Intervention de Carole Delga

Séance en hémicycle du 19 novembre 2015 à 9h30
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Delga :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, le vendredi 13 novembre, à vingt-et-une heures vingt, la barbarie terroriste a franchi une nouvelle étape. Aucune attaque n’avait fait autant de victimes depuis la Libération, il y a soixante-dix ans. Ces victimes avaient toutes le visage de la France, la France de la fraternité, la France de la liberté, la France de l’égalité. C’est bien pour ses valeurs, pour sa jeunesse, pour sa diversité, que notre pays a été lâchement attaqué. Et c’est parce que notre mode de vie, notre culture, notre fidélité aux idéaux républicains sont le meilleur rempart contre leur fanatisme que tout cela leur est insupportable.

Même si nous sommes en deuil, nous devons plus que jamais faire preuve de sang-froid, de fermeté et de responsabilité.

Dès les premières heures, le droit français a permis de faire face en permettant au Président de la République de déclarer l’état d’urgence pour douze jours. Depuis vendredi, les résultats des perquisitions et des procédures mises en oeuvre apportent la preuve de l’efficacité de cet outil. C’est grâce à l’état d’urgence que nous pouvons porter les coups les plus durs aux réseaux terroristes.

Les résultats des perquisitions et des saisies effectuées chaque jour – et dont M. le ministre de l’intérieur nous a communiqué les chiffres précis – prouvent que la menace est restée bien réelle. À elle seule, cette menace justifie la prorogation de l’état d’urgence pour permettre aux services de police et de gendarmerie de remonter la piste des réseaux terroristes et d’exploiter les premières arrestations.

L’état d’urgence n’est pas le contraire de l’État de droit. Mais, comme l’a souligné Robert Badinter, ce n’est pas non plus l’état de faiblesse. S’il est exceptionnel, il n’en obéit pas moins à un régime juridique strict dont un juge peut apprécier à tout moment qu’il est bien respecté.

Quel texte allons-nous voter ? Un texte qui n’a pas pour seul objet de proroger l’état d’urgence mais bien de moderniser un régime juridique datant de 1955 afin de donner à nos forces de police, de gendarmerie, mais aussi au parquet tous les moyens nécessaires pour affronter la menace moderne que représente le terrorisme international en 2015.

Ce projet de loi répond à deux enjeux : renforcer l’efficacité de la loi, grâce à des mesures nouvelles, tout en définissant mieux et en encadrant les pouvoirs confiés aux autorités – car il faut s’assurer que les actions engagées par nos forces de sécurité ne souffrent d’aucune contestation sur le plan juridique.

Accroître l’efficacité, c’est ainsi renforcer l’assignation à résidence des personnes considérées comme dangereuses afin de ne pas disperser ni surcharger l’action de nos forces, par ailleurs déjà très fortement mobilisées. Je veux, à mon tour, les saluer pour leur courage et les remercier pour leur dévouement qui force l’admiration de nos compatriotes.

Grâce à cette procédure rénovée, le ministre de l’intérieur pourra, par exemple, imposer un pointage au commissariat, jusqu’à trois fois par jour, ou encore confisquer le passeport et les documents d’identité.

Le projet de loi que nous examinons accélérera aussi la dissolution des associations ou groupements qui servent de base logistique aux centres de recrutement. Ce sera notamment le cas des lieux de prière lorsqu’ils sont le siège de prêches extrémistes. Grâce aux nouvelles dispositions prises, les associations dissoutes ne pourront pas être reconstituées, même après la fin de l’état d’urgence.

Les préfets pourront ordonner des perquisitions, en tous lieux, de jour comme de nuit, pour ne laisser aucune pause, aucun répit à ceux qui planifient des attaques contre la France.

Parce que nous devons adapter notre lutte aux défis et aux technologies du XXIe siècle, l’état d’urgence prorogé par ce projet de loi permettra d’accéder aux données informatiques sur tous les supports, y compris les clouds.

Ce projet de loi marque également le renforcement de l’autorité de l’État en durcissant les peines pénales prévues en cas de violation des règles de l’état d’urgence.

Efficacité, renforcement de notre arsenal juridique, mais aussi protection des forces de l’ordre et de nos libertés fondamentales : tels sont les pivots de ce projet de loi.

Afin que les procédures d’investigation ne souffrent d’aucune contestation de la part des personnes soupçonnées, le texte prévoit des aménagements précis de procédure.

C’est cet équilibre entre exigence d’ordre public et sauvegarde des libertés que notre assemblée se doit de garantir. Je salue, sur ce point, le souhait exprimé dès le début par le rapporteur de faire du Parlement l’autorité de contrôle de l’état d’urgence. La représentation nationale pourra ainsi disposer d’informations utiles et incontestables qui lui permettront d’apprécier la situation sécuritaire du pays.

Qu’il me soit enfin permis de remercier le Premier ministre et le Gouvernement pour leur sang-froid, leur détermination et leur sens de l’État qui, à eux seuls, justifient amplement l’unité nationale souhaitée par le Président de la République. Cette unité nationale est indispensable dans les heures graves que traverse notre France.

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