La séance est ouverte à 16 heures 30.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, Vice-président.
La Commission examine le projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions (n° 3225) (M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur).
Nous allons examiner le projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.
Je souhaite vous remercier, monsieur le président, d'avoir permis que ces travaux se tiennent dans des délais aussi contraints, qui résultent du caractère exceptionnel de la menace à laquelle le pays fait face et de la nécessité de prendre avec une grande célérité des mesures rigoureuses pour protéger les Français. Je remercie tout particulièrement le président de votre commission, qui a approuvé cette démarche et qui a bien voulu être le rapporteur de ce texte.
La France affronte une situation d'une extrême gravité. Les actes barbares commis vendredi dernier à Paris et à Saint-Denis constituent de véritables actes de guerre et jamais notre pays n'avait connu jusqu'alors d'attaque terroriste d'une telle ampleur. Nous sommes résolus à mener la guerre contre le terrorisme avec toute la force de la République, à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières. C'est le message que le Président de la République a délivré lundi après-midi au Parlement réuni en Congrès. Nous prenons toutes les décisions qui s'imposent dans le respect des lois de la République pour protéger nos concitoyens et traquer les terroristes où qu'ils se terrent.
La première de nos réponses porte sur la mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des forces de sécurité, renforcées par les effectifs de nos armées. Je leur rends un hommage appuyé en raison du professionnalisme et de la bravoure avec laquelle elles sont intervenues vendredi soir pour secourir les Parisiens, et encore ce matin à Saint-Denis pour mettre hors d'état de nuire certains des terroristes fanatisés.
La réponse de la France réside dans les mesures exceptionnelles décidées par le Président de la République dès la nuit de vendredi, en conformité avec nos lois et avec nos engagements internationaux. Nous avons ainsi rétabli les contrôles à nos frontières, comme nous le permet le « code Schengen » en de telles circonstances, et l'état d'urgence a été proclamé sur l'ensemble du territoire afin de donner aux pouvoirs publics des moyens exceptionnels en vue de préserver l'ordre public et de prévenir de nouveaux attentats.
Vous le savez, l'état d'urgence a été décrété à seulement trois reprises sous la Ve République, pour faire face à des événements d'une extrême gravité : en 1961, sur l'ensemble du territoire métropolitain, après le putsch des généraux à Alger ; en 1985, en Nouvelle-Calédonie ; enfin en 2005, dans 26 départements, pour mettre fin aux émeutes dans les banlieues – et dans ce dernier cas, le champ des mesures utilisées a été très restreint.
Les mesures prévues par la loi du 3 avril 1955 visent à prévenir les attaques portées contre l'ordre et la sécurité publics.
En premier lieu, par disposition expresse, le ministre de l'Intérieur et les préfets peuvent ordonner des perquisitions de jour comme de nuit en tout lieu, notamment au domicile privé d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une grave menace. Les perquisitions peuvent également concerner les parties communes d'immeubles d'habitation, mais aussi des locaux cultuels, associatifs ou commerciaux qui auraient attiré l'attention des services et seraient susceptibles d'abriter des activités liées au terrorisme.
La loi de 1955 étant à certains égards lacunaire, nous avons veillé, en liaison avec la chancellerie, à encadrer dès samedi matin les perquisitions administratives, en diffusant des instructions conjointes aux préfets et aux procureurs de la République. En amont comme en aval, ces perquisitions impliquent ainsi que les préfets travaillent en lien avec les procureurs de la République qui seront informés sans délai de la décision de procéder à une perquisition, comme ils seront ensuite informés sans délai de ses résultats.
Ensuite, le ministre de l'Intérieur peut décider de l'assignation à résidence de toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle est susceptible de passer à l'acte ou bien que son comportement constitue une menace grave.
Par ailleurs, restreignant la liberté de circulation, l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 prévoit des mesures limitant les déplacements de personnes pour contribuer à réduire les risques liés à des rassemblements. Il est notamment possible d'interdire à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics, de séjourner dans tout ou partie du territoire d'un département. La personne concernée ne peut y pénétrer ou bien doit le quitter si elle s'y trouve déjà.
Une autre mesure importante porte sur l'interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté. Les représentants de l'État peuvent ainsi instaurer des couvre-feux dans les parties de leur département qui leur paraissent exposées à des risques importants de troubles à l'ordre public.
L'état d'urgence rend également possible l'instauration, par arrêté, de zones de protection ou de sécurité où le séjour est réglementé, afin d'assurer la sécurité de bâtiments publics ou d'édifices privés susceptibles d'être pris pour cible par des terroristes.
Enfin, pour atteindre des objectifs de maintien ou de rétablissement de l'ordre public, il est possible de procéder à des réquisitions de personnes ou de biens – comme le prévoit l'article 10 de la loi de 1955.
J'insiste sur le fait que les pouvoirs confiés aux représentants de l'État dans ce cadre-là sont des pouvoirs exceptionnels. L'état d'urgence n'est pas le contraire de l'État de droit ; il en est, quand la situation l'exige, le bouclier.
C'est la raison pour laquelle les mesures prises en application de la loi du 3 avril 1955 sont soumises au contrôle du juge administratif qui est chargé d'en apprécier, le cas échéant, la légalité. Si les attributions des représentants de l'État sont étendues, il n'en reste pas moins que leurs arrêtés doivent respecter les principes constants qui encadrent l'exercice du pouvoir de police administrative. À cet égard, il importe en particulier que les mesures prises soient nécessaires et proportionnées à l'importance des troubles ou de la menace qu'il s'agit de prévenir.
La loi de 1955 prévoit que la prolongation de l'état d'urgence au-delà de douze jours soit autorisée par une loi. Le Gouvernement propose donc, dans l'article 1er du présent projet de loi, de proroger l'état d'urgence pour une durée de trois mois à compter du 26 novembre 2015, date à laquelle le décret pris le 14 novembre 2015 cessera de produire ses effets.
Chacun conçoit en effet que la situation de menace très élevée à laquelle la France doit faire face va durer au-delà de la période de douze jours pendant laquelle l'état d'urgence peut être déclaré par décret. Il est donc nécessaire, pour approfondir la lutte contre le terrorisme, que les autorités administratives puissent recourir aux mesures que je viens de rappeler pendant une période, certes limitée dans le temps, mais suffisamment longue pour qu'elles puissent s'assurer que les auteurs des attentats, leurs complices et éventuellement ceux qui profiteraient de cette période pour commettre à leur tour des attentats, soient mis hors d'état de nuire.
La prorogation de l'état d'urgence apparaît d'autant plus nécessaire que nous pouvons constater l'efficacité des mesures qu'il prévoit. Depuis dimanche, elles ont permis en effet d'obtenir des résultats très importants : 63 interpellations – 28 au cours de la nuit dernière – et pas moins de 413 perquisitions – 117 au cours de la nuit dernière –, que j'ai décidées et qui ont été réalisées sur l'ensemble du territoire. Ces perquisitions ont permis la saisie de 72 armes au cours des trois derniers jours, parmi lesquelles 30 armes longues et 11 armes de guerre. Parallèlement, à ce jour, 118 assignations à résidence ont été prononcées dans toute la France à l'encontre d'individus présumés dangereux. Grâce aux possibilités que nous offre le régime de l'état d'urgence, nous portons donc les coups les plus durs aux individus et aux filières qui nourrissent le risque terroriste.
J'en viens aux modifications que le Gouvernement propose d'apporter au texte d'origine de la loi du 3 avril 1955, en vue de moderniser certaines de ses dispositions et de les rendre plus efficaces, tout en apportant des garanties supplémentaires aux personnes concernées. Elles portent sur cinq points principaux : le dispositif d'assignation à résidence ; les conditions des perquisitions administratives ; la dissolution d'association ou de groupements de fait ; les mesures assurant le contrôle des médias ; les sanctions pénales applicables en cas de violation de la loi.
L'assignation à résidence prévue à l'article 6 de la loi de 1955 est complétée au terme de plusieurs dispositions nouvelles. Ces mesures visent à s'assurer que la personne assignée à résidence respecte l'obligation qui lui est faite sans mobiliser à l'excès les forces de l'ordre dans un contexte de forte activité de ces dernières. Elles s'inspirent du régime déjà applicable aux étrangers représentant une menace pour l'ordre public, assignés à résidence dans l'attente de leur éloignement du territoire.
Ainsi, la personne faisant l'objet de l'assignation peut être contrainte à demeurer dans des lieux d'habitation pendant une plage horaire fixée par le ministre de l'Intérieur dans la limite de huit heures par vingt-quatre heures. Elle peut également être tenue de se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie, dans la limite de trois présentations par jour, et de remettre son passeport ou toute autre pièce d'identité. Elle peut se voir interdire d'entrer en relation, directement ou indirectement, avec certaines personnes nommément désignées dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles constituent une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics.
Par ailleurs, dans la mesure où le lieu de l'assignation à résidence, fixé par le ministre de l'Intérieur, peut être différent du lieu de résidence habituel de la personne concernée, il est prévu que le ministre puisse la faire conduire sur place par les services de police ou de gendarmerie.
Ce régime vise donc à répondre avec efficacité aux nécessités immédiates de la lutte contre la menace terroriste ; mais les garanties qui sont octroyées aux personnes concernées sont parallèlement renforcées. Les recours qu'elles peuvent former, autrefois examinés a posteriori par une commission consultative ad hoc, sont désormais soumis au juge administratif dans le cadre bien plus protecteur des procédures de référé-suspension et de référé-liberté – dans lequel, vous le savez, le juge doit statuer en quarante-huit heures.
De même, les perquisitions administratives, que la loi de 1955 autorise de jour comme de nuit, et qui ne faisaient l'objet d'aucune restriction, feront désormais l'objet d'une information obligatoire du procureur de la République. Elles devront en outre être conduites en présence d'un officier de police judiciaire, de façon à assurer la meilleure articulation entre l'action administrative et l'action judiciaire. L'usage des perquisitions, qui n'était pas précisé, est limité aux circonstances où il existe des raisons sérieuses de penser que le lieu concerné est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics.
Cependant, dans un souci d'efficacité, le champ des perquisitions est étendu à tous les lieux, sans s'arrêter aux domiciles des personnes privées, à l'exception du lieu d'exercice des professions protégées – avocats, parlementaires, journalistes. L'accès aux données informatiques, ainsi que leur copie, que ne pouvait évidemment pas prévoir la loi de 1955, sont désormais explicitement autorisés.
Le présent texte introduit ensuite une disposition nouvelle en prévoyant la possibilité de dissoudre, pendant l'état d'urgence, les associations ou groupements de fait portant une atteinte grave à l'ordre public, compte tenu notamment du rôle de soutien logistique et de recrutement qu'ils peuvent jouer au bénéfice de groupes terroristes. Cette disposition pourra notamment trouver à s'appliquer à des associations cultuelles, lorsque les lieux de culte servent en réalité à abriter des projets contre l'ordre public, aussi bien qu'à des associations politiques, qu'elles soient ou non formellement constituées, qui poursuivent le même but. En l'état actuel du droit, les procédures de dissolution existent, mais elles exigent des délais d'une durée incompatible avec les situations d'urgence dans lesquelles, par définition, s'applique cette loi. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité se donner les moyens d'agir avec célérité, parce que la situation l'exige.
De façon symétrique, ce projet prévoit la suppression de l'une des dispositions de la loi de 1955 : la possibilité de prendre des mesures pour contrôler la presse et les publications de toute nature, ainsi que les émissions radiophoniques, les projections cinématographiques et les représentations théâtrales. Chacun comprend que ce contrôle n'a plus de pertinence dans le monde d'abondance médiatique qui est le nôtre, dès lors que l'information circule en permanence sur internet, les réseaux sociaux et les chaînes de télévision satellitaires. Illusoire, il apparaîtrait en outre choquant et contraire aux valeurs républicaines dans les secteurs où il demeure matériellement possible, comme celui des représentations théâtrales.
Enfin, il est prévu de réévaluer les sanctions pénales applicables en cas de violation de la loi relative à l'état d'urgence. Il s'agit simplement d'adapter les peines encourues aux différentes infractions, de sorte que ces peines soient proportionnées à la gravité des infractions commises. La violation de l'assignation à résidence, mesure essentielle pour prévenir les menaces pour la sécurité et l'ordre public, sera sanctionnée de la façon la plus sévère : trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Le présent projet de loi, équilibré, a pour objet de nous permettre, en prorogeant l'état d'urgence pour une durée de trois mois et en modernisant certaines de ses dispositions, de livrer de façon plus efficace le combat résolu que nous menons contre le terrorisme. Je ne doute pas que nous saurons triompher de nos ennemis car, comme l'a déclaré le Président de la République hier, le terrorisme ne détruira pas la République, c'est la République qui le détruira.
Je ne reviendrai évidemment pas sur les raisons de notre réunion ni sur les précisions que vient de donner le ministre au sujet du projet de loi. Je chercherai plutôt à répondre aux questions qui ont été posées depuis deux jours par nombre d'entre vous, traduisant, j'imagine, ce que pensent nos concitoyens et ceux qui, à cet instant, regardent les travaux de la commission des Lois.
La première question porte sur le rythme de notre travail : pouvons-nous nous réunir si vite ? L'article 42 de la Constitution, ainsi que l'article 86 du Règlement de l'Assemblée, prévoient des délais précis entre le dépôt d'un projet de loi et sa discussion, et entre la mise à disposition du texte de la commission et son examen en séance. Or ces délais ne sont pas respectés dans le cas présent. Mais l'article 42 de la Constitution prévoit qu'ils ne s'appliquent pas « aux projets relatifs aux états de crise » - or tel est l'objet du projet que nous examinons.
La deuxième question souvent posée est celle de savoir s'il existe des précédents à une procédure aussi rapide. Les étapes de la procédure législative vont effectivement s'enchaîner à grande vitesse : le conseil des ministres a adopté, ce matin, le projet de loi ; la Commission se réunit quatre heures à peine après le dépôt du texte – à savoir dans des délais rarement connus – ; nous nous retrouverons en séance dès demain matin, à neuf heures et demie ; la commission des Lois du Sénat se réunira demain en commission et le débat aura lieu vendredi en séance.
Si ce rythme est soutenu, notre commission, tout comme l'Assemblée, l'a déjà pratiqué. Nombre d'entre vous ont d'ailleurs participé aux travaux de 2005 faisant suite à la proclamation de l'état d'urgence. Le projet de loi prorogeant son application avait été déposé le 14 novembre ; la commission des Lois l'avait examiné au cours de sa séance du mardi 15, au rapport de son président, Philippe Houillon ; le texte avait été débattu en séance publique le jour même, après les questions au Gouvernement ; le Sénat l'avait examiné au cours de la journée du 16 novembre, avant de l'adopter conforme ; enfin, la loi avait été promulguée le 18, et publiée le lendemain.
Pourquoi devons-nous travailler aussi vite ? L'état d'urgence a été déclaré par décret en conseil des ministres à compter du 14 novembre à zéro heure. Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par une loi. Cette loi devra donc être publiée, au plus tard, le mercredi 25 novembre. Si l'on tient compte d'un éventuel recours auprès du Conseil constitutionnel, cela implique qu'elle soit adoptée par les deux assemblées avant la fin de la semaine. C'est pourquoi, avec le Gouvernement, que je remercie, ainsi qu'avec Philippe Bas, président de la commission des Lois du Sénat, nous avons travaillé depuis deux jours. Évidemment, notre capacité collective d'amendement est restreinte : le texte que l'Assemblée doit adopter demain doit pouvoir être accepté dans les mêmes termes par le Sénat. Il fallait donc que les rapporteurs des deux assemblées anticipent nos débats et que des rapprochements soient réalisés avec le Gouvernement, afin que nous puissions dessiner une ébauche permettant des ajustements – et vous avez déposé une cinquantaine d'amendements sur certains desquels j'émettrai un avis favorable pour peu qu'ils ne touchent pas à l'équilibre général que vient d'évoquer le ministre.
