire. Nous ne voyons vraiment pas le problème que cela pose. Cela reste un recours très marginal. C’est très sage et nous voterons donc contre ces positions que nous trouvons extrémistes.
C’est un amendement de repli, qui vise à ce que les tests osseux ne puissent être réalisés que sur décision d’un juge des enfants. L’expertise médico-légale destinée à déterminer l’âge du jeune doit être de sa compétence dès lors qu’il est le magistrat spécialisé dans la protection de l’enfance.
Je regrette vraiment le vote qui vient d’avoir lieu. Nous avions présenté un amendement identique. C’est vraiment un moment triste pour notre assemblée.
L’amendement no 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 32 .
L’amendement no 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 21 ter est adopté.
Ce sont deux amendements qui portent sur la définition de l’inceste puisque, même si l’objet de l’article n’est pas de le définir, force est de constater que c’est ce qu’il fait.
L’inceste se définit comme un rapport sexuel entre des personnes entre lesquelles un empêchement à mariage existe. Or, dans les deux alinéas concernés par mes amendements, on considère comme l’un de ses critères l’existence d’un rapport d’autorité. J’entends bien que ce critère a été ajouté pour consolider les liens qui existent entre les personnes concernées. Je pense cependant que nous avons intérêt à rester très clairs sur ce qu’est un inceste. La définition doit être la plus proche possible de celle que nous connaissons au plan anthropologique. Là, la loi s’éloigne de la réalité anthropologique et je ne le souhaite pas.
J’ai bien réfléchi puisque j’ai mieux compris la raison pour laquelle le critère de l’autorité apparaissait dans ce texte, mais il me semble tout de même que, quand on connaît les structures élémentaires de la parenté, on ne peut pas mêler le rapport d’autorité à la notion d’inceste.
Je comprends votre point de vue quand vous considérez que l’inceste n’est pas lié à une autorité de droit ou de fait. Cependant, votre amendement élargit beaucoup trop le champ des personnes susceptibles de voir leurs actes qualifiés d’inceste. À titre d’exemple, avec la rédaction que vous proposez en supprimant cette notion d’autorité de droit ou de fait, pourraient être qualifiés d’inceste les actes commis par le concubin d’un oncle ou d’une tante d’un mineur alors même que la victime connaîtrait à peine son agresseur ou considérerait n’avoir aucun lien de parenté avec lui.
Je crois que nous sommes arrivés, avec cette notion d’autorité de droit ou de fait, à une définition équilibrée, consensuelle, de l’inceste, et qu’il serait hasardeux d’étendre autant le champ des personnes susceptibles d’être concernées, bien au-delà des règles relatives aux interdictions de mariage posées par le code civil, que nous aurions pu aussi évoquer.
La proposition que nous faisons permet de limiter l’inceste aux actes intégrant ce lien complémentaire d’autorité de droit et de fait quand il s’agit de personnes éloignées de la famille ou, par exemple, du concubin d’un des parents.
La commission est donc défavorable à vos amendements.
Monsieur le député, vous êtes suffisamment fin juriste pour savoir que nous nous livrons à un exercice assez complexe, qui vise à faire rentrer trois définitions dans une même approche : la définition sociologique, la définition du code civil et une définition pénale désormais. La définition pénale de l’inceste n’est pas la même que celle du code civil, c’est-à-dire les empêchements au mariage, et elle ne peut pas non plus être totalement la même que la définition sociologique. L’exercice est donc extrêmement hasardeux.
En supprimant l’autorité de fait ou de droit, vous supprimez une condition qui nous permet d’éviter que soient qualifiées d’incestueuses des relations occasionnelles ou très éloignées du lien familial. Ce serait le cas par exemple s’il s’agissait du concubin d’un oncle ou d’une tante, sans même une condition de vie commune, ce qui s’écarterait de la notion sociologique de l’inceste sans pour autant se rapprocher de la notion juridique telle qu’elle existe dans le code civil.
En retirant cette condition d’autorité, sachant par ailleurs que tout le reste de l’arsenal pénal sur les abus sexuels peut bien entendu être mobilisé, vous aggravez les risques. Je suis donc défavorable à vos amendements.
L’article 22 est adopté.
Article 22
L’article 22 bis est adopté.
L’article 22 quater A est adopté.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 35 .
