Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 18 novembre 2015 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, estime que les mesures contenues dans le décret du 14 novembre 2015 instaurant l'état d'urgence et que ce texte propose de proroger présentent un caractère proportionné.

Ce projet de loi actualise la loi de 1955 et en élimine des dispositions incompréhensibles dans une démocratie avancée du XXIe siècle, comme le transfert de certains pouvoirs de la justice civile à la justice militaire. Cependant, je tiens à faire part de mon incompréhension, partagée sur de nombreux bancs, sur le fait que le texte élimine des mesures qui, du fait même de leur simplicité, restaient adaptées à notre monde nouveau. Ainsi la rédaction du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi de 1955, sous des dehors un peu vintage, offraient la possibilité de contrôler toute publication. La loi de 1955 n'opérait évidemment aucune distinction entre les journaux imprimés ou en ligne, et sa rédaction large permettait de ne pas stigmatiser les médias, ce qui n'est évidemment pas notre objectif – quoique… tous les médias et tous les journalistes ne se valent pas, et l'on constate de grandes différences dans l'exercice du sens des responsabilités.

Depuis les attentats de janvier dernier, il faut reconnaître que l'esprit de responsabilité a progressé dans les médias audiovisuels. Malgré tout, la pulsion de l'information et du direct peut amener, volontairement ou involontairement, des médias – ou d'autres diffuseurs qui ne sont pas des médias – à faire circuler sur les réseaux sociaux des informations qui peuvent mettre en danger nos concitoyens et les forces de l'ordre. On l'a constaté lors de la prise d'otages de l'Hyper Cacher et le week-end dernier. Un mouvement de panique s'est produit à Paris dimanche 15 novembre à 19 heures à cause d'une rumeur. Là encore, cela peut créer un danger pour nos compatriotes. Je regrette que l'on se prive de cette faculté qui ne constituait en aucun cas une obligation.

J'étends ce constat aux représentations théâtrales qui, après tout, peuvent elles aussi constituer un trouble à l'ordre public. Les forces de sécurité ont en ce moment vraiment autre chose à faire à Paris que de séparer des manifestants devant un théâtre où se joue une pièce créant la polémique – sans parler des spectacles de M. Dieudonné M'Bala M'Bala !

Pourquoi supprimer des mesures qui, dans notre démocratie, ne seraient utilisées qu'avec d'infinies précautions ? Je ne comprends pas ce désarmement unilatéral, alors que l'idéologie djihadiste se propage dans les médias et hors médias, en ligne et off line. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement avec de nombreux députés du groupe Socialiste, républicain et citoyen – mais je m'aperçois que cette proposition rencontre un écho favorable chez des collègues appartenant à d'autres groupes – visant à rétablir les dispositions de la loi de 1955, dont les dispositions d'apparence un peu surannées ont le mérite de garder un caractère très général.

Nous sommes enfin attachés à ce que l'état de crise ne soit pas permanent et souhaitons donc que ce texte ne s'applique pas au-delà de trois mois.

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