Dans un tout autre contexte, un tel mode opératoire eût été jugé discutable et j'aurais été le premier à le condamner. Cependant, nul besoin d'insister ici sur le fait que les présentes circonstances exigent une réponse forte et prompte, dont on ne saurait attendre qu'elle s'embarrasse d'un excessif formalisme procédural.
Quels droits allons-nous voter ? Si l'état d'urgence permet de déroger à la légalité ordinaire, pour faire face à une situation particulière, il n'en obéit pas moins à un cadre juridique précis, fixé par la loi du 3 avril 1955. Les mesures applicables depuis le 14 novembre sont celles énumérées à l'article 5 sur la circulation et séjour des personnes, à l'article 6 sur l'assignation à résidence, à l'article 8 sur la fermeture des lieux de réunion, à l'article 9 sur la confiscation des armes, à l'article 10 sur les réquisitions et au 1° de l'article 11 sur les perquisitions administratives.
Ainsi, le texte propose d'actualiser nombre de dispositions dépassées par l'évolution des circonstances du droit et de fait. Il assortit la mesure de perquisition domiciliaire des précisions indispensables pour caractériser sa nature de police administrative, pour mieux définir et mieux encadrer les pouvoirs inhérents à son exécution ; il clarifie et consolide le régime des assignations à domicile en renforçant les voies de recours, pour tenir compte du risque contentieux ; il reprend un dispositif de dissolution des associations ou groupements afin de mieux lutter contre ceux qui pratiquent ou prônent la violence ; enfin, il prévoit diverses mesures de cohérence et de coordination, qu'il nous faudra d'ailleurs compléter.
Il n'y a donc pas de prérogative résolument nouvelle qui serait créée par le présent projet de loi. Les aménagements opérés s'inspirent en effet fortement de dispositifs existants du code de la sécurité intérieure, du code des juridictions administratives ou du code de procédure pénale. Je répète donc, après le ministre, que le principal apport du texte est de compléter les dispositions de la loi existante pour mieux garantir les droits et libertés constitutionnellement protégés.
Pourquoi une prolongation de trois mois ? Cette durée doit permettre aux forces de l'ordre de disposer des outils supplémentaires que l'état d'urgence offre – le ministre vient d'en rappeler la pertinence. Il faut craindre, en effet, que le démantèlement des cellules terroristes à l'oeuvre sur notre sol ne prenne du temps. Les opérations, d'ailleurs, se poursuivent. La perspective que d'autres attentats puissent être perpétrés dans les prochaines semaines ne peut pas, non plus, hélas, être écartée.
Eu égard à la nature de l'attaque dont le pays a été victime et à la persistance des dangers d'agressions terroristes auquel il demeure, en l'état, exposé, la disposition visant à proroger l'état d'urgence de trois mois n'apparaît pas excessive. De plus, un regard sur les précédentes applications en 1985 ou en 2005 permet de placer cette prolongation dans le cadre de références acceptables. Par ailleurs, il est notable de souligner que le projet de loi permet à l'exécutif de mettre fin à l'état d'urgence, avant l'expiration du délai de trois mois, par décret en Conseil des ministres.
Enfin, évidemment, la prolongation de trois mois ne modifie pas la loi de 1955 : si demain nous devions réutiliser ce texte, le Gouvernement ne pourrait engager la procédure que pour douze jours.
Quel sera le rôle du Parlement pendant ces trois mois ? Le projet de loi prévoit, sur le modèle de la loi du 18 novembre 2005, que le Gouvernement rende compte au Parlement en cas de cessation anticipée de l'état d'urgence. Cette disposition pose, plus généralement, la question des modalités d'information des parlementaires pendant la durée de l'état d'urgence. Ce point n'est pas le moindre et je n'ai nul besoin, là encore, d'insister sur l'importance que revêt, pour notre commission, un contrôle étroit et constant du Parlement sur les mesures adoptées et appliquées par l'exécutif en temps de crise, qui, par définition, comportent des limitations des droits et libertés.
Par voie d'amendements, je vais donc vous proposer de conforter le rôle du Parlement comme autorité de contrôle durant toute la durée de l'état d'urgence, et cela avec d'autant plus le souci du détail que le contrôle juridictionnel des mesures prises relève de la compétence du juge administratif. C'est à cette fin que Jean-Frédéric Poisson, vice-président de la commission, a été hier désigné comme co-rapporteur d'application. Il pourra ainsi disposer d'une information non pas seulement générale, mais encore précise des orientations adoptées et des stratégies développées. Nous nous appuierons notamment sur la loi du 18 décembre 2013 portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale qui a allongé la liste des informations pouvant être communiquées en ces domaines aux parlementaires.
L'exercice de cette fonction de contrôle, qui sera peut-être la marque parlementaire de cette crise, rappellera que, pour l'Assemblée, l'état d'urgence doit demeurer exceptionnel, autrement dit perdurer pendant la seule période nécessaire. Dès la publication de la loi, nous arrêtons les modalités de ce contrôle, qui pourraient être l'audition régulière du ministre ou la publication d'un rapport régulier.
Voilà les précisions que je souhaitais porter à votre connaissance.
En conclusion, à mes yeux, le grand mérite du présent projet de loi est d'apporter de nécessaires ajustements au défi majeur qu'il nous incombe de relever, conférant ainsi aux dispositions qu'il contient une forme de légalité exceptionnelle. En effet, outre son caractère provisoire, le cadre juridique qu'il construit respecte pleinement les impératifs de nécessité et de proportionnalité. Évidemment, et cela mérite d'être répété, à lui seul il ne résume pas l'arsenal dont nous disposons pour combattre ceux qui se déchaînent contre nous.
Je vous propose d'ouvrir le débat en invitant chacun à faire preuve de responsabilité et de dignité. Je crois indispensable que la commission montre ce visage de rassemblement et présente au pays, mais aussi à nos agresseurs, l'exemple d'une nation unie.
Je remercie le rapporteur. Je vais maintenant devoir vous quitter pour des raisons que vous comprendrez aisément et je vous prie de m'en excuser. Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État, défendra désormais la position du Gouvernement.
À la suite des attentats coordonnés ayant frappé Paris vendredi dernier, l'état d'urgence a été déclaré par décret pris en Conseil des ministres à l'initiative du Président de la République. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, la gravité de ces attentats, leur caractère simultané et la permanence de la menace établie par les indications de nos services de renseignement ainsi que le contexte international justifiaient pleinement cette décision.
L'état d'urgence donne aux autorités administratives des moyens d'action supplémentaires pour lutter contre les menaces terroristes. Les préfets ont ainsi la possibilité de prévenir la commission de nouveaux actes par des perquisitions administratives dans les domiciles à toute heure du jour et de la nuit. Ils peuvent également agir sur les rassemblements sur la voie publique ou dans les lieux publics, en prononçant la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boisson ou lieux de réunion de toute nature, ainsi qu'interdire des réunions dans le but de préserver l'ordre public et de protéger les populations. Le ministre de l'Intérieur peut, en outre, assigner à résidence des personnes considérées comme représentant une menace terroriste.
Ces outils ont été pleinement utilisés, depuis vendredi, par le Gouvernement et les autorités administratives, et ils ont vocation à continuer de l'être dans les semaines qui viennent. Le maintien de la menace à un niveau inédit sur l'ensemble du territoire national justifie la prorogation de l'état d'urgence au-delà des douze jours relevant de la décision du Conseil des ministres. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen soutient bien évidemment la demande du Gouvernement de proroger de trois mois l'application de la loi du 3 avril 1955.
Il est également apparu nécessaire d'adapter et de moderniser immédiatement certaines dispositions de cette loi, d'une part, pour s'assurer de leur parfaite efficacité dans la lutte contre les menaces nouvelles et, d'autre part, pour garantir que les mesures mises en oeuvre sous l'empire de ce régime juridique pourront faire l'objet d'un contrôle juridictionnel effectif.
Des améliorations sont ainsi proposées s'agissant du régime des assignations à résidence, qui constituent un outil puissant pour surveiller, contrôler et isoler les individus radicaux. Des modifications sont également proposées en matière de perquisitions administratives. En 1955, en effet, les ordinateurs n'existaient pas. Or, aujourd'hui, les terroristes usent quotidiennement d'internet et des téléphones portables pour communiquer. L'autorité administrative doit être en mesure de perquisitionner ces données. Par ailleurs, lutter concrètement contre le radicalisme, l'extrémisme, suppose de pouvoir agir sur ses lieux et vecteurs de propagation et donc de pouvoir dissoudre les associations ou groupements de fait qui les constituent.
Moderniser l'état d'urgence, c'est aussi l'adapter aux exigences modernes en matière de droit au recours. En effet, nous voulons agir de manière pragmatique, sans faiblesse, et donner de la vélocité à nos services au moyen d'outils adaptés, mais nous sommes attentifs à ce que ces procédures soient respectueuses, malgré leur cadre exceptionnel, des règles de notre État de droit.
Enfin, je souhaiterais évoquer une interrogation partagée par de nombreux membres de notre groupe concernant les mesures de la loi de 1955 permettant « d'assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ». Le projet de loi supprime ces possibilités, pour des raisons qu'a exposées le ministre. Les temps ont évolué, et il ne s'agit pas, pour nous, de prôner la censure ou d'interdire la diffusion du « Déserteur » de Boris Vian sur les ondes de la radiotélévision française. Toutefois, nous nous interrogeons – comme le Conseil d'État, semble-t-il – sur la pertinence d'une forme d'amoindrissement des possibilités, pour l'autorité administrative, de contrôler, non pas la presse libre, mais les sites, blogs ou expressions de nature à inciter à la haine ou faisant l'apologie de ce que, précisément, l'état d'urgence a vocation à mieux combattre. Des amendements ont donc été déposés en ce sens. Nous avons pleinement conscience de l'impérieuse nécessité de trouver le bon équilibre, afin que les deux chambres soient en situation politique de voter le texte dans les mêmes termes d'ici à vendredi soir. Mais il serait, selon nous, opportun d'apporter, d'ici à l'examen du projet de loi en séance publique, une réponse adéquate à cette préoccupation.
C'est dans cet esprit de responsabilité et de détermination que le groupe SRC apporte tout son soutien au projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions.
Mon intervention sera brève, car tout a été dit par le ministre et par notre rapporteur.
Pour ma part, je ne suis pas choquée par la rapidité de l'examen du texte qui nous est soumis. Il convient, du reste, de féliciter les services de l'État d'avoir préparé avec une telle diligence un projet de loi d'une qualité certaine, qui plus est assorti d'une étude d'impact que le Gouvernement aurait pu se dispenser de fournir.
Une loi vaut une loi. Nous modifions la loi de 1955, et nous pouvons parfaitement la modifier, à cette réserve près – soulignée par M. le rapporteur – que si l'on souhaite, ultérieurement, déclarer à nouveau l'état d'urgence, on appliquera tout de même la loi de 1955. Il s'agit d'une petite bizarrerie, appelée par certains les « conventions de la Constitution ». Dans cette hypothèse, même si une loi modifie une loi antérieure, c'est cette dernière qui servira de cadre général. Elle constitue en quelque sorte la charte définissant ce qu'il est possible aux pouvoirs publics, exécutif et Parlement, de faire en matière d'urgence. Bien entendu, tout cela pourrait prêter à discussion.
En tout état de cause, ce projet de loi est à la fois général, puisque, par sa portée, nous sommes dans la loi de 1955, et particulier, puisqu'il vise à modifier certains éléments de cette loi, y compris pour les trois mois à venir. Il me semble que les travaux préparatoires doivent faire ressortir clairement cet élément.
Enfin – et ceci est bien conforme à l'État de droit –, il s'agit, ici, pour le Parlement, d'accorder à l'exécutif l'autorisation législative de prendre les mesures prévues dans le texte, et ce dans un certain délai. Il n'est cependant obligé ni de prendre toutes les mesures laissées à son appréciation, ni même de maintenir l'état d'urgence jusqu'au terme de ce délai.
On a évoqué la nécessité de moderniser les régimes de perquisition afin de tenir compte de l'existence des systèmes informatiques. Il est ainsi précisé, à l'alinéa 21 de l'article 4, qu'« il peut être accédé […] aux différentes données stockées dans les systèmes informatiques ». Or, on peut se demander s'il ne serait pas opportun d'autoriser également la saisie du matériel informatique. Le Gouvernement propose, par l'amendement CL18, d'autoriser une telle saisie lorsqu'une infraction est constatée. Mais il se trouve que, dans la pratique, l'exploitation des systèmes informatiques par les services de police prend du temps, de sorte qu'il leur est parfois très difficile de constater une infraction sur les lieux perquisitionnés. Il conviendrait donc d'autoriser la saisie de ces matériels, afin qu'ils puissent être expertisés et que l'intégralité de leur contenu puisse être exploitée. Une copie de ce contenu est en effet insuffisante, car certaines données effacées peuvent échapper aux services de police.
Je veux tout d'abord saluer le travail des forces de l'ordre qui, ce matin encore, ont risqué leur vie pour protéger notre sécurité ainsi que la tâche extraordinaire qu'accomplissent depuis vendredi dernier les professionnels de santé.
Ceux qui ont frappé la France, le vendredi 13 novembre, avaient une cible : l'État de droit, l'esprit d'ouverture et la diversité qui caractérisent les sociétés démocratiques. Leur objectif est clair ; il s'agit de créer les conditions d'une guerre civile au coeur du pays, en y introduisant la haine et en s'attaquant aux libertés qui font la vie de chaque jour : la liberté de circuler, de se réunir, de manifester. Les djihadistes qui tuent au nom de Daech n'ont pas de frontières ; ils se meuvent dans un espace transnational et dans le cyberespace et recrutent dans l'ensemble de l'Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Ils sont en partie le fruit des interventions occidentales en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, dont nous n'avons toujours pas dressé le bilan.
Le ministre l'a rappelé, l'état d'urgence a été instauré, pour la première fois, par la loi du 3 avril 1955 durant la guerre d'Algérie. S'il n'a guère contribué à décourager les attentats sur le territoire français, il a, en revanche, ouvert la voie au vote des pouvoirs spéciaux, en mars 1956. Je rappellerai également que, lorsqu'il fut instauré en 2005, l'état d'urgence fut aussitôt contesté. Le Conseil d'État débouta ceux qui avaient présenté une requête, en fondant logiquement la légitimité du régime de l'état d'urgence sur les circonstances au nom desquelles il a été instauré. Il ouvrait ainsi la possibilité de déposer des requêtes ultérieures contestant l'état d'urgence au nom d'une modification de ces circonstances. Aujourd'hui, la menace est diffuse, sporadique ; elle peut resurgir à tout moment. Elle est à la fois extérieure et intérieure, puisqu'elle est le fait de jeunes Français ou Européens qui tuent et massacrent là où ils ont grandi, où ils ont vécu. Dès lors, l'hypothèse d'un état d'urgence qui dure plus longtemps que prévu existe. L'état d'urgence est un état d'exception, donc temporaire. Or, la situation actuelle s'inscrit, hélas ! dans la durée.
Chers collègues, autant nous pouvons être d'accord sur le renforcement des moyens des services de police et de la justice, autant je suis dubitatif quant à la prorogation de l'état d'urgence. Pour le dire clairement, je m'interroge et sur son fondement et sur son efficacité. Pour reprendre les mots de Robert Badinter, « l'État de droit n'est pas un État de faiblesse ». Et, comme l'indique Henri Leclerc, l'état d'urgence n'est pas en lui-même de nature à écarter le danger. Il sert à rassurer les citoyens, à montrer que l'on agit, mais son efficacité supérieure n'a pas été démontrée.
Pour ces raisons, je ne voterai pas la prorogation de l'état d'urgence. Je précise néanmoins que ma position, si elle est partagée par mes collègues Isabelle Attard et Noël Mamère, n'est pas celle de mon groupe, qui votera très majoritairement ce texte. Je tiens, par ailleurs, à exprimer mon inquiétude quant à la réforme constitutionnelle, dont le contenu tel qu'il a été annoncé par le Président de la République – je pense notamment à la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français – ne saurait emporter notre adhésion.
Enfin, monsieur le rapporteur, bien que nos opinions divergent sur l'utilité de ce texte, je tiens à saluer votre travail et votre modération, dans un climat où nombre de responsables politiques succombent à la tentation sécuritaire.
Lundi, je me suis rendu à l'école de Moult, dans une classe de CM2. Les trente enfants présents, âgés de dix ans, m'ont tous dit qu'ils ne parvenaient plus à dormir, qu'ils avaient peur. Tous m'ont posé les mêmes questions : « Monsieur le maire, est-ce la Troisième Guerre mondiale ? Que faites-vous ? » Eh bien, je pourrai bientôt retourner les voir et leur dire : « Voilà ce que nous faisons, ce que la République peut faire et les réponses qu'elle apporte ! » Aussi tout ce qui a été dit par notre rapporteur mérite-t-il d'être approuvé.
Qu'est-ce que l'état de nécessité en démocratie ? Alors que j'enseignais encore à l'université, Mme Geneviève Camus avait soutenu, sous la direction du professeur Morange, une thèse sur ce sujet. Pour ce qui est de la France, il convient de distinguer plusieurs types de situations exceptionnelles. L'article 16 de la Constitution prévoit une dictature romaine : au bout de six mois, Cincinnatus retourne à sa charrue – je ne sais pas si le Président Hollande fera de même. Quant à l'article 36, il concerne l'état de siège, c'est-à-dire le transfert de toutes les activités civiles aux responsables militaires.
Sur l'état d'urgence, en revanche, rien : un trou béant dans la Constitution ! Rien, sinon la loi rédigée par l'excellent président Edgar Faure, un grand radical qui savait écrire puisqu'il était professeur de droit romain. J'ai du reste la faiblesse de penser – personne n'y verra une méchanceté de ma part – que cette loi est mieux écrite que le texte qui nous est proposé aujourd'hui. La loi de 1955 relative à l'état d'urgence est, il faut le rappeler, conforme à la Constitution, comme en a décidé le Conseil constitutionnel le 25 janvier 1985 à propos de la situation en Nouvelle-Calédonie.
Le texte qui nous est proposé aujourd'hui doit cependant être amendé sur un certain nombre de points. Nous aurions pu décider, dans le cadre d'une espèce de consensus, de ne pas le modifier, mais c'eût été une erreur, car le bloc républicain passe par le droit d'amendement ; on ne peut pas y renoncer.
Une première difficulté est soulevée par l'article 4, dans lequel il est fait référence à un « comportement » qui « constitue une menace ». En effet, le comportement n'est pas une catégorie juridique, contrairement à l'activité. Un comportement peut sembler inadmissible mais, en aucun cas, il ne peut répondre aux critères de l'activité terroriste.
Deuxièmement, la dissolution des organisations de fait est assortie d'une double condition. C'est une erreur, et le Conseil d'État ne s'est pas privé de vous le faire remarquer. Il serait en effet bienvenu, monsieur le rapporteur, de supprimer la seconde condition, c'est-à-dire le fait, pour ces groupements ou associations de fait, de comprendre en leur sein un individu faisant l'objet d'une assignation à résidence. Soit elle est trop importante, soit elle est insuffisante. En tout cas, elle est inutile.
Troisièmement : la sanction et le contrôle. La loi de 1955 prévoit, de manière invraisemblable, en référence aux contraventions de cinquième classe, des sanctions qui peuvent n'être que de onze euros. Il faut donc des sanctions fortes, mais j'ai du mal à comprendre que l'on puisse en prévoir trois différentes selon que l'infraction porte sur tel ou tel article de la loi. Si infraction il y a, il doit y avoir sanction, et celle-ci doit être la même dans tous les cas ; il y va de la compréhension du texte. S'agissant du contrôle, je pense que nous avons manqué une occasion – je m'en suis déjà ouvert au président Urvoas. La référence à la Première Guerre mondiale me paraît toujours intéressante. J'aurais donc souhaité qu'un pouvoir de contrôle soit confié aux présidents des deux commissions des lois, afin qu'ils puissent connaître constamment l'évolution de l'application de la loi et nous en informer. Actuellement, ce contrôle est exercé par la juridiction administrative. Le référé-liberté, qui n'existait pas en 1955, est, du reste, en soi un progrès.
Par ailleurs, si la presse doit rester libre, quoi qu'il nous en coûte, les communications en ligne, en revanche, qui sont le principal moyen de diffusion de la pensée des djihadistes, doivent pouvoir être interdites par le ministre de l'Intérieur.
Reste une interrogation sur la garde à vue. C'est un problème que nous connaissons bien en tant qu'avocats, monsieur le président. La garde à vue est l'élément essentiel de la proportionnalité entre, d'une part, les libertés que la personne gardée à vue doit avoir dans le cadre de l'instruction pénale ou criminelle en cours, et d'autre part, les contrôles auxquels elle est soumise, avec bien sûr la possibilité d'obtenir des moyens. Faut-il ou pas allonger la durée de la garde à vue au-delà de six jours ? Cela m'apparaît nécessaire pour les affaires de terrorisme dans le cadre de l'état d'urgence, et c'est un problème fondamental en termes de libertés.
Pour finir, je saluerai à mon tour le travail de tous ceux qui ont permis la mise au point de ce texte fondateur, dans un délai très rapide, qui respecte les lois de la République.
L'état d'urgence est un état de droit, mais un état de droit exceptionnel. C'est un texte grave que nous examinons aujourd'hui, en raison des circonstances tragiques qui le fondent mais aussi de l'impérieuse nécessité d'efficacité qui doit l'entourer.
Je remercie le Gouvernement pour son travail sur le projet de loi tout en soulignant que le Parlement sait travailler vite et bien, sans négliger de compléter et d'améliorer la loi de 1955.
Je ferai quatre observations.
S'agissant des perquisitions, je me félicite que le texte ait prévu une information systématique du procureur et la présence d'un officier de police judiciaire.
Le texte fait mention des « lieux » fixés par le ministre de l'Intérieur pour l'assignation à résidence : je m'interroge sur l'emploi du pluriel et attends des débats un éclaircissement.
S'agissant toujours de l'assignation à résidence, comment faire, au-delà de l'aggravation de la peine en cas de violation et sans peser sur les effectifs des forces de police et de gendarmerie, pour en garantir le caractère effectif ?
Enfin, trois mois, c'est à la fois très peu et très long au regard des restrictions de libertés, d'où la nécessité de définir le rôle du Parlement pendant cette période. On ne peut rester indifférent ou aveugle aux mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence ainsi prolongé. Le contrôle de l'application de la loi revient au Parlement. Il s'impose même dans ce cadre exceptionnel. Et je remercie le rapporteur d'avoir proposé un amendement en ce sens.
Ces derniers jours, ont été effectuées 63 interpellations, 413 perquisitions, 72 saisies d'arme, 118 assignations, autant de mesures qui justifient l'état d'urgence et sa prorogation que le Gouvernement a assortie de dispositifs renforçant la capacité d'agir des préfets, des procureurs et des forces de sécurité.
Monsieur le rapporteur, en tant que membre de la commission des Lois, j'avais plusieurs questions mais vous avez su apporter dans votre excellent rapport des réponses concrètes tant sur la procédure retenue que sur le choix d'un délai de trois mois et le rôle du Parlement dans le suivi de l'application de cette loi. À cet égard, je me pose la question de la nature des informations que vous pourrez obtenir durant l'application de l'état d'urgence : quel sera leur degré de précision, compte tenu de la confidentialité dont elles peuvent faire l'objet ?
Dans l'un des plus célèbres passages de De l'esprit des lois, Montesquieu écrit qu' « il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l'on cache les statues des dieux ». Cette affirmation correspond parfaitement à l'état d'exception au sens classique, entendu comme une période pendant laquelle les règles de droit prévues en situation de calme peuvent être transgressées, suspendues ou écartées pour faire face à un péril. Personne ici n'osera contester la décision prise par le Président de la République après les monstrueux attentats qui ont fait tant de victimes. C'était la bonne décision à prendre, madame la secrétaire d'État : le Gouvernement a été à la hauteur de la situation et ne cesse de l'être depuis ce vendredi 13 novembre.
La sécurité est notre première liberté, c'est la liberté des plus fragiles et des plus modestes de nos concitoyens, c'est à ceux-là que je pense, à ceux qui vont travailler et qui empruntent les transports en commun, ceux qui ont peur. C'est principalement pour eux que l'on légifère.
Comment lutter efficacement contre ce terrorisme qui a franchi une étape supplémentaire, sans renoncer à notre droit et nos valeurs et sans verser dans l'anomie à travers une guerre sans foi ni loi ? Quels droits fondamentaux pouvons-nous sacrifier lorsque nous nous trouvons, comme c'est le cas, dans des circonstances exceptionnelles ? Autrement dit, les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sont-elles proportionnées à ces circonstances exceptionnelles ?
Les garanties, nous les avons. La prolongation de l'état d'urgence est soumise au Parlement. Le projet de loi comprend la possibilité de raccourcir la durée de cet état d'urgence. Le juge administratif a assuré le contrôle de la proportionnalité, garantie forte dans un État de droit, qui permet le respect des droits de la défense au cas où le droit ne serait pas respecté. Je veux souligner aussi le travail exemplaire effectué par les préfets qui travaillent main dans la main avec les procureurs de la République, les élus locaux et les membres de la représentation nationale. Le régime des perquisitions prévoit des exclusions pour les parlementaires, les magistrats, les avocats, les journalistes, dans un parallélisme avec le code de procédure pénale. La présence des officiers de police judiciaire assure la régularité de la procédure de perquisition. Le texte prévoit également une communication au procureur de la République, ce qui signifie que la procédure classique s'impose ensuite, avec toutes les garanties attachées au code de procédure pénale.
Enfin, vous allez enrichir ce texte par un amendement substantiel, qui renforce les garanties et souligne le caractère exceptionnel de l'état d'urgence, tout en réaffirmant le rôle qu'exerce le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 24 de la Constitution.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe SRC votera en faveur de ce projet de loi.
Au nom du groupe Les Républicains, je formulerai trois séries de remarques.
Premièrement, nous approuvons – le président de notre groupe l'a dit au Congrès – le fait que l'état d'urgence ait été déclaré par le Président de la République pour faire face au péril imminent auquel notre nation est confrontée comme nous approuvons l'adoption prochaine par notre Parlement du projet de loi prorogeant l'application de l'état d'urgence. Il est pertinent de chercher à améliorer les dispositions de la loi de 1955 pour les rendre plus efficaces et donner, par des moyens juridiques adaptés, des instruments au corps préfectoral et aux forces de l'ordre. Nous participons aux débats en commission et en séance publique avec une seule préoccupation : que le dispositif adopté soit le plus opérationnel possible pour répondre aux nécessités de l'instant.
Deuxièmement, je soulignerai que les travaux que nous menons renforcent le texte de 1955 au plan constitutionnel. Nous avons lu l'avis rendu par le Conseil d'État. Il est très important de rappeler ici qu'en 1985, le Conseil constitutionnel avait déjà jugé que la loi de 1955 n'avait pas été abrogée par la Constitution de 1958 et qu'en 2006, l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, dans l'arrêt Robin, avait jugé que cette même loi était compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme.
Au fond, tout cela est normal. L'état d'urgence, tel qu'il a été conçu en 1955, est totalement cohérent avec la théorie du droit public à la française, notamment la théorie des circonstances exceptionnelles qui a été dégagée à la fin du XIXe siècle et qui s'est développée tout au long du XXe siècle.
Ce rappel ne relève pas seulement de la doctrine. Il est important de souligner que loin de déroger à l'État de droit, nous le confortons : l'État de droit doit être fort ; s'il ne l'est pas, il n'y a plus d'État, il n'y a plus de droit, et c'est la loi de la jungle djihadiste qui l'emportera.
J'en viens à une troisième série de remarques, de nature plus technique, sur les modifications dont nous sommes saisis.
La première porte sur le régime des perquisitions. Je ne pense pas qu'il soit impératif d'amender le texte sur ce point, même si nous prenons en compte les interrogations que formule le Conseil d'État dans son avis sur les saisies administratives et leur articulation avec les dossiers judiciaires.
La deuxième se rapporte au régime de l'assignation à résidence. Nous sommes convaincus, comme divers membres du parti Les Républicains ont eu l'occasion de le souligner, que la responsabilité première des pouvoirs publics est de tout faire pour neutraliser, c'est-à-dire mettre hors d'état de nuire, les individus qui veulent détruire notre société en portant très gravement atteinte à l'ordre public. Pour cela, il faut utiliser à plein le régime de l'assignation à résidence, régime de police administrative que la loi de 1955 prévoit. Nous constatons, pour nous en réjouir, que le présent projet de loi renforce très significativement les contraintes pesant sur les individus faisant l'objet d'une assignation à résidence.
Je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous preniez en compte la lecture que nous faisons de la nature des lieux qui pourront être fixés par le ministre de l'Intérieur pour l'assignation à résidence. Nous considérons qu'il peut s'agir de tout lieu, et pas seulement du lieu du domicile ab initio. Il est essentiel de le préciser car nous voyons bien ce que cela implique en pratique : la possibilité d'écarter les personnes concernées de leur résidence habituelle.
Les dispositifs de pointage que vous proposez sont très importants. Nous nous interrogeons toutefois sur deux points précis, qui font l'objet d'amendements déposés par notre groupe.
L'article 4 prévoit expressis verbis que le ministre de l'Intérieur pourra décider d'assigner un individu à résidence dans la limite de huit heures par vingt-quatre heures. Nous nous interrogeons sur la pertinence d'une telle limitation car elle signifie que pendant les seize heures restantes, la personne concernée pourra être ailleurs que dans le lieu fixé pour l'assignation à résidence. C'est la raison pour laquelle nous défendrons un amendement visant à supprimer cette limitation, en étendant la durée de l'assignation à vingt-quatre sur vingt-quatre, dans certains cas et sous le contrôle du juge administratif saisi en référé.
Nous défendrons un autre amendement, qui vise à donner au ministre de l'Intérieur la faculté d'assortir l'assignation à résidence d'un placement sous surveillance électronique afin de contrôler plus étroitement les déplacements de l'individu concerné. Ce serait une disposition inédite car nous savons qu'en dehors du cadre de l'état d'urgence, le placement sous surveillance électronique appartient à la sphère judiciaire et qu'il est considéré dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale comme une mesure alternative à l'incarcération et même à la détention provisoire, s'agissant de prévenus faisant l'objet d'une mise en examen, comme le prévoit la loi pénitentiaire de 2009.
Ma troisième remarque technique porte sur la procédure de dissolution des groupements et associations. Le Gouvernement a raison de prévoir une accélération de cette procédure remontant au vieux décret-loi de 1936, codifié dans le code de la sécurité intérieure, qui permet de dissoudre les ligues, les groupes armés, les associations ou groupements de fait incitant à la haine, à la violence, au terrorisme. Le dispositif que vous proposez est pertinent et il aura des effets – j'appelle votre attention sur ce point – après la fin de l'état d'urgence puisqu'il n'est pas question de permettre au groupe ou à l'association ayant fait l'objet d'une dissolution de se recréer. Nous présenterons néanmoins un amendement pour que cette procédure soit la plus effective possible, en nous rangeant à l'avis du Conseil d'État, qui a considéré qu'une seule des deux conditions cumulatives prévues par le Gouvernement était suffisante. Une association participant à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public peut être dissoute sans qu'il soit nécessaire de prouver que, par ailleurs, l'un de ses membres fait l'objet d'une assignation à résidence.
Quatrième remarque : le ministre de l'Intérieur a évoqué les expulsions administratives ; or je ne crois pas avoir vu dans le texte de mesures visant à faciliter ces expulsions pour motif de troubles à l'ordre public, sous l'empire de l'état d'urgence. Pourrais-je avoir des précisions à ce sujet ?
Dernière remarque : nous proposons dans un amendement que, pendant que l'état d'urgence s'applique, les fonctionnaires de la police nationale puissent être autorisés par le ministre de l'Intérieur à porter leurs armes en dehors de leurs heures de service.
Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste votera en faveur de ce texte et de la prorogation de trois mois de l'état d'urgence, sous réserve de quelques amendements qu'il souhaiterait voir adopter.
Nous voterons ce projet de loi parce que la législation de 1955 émanant d'Edgar Faure, Robert Schuman et Antoine Pinay, des hommes qui ne sont pas spécialement connus pour leurs positions liberticides, ne nous effraie pas particulièrement – elle a d'ailleurs déjà été mise en oeuvre par cinq fois – et parce que la durée de prorogation de trois mois paraît raisonnable et modérée, peut-être même un peu trop.
La décision du Conseil constitutionnel du 25 janvier 1985 à laquelle notre collègue Larrivé a fait référence affirme que la législation sur l'état d'urgence est conforme à la Constitution, ce qui est extrêmement important. Cela dit, cette décision est précédée de plusieurs considérants, dont l'un, le dixième, est ainsi rédigé : « Considérant que, si la régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine, il ne saurait en être de même lorsqu'il s'agit de la simple mise en application d'une telle loi… »
J'appelle votre attention sur ce point car, cherchant à bien faire, le Gouvernement a ajouté nombre de dispositions nouvelles qui modifient ou adaptent ce texte ; de ce fait, il y a un certain risque que le contrôle de constitutionnalité s'en trouve rouvert. Vous me direz qu'il n'est pas à craindre que soixante députés ou soixante sénateurs saisissent le Conseil constitutionnel. Sans doute, mais l'existence de la question prioritaire de constitutionnalité a créé une situation nouvelle – et en l'espèce, nous ne pouvons écarter l'éventualité qu'une QPC soit déposée, puisque le texte n'est pas resté inchangé, et n'a donc pas été validé par le Conseil constitutionnel. Je crois même qu'il est très probable qu'une QPC soit déposée par une de ces personnes – elles sont nombreuses, hélas ! – qui ne veulent pas que du bien à la République. Le mieux est parfois l'ennemi du bien, mes chers collègues, et en l'occurrence cela risque de poser un problème.
Pour ce qui est de la durée de trois mois, je répète qu'elle est tout à fait modérée ; elle diffère en cela de précédents, notamment de l'état d'urgence qui a été appliqué en France du 23 avril 1961 au 31 mai 1963 par l'effet de plusieurs prorogations, à la suite du putsch des généraux d'Algérie. En résumé, ce texte nous convient, mais que nous souhaitons qu'il soit le moins fragilisable possible.
Comme l'enseignent tous les professeurs de droit, l'état d'urgence fait partie de l'état de droit. Par rapport à l'arsenal législatif pénal, et surtout de procédure pénale, il présente la particularité de conférer des pouvoirs de contrôle à l'autorité administrative. Le Syndicat de la magistrature s'en est du reste ému et a fait paraître un communiqué par lequel il jugeait scandaleux que l'on puisse retirer à l'imperium judiciaire le droit d'exercer ce contrôle. Pour ma part, j'estime qu'il y a nécessité absolue à recourir à l'état d'urgence et je voterai la prorogation, tout en soulignant que penser qu'une prorogation de trois mois suffira à régler la situation relève d'un optimisme béat.
Pour ce qui est du texte proposé, j'en ai discuté avec des juristes de base ayant une grande expérience de la procédure pénale – des soutiers de la procédure, en quelque sorte. Ils m'ont assuré que tous les instruments figurant dans le texte existaient déjà dans la loi actuelle, qu'il s'agisse du flagrant délit ou des perquisitions ordonnées par un juge selon une procédure simplifiée. Ce qui manque en temps ordinaire, c'est la motivation. Or c'est justement ce qu'apporte l'état d'urgence : dès lors que nous l'aurons voté, un instrument de motivation sera légalement mis à disposition des policiers et des gendarmes qui, avec le concours des militaires, accomplissent un travail formidable.
Ce texte qui a vécu toutes les tempêtes de l'histoire depuis 1955 – en demeurant un texte constitutionnel –, je ne vois pas l'utilité de le modifier. Le maintenir en l'état nous permettrait par ailleurs d'échapper au crible de la question prioritaire de constitutionnalité, qui ne manquera pas d'être posée. Je vois dans la démarche du Gouvernement la preuve d'une surprenante lucidité : ne sommes-nous pas là, quelque part, dans le domaine de l'inconscient des lois ? Cela n'a pas échappé à notre ami Tourret : alors que, jusqu'à présent, étaient visées les personnes « dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics », c'est maintenant le « comportement » des personnes qui est visé. Tout est dit ! Ce qui est pernicieux aujourd'hui, c'est le comportement, et c'est bien la seule utilité de ce texte que d'affirmer que ce qui nous tue, c'est le comportement de certains !
Évidemment, ce texte va être voté. Mais quitte à contrarier Mme Taubira, veillons au moins à ce que les sanctions qui l'accompagnent n'entrent pas dans le champ de la contrainte pénale. À défaut, ce texte n'aura aucune portée, car aucun juge ne pourra l'appliquer ! Si le Gouvernement veut nous doter d'une arme, qu'elle soit débarrassée de l'aspect lénifiant de la contrainte pénale ; ce n'est qu'à cette condition que nous aurons peut-être fait un progrès.
Je conclurai sur les communications en ligne. Dieu sait qu'il faut respecter le pouvoir de la presse, ne serait-ce que pour lui permettre de continuer à dire du mal de nous, ce qui nous fait du bien. En revanche, nous devons tout faire pour empêcher la diffusion de la pensée djihadiste. Cela aussi, c'est de l'ordre du comportement, en l'occurrence un comportement qui veut nous tuer par la pensée, avant peut-être de nous tuer pour de bon.
Je voterai donc la prorogation de l'état d'urgence, mais pour ce qui est des modifications apportées au texte de 1955, je considère que, hormis l'introduction du mot « comportement », elles n'apportent rien qui ne figure déjà dans la loi.
Le groupe Union des démocrates et indépendants votera la prorogation de l'état d'urgence, sans se formaliser des courts délais qui nous sont imposés, compte tenu des circonstances qui commandent d'agir vite.
Cela dit, lorsqu'on légifère dans ces conditions, on doit le faire pour répondre à une situation de fait, et je ne suis pas sûr que, sur le long terme, nous répondions à une nécessité en droit. Si nous avons besoin de donner rapidement au pouvoir exécutif les moyens d'anticiper des menaces pesant sur notre pays et nos concitoyens, les moyens exceptionnels conférés par l'état d'urgence – qui est certes un état de droit – sont faits pour répondre à une situation exceptionnelle, évaluée ici à trois mois, mais dont nous savons tous qu'elle durera bien plus longtemps, car la guerre qui nous est déclarée par des groupes barbares – Al-Qaïda en janvier, Daesh aujourd'hui – va durer des années.
La lutte contre le terrorisme, si elle peut nécessiter, pour pallier le fait que nous n'avions pas anticipé la situation à laquelle nous devons faire face, des moyens juridiques exceptionnels, des moyens de droit transférés au pouvoir exécutif, doit aussi nous conduire à réfléchir à l'avenir – je souhaite que la commission des Lois puisse le faire – au fait que, si des sujets sont à régler dans le cadre de l'état d'urgence et de la loi de 1955, il est incohérent de prévoir de donner des moyens exceptionnels à l'État dans un délai limité, alors même que ce caractère limité ne s'applique pas au délai, mais à la nature du délit – en l'occurrence le terrorisme et la lutte contre le terrorisme.
C'est pourquoi j'estime que nous devrions réfléchir à une législation antiterroriste favorisant l'activité de nos services et permettant un meilleur contrôle, notamment par le Parlement. Dans de nombreux pays, une délégation de parlementaires peut exercer des contrôles approfondis sur l'activité des services de police et même des services de renseignement, ce qui ne nous est permis que de façon très marginale. Une telle prérogative constituerait à mes yeux une contrepartie nécessaire à la loi que nous nous apprêtons à voter, et nous permettrait une adaptation plus facile à la nouvelle menace. Après tout, il existe déjà dans notre droit des gardes à vue plus longues en matière de terrorisme ; de même, dans la loi sur le renseignement que nous avons adoptée récemment, il existe des dispositions permettant une intrusion plus grande dans la vie privée, en fonction de la nature du délit.
À mon sens, la lutte contre le terrorisme justifie tout autant de telles mesures. Ainsi, même hors période de crise, avant que des actes ne soient commis, la possibilité de recourir à l'assignation à résidence peut être utile aux services de l'État. Même si je comprends bien qu'il n'est sans doute pas possible de le faire dans ce texte en raison des difficultés juridiques que cela pose, je regrette que l'on ne puisse se doter d'une assignation à résidence plus effective et plus contrôlée, grâce à la surveillance électronique des personnes concernées. Dans la mesure où cela ne se fait pas pour les personnes mises en examen, je me doute bien qu'on ne le fera pas non plus dans le cadre de l'état d'urgence, mais je persiste cependant à y voir une nécessité. De même, il pourrait être envisagé de limiter l'accès des personnes visées aux moyens de télécommunication : il serait absurde d'assigner une personne à résidence tout en la laissant continuer à organiser à distance des activités nuisibles à la sécurité des Français et aux intérêts de l'État.
Je m'interroge fortement sur le fait que l'on renonce à interdire la diffusion de certains documents ou certaines informations, notamment sur Internet. Nombre d'entre nous ont été choqués par la façon dont la presse à spectacle a réalisé et diffusé des reportages invraisemblables, mettant en danger la sécurité des personnes, des biens et des équipes d'intervention. Au contraire, la presse traditionnelle me paraît avoir fait preuve, au cours de la crise que nous traversons, d'une grande maturité et d'une grande responsabilité, et les risques de dérives de sa part sont très limités. Mais si des vidéos de ce qui s'est passé au Bataclan commençaient à être diffusées, ne devrions-nous pas nous donner les moyens avec ce texte de les saisir afin d'en empêcher la diffusion ? Si demain, le cerveau des attentats de vendredi dernier apparaissait sur les réseaux pour se vanter des crimes qu'il a commis, n'aurions-nous pas le droit d'essayer de mettre fin à sa propagande ? Même dans l'urgence, nous devons réfléchir un instant à cette question.
Enfin, je voudrais appeler votre attention sur la capacité à renouveler l'état d'urgence. Si je pense qu'en cette période de crise, nous devrons extraire un certain nombre de dispositifs pour les inscrire dans notre droit avec un contrôle renforcé, il n'en est pas moins évident que les trois mois prévus ne seront pas suffisants pour venir à bout de Daesh et de la menace à laquelle nous sommes actuellement confrontés. Nous devons donc amender le texte pour qu'il soit possible de renouveler l'état d'urgence sans passer par la case ridicule de l'extinction de la première période d'état d'urgence, la publication d'un nouveau décret pour douze jours et une nouvelle autorisation de renouvellement demandée au Parlement.
En cette période difficile, l'UDI est prête à soutenir un certain nombre d'initiatives, et souhaite que l'esprit d'unité nationale dont tout le monde parle, et que tout le monde souhaiterait partager, soit aussi le résultat d'une construction commune, où les propositions des uns et des autres sont entendues et permettent de construire le front commun que nous avons le devoir de proposer aux Français contre le terrorisme qui nous menace.
Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles on envisage d'abroger l'alinéa 2 de l'article 11 de la loi de 1955, qui habilite les autorités « à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ». Le ministre de l'Intérieur a parlé de moderniser la loi ; il serait plus judicieux à mon sens de l'adapter aux nouvelles technologies et aux nouveaux modes de communication. Jean-Frédéric Poisson a déposé un amendement en ce sens, dont je serai évidemment cosignataire.
L'heure est grave, le choc est immense, nous sommes tous bouleversés par la violence des événements et par la force du deuil qui nous étreint. Au-delà de l'émotion, nous avons le devoir de répondre aux attentes de nos concitoyens, qui nous demandent à la fois fermeté et efficacité.
Nous avons le devoir de sauver la République, de sauvegarder toutes les valeurs qui en sont le ciment. L'heure n'est plus à la discussion, aux excuses, aux tentatives d'explication ; l'heure n'est peut-être plus – le mot est fort, mais je l'assume – à la tolérance. Le temps de l'action est venu. Il est primordial de prendre et d'affirmer des règles nouvelles de fonctionnement, dans ce contexte exceptionnel défini par le Président de la République comme un état de guerre.
Le projet de loi qui nous est soumis est la seule réponse appropriée, à la fois légale et légaliste, pour que, pendant une période limitée mais suffisamment longue – ce sont les termes mêmes de l'exposé des motifs –, les réseaux terroristes puissent être, par des actions coercitives, mis hors d'état de nuire.
Prévenir de nouveaux actes terroristes, dissoudre des associations portant atteinte à l'ordre public, assigner à résidence, c'est affirmer la valeur de la République, c'est défendre notre idéal laïque commun, c'est montrer notre courage et notre volonté d'agir. C'est aussi soutenir sans hésitation l'action réfléchie et déterminée du Gouvernement.
Ce projet de loi équilibré garantit l'unité nationale. Il a besoin du soutien de tous, dans un grand mouvement d'union nationale et républicaine.
Quelques mots pour dire mon soutien à ce texte et rappeler l'utilité cruciale de cette procédure d'état d'urgence dans la période que nous traversons et face à l'épreuve que subit notre pays. Notre groupe approuvera donc ce projet de loi, et souhaite que les mesures qu'il met en oeuvre le soient sans perdre de temps.
Néanmoins, nous devons profiter de ce vecteur législatif pour essayer, dans l'esprit consensuel qu'attendent nos concitoyens et qui nous réunit au service de l'intérêt général et de l'efficacité, d'améliorer ce dispositif.
Des améliorations peuvent être apportées en ce qui concerne la durée. Pourquoi se limiter à trois mois, dans la mesure où le Gouvernement peut mettre fin à tout instant à l'état d'urgence ? Pouvons-nous objectivement affirmer que dans trois mois les menaces qui pèsent sur notre pays seront éteintes ? Malheureusement ce ne sera sans doute pas le cas, et je partage l'appréciation de Roger-Gérard Schwartzenberg lorsqu'il estime cette durée trop limitée : une prorogation pendant six mois me semblerait plus opportune.
Le texte peut également être amélioré en ce qui concerne le contrôle des personnes assignées à résidence. Limiter à huit heures par jour l'obligation de demeurer sur son lieu d'habitation me paraît insuffisante ; cette obligation doit valoir pour toute la journée. Le placement sous surveillance électronique, grâce au bracelet électronique, me semble également indispensable.
Enfin, ce texte doit être l'occasion pour nous d'adopter des mesures assurant à nos policiers une meilleure protection. Ils doivent, d'abord, pouvoir conserver sur eux leur arme de service lorsqu'ils ne sont pas d'astreinte. Le nouveau terrorisme, qui frappe par actions simultanées, expose aussi les policiers de terrain ou les brigades de gendarmerie, en leur qualité de primo-intervenants, à un risque majeur. Il faut revoir les conditions dans lesquelles les policiers peuvent faire usage de leur arme. Il n'est pas normal qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de légitime défense qu'un simple citoyen, et ils ne doivent pas attendre qu'on leur tire dessus pour pouvoir répliquer. Il faut leur donner des outils législatifs pour mieux les protéger.
Je voterai d'autant plus en faveur de ce projet de loi que le rapporteur nous a rassurés sur la volonté du Gouvernement d'écarter un certain nombre de dispositions susceptibles de nuire à la presse ou à l'exercice de leur mission par les avocats ou les parlementaires, l'un de ses amendements visant précisément à renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'état d'urgence.
Ce matin, à l'initiative du président et du président délégué de l'AMF, plus de deux mille maires se sont retrouvés pour débattre de cette question de l'état d'urgence et de la situation née des attentats perpétrés vendredi dernier dans notre pays. Ces maires ont apporté leur soutien à la proclamation de l'état d'urgence comme à sa prorogation. Ils ont également fait part de leur volonté d'être associés à sa mise en oeuvre et à l'application du régime de droit qu'il implique.