Par cet amendement, je demande qu’un rapport soit établi sur l’application de l’article 22 quater à Mayotte.
Le département de Mayotte est dans une situation particulière pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers dans le cadre du dispositif prévu par l’article 22 quater, compte tenu notamment de l’éloignement géographique et du nombre de mineurs isolés étrangers concernés.
Cet amendement vise donc à connaître les intentions du Gouvernement pour traiter de la situation spécifique de Mayotte. C’est un amendement d’appel.
Vous le savez, madame la rapporteure, nous avons eu l’occasion déjà d’échanger sur cette question avec de nombreux parlementaires. Le Gouvernement est très attentif à la situation de Mayotte et de ses enfants, particulièrement de l’aide sociale à l’enfance, et des mineurs isolés étrangers à Mayotte.
Une mission de l’IGAS est en cours, à la demande du président du conseil départemental de Mayotte, pour soutenir la collectivité dans ses missions de protection de l’enfance.
Un plan d’action pour la protection de l’enfance est en cours d’élaboration pour permettre une prise en compte des spécificités du territoire au regard des besoins en protection de l’enfance. Il implique les ministères de la justice, de l’outre-mer, de la santé et des affaires sociales, en cohérence avec les objectifs de la feuille de route pour la protection de l’enfance et du plan jeunesse outre-mer.
S’agissant spécifiquement des mineurs isolés, le soutien financier de l’État a été étendu dans cette proposition de loi aux départements d’outre-mer par un amendement du sénateur Thani Mohamed Soilihi au Sénat, élaboré en concertation avec le ministère de la justice, afin que la solidarité vis-à-vis de Mayotte implique une meilleure connaissance des mineurs isolés étrangers sur ce territoire. L’accompagnement de ces enfants fera par ailleurs l’objet d’un volet spécifique du plan de protection de l’enfance, dont le Gouvernement informera la représentation nationale l’année prochaine.
Votre amendement me semble donc satisfait par les travaux déjà engagés. Je vous demande ainsi de le retirer pour m’épargner de devoir émettre un avis défavorable.
Je m’étonne que cet amendement concerne spécifiquement Mayotte. D’autres territoires me semblent mériter une telle étude, la Guyane par exemple. Certains territoires d’outre-mer sont également dans une situation tout à fait particulière. La disposition aurait donc pu être étendue à d’autres départements.
Compte tenu de la réponse de Mme la secrétaire d’État et des travaux en cours, je retire mon amendement.
L’amendement no 35 est retiré.
L’article 22 quater est adopté.
Article 22
L’article 22 quinquies est adopté.
En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 21 bis de la proposition de loi.
La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 1 .
J’ai souhaité revenir sur l’amendement adopté tout à l’heure, qui réduit à deux ans le délai de séjour pour les mineurs qui contractent un engagement citoyen au sens des titres Ier bis et II du livre Ier et des titres III et IV du livre II du code du service national. Cette disposition, qui permet, grâce au service civique, de réduire les conditions d’accès à la kafala, est très compliquée d’un point de vue juridique. Il s’agit de faire entrer dans des articles du code civil, sur les conditions d’accès à la nationalité française, des dispositifs, comme le service civique, dont on ne peut être certain qu’ils seront tous aussi pérennes que les règles que nous adoptons pour les conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
Il y a là quelque chose d’un peu décalé entre le service civique, qui permettrait de réduire les conditions d’accès à la nationalité française, et cet accès même, qui requiert un certain niveau de précision, d’autant que cela crée un risque de distorsions. En rédigeant l’article kafala, nous avions été très vigilants à ne pas créer de discriminations entre la situation d’enfants nés en France de parents étrangers ou d’autres catégories de population, nées de parents étrangers, et celle des mineurs venus en France par kafala, qui seraient favorisés.
En adoptant cette disposition, on se retrouverait dans une situation sans rapport avec l’esprit dans lequel vous avez voté un article qui intègre le service civique aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France : c’est pourquoi j’ai été obligée de demander une seconde délibération. Ce n’est pas un problème de fond, c’est un problème de construction juridique sur ce sujet extrêmement fin et pointu qu’est l’accès à la nationalité française.
