Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 19 novembre 2015 à 9h30
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

La question de la déradicalisation, que vous avez posée dans votre intervention, monsieur le Premier ministre, devra être examinée avec attention.

Les Français expriment aujourd’hui une demande de sécurité. Après ce que nous avons vécu vendredi dernier et hier encore, à Paris et à Saint-Denis, cette demande est normale et légitime. C’est le rôle et l’une des raisons d’être de l’État que d’y répondre. C’est le rôle du Gouvernement et du Parlement que de prendre les mesures en ce sens.

En matière de terrorisme, chacun sait que le risque zéro n’existe pas. Mais tout doit être fait pour prévenir de nouveaux attentats. C’était le but de la loi relative au renseignement, que j’avais d’ailleurs votée avec plusieurs de mes collègues écologistes ; c’est le but de l’état d’urgence. Nous refusons d’opposer sécurité et liberté. À entendre certains, parler de l’une serait déjà un recul de l’autre. Nous refusons cette fausse alternative.

Nous revendiquons qu’assurer la sécurité des Français, dans cette période de menace terroriste accrue, c’est protéger notre mode de vie libre, notre société ouverte et tolérante. Les Français veulent continuer de mener une vie aussi normale que possible. Ils veulent continuer de travailler, de prendre les transports en commun, d’accompagner leurs enfants à l’école, de sortir le soir pour se rendre au concert ou boire un verre entre amis. S’il faut pour cela accepter quelques mesures de contrôle supplémentaires, les Français y sont prêts.

Répondre concrètement et efficacement à cette demande de sécurité est par ailleurs le meilleur moyen de conjurer la tentation du régime autoritaire, du repli et de la fermeture. Nous savons que cette tentation existe dans le pays.

Lorsqu’il s’est exprimé devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le Président de la République a clairement posé cette priorité et présenté un certain nombre de mesures. Nous partageons globalement son analyse et sommes nombreux à soutenir ses propositions.

Le Président de la République a repris les préconisations de plusieurs rapports parlementaires, dont celui de Jean-Jacques Urvoas, élaboré au nom de la commission d’enquête sur le fonctionnement des services de renseignement français dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés, présidée par notre collègue Christophe Cavard, et créée après les dysfonctionnements constatés lors de l’affaire Merah.

Il a invité à une coopération européenne renforcée, dans les domaines de la défense, de la justice et du renseignement. Comment justifier le fait que la traçabilité européenne des voyages en avion intra et extra-européens ne soit pas encore mise en oeuvre ?

Le Président de la République a également annoncé la création de 8 500 postes dans la police, la gendarmerie, la justice, et la douane.

Il a souhaité une réforme constitutionnelle, qui permettra de réformer les articles 16 et 36, devenus archaïques, et dont la réécriture a été maintes fois envisagée mais jamais concrétisée.

À court terme, le renforcement de notre dispositif de sécurité passe par une prorogation et une modernisation de l’état d’urgence. Tel est est l’objet du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Ce texte précise notamment les conditions des perquisitions administratives, en autorisant – c’est nouveau – la saisie de matériel informatique et téléphonique. Il renforce le dispositif d’assignation à résidence. Il élargit les possibilités de dissolution d’associations. Autre nouveauté, il permet aux personnes visées par des procédures administratives de pouvoir exercer un recours.

Votre projet de loi, monsieur le Premier ministre, supprime les possibilités de censure de la presse. Nous sommes très attachés à ce point et serons très attentifs à ce que le contrôle de la presse ne revienne pas par voie d’amendement.

Nous sommes d’accord avec la procédure d’état d’urgence, dans la mesure où elle est limitée dans le temps et contrôlée par le Parlement – avec Jean-Jacques Urvoas, nous avons fait adopter un amendement allant dans ce sens – et où l’indépendance de la justice et la liberté de la presse sont strictement respectées. Ces propositions forment un ensemble équilibré et adapté. C’est pourquoi quinze députés du groupe écologiste les soutiendront.

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