Les maires demandent par ailleurs que l'on aille plus vite dans la fermeture de lieux présentés comme des lieux de prière mais qui sont davantage en l'occurrence des lieux de haine, au sein desquels s'activent des prédicateurs, le plus souvent autoproclamés, qui agressent et offensent la République autant qu'ils nuisent à la religion qu'ils prétendent servir.
Ils souhaitent que l'état d'urgence permette d'accélérer les perquisitions, qui contribuent au démantèlement des trafics qui procurent aux terroristes les moyens de mener leurs attaques. Ces perquisitions ne doivent pas se limiter aux quartiers réputés sensibles mais concerner les petites villes, où peuvent également proliférer les réseaux terroristes.
Ils se félicitent de la demande faite aux préfets par le ministre de l'Intérieur de réunir les maires dans la semaine, afin de les informer des mesures mises en oeuvre. Ils sont prêts, de leur côté, à mettre à la disposition des services de l'État les informations qu'ils détiennent en tant qu'élus locaux.
Enfin, les maires se sont accordés sur le fait qu'au-delà de l'état d'urgence, il était nécessaire de mettre en oeuvre des actions visant à renforcer la cohésion sociale, à soutenir l'éducation populaire et le tissu associatif, tout le débat portant sur les moyens, à la fois matériels, réglementaires, législatifs, dont ils peuvent disposer pour mettre en oeuvre ces politiques de cohésion sociale.
Mais il y aura un temps pour chaque débat. Nous discutons aujourd'hui de l'état d'urgence et nous apportons notre soutien au Gouvernement pour mettre hors d'état de nuire celles et ceux qui veulent nous attaquer. Il y aura un deuxième temps, sur les moyens que nous nous donnerons pour faire disparaître au plus vite ce qui fait le terreau de ces aventures meurtrières. Le soutien à ce texte se trouvera au sein de cette commission, comme nous y appelait le rapporteur ; mais il sera aussi hors nos murs, parmi ces 2 000 maires réunis qui ont tenu à se présenter comme une forme d'avant-garde nationale pour accompagner le Gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme.
Devant la gravité des faits et face à l'urgence de la situation, la puissance publique se doit de garantir la sécurité de ses citoyens. C'est l'un des premiers rôles de l'État. Notre groupe votera donc en majorité en faveur de la prorogation pour trois mois de l'état d'urgence, tout en restant attentif à ce que soit préservé le bon équilibre entre sécurité et liberté – après tout, nous sommes ici pour cela.
Il est en effet intolérable que des individus se réfugient derrière la liberté pour tuer nos concitoyens. Sans aller jusqu'à affirmer qu'il ne saurait y avoir de liberté pour les ennemis de la liberté, je considère donc qu'il nous faut revoir notre législation.
J'approuve pour ma part la limitation à trois mois de la prorogation de l'état d'urgence. S'il est nécessaire de le prolonger au-delà, il faudra que le Gouvernement revienne devant le Parlement, ce qui est une bonne chose. On ne saurait laisser, comme le préconisent certains, le pouvoir exécutif instaurer un état d'urgence ad vitam aeternam. Le Parlement doit à l'évidence pouvoir contrôler l'exécutif – et c'est le sens de plusieurs de nos amendements.
Un détail nous pose cependant problème : le fait que soient protégés des perquisitions les bureaux des avocats, mais pas leur domicile.
Enfin, il convient d'être prudent sur tout ce qui touche à la liberté de la presse. Il me semble que nous disposons déjà des moyens de réprimer tel ou tel qui diffuserait sur internet une vidéo dans laquelle il se vanterait d'avoir commis des actes terroristes : un tel message tombe sous le coup de la législation antiterroriste qui interdit d'en faire l'apologie. Je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire de modifier le régime de liberté de la presse.
La solidarité dont nous ferons preuve ne fait aucun doute tant la prolongation de l'état d'urgence est indispensable – les excellents résultats obtenus par le ministère de l'Intérieur depuis le 14 novembre en sont la preuve.
Le Gouvernement a cependant fait un choix qui ne consiste pas seulement à proroger l'état d'urgence mais à modifier son contenu même, ce qui n'est pas sans danger. D'où la légitimité de notre débat sur l'efficacité des mesures mises en oeuvre.
Le 13 janvier, au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo, le Premier ministre a prononcé un très beau discours, dans lequel il affirmait : « Le Gouvernement vient devant vous avec la volonté d'écouter et d'examiner toutes les réponses possibles, techniques, réglementaires, législatives. » Il n'est donc pas illégitime de notre part de demander au Gouvernement de faire preuve aujourd'hui envers l'opposition de la même capacité d'écoute.
Nous la réclamons sur deux points en particulier. D'abord sur la question de l'assignation à résidence, dont la portée nous paraît affaiblie par la limitation du dispositif à huit heures sur vingt-quatre. Il reste seize heures dans une journée… Quant à la limitation des convocations à trois, elle ne nous paraît pas non plus propre à garantir l'efficacité de l'assignation à résidence. Il faut ici prendre en compte les avancées technologiques intervenues depuis la loi de 1955, et nous pensons qu'il est indispensable d'avoir recours aujourd'hui au bracelet électronique pour s'assurer que l'assignation à résidence est bien respectée.
Il manque également dans ce projet de loi des mesures qui auraient toute leur utilité : l'autorisation pour les policiers de conserver leur arme en dehors du service ou la révision des règles d'ouverture du feu auxquelles ils sont soumis. Pouvoir agir face à des individus qui portent des ceintures d'explosifs mérite en effet que nous trouvions des réponses nouvelles.
Nous approuvons évidemment le président de la Commission et le rapporteur lorsqu'il nous invite à faire preuve d'esprit de rassemblement. Encore faut-il, cela étant, que l'écoute soit réciproque et qu'il soit tenu compte des quelques amendements de l'opposition.
C'est un moment grave que nous vivons aujourd'hui dans cette commission, et je salue l'unanimité qui se dessine depuis avant-hier. Nous devons modifier la loi pour prolonger l'état d'urgence, car des personnes ont été tuées et les armes, des armes d'assaut, continuent de parler, comme nous avons pu le constater cette nuit encore.
Les forces de l'ordre agissent pour notre sécurité, la médecine soigne et la loi protège en démocratie. Ailleurs, les dérives totalitaires et idéologiques conduisent à l'asservissement de l'humanité et non à son élévation, celle-ci constituant le propre de la démocratie ainsi que sa seule force.
Je soutiens bien entendu tout ce qui permet de renforcer notre sécurité ; de nombreux agents des forces de l'ordre se trouvent engagés dans « Vigipirate », et leur présence rassure nos concitoyens partout dans le pays. Néanmoins, cette mobilisation fatigue les effectifs, sans compter que nos militaires sont engagés sur tous les fronts au péril de leur vie.
L'article 4 du projet de loi actualise notamment les termes désignant le lieu de l'assignation à résidence et fait évoluer le champ d'application de la mesure afin de mieux répondre à l'objectif visé et à la réalité de la menace ; il substitue ainsi aux termes « [de toute personne] dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics », qui apparaissent trop restrictifs, les mots « [de toute personne] à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics », ce qui permet d'inclure des personnes qui ont appelé l'attention des services de police ou de renseignement par leur comportement, leurs fréquentations, leurs propos ou leurs projets. Ce changement est considérable car il crée un faisceau de critères permettant de se prononcer sur la nécessité d'assigner une personne à résidence. Le terme de « comportement » a pu être critiqué, mais je soutiens cette évolution de notre droit.
Ce n'est que la sixième fois dans notre histoire que le pays se trouve placé sous le régime de l'état d'urgence. Ce n'est pas un moment facile, et quand certains disent que l'on aurait pu le déclarer plus tôt, ils oublient que l'on ne peut pas décréter l'état d'urgence sans situation d'urgence. Nous sommes aujourd'hui tous rassemblés, ce qui est nécessaire.
La loi d'urgence se trouve conditionnée à l'existence d'un péril imminent. En quoi celui-ci n'était pas constitué après l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo ? Quelle est la différence entre la situation du début de l'année et celle d'aujourd'hui ?
Malgré la Constitution, on a substitué le juge administratif au juge judiciaire, ce remplacement provoquant un débat. Quelles interpellations n'auraient pas pu avoir lieu sans le régime de l'état d'urgence ? Que ferait le Gouvernement si le juge judiciaire, saisi par un justiciable, se déclarait malgré tout compétent sur le fondement de la Constitution ?
Le tribunal des conflits donnerait un avis bien longtemps après… Pour l'état d'urgence, c'est un peu tard !
Le rapporteur a indiqué que notre pays se trouvait en état de crise pour justifier la suspension des procédures parlementaires. Or l'état de crise correspond à une menace contre le bon fonctionnement des pouvoirs publics. Confirmez-vous que telle est la situation, monsieur le rapporteur ?
Je n'aimerais pas que les mesures adoptées sous le régime de l'état d'urgence servent à dissimuler les incohérences de notre politique étrangère. Ainsi, personne n'a éprouvé le besoin de dire que la liberté des Français se défendait également à Mossoul où il convient d'armer les troupes kurdes, les seules qui s'opposent physiquement à Daech. On a curieusement et dramatiquement oublié ce point dans nos débats.
Comme tous nos collègues, nous considérons que des circonstances de gravité exceptionnelle nous contraignent à opérer des changements. Il y a lieu de mobiliser de nouveaux moyens pour agir avec efficacité contre les nouvelles formes de terrorisme et pour répondre à la demande de sécurité des Français. Cette dernière est normale et légitime après les attentats du week-end dernier. Il n'y a aucune raison d'opposer sécurité et liberté. La sécurité vise à protéger notre mode de vie.
Quinze des dix-huit députés du groupe écologiste approuvent la prorogation de l'état d'urgence pendant trois mois et la modification de la loi du 3 avril 1955. Les mesures prises depuis vendredi dernier ont déjà fait preuve de leur efficacité et doivent être inscrites dans la loi pour continuer à produire leurs effets.
Cette évolution législative s'inscrit dans un cadre où la liberté de la presse est garantie – elle n'a d'ailleurs jamais été mise en cause dans notre pays, en tout cas au moins depuis trois ans et demi – et où l'indépendance de la justice se trouve assurée. Nous soutenons la disposition supprimant la censure de la presse, que nous souhaitons voir maintenue dans le texte final. Enfin, le contrôle du Parlement doit s'exercer.
Le texte étend opportunément le champ de la loi aux supports informatiques, inexistants en 1955, et instaure de nouveaux garde-fous comme l'information du procureur et le recours devant la juridiction administrative. Nous souhaitons en prévoir d'autres et défendrons des amendements en ce sens.
Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, estime que les mesures contenues dans le décret du 14 novembre 2015 instaurant l'état d'urgence et que ce texte propose de proroger présentent un caractère proportionné.
Ce projet de loi actualise la loi de 1955 et en élimine des dispositions incompréhensibles dans une démocratie avancée du XXIe siècle, comme le transfert de certains pouvoirs de la justice civile à la justice militaire. Cependant, je tiens à faire part de mon incompréhension, partagée sur de nombreux bancs, sur le fait que le texte élimine des mesures qui, du fait même de leur simplicité, restaient adaptées à notre monde nouveau. Ainsi la rédaction du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi de 1955, sous des dehors un peu vintage, offraient la possibilité de contrôler toute publication. La loi de 1955 n'opérait évidemment aucune distinction entre les journaux imprimés ou en ligne, et sa rédaction large permettait de ne pas stigmatiser les médias, ce qui n'est évidemment pas notre objectif – quoique… tous les médias et tous les journalistes ne se valent pas, et l'on constate de grandes différences dans l'exercice du sens des responsabilités.
Depuis les attentats de janvier dernier, il faut reconnaître que l'esprit de responsabilité a progressé dans les médias audiovisuels. Malgré tout, la pulsion de l'information et du direct peut amener, volontairement ou involontairement, des médias – ou d'autres diffuseurs qui ne sont pas des médias – à faire circuler sur les réseaux sociaux des informations qui peuvent mettre en danger nos concitoyens et les forces de l'ordre. On l'a constaté lors de la prise d'otages de l'Hyper Cacher et le week-end dernier. Un mouvement de panique s'est produit à Paris dimanche 15 novembre à 19 heures à cause d'une rumeur. Là encore, cela peut créer un danger pour nos compatriotes. Je regrette que l'on se prive de cette faculté qui ne constituait en aucun cas une obligation.
J'étends ce constat aux représentations théâtrales qui, après tout, peuvent elles aussi constituer un trouble à l'ordre public. Les forces de sécurité ont en ce moment vraiment autre chose à faire à Paris que de séparer des manifestants devant un théâtre où se joue une pièce créant la polémique – sans parler des spectacles de M. Dieudonné M'Bala M'Bala !
Pourquoi supprimer des mesures qui, dans notre démocratie, ne seraient utilisées qu'avec d'infinies précautions ? Je ne comprends pas ce désarmement unilatéral, alors que l'idéologie djihadiste se propage dans les médias et hors médias, en ligne et off line. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement avec de nombreux députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen – mais je m'aperçois que cette proposition rencontre un écho favorable chez des collègues appartenant à d'autres groupes – visant à rétablir les dispositions de la loi de 1955, dont les dispositions d'apparence un peu surannées ont le mérite de garder un caractère très général.
Nous sommes enfin attachés à ce que l'état de crise ne soit pas permanent et souhaitons donc que ce texte ne s'applique pas au-delà de trois mois.
Le projet de loi proroge l'état d'urgence pour une durée de trois mois, mais ne prévoit pas de prorogation supplémentaire au-delà de cette période. En quoi cette durée vous semble-t-elle pertinente ? Un amendement prévoit la possibilité pour la loi de proroger une nouvelle fois cet état dans l'hypothèse de circonstances exceptionnelles. En soutiendrez-vous l'adoption ?
Le texte confère au ministre de l'intérieur et aux préfets la faculté d'arrêter des décisions relevant de la police judiciaire, mais ces mesures ne peuvent pas être soustraites au contrôle de l'autorité judiciaire, comme le dispose un arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2005. Or le texte évoque la seule compétence de la juridiction administrative. Imaginons que l'on découvre des armes à l'occasion d'une perquisition ; à l'évidence, on les saisirait. La compétence de la juridiction judiciaire dans un tel cas pourrait-elle être écartée ? Il me semble que non.
Je me fais le porte-parole de mon collègue M. Georges Fenech, qui s'interrogeait sur l'alinéa 9 de l'article 4 interdisant à certaines personnes d'entrer en contact avec d'autres. Cette interdiction cesse lorsqu'on le décide, mais également lorsque l'on lève l'assignation à résidence. Autrement dit, dans un cas, la levée de l'interdiction suppose que l'on en apprécie le bien-fondé, mais dans l'autre, elle est automatique… Il conviendrait de supprimer ce dernier cas de figure.
Je partage l'interrogation que vient de formuler M. Philippe Houillon sur la durée de l'état d'urgence et sur son renouvellement éventuel. Il s'agit là d'une question tout à la fois constitutionnelle et d'opportunité. La durée retenue est-elle suffisante ?
Nous manquerons de temps pour déterminer les modalités du contrôle exercé par l'Assemblée nationale, qu'un amendement de M. le rapporteur vise à instaurer. Il conviendrait que la Commission prenne rapidement l'attache du Gouvernement sur ce sujet afin que ses membres en soient rapidement informés.
Monsieur le rapporteur, je vous ai saisi par écrit de la question de M. Fenech que vient de poser M. Philippe Houillon. Compte tenu des délais dans lesquels nous travaillons et, à titre exceptionnel, pourrions-nous assouplir les conditions de dépôt des amendements ? Cela permettrait d'améliorer le texte et de nous épargner des débats sans fin ou des allers-retours trop nombreux.
Je suggère que Mme la secrétaire d'État et M. le rapporteur répondent aux questions posées en même temps que nous discuterons des amendements.
Je remercie tous les députés qui se sont exprimés. La précision de vos questions montre que, malgré les délais qui vous ont été imposés, vous avez consacré le temps nécessaire à l'examen de ce texte. Je m'en remets à la sagesse du président pour le déroulement des travaux.