À titre personnel, j’émets un avis favorable à l’amendement proposé par le Gouvernement. Je ne vais pas revenir sur mes précédents arguments. Par souci de cohérence, je reste sur la même position.
Madame la secrétaire d’État, je ne peux pas vous laisser dire que l’article 21 bis, c’est l’article kafala. La loi est faite pour tout le monde. Dans les deux minutes qui m’avaient été imparties, je croyais avoir été clair sur l’objet même de l’amendement que nous déposions. Il ne s’agit pas des enfants qui relèvent, selon votre expression, de la kafala. D’ailleurs, vous êtes la première dans cet hémicycle à avoir prononcé ce mot. Je croyais que nous essayions de l’éviter.
Il s’agit tout simplement, pour prendre un exemple concret, du cas d’un mineur arrivé en France à 15 ans, dans des conditions tout à fait régulières d’accueil, quelquefois avec, plus que l’assentiment, la demande de la famille génétique et, bien sûr, l’approbation de la famille d’accueil. La République va lui dire, parce qu’il n’aura pas séjourné trois ans en France, avant de poursuivre éventuellement ses études – ces jeunes arrivent souvent pour faire leur cycle de seconde, première et terminale –, que la France ne veut pas de lui, alors que c’est justement son choix, vraisemblablement avec sa famille naturelle et assurément avec sa famille d’accueil, de demander la nationalité française pour éviter le parcours du combattant des étudiants étrangers. C’est à cela que je faisais allusion. Je pensais avoir été clair.
Je n’ai pas voulu faire d’autres références historiques sur les conditions dans lesquelles les textes sur le service civique avaient été adoptés à l’unanimité du Parlement ou sur le fait que nous ayons tous volontairement voté, dans l’opposition comme dans la majorité, pour l’accès au service civique à partir de 16 ans. Je n’ai pas voulu rappeler, mais je le fais maintenant, que le service civique n’est pas fait pour les seuls jeunes Français, mais pour les jeunes vivant en France en situation régulière. Je ne veux pas être assimilé à l’analyse que vous avez développée, madame la secrétaire d’État, parce que ce n’était pas mon état d’esprit. Je ne peux pas accepter que vous qualifiiez cet amendement d’amendement kafala, parce que vous êtes hors-sujet.
L’amendement no 1 , modifiant l’article 21 bis, est adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe Les Républicains.
Tout d’abord, je veux souligner les conditions lamentables dans lesquelles notre commission est en train de travailler. C’est l’embouteillage ! Nous allons quitter l’hémicycle pour siéger en commission à vingt et une heures trente, où l’on doit examiner le PLFSS en deuxième lecture. Heureusement que, comme nous l’avons demandé, l’examen du projet de loi santé a été repoussé à la semaine prochaine, sans quoi le travail aurait été très décousu et pas forcément très bon, ni pour les uns, ni pour les autres. Je tenais à le dire.
Cela étant, au terme de l’examen de cette proposition de loi en deuxième lecture, le groupe Les Républicains votera pour le texte. Nous considérons qu’il comporte des avancées, même si, malheureusement, les conséquences financières pour les conseils départementaux sont, à notre avis, insuffisamment prises en compte. Il va falloir mettre en place des commissions et des organismes de décision dans les conseils départementaux, alors qu’ils sont pris à la gorge, entre les baisses des dotations et des contraintes de plus en plus importantes. Il n’est pas sûr que ces conseils aient les moyens de mettre en oeuvre toutes les bonnes intentions que ce texte comporte. Malgré tout, étant donné qu’un certain nombre de points ont évolué plutôt positivement, nous le voterons.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Pour répondre à Mme Poletti sur nos conditions de travail, je voudrais rappeler ce qui a été dit par la présidente de notre commission des affaires sociales au début de nos travaux tout à l’heure. Les modifications de notre ordre du jour ont été apportées en raison de l’actualité. Si la proposition de loi n’avait pas été examinée aujourd’hui, elle l’aurait été demain. Par rapport à l’examen de ce texte, ce ne sont pas vingt-quatre heures qui changent les choses.
Concernant la convocation de la commission à vingt et une heures trente ce soir, il est évident que cela pose une difficulté. Mais, à un moment, il est important de tenir compte du contexte. Par ailleurs, en Conférence des présidents, certaines modifications n’ont pas été du seul fait de la majorité.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly