Intervention de Marie-Anne Chapdelaine

Séance en hémicycle du 18 novembre 2015 à 15h00
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Anne Chapdelaine :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi, issue d’une initiative sénatoriale, répond notamment à la nécessité de mettre fin à certains drames de la petite enfance dont l’actualité n’a malheureusement pas été avare.

Ce texte répond donc à une urgence, mais il est le fruit d’un travail de fond, patient, que nous menons depuis fort longtemps. Il fait suite au rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur la protection de l’enfance, présenté en juin 2014 par Mmes Meunier et Dini. La qualité de ce rapport avait été saluée par tous ; je tiens à me faire, une fois de plus, l’écho de ces félicitations.

Ce texte tient aussi compte des réflexions d’autres rapports. La dernière grande réforme de cette politique a été opérée par la loi du 5 mars 2007 ; il nous revient aujourd’hui, sans remettre en cause cette loi, de tirer les conséquences de ses imperfections, et des dysfonctionnements qui ont été constatés.

Les modifications apportées à cette proposition de loi au Sénat l’ont parfois améliorée, mais ont dans l’ensemble diminué son degré d’ambition. Je suis certaine que nos débats permettront de revenir à l’esprit et à la lettre de ce texte, ainsi qu’à la volonté initiale de ses promotrices : améliorer la gouvernance – tant locale que nationale – de la protection de l’enfance, adapter son statut sur le long terme, et sécuriser le parcours si complexe emprunté par ces enfants.

Ces évolutions sont concrètes, et très attendues : je pense par exemple aux protocoles départementaux des acteurs de la petite enfance, à la désignation d’un médecin référent pour la protection de l’enfance dans chaque département, ou encore à l’échange d’informations entre différents services et institutions. Les professionnels, que l’on sait mobilisés et investis sur le sujet, attendent que l’on perfectionne la boîte à outils dont ils disposent – permettez-moi cette comparaison familière ! – : tel est l’objet de ce texte.

Je reviendrai plus précisément sur plusieurs points. Premièrement, à l’initiative conjointe de MM. Denaja et Roman, et de M. Geoffroy et Mme Fort, la commission des lois a proposé de rétablir l’article 22 relatif à l’inceste. Il est indispensable d’inscrire l’inceste dans le code pénal, afin de reconnaître sa spécificité, et le traumatisme qu’il représente pour les victimes. Il s’agit là d’une avancée importante, nécessaire aussi bien du point de vue humain que du point de vue du droit. Au-delà du débat juridique, causé notamment par la décision du Conseil constitutionnel de novembre 2011, cette avancée est attendue par bon nombre d’acteurs, en premier lieu les victimes. L’application sera immédiate, puisque les peines ne sont pas aggravées.

Deuxièmement, concernant les tests osseux, il me semble que la rédaction actuelle du texte présente un compromis intelligent, car il est fondé sur l’accord du jeune, et que le doute profite à celui-ci. Je signale que pour des motifs éthiques, humains, tout autant que pour des raisons d’efficacité, il faudra revenir sur cette question.

Troisièmement, je nourris un regret quant à l’article 16, non rétabli par l’Assemblée nationale : nous laissons ainsi des enfants payer des dettes sur lesquelles ils n’ont malheureusement pas prise.

Quatrièmement, je salue notre rapporteure pour sa pugnacité au sujet de la prise en compte de la parole de l’enfant. Je salue la commission des affaires sociales pour sa sagesse, puisqu’elle a rétabli l’article concerné, qui donne véritablement la parole à l’enfant.

Avant de conclure, je salue sincèrement et chaleureusement Mme la rapporteure Annie Le Houerou pour la qualité de son travail. Je salue également notre collègue Françoise Dumas : travailler à leurs côtés fut aussi plaisant que constructif.

La petite enfance est cet âge de la vie où s’établissent les fondations de notre émancipation future. Il nous appartient de faire en sorte que ces fondations ne vacillent pas, qu’elles soient solides. C’est dans l’intérêt de l’enfant, mais également de notre société tout entière, dont l’harmonie – qui a rarement été au centre de toutes nos préoccupations comme elle l’est ces derniers jours – est la somme de nos constructions individuelles. Progrès social, efficience juridique, gouvernance intelligente, le tout au bénéfice de l’enfant et des familles : voilà, mes chers collègues, ce dont nous allons débattre.

À l’approche de la journée internationale des droits de l’enfant, je nous invite à être à la hauteur de l’enjeu. Ainsi modifiée, cette proposition de loi renforcera significativement la protection de l’enfant. J’espère qu’elle fera l’objet d’un large consensus. Je remercie Mme la secrétaire d’État pour tout ce qu’elle a apporté à ce texte, pour ses efforts en vue de le faire aboutir, pour le bien de l’enfant.

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