La Commission passe à l'examen des articles.
Article 1er : Prorogation pour trois mois de l'état d'urgence
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Pouvoir donné aux autorités administratives d'ordonner des perquisitions domiciliaires de jour et de nuit
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Faculté de mettre fin par anticipation à l'état d'urgence
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Après l'article 3
La Commission examine l'amendement CL19 de M. François de Rugy.
Il s'agit de prévoir un suivi parlementaire de l'état d'urgence, dans la logique des propos que j'ai tenus concernant la nécessité de garde-fous.
Je demande le retrait de cet amendement au bénéfice de l'amendement CL1 du rapporteur à l'article 4.
L'amendement est retiré.
Article 4 (art. 6, 6-1 [nouveau], 7, 11 et 13 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955) : Actualisation du régime de l'état d'urgence
La Commission examine l'amendement CL33 de M. François de Rugy.
Il s'agit de fixer un cadre à l'état d'urgence, dont on peut malheureusement penser que nous devrons y faire de nouveau appel. Nous proposons une durée de trois mois. C'est la durée qui vient d'être décidée et celle qui l'avait été en 2005, bien que l'état d'urgence ne soit pas alors allé jusqu'au terme. Le Gouvernement peut raccourcir la durée par décret, et il est toujours possible de renouveler l'état d'urgence, mais je ne pense pas, au contraire de certains collègues de l'opposition, qu'il faille d'entrée de jeu s'engager dans des durées plus longues.
Défavorable. Ce que la loi peut faire, la loi peut le défaire. Il n'y a pas lieu de s'enfermer dans des circonstances à venir par nature inconnues. Le Gouvernement demande une prorogation pour trois mois ; si c'est nécessaire, il reviendra devant vous.
Même avis. Il vaut mieux se laisser de la souplesse pour faire face aux crises les plus graves.
Dans le système que vous décrivez, madame la ministre, on peut imaginer que le 26 février, au terme des trois mois, le Président de la République prenne un nouveau décret de douze jours et que le Parlement adopte une nouvelle loi. Cela peut durer indéfiniment. Ce système est-il de nature à provoquer une forme d'abus de droit, un détournement de l'esprit de la loi ? Si c'est le cas, comment traiter ce cas de figure dans l'hypothèse où l'état d'urgence doit bien être prolongé ?
Le Président de la République a annoncé au Congrès une réflexion sur la constitutionnalisation de l'état de crise. Votre question, monsieur Poisson, aura lieu d'être posée dans le cadre de cette réflexion.
En tout état de cause, même si la Constitution n'était pas révisée, il ne faut pas se priver de la faculté de prolonger de nouveau l'état d'urgence.
Nous pouvons nous référer aux précédents. L'état d'urgence a été appliqué, après le putsch d'Alger, du 23 avril 1961 au 31 mai 1963, de prorogation en prorogation. Il n'y a pas lieu d'ajouter quoi que ce soit à la législation ni, a fortiori, à la Constitution.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL1 du rapporteur.
L'amendement CL1 a été présenté : il s'agit de prévoir un contrôle parlementaire pendant l'application de l'état d'urgence.
Cet amendement est d'autant plus bienvenu que la loi de 1955 prévoyait à l'origine que la Représentation nationale décide de l'opportunité de l'application de l'état d'urgence. Avec l'adoption de la Constitution de la Cinquième République, cette appréciation est passée à l'exécutif. Il est opportun de rééquilibrer la procédure, comme le propose l'amendement, par le contrôle du Parlement.
Cet amendement permettra d'appréhender différemment l'amendement CL41 de Sandrine Mazetier, qui demande une garantie supplémentaire en soumettant la surveillance des médias et publications au contrôle du Parlement.
La Commission adopte cet amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement CL2 rédactionnel du rapporteur.
La Commission examine l'amendement CL29 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
Nous souhaitons remplacer le terme « comportement », qui n'est pas une notion juridique, par celui d'« activité », qui figure dans la loi du 3 avril 1955. Si, par ailleurs, l'expression « il existe des raisons sérieuses de penser » se trouve dans quelques textes législatifs, elle est assez rare et donne un sentiment d'imprécision, évoquant des potentialités de poursuites fondées sur des éléments d'appréciation d'une rare subjectivité.
La formule « dont il existe des raisons sérieuses de penser que » est la formule même qui fonde le pouvoir de police administrative… Nous avons eu ce débat à l'occasion de loi contre le terrorisme, à propos du retrait de la carte d'identité. C'est une formule parfaitement connue, qui a fait l'objet d'une abondante jurisprudence.
Défavorable. Outre les arguments de Mme Bechtel, les « raisons sérieuses » permettent une plus grande latitude d'action, qui n'oblige pas à prouver que l'activité constitue bien une menace à l'ordre public.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.
Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CL3 et CL4 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement CL24 de M. Guillaume Larrivé.
Si nous voulons donner tout son effet utile à la mesure d'assignation à résidence, il faut s'assurer que l'individu est réellement assigné à résider à l'endroit qui lui est fixé. En prévoyant que l'assignation à résidence dure au maximum huit heures par jour, le projet de loi permet de fait à l'individu d'être ailleurs pendant seize heures… Nous demandons que cette limite évolue. Nous souhaitons en tout cas que cet amendement soit étudié avec la plus grande attention.
Défavorable. L'amendement CL24 est contraire à la Constitution, de même qu'à nos engagements internationaux, dans la mesure où il constitue une atteinte très forte à la liberté d'aller et venir. L'assignation pendant huit heures, assortie de trois pointages, nous semble suffisante. Aller plus loin serait de la détention.
Défavorable. Les quarante amendements déposés portent essentiellement sur trois sujets : la presse, les bracelets électroniques et l'assignation à résidence. Je les ai examinés avec la volonté de satisfaire les intentions que nous partageons tous. Cet amendement, j'en ai la conviction, est disproportionné et affecte l'article 66 de la Constitution.
Un juste milieu peut être trouvé. Les personnes malades ont le droit de sortir deux heures par jour. Ne peut-on se rapprocher de cette durée ?
C'est sur cet amendement sans doute que l'esprit d'écoute évoqué par le Premier ministre est le plus important. S'il est susceptible de faire l'objet d'une décision d'inconstitutionnalité, restez, à ce moment-là, au statu quo ante et gardez le dispositif de l'article 6 qui ne comportait pas de limitation dans le temps. Quel est le fondement de cette nécessité de limite dans le temps ? Nous sommes inquiets des possibilités offertes par les seize heures restantes. Par ailleurs, les dispositions complémentaires, notamment les trois pointages par jour, ne suffisent pas à créer un dispositif cohérent.
C'est un véritable point dur. Les difficultés juridiques peuvent exister, et il convient dans ce cas de prendre des dispositions pour éviter des séries de questions prioritaires de constitutionnalité, mais si nous plaçons des personnes dangereuses en résidence surveillée pendant huit heures par jour, nos concitoyens se demanderont si ces personnes ne sont jugées dangereuses qu'un tiers du temps… Ceux qui ne sont pas les plus honorables parmi les commentateurs ne manqueront pas de souligner cette dimension variable de la mesure. J'insiste pour que l'on réfléchisse aux conséquences du rejet de cet amendement.
En débattant de ce projet de loi, nous recherchons des mesures proportionnées à la situation. Par définition, ces mesures ont pour objet de limiter un certain nombre de libertés, car nous considérons qu'il existe un motif impérieux d'intérêt général à le faire, qui consiste à protéger la sécurité de nos compatriotes par des moyens relevant de circonstances exceptionnelles. Est-il raisonnable de considérer que l'assignation à résidence doit se limiter à huit heures par jour ? J'entends bien que, pendant les seize heures restantes, il y aura des pointages, et que vous avez également prévu la possibilité d'escortes vers le lieu de l'assignation à résidence, mais seize heures de liberté quasi-totale, aux trois pointages près, n'est pas raisonnable. Peut-être que vingt-quatre heures, c'est trop, mais en tout cas huit n'est pas assez.
Il faut distinguer l'assignation à résidence et l'obligation d'être à son domicile. Les huit heures concernent l'obligation d'être au domicile, tandis que l'assignation à résidence s'applique vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La question est de savoir pendant combien de temps le ministre peut obliger un individu à rester enfermé chez lui. Cela ne dispense pas de l'assignation à résidence le reste du temps.
Depuis vendredi, date à laquelle l'état d'urgence a été instauré, des assignations à résidence ont-elles été déjà ordonnées, et si c'est le cas, sous quel régime ? Paradoxalement, les prochaines assignations seraient plus favorables que celles-ci. Si le régime est constitutionnel aujourd'hui, il n'y a pas de raison de le modifier.
Un point de méthode : nous sommes dans une temporalité très contrainte, et j'ai précisé que le Gouvernement et les deux chambres du Parlement discutaient de ce texte depuis dimanche soir. J'ai indiqué que j'étais ouvert à des amendements qui ne modifiaient pas l'équilibre général du texte car nous souhaitons mettre le Sénat en situation de le voter sans modification. Or le Sénat n'est pas prêt à voter conformes des sujets que nous n'avons pas évoqués avec lui.
Nous pouvons décider que les autres n'existent pas. J'essaie d'expliquer les conditions dans lesquelles nous travaillons. Quel que soit mon point de vue sur le fond – et je dirais sans doute comme M. Larrivé que vingt-quatre heures, c'est trop, et huit, pas assez –, nous sommes dans une discussion avec le Sénat, et cela sous-entend que nous ne votions pas votre amendement aujourd'hui.
Je comprends parfaitement les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, mais vous ne pouvez pas nous reprocher de nous interroger sur certaines dispositions que nous découvrons. Le problème est-il que le Sénat ne pourra pas voter le dispositif ou bien que la mesure proposée n'est pas constitutionnelle ?
Le vote conforme du Sénat signifie-t-il qu'il ne faut pas discuter des autres amendements non plus ?
Je souhaite seulement me donner un peu de latitude pour discuter d'ici demain matin avec le président de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas.
Nous maintenons cet amendement et nous le redéposerons demain matin. Nous souhaitons que le dialogue entre les rapporteurs des deux assemblées permette de trouver une voie de sortie, qui pourrait être adoptée dès demain par l'Assemblée nationale et que le Sénat pourrait ensuite voter conforme.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL6 du rapporteur.
Elle examine alors l'amendement CL20 de M. François de Rugy.
Cet amendement précise que le récépissé permet de justifier de son identité au sens de l'article 1er de la loi du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité.
Je comprends votre intention. Votre amendement va dans le bon sens, mais il faudrait en corriger la rédaction. Je demande donc le retrait de l'amendement. Vous avez toute la nuit pour travailler…
Souhaitant consacrer sa soirée à des sujets plus brûlants, le rapporteur émet un avis favorable…
La Commission adopte l'amendement.
Elle se saisit alors de l'amendement CL21 de M. François de Rugy.
Cette fois-ci, avis défavorable : il n'y a pas de parallélisme des formes avec la loi du 13 novembre 2014, relative à la lutte contre le terrorisme.
Là encore, le Gouvernement est défavorable à cet amendement en l'état, mais vous propose de le retirer pour le retravailler d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
La Commission examine alors l'amendement CL25 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement, le deuxième déposé par notre groupe, vise également à renforcer les contraintes pesant sur l'individu qui fait l'objet d'une assignation à résidence. Il semble nécessaire que le ministre de l'Intérieur dispose de la faculté d'assortir cette assignation à résidence, dans les cas qu'il déterminera et sous le contrôle du juge administratif, d'un placement sous surveillance électronique, en complément des obligations de pointage au commissariat.
Nous pensons qu'il est très important d'adopter cet amendement.
Cet amendement ne tombe-t-il pas sous le coup de l'article 40 de la Constitution ? La surveillance électronique représente un coût…
Avant d'avancer que cet amendement serait inconstitutionnel, mes chers collègues, je vous invite à vous demander s'il serait opérationnel. Nous pouvons, je crois, prendre le risque que le Conseil constitutionnel censure ce dispositif à l'occasion d'une QPC. En attendant cette éventuelle décision constitutionnelle, nous aurons fait oeuvre utile pour la sécurité de nos concitoyens. Nous ne prendrions d'ailleurs sans doute pas un très gros risque.
Pour ma part, je voterai cet amendement, car je défends cette proposition depuis longtemps. Je sais les difficultés qu'il présente : il coûtera peut-être un peu d'argent, mais il nous en fera économiser beaucoup à long terme.
Je suis très surpris que le président de la commission des Finances ait laissé passer cet amendement. À mon sens, il crée évidemment une charge publique.
Les charges publiques, ce n'est plus le problème ! Le pacte de sécurité est plus important que le pacte de stabilité ! (Exclamations.)
Chers collègues, ces remarques lapidaires ne sont pas l'habitude dans les débats de la commission des Lois. L'usage y est de se respecter, et en particulier de laisser le temps à l'orateur de construire son argumentation.
Je disais donc ma surprise que cet amendement n'ait pas été déclaré irrecevable, mais pour m'en féliciter : cela nous permet d'avoir cette discussion. Car le problème est réel.
Une telle disposition existe dans notre droit, mais elle n'est pas appliquée – Patrick Mennucci a fait allusion à un rapport qui traitait notamment de ce sujet. Je ne balaye donc pas cette proposition d'un revers de main.
Mais pourquoi n'est-elle pas appliquée ? Il faut nous poser la question. Voter un amendement qui demeurerait virtuel, ce serait nous transformer en marchands d'illusion.
Je suis favorable au principe de cet amendement. En revanche, je ne suis pas certain que la rédaction soit parfaitement adéquate. J'invite donc le Gouvernement à saisir la balle au bond et à nous préparer une proposition pour demain. Mais il faut, je crois, aller dans le sens suggéré par cet amendement.
Je comprends l'intention de l'amendement, ainsi que l'argumentation du rapporteur. Je crains toutefois que, sur ce sujet, nous ne soyons pas prêts pour demain. Il existe, c'est vrai, des dispositions similaires dans notre droit, qui ne sont pas appliquées. Il se pose également un problème d'inconstitutionnalité. Il existe enfin une simple question de faisabilité.
Mais je reprends effectivement la balle au bond : nous ne serons pas prêts pour demain, mais le Gouvernement s'engage à vous apporter une réponse dans le cadre du chantier législatif ouvert lundi par le Président de la République. Ainsi, nous serons sérieux et efficaces.
Ces dispositions existent, mais elles ne sont pas appliquées, dites-vous. Vous avez tort : le droit positif ne donne pas au ministère de l'Intérieur la faculté, sous le régime de l'état d'urgence, d'assortir, par une mesure administrative, une assignation à résidence d'un placement sous surveillance électronique. L'objet de l'amendement est précisément de faire évoluer notre droit sur cette question.
Des dispositions analogues existent, mais dans le champ judiciaire. Le code pénal et le code de procédure pénale prévoient, dans certains cas, des placements sous surveillance électronique, mobile ou fixe – comme alternative à la détention, comme mesure de sûreté, voire comme alternative à la détention provisoire.
Le groupe Les Républicains tient à cet amendement, pour des raisons d'efficacité. Encore une fois, nous approuvons l'orientation générale du projet, qui vise à renforcer les contraintes portant sur les personnes assignées à résidence. Nous pensons que, dans certains cas, vous auriez tort de priver l'autorité administrative de la faculté d'assortir l'assignation à résidence d'un placement sous surveillance électronique. Nous maintenons donc cet amendement avec beaucoup de fermeté, et nous le maintiendrons également en séance publique.
Les délais sont très resserrés, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, mais nous vous invitons à retravailler votre position afin que nous puissions aboutir dès demain matin à une rédaction acceptable par la majorité.
La séance, suspendue à 19 heures 10, est reprise à 19 heures 15.
Je retiens la proposition du rapporteur. Comme je l'ai déjà proposé pour d'autres amendements, le Gouvernement travaillera cette nuit pour vous présenter, demain matin, une rédaction qui puisse satisfaire la Commission. Je vous confirme mon souhait de retrait pour aujourd'hui.
