Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur de ce texte et de la prorogation de trois mois de l'état d'urgence, sous réserve de quelques amendements qu'il souhaiterait voir adopter.
Nous voterons ce projet de loi parce que la législation de 1955 émanant d'Edgar Faure, Robert Schuman et Antoine Pinay, des hommes qui ne sont pas spécialement connus pour leurs positions liberticides, ne nous effraie pas particulièrement – elle a d'ailleurs déjà été mise en oeuvre par cinq fois – et parce que la durée de prorogation de trois mois paraît raisonnable et modérée, peut-être même un peu trop.
La décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 1985 à laquelle notre collègue Larrivé a fait référence affirme que la législation sur l'état d'urgence est conforme à la Constitution, ce qui est extrêmement important. Cela dit, cette décision est précédée de plusieurs considérants, dont l'un, le dixième, est ainsi rédigé : « Considérant que, si la régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, il ne saurait en être de même lorsqu'il s'agit de la simple mise en application d'une telle loi… »
J'appelle votre attention sur ce point car, cherchant à bien faire, le Gouvernement a ajouté nombre de dispositions nouvelles qui modifient ou adaptent ce texte ; de ce fait, il y a un certain risque que le contrôle de constitutionnalité s'en trouve rouvert. Vous me direz qu'il n'est pas à craindre que soixante députés ou soixante sénateurs saisissent le Conseil constitutionnel. Sans doute, mais l'existence de la question prioritaire de constitutionnalité a créé une situation nouvelle – et en l'espèce, nous ne pouvons écarter l'éventualité qu'une QPC soit déposée, puisque le texte n'est pas resté inchangé, et n'a donc pas été validé par le Conseil constitutionnel. Je crois même qu'il est très probable qu'une QPC soit déposée par une de ces personnes – elles sont nombreuses, hélas ! – qui ne veulent pas que du bien à la République. Le mieux est parfois l'ennemi du bien, mes chers collègues, et en l'occurrence cela risque de poser un problème.
Pour ce qui est de la durée de trois mois, je répète qu'elle est tout à fait modérée ; elle diffère en cela de précédents, notamment de l'état d'urgence qui a été appliqué en France du 23 avril 1961 au 31 mai 1963 par l'effet de plusieurs prorogations, à la suite du putsch des généraux d'Algérie. En résumé, ce texte nous convient, mais que nous souhaitons qu'il soit le moins fragilisable possible.