À ce stade, nous maintenons l'amendement pour que la Commission se prononce. Nous examinerons néanmoins avec grand intérêt les propositions du Gouvernement.
Le groupe socialiste fait la même analyse que le rapporteur : cet amendement mérite considération, mais il faut en corriger la rédaction pour la rendre acceptable.
Nous entendons aussi que le Gouvernement s'engage à proposer un texte qui respecte les contraintes juridiques, auxquelles nous sommes très attachés, tout en répondant à la préoccupation exprimée, que nous partageons. Nous voterons contre cet amendement. Mais le débat devra reprendre en séance publique.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL7 du rapporteur.
Les amendements CL30 et CL31 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg sont successivement retirés.
La Commission se saisit alors de l'amendement CL28 de M. François de Rugy.
Le texte proposé pour l'article 6-1 de la loi de 1955 crée une nouvelle possibilité de dissolution, par décret en conseil des ministres, des associations ou groupements de fait qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public. Ce faisant, le projet de loi facilite la dissolution d'associations ou de groupements de fait. Il nous semble nécessaire de restreindre le champ des associations concernées à celles dont les atteintes à l'ordre public seraient liées à la situation ayant justifié l'état d'urgence.
Avis défavorable. La logique de la loi est de permettre à l'autorité administrative, une fois l'état d'urgence proclamé puis, éventuellement, prorogé, de disposer de pouvoirs exceptionnels pour maintenir l'ordre public, quelles que soient les causes des menaces.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle se saisit de deux amendements identiques, CL26 de M. Guillaume Larrivé et CL32 rectifié de M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
Il s'agit là du troisième amendement du groupe Les Républicains.
Nous notons avec satisfaction que le projet de loi facilite la dissolution, pendant l'état d'urgence, d'associations ou de groupements de fait qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public, qui les facilitent ou qui y incitent.
Cette condition, nécessaire, nous paraît suffisante. Nous nous rangeons sur ce point à l'avis explicite du Conseil d'État. Nous proposons donc de supprimer la seconde condition inscrite dans le texte, selon laquelle la dissolution est subordonnée à l'assignation à résidence d'un ou plusieurs individus en contact avec l'association.
Autrement dit, la seule circonstance qu'un groupement, une association, ou pour parler clairement une mosquée salafiste, constitue un trouble à l'ordre public doit pouvoir, sous le régime de l'état d'urgence, en justifier la dissolution.
Sans qu'il y ait eu de concertation entre nos deux groupes, nous avons fait exactement la même analyse, et nous nous rangeons nous aussi à l'avis du Conseil d'État. La première condition paraît suffisante. La seconde au contraire nous paraît dangereuse, car mal définie.
La seconde condition est en effet cumulative, et paraît quelque peu superfétatoire, comme l'indique le Conseil d'État. Je m'en remets à la sagesse de la Commission.
C'est un amendement sur lequel nous avons beaucoup travaillé. J'ai lu moi aussi l'avis du Conseil d'État, mais j'invite chacun à la prudence sur la notion de condition cumulative : chaque fois que j'ai été rapporteur d'un texte, on m'a expliqué qu'un « et » comme celui-ci pouvait s'interpréter comme un « ou ».
On peut en effet se demander si ce « et » ne veut pas dire « ou ». Il n'en demeure pas moins que la question de l'opportunité se pose : quel lien y a-t-il vraiment entre l'assignation à résidence et l'appartenance à une association si violente qu'il faille la dissoudre ? On tourne un peu en rond.
La Commission adopte l'amendement.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL8 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l'amendement CL9 du rapporteur.
Pas uniquement, et nous en demandons le retrait.
Nous ne voulons pas perturber les textes issus de la loi sur le renseignement, dont on se souvient à quels débats elle avait donné lieu. L'usage des techniques de renseignement doit pouvoir se poursuivre après la fin de l'état d'urgence, s'agissant des groupes dissous. Nous partageons donc l'intention qui préside à l'amendement, mais, pour répondre à la question qu'il soulève, nous proposerons une autre rédaction pour demain, en vue de la séance.
Je connaissais le point de vue du Gouvernement. Mais je veux bien retirer l'amendement CL9 pour la rassurer. Nous pourrons y revenir en séance.
L'amendement est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement CL22 de M. François de Rugy.
Le présent projet de loi dépoussière plusieurs dispositions de la loi de 1955. Pour aller dans le même sens, nous proposons de revoir l'article 9, qui organise la remise des armes légalement détenues. En effet, le décret de 1939 qui y est évoqué est abrogé depuis avril 2007. En outre, la classification des armes a été entièrement revue depuis la loi de 2012 sur le contrôle des armes.
Je comprends et je partage votre intention, mais je me vous invite à retirer votre amendement au profit de l'amendement CL10 rectifié du rapporteur, qui a ma préférence.
L'amendement est retiré.
La Commission aborde l'amendement CL10 rectifié du rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision qui tend à adapter la loi de 1955, s'agissant de la remise des armes, à la nouvelle classification introduite en 2013.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL11 du rapporteur.
Il s'agit là encore d'un amendement de précision, en lien cette fois avec le code de la défense.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL23 de M. François de Rugy.
Cet amendement vise à permettre de protéger non seulement les lieux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle d'un avocat, magistrat ou journaliste, mais également le domicile de ces personnes.
Aux termes des articles 56-1 et 56-2 du code de procédure pénale, les domiciles des avocats et des journalistes bénéficient de protections renforcées au même titre que les locaux professionnels. Cela nous paraît plus nécessaire encore dans le cadre du régime des perquisitions administratives permises par l'état d'urgence.
Avis défavorable. Il s'agit simplement pour nous des locaux affectés à l'usage professionnel – qui peuvent être identifiés, à cette condition, au domicile.
Même avis, au nom du parallélisme des formes avec les lois que nous avons votées. En apportant ici une précision que l'on ne retrouve pas dans les autres textes, nous compliquerions leur interprétation.
La Commission rejette l'amendement.
L'amendement CL34 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL12 du rapporteur.
Puis elle aborde l'amendement CL18 du Gouvernement.
Le présent amendement vise à organiser les modalités suivant lesquelles la découverte d'une infraction au cours de la perquisition administrative donne lieu à l'ouverture immédiate d'une procédure judiciaire incidente, permise par la présence de l'officier de police judiciaire ; celui-ci peut alors procéder dans ce cadre à des saisies judiciaires ; un procès-verbal d'infraction est dressé et le procureur de la République est immédiatement avisé, dans la mesure où cette procédure judiciaire incidente est diligentée sous son contrôle.
J'en reviens à la saisie des ordinateurs ou des téléphones portables que la loi, pour l'instant, ne permet pas. L'alinéa 21 de l'article 4 permet de copier les informations, mais pas d'emmener le matériel qui les contient. Je le répète, notre but est de faciliter le travail des services d'enquête. Or il est difficile et long d'examiner les contenus in situ. Nous devons donc absolument permettre à ces services de saisir administrativement le matériel afin de pouvoir l'exploiter.
Le présent amendement autorise les saisies, mais les subordonne à la constatation de l'infraction. En d'autres termes, si l'on n'a pas constaté dans les matériels des éléments pouvant constituer une infraction, on ne pourra pas les saisir. Nous devrions au contraire permettre aux services de police de les prendre pour les examiner, naturellement dans un cadre légal et contraint.
Ce problème fait partie de ceux que nous devons traiter ce soir ou d'ici à demain.
J'ai oublié de vous préciser que cet amendement résulte d'une suggestion de Philippe Bas, président de la commission des Lois du Sénat.
Votre demande, monsieur le député, est délicate à satisfaire. Nous nous trouvons ici dans le cadre d'une procédure administrative ; mais, pour qu'une saisie soit possible, il faut que l'infraction soit reconnue. Nous ne disposons pas d'une rédaction qui permette de passer du premier cadre au second ; nous n'avons pas trouvé le dispositif adapté. Votre question est importante et légitime, mais nous avons du mal à y répondre. Nous pourrons étudier à nouveau la question et en reparler demain. Je ne méconnais pas l'importance du sujet.
Je comprends la difficulté juridique, mais l'efficacité de nos services est en jeu. En l'état actuel du texte, s'ils procèdent à une perquisition, ils ne peuvent repartir avec un ordinateur ou un téléphone portable pour l'exploiter. Or lorsque l'auteur d'une infraction efface des données, il en reste toujours des traces sur le disque dur mais, pour les trouver, il faut démonter l'ordinateur et explorer très avant le système d'exploitation. Dès lors, il n'est pas possible de déceler une infraction sans emmener le matériel dans un laboratoire scientifique de la police ou de la gendarmerie. Pour constater l'infraction, il faut donc pouvoir saisir le matériel. C'est le serpent qui se mord la queue ! Si aucune infraction n'est constatée, le matériel pourra être remis à son propriétaire et l'on en restera là.
N'ayez crainte : le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation. Mais nous sommes confrontés à une vraie difficulté. La seule possibilité offerte est de procéder à des copies. La saisie nous fait basculer dans le domaine judiciaire et nous ne sommes pas couverts pour faire ce que vous demandez.
Nous allons travailler sur ce problème d'ici à demain ; le ministre de l'Intérieur ou le Premier ministre pourra alors vous faire une proposition. Je ne sais pas dans quelle mesure elle pourra vous satisfaire, mais je m'y engage.
Je suis favorable à l'amendement CL18.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'y retravailler dans la nuit : les services d'enquête, avec lesquels j'en ai discuté, ne sont absolument pas demandeurs des dispositions que vous appelez de vos voeux, monsieur Chrétien.
En général, on commence à trouver le début d'une infraction permettant de justifier la saisie dès l'instant où l'officier de police judiciaire, qui peut ouvrir une enquête, est présent. Ainsi, si le problème peut se poser dans la pureté des textes, je doute que ce soit le cas en pratique. Mais ce n'est que mon avis, que je donne en toute modestie…
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL36 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, CL39 de M. Jean-Frédéric Poisson et CL41 de Mme Sandrine Mazetier.
Avec l'amendement CL36, nous abordons un problème déjà évoqué par plusieurs collègues, dont Sandrine Mazetier. Jusqu'à présent, la loi de 1955 autorisait des mesures de contrôle de la presse et des médias. Mais le vrai problème, aujourd'hui, c'est évidemment internet, qui joue un rôle bien plus important que les mosquées elles-mêmes dans l'endoctrinement, le recrutement et la provocation au terrorisme. Il serait regrettable d'adopter un texte de ce type sans permettre au ministre de l'Intérieur d'interrompre le fonctionnement des sites faisant l'apologie d'actes terroristes ou incitant à en commettre, qui sont l'un des principaux facteurs de développement de l'idéologie djihadiste. Ne modifions pas en vain la loi de 1955.
Par ailleurs, l'assignation à résidence, fût-ce à tiers temps, me paraît être confondue avec une détention provisoire. Ce sont deux notions bien différentes.
Le problème a en effet été évoqué par Mme Mazetier ainsi que par Mme Zimmermann.
J'ai constaté avec surprise que la nouvelle rédaction de la loi de 1955 faisait disparaître les dispositions permettant de supprimer toute forme de publication qui menace la sécurité. Cette suppression totale nous paraît risquée, pour plusieurs raisons ayant trait à plusieurs types de périls.
Premièrement, il existe, tout le monde le sait, des publications régulières, et même un magazine papier mensuel, ouvertement salafistes, qui appellent à des actes que l'état d'urgence vise à contrecarrer ou à combattre.
Deuxièmement, les réseaux sociaux, les sites internet, les blogs propagent eux aussi des messages favorisant le recrutement ou incitant à commettre semblables actions.
Troisièmement, comme l'a rappelé Sandrine Mazetier, certaines chaînes d'information en continu peuvent, par le suivi en direct permanent et intégral d'opérations de police en cours, porter gravement préjudice au déroulement de ces opérations ou à la sécurité des personnes.
Voilà pourquoi nous proposons, sans rétablir la formulation initiale de la loi de 1955 – qui comportait l'interdiction des représentations cinématographiques ou théâtrales, ce qui nous paraît quelque peu excessif –, de permettre dans le cadre de l'état d'urgence, mais pas plus longtemps, d'interdire totalement ou partiellement aux médias de publier ou de diffuser des contenus susceptibles de menacer la sécurité intérieure.
Il s'agit en somme de revenir à l'esprit de la loi de 1955, sinon à sa lettre, eu égard aux évolutions que nous avons connues depuis, qu'il s'agisse de la diffusion numérique ou des nouveaux traitements de l'information par les médias audiovisuels.
Tel est le sens de notre amendement CL39.
Afin de nous prémunir contre les risques de questions prioritaires de constitutionnalité évoqués à propos de nombreux autres aspects du texte, l'amendement CL41 tend tout simplement à rétablir la loi de 1955 dans sa rédaction initiale, qui a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et qui est compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Je tiens à le rappeler, faute de quoi cet amendement nous vaudra à coup sûr d'être traités de nouveaux censeurs.
Les délais de dépôt qui s'imposent à nous ne m'ont pas permis d'associer tous ceux de mes collègues qui souhaitaient en être cosignataires. Je tiens donc à préciser que l'amendement est cosigné par M. Fourage, Mme Dagoma, M. Potier, M. Premat, Mme Massat, Mme Fabre, M. Delcourt, M. Valax, M. Fournel, Mme Le Houerou, M. Ménard, Mme Gosselin-Fleury, Mme Bruneau, M. Travert, Mme Gueugneau, Mme Guittet, M. André, M. Denaja, M. Popelin et M. Gagnaire, mais aussi par Mme Pochon, M. Binet, M. Aboubacar, Mme Crozon, M. Assaf, M. Clément, M. Garot et M. Vaillant.
Cet amendement est un gage de sécurité en droit puisqu'il se contente de reprendre des dispositions existantes. Au demeurant, celles-ci semblent tout à fait adaptées aux évolutions technologiques que nous avons connues depuis 1955 en matière de diffusion de contenus, notamment grâce à l'expression « publications de toute nature ».
C'est à juste titre que le maintien de ces dispositions heurte la sensibilité de certains de nos collègues, compte tenu de la nécessité de concilier les nécessités d'ordre public et la garantie des libertés fondamentales, en particulier de la liberté d'expression. Mais nous avons adopté un amendement du rapporteur introduisant un contrôle parlementaire des mesures prises par les autorités administratives au cours de l'état d'urgence, ce qui devrait les rassurer.
L'adoption de cet amendement serait un geste de sagesse, aujourd'hui et eu égard à ce que nous avons vécu lors des attentats de janvier.
L'amendement CL36 me semble devoir être distingué des deux autres dans la mesure où il concerne essentiellement internet.
Quant à l'amendement CL41, j'en suis désolé pour mes amis qui l'ont signé, mais je dois rappeler à son sujet ce que j'ai appris du professeur Schwartzenberg, dont j'ai suivi l'enseignement à Sciences Po – Aix, pas Paris ! Lorsqu'il était ministre de l'information du gouvernement Pflimlin – le dernier de la IVe République –, Albert Gazier, que j'ai connu lorsque j'étais un jeune militant socialiste, a recouru à la censure des journaux dans le cadre de l'état d'urgence. C'est sans doute la seule fois depuis la guerre où les articles ont été entrecoupés de blancs correspondant aux passages censurés. Ce souvenir me rend très réservé sur quelque texte que ce soit qui laisse entendre qu'il y aurait un problème avec la presse.
Je suis d'accord avec Sandrine Mazetier sur le traitement médiatique des événements. Nous avons auditionné en commission d'enquête plusieurs acteurs de la télévision ; il y a bien eu des comportements scandaleux lors des interventions menées en janvier. Aujourd'hui, à nouveau, on entend des âneries sur les chaînes d'information en continu, sous prétexte qu'il faut toujours avoir quelque chose à dire. Ainsi, certains expliquaient ce matin à cinq heures pourquoi le dénommé Abbaoud se trouvait dans l'appartement pris d'assaut, alors que l'on ne sait toujours pas s'il y était !
Néanmoins, si nous intégrons à ce texte des dispositions ayant trait à la presse, il y a fort à craindre que s'en saisiront immédiatement tous ceux qui le soupçonnent déjà d'être liberticide. Ce serait à tort, mais puisque nous faisons une loi de cette nature et que nous le faisons rapidement, soyons attentifs à l'opinion publique, et ne touchons pas à la presse.
Les trois amendements examinés en discussion commune ont des motivations et des objets très différents. Celui de M. Schwartzenberg concerne les publications en ligne « provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie » ; ce champ d'intervention restreint peut exclure les processus de radicalisation. L'amendement CL39 de M. Jean-Frédéric Poisson, qui vise « tous supports », a un champ plus large. Quant à l'amendement CL41 de Mme Sandrine Mazetier, il inclut le contrôle de la presse, des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales. Outre qu'elle n'est pas sans poser problème, cette rédaction se télescope avec le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine que notre Assemblée a adopté en octobre dernier et dont l'article premier dispose que « la création artistique est libre ». Pour en revenir à l'amendement CL36 de M. Schwartzenberg, notre sujet d'inquiétude principal étant la radicalisation en ligne des jeunes, nous devrions décider de dispositions permettant de combattre ce phénomène de manière pérenne et non, seulement, en état d'urgence.
Nous débattons de deux questions distinctes. La première porte sur la répression de l'apologie du terrorisme sur internet ; j'approuve l'esprit de l'amendement CL36, mais je rappelle que l'on peut déjà, sur décision administrative, bloquer l'accès aux sites qui s'y livrent. L'autre sujet abordé est celui de la liberté des médias, et la rédaction reprise du texte de 1955 me semble inadaptée à notre époque. Je ne peux souscrire au terme « contrôle de la presse », et je salue le travail auquel se livrent les journalistes pour démêler le vrai des rumeurs et démentir des informations fausses, notamment sur internet.
Cela étant, M. Poisson et Mme Mazetier ont appelé notre attention sur une difficulté réelle : pendant une intervention, dans une situation dangereuse, le fait que de grands médias donnent, de manière irresponsable et parfois naïve, la position des policiers, indiquent où sont les tireurs embusqués ou rendent compte d'éléments d'enquête qui n'ont pas à être divulgués prématurément pose incontestablement problème. C'est donc de la diffusion de l'information en temps réel, qu'aucun dispositif ne restreint – nous en avons eu une nouvelle preuve ce matin – qu'il nous faut traiter. Le Gouvernement et le rapporteur peuvent-ils proposer une nouvelle rédaction à ce sujet ?
Avant de donner la parole à Mme Bechtel, je me permets d'observer que les amendements CL36 et CL41 se limitent à donner à la loi la possibilité de faire ; il y a là, selon moi, une sérieuse difficulté rédactionnelle. Ne serait-il pas préférable et plus sécurisant de renvoyer le débat sur ce point à la séance plénière ?
J'invite au retrait des amendements CL36 et CL39. À propos de l'amendement CL41, je souligne que le Gouvernement n'a jamais eu l'intention de contrôler la presse…
…et que ce contrôle n'a jamais été mis en oeuvre pendant ce quinquennat, ni d'ailleurs par qui que ce soit en période d'état d'urgence. C'est pourquoi nous avons décidé de supprimer une disposition dont nous avons jugé le maintien inutile, d'autant que, comme plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, l'évolution des moyens de communication fait que la loi de 1955 est dépassée.
Mais j'ai écouté attentivement les propos tenus, singulièrement les trois arguments exposés avec pertinence par Mme Delphine Batho, que je résumerai brièvement. D'une part, des dispositions récentes permettent de bloquer l'accès aux sites internet qui font l'apologie du terrorisme ; d'autre part, le texte de 1955 est suranné. Reste posée la question de la diffusion de l'information en temps réel en situation de crise. Les medias ont changé d'attitude depuis janvier et nous en prenons acte, mais pendant combien de temps en sera-t-il ainsi, puisque chacun continue de se comporter comme bon lui semble et que si l'esprit de responsabilité se manifeste, c'est, à titre individuel pour les journalistes ou de manière collective pour les organes de presse, de manière discrétionnaire ? Il y a là, si je puis m'exprimer ainsi, un trou dans la raquette. Bien que l'amendement CL41 ne me semble pas régler entièrement la question, je m'en remettrai à la sagesse de votre commission, tout en suggérant que l'on s'essaye par une rédaction nouvelle à répondre à la préoccupation exprimée par Mme Batho.
Je donnerai la parole aux représentants des groupes, puis j'inviterai la commission à se prononcer sur les trois amendements examinés en discussion commune.
C'est inéquitable, monsieur le président ; je vous ai demandé par deux fois la parole, en vain.
Je concentrerai mon propos sur l'amendement de M. Schwartzenberg. Je retiens de nos échanges que le consensus peut se faire sur la nécessité, sous le régime de l'état d'urgence, d'accélérer les procédures permettant au ministre de l'Intérieur de bloquer l'accès aux sites internet faisant l'apologie du terrorisme. Nous avons adopté, dans la loi renforçant la lutte contre le terrorisme de novembre 2014, des dispositions facilitant ce blocage ; ne peut-on, sous le régime de l'état d'urgence, s'affranchir de certains raffinements procéduraux ? L'amendement CL36 de M. Schwartzenberg me semble pertinent, mais il gagnerait, comme l'a suggéré le président Raimbourg, à être rectifié pour se lire : « Le ministre de l'Intérieur peut prendre toutes mesures pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ».
Même s'ils diffèrent, les amendements expriment une préoccupation commune. Personne ne propose de rétablir la censure au sens où elle pouvait être entendue en 1955 – et tout Gouvernement qui s'y risquerait le payerait d'un très lourd prix politique. Mais nous sommes tous hésitants à l'idée de nous priver d'un moyen de réprimer l'apologie du terrorisme par tous canaux de communication. Le paradoxe est que nous examinons un projet de loi qui vise à moderniser un texte ancien et que, ce faisant, nous renonçons à un outil utile pour faire face à un problème contemporain. Le plus sage eût été que l'on ne touchât point à cette disposition de la loi de 1955, et qu'ensuite chaque Gouvernement l'appliquât avec discernement. L'amendement CL41 dont je suis l'un des cosignataires a pour avantage de rétablir la disposition de la loi de 1955 dans une rédaction inchangée - et le Conseil d'État avait suggéré qu'elle fut maintenue. La sécurité juridique est donc plus sûrement assurée de la sorte. C'est pourquoi notre groupe propose majoritairement d'adopter cet amendement plutôt que les deux autres.
La presse a bel et bien été censurée, madame la ministre, sous le Gouvernement de Pierre Pflimlin, et aussi dans les départements d'Algérie entre 1961 et 1963. Ne pensons donc pas que cela n'est jamais arrivé – et ce qui est arrivé une fois peut se reproduire. La loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014 dispose en son article 8 que « l'arrêt d'un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus à l'article 421-2-5 du code pénal lorsqu'ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir ». C'est bien, mais ce qui est préférable en période de crise et sous le régime de l'état d'urgence, c'est que la décision revienne au ministre de l'Intérieur plutôt qu'au juge des référés, même si ce dernier statue rapidement. Parce que le ministère public n'agit pas toujours avec une célérité remarquable, une réactivité étonnante et une vigilance parfaite quand il faut saisir le juge des référés de ces sujets, j'aurais davantage confiance dans le caractère opérationnel du ministre de l'Intérieur – singulièrement tel qu'il est aujourd'hui – que dans l'action de magistrats de l'ordre judiciaire, pour lesquels j'éprouve un infini respect mais qui, parfois, n'accélèrent pas les procédures de manière véhémente…
Notre groupe est résolument défavorable aux trois amendements. Celui de M. Jean-Frédéric Poisson, qui tend à l'interdiction de publier ou de diffuser, est inacceptable. Celui de M. Roger-Gérard Schwartzenberg est satisfait par la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme du 13 novembre dernier. Enfin, considérant que la suppression de la disposition dont Mme Sandrine Mazetier souhaite le rétablissement marque un progrès réel, nous sommes également contre l'amendement CL41. Pour nous, le contrôle de la presse n'est plus possible, et il est injustifiable. Si la disposition n'a pas, ou peu, été utilisée, il est bon de la supprimer. Que l'on assigne à résidence en état d'urgence, nous en sommes d'accord, mais la contrepartie, c'est la liberté de la presse : si des abus éventuels ont lieu en cette matière, les medias doivent pouvoir les dénoncer. Cet équilibre doit être préservé, et la liberté de la presse maintenue sans restrictions. Parfois ont lieu des campagnes de presse insupportables – ce fut le cas, par exemple, au moment de l'élaboration de la loi sur le renseignement, mais cela participe de la démocratie. Enfin, si des journalistes donnent la position de policiers en intervention ou suivent une perquisition, c'est qu'ils ont des informateurs au sein des services de police. Ces questions ne se traitent pas en prenant des dispositions législatives tendant à contrôler la presse alors que les agissements contestables relèvent de la déontologie et de l'autorégulation. Autant dire que si la commission adoptait cet amendement, nous reviendrons sur le sujet avec détermination lors de la séance publique.
Ce n'est pas la première fois que la commission des Lois discute de ce sujet et le débat est à chaque fois de la même densité, de la même durée et les arguments sont les mêmes. En effet, comme le disait très justement Delphine Batho, il s'agit d'une question que le législateur a du mal à encadrer. L'essentiel a été dit : la loi de 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme prévoit déjà un dispositif qui a fait l'objet d'une décision du Conseil constitutionnel très précise. Pour ces raisons, je suis défavorable aux trois amendements.
L'amendement CL41 vise simplement à revenir au texte de 1955 pour échapper au risque d'inconstitutionnalité du dispositif gouvernemental et, le cas échéant, pour éviter le dépôt d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Ensuite, il n'y a pas les médias audiovisuels d'un côté et les autres de l'autre. Le CSA contrôle, oriente les médias audiovisuels mais quid de ceux qui ne relèvent pas du secteur audiovisuel et qui sont tous en ligne ? En ce moment même, un journaliste alerte sur le fait que ses collègues le font passer pour un djihadiste en utilisant sa photographie et par là le mettent en danger – imaginez votre réaction, dans un contexte de crise, si vous vous trouviez en face de lui dans le métro ou dans la rue ! Il n'est pas question ici de censure, mais bien de répondre à une situation de crise.
Je ne souhaite pas qu'on caricature la volonté des cosignataires de cet amendement ; j'entends toutefois la réponse du rapporteur et la réflexion du Gouvernement – qui souhaite avancer – et je le retire.
L'amendement CL41 est retiré.
Je souhaite préciser la manière dont je rectifie l'amendement CL36 afin que nos collègues votent en réelle connaissance de cause, ce qui est généralement conforme au bon fonctionnement d'un Parlement. Il s'agit de remplacer les mots : « Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut habiliter le ministre de l'Intérieur à prendre toutes mesures », par les mots : « Le ministre de l'Intérieur peut prendre toutes mesures ».
Je demande à tout un chacun de se montrer compréhensif. J'entends bien l'intention de Roger-Gérard Schwartzenberg mais sa rectification ne correspond absolument pas à la rédaction du reste du texte ; sa reformulation ne « fonctionne » pas.
Si je puis me prévaloir, en tant que rapporteur, d'une certaine compétence, je considère qu'il vaut mieux garder la rédaction initiale.
Je remarque que le projet que le Gouvernement nous soumet avec quelque rapidité comporte, à l'article 4, les mots : « le ministre peut prononcer », « le ministre peut faire ceci », « le ministre peut faire cela ». Aussi, ayant le sens inné de la discipline, je m'aligne sur le texte gouvernemental, mais peut-être est-ce excessif de ma part. En tout cas ce souci devrait être reconnu comme louable et non comme pervers.
La discussion que nous venons d'avoir montre qu'elle est loin d'être aboutie… Je vous propose de passer au vote.
La commission rejette l'amendement CL36 ainsi rectifié, puis elle rejette l'amendement CL39.
Elle en vient à l'amendement CL13 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL35 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
L'amendement est retiré.
La commission adopte ensuite l'amendement CL14, de cohérence, présenté par le rapporteur.
Puis elle adopte l'amendement de précision CL15 du rapporteur.
Elle en vient ensuite à l'amendement CL27 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement vise à permettre au ministre de l'Intérieur, pendant la durée de l'état d'urgence, d'autoriser les fonctionnaires de la police nationale à porter leurs armes en dehors de leurs heures de service dans des conditions qu'il lui appartiendra de définir. Le droit en vigueur permet d'ores et déjà aux forces de l'ordre d'emporter leur arme à domicile mais dans des conditions très encadrées – avec mallette sécurisée notamment. Nous proposons donc d'assouplir ces conditions en cas d'état d'urgence, cela dans un but d'efficacité : on compte environ 240 000 personnels appartenant aux forces de l'ordre – gendarmerie comme police nationale. Je vous rappelle que le code commun de déontologie de ces deux corps fait obligation aux forces de l'ordre, dans certains cas, d'intervenir de leur propre initiative, y compris en dehors de leurs heures de service, « avec les moyens dont ils disposent ». Il semble donc, dans un contexte d'état d'urgence, que le fait pour les policiers et les gendarmes de disposer de leur arme de service ne pourrait qu'être utile à la sécurité de nos concitoyens. Cette mesure repose à la fois sur les instructions données par le ministre de l'Intérieur et sur la confiance que nous avons dans le professionnalisme des forces de l'ordre, confiance manifestée cet après-midi encore, dans l'hémicycle, par nos applaudissements.
Cet amendement correspond à un état d'esprit qui n'est pas nouveau ; or la disposition proposée me fait peur. Quand les policiers sont en service, ils peuvent certes utiliser leur arme, mais quand ils sont en repos, ils sont souvent fatigués, et on sait par ailleurs leur fragilité – qu'on considère le nombre de suicides dans la police – ; aussi, il me paraît particulièrement risqué de donner à ces fonctionnaires la possibilité d'utiliser leur arme sur le seul fondement d'une autorisation particulière du ministre de l'Intérieur.
Votre proposition permet-elle la sécurisation des armes à domicile, garantit-elle contre leur vol éventuel, leur utilisation dans des conditions illégitimes ? À vouloir faire trop bien, on risque de prendre une mesure qui va se retourner contre les policiers eux-mêmes.
Si le Gouvernement décide l'état d'urgence, qu'il les mobilise pour travailler davantage et là, ils portent à juste titre leur arme de service. Mais l'idée que des policiers, passez-moi l'expression, se promènent avec alors qu'ils ne sont pas formellement en service, est un risque, j'y insiste, que je suggère à la commission de ne pas prendre.
J'ai bien entendu les arguments avancés de part et d'autre. Reste que la disposition proposée n'est pas d'ordre législatif mais réglementaire et relève même d'un arrêté. Je vous demande donc de retirer votre amendement, d'autant que le ministre de l'Intérieur envisage, pour le temps que durera l'état d'urgence, de mettre en oeuvre cette mesure.
Pour répondre au ministre Vaillant, les policiers et gendarmes peuvent rapporter leur arme de service à domicile et on ne relève pas les bavures qu'il semble craindre.
Vous avez parlé d'accidents. Le professionnalisme que l'on reconnaît aux forces de l'ordre nous permet d'écarter ce danger.
Si j'entends bien ce que vient de déclarer la secrétaire d'État, le ministre de l'Intérieur peut d'ores et déjà prendre une telle mesure et il l'envisage très prochainement. J'en prends acte et je retire l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Article 5 : Utilisation des techniques de renseignement dans le cadre de la reconstitution de groupements dissous
L'amendement CL16 du rapporteur est retiré.
La commission adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Modalités d'entrée en vigueur
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL17 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
La commission examine l'amendement CL37 de M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
Cet amendement vise à étendre la prolongation de l'état d'urgence à deux fois. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de le maintenir même s'il comporte une certaine validité. Connaissant quelque peu à l'avance le résultat du vote, je ne voudrais pas priver le président de minutes précieuses…
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à 20 heures 20.