Intervention de Sophie Elizéon

Réunion du 18 décembre 2012 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Sophie Elizéon, déléguée interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer :

Je vous remercie de m'accueillir dans les locaux de l'Assemblée nationale. Permettez-moi tout d'abord de me présenter : je suis la fille d'un réunionnais de Langevin et d'une corrézienne de Brive-la-Gaillarde. Je suis née à Paris mais mes études et mon parcours professionnel m'ont amenée à partager mon temps entre la Réunion et la métropole. Je vis actuellement sur le territoire hexagonal.

Mon parcours professionnel est centré sur le développement local, économique et social. Après avoir été chef de projet dans le cadre de la politique de la ville, j'ai eu l'occasion de conduire des politiques publiques en direction de publics spécifiques, tout d'abord en accompagnant vers l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI, puis en favorisant le maintien en milieu rural de l'activité économique dans le Limousin, avant d'occuper à la Réunion, de juin 2007 à octobre 2012, le poste de Déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes.

C'est cette connaissance du service de l'État et mon sens du service public – qui m'ont permis d'occuper, depuis deux mois, le poste de Déléguée interministérielle – qui m'amènent devant vous aujourd'hui.

C'est avec respect et fierté que j'ai accepté votre invitation. J'ai la plus grande estime pour le travail parlementaire au service des territoires ultramarins et de leurs habitants, et je sais que l'Assemblée nationale souhaite prendre toute sa part dans le processus d'intégration de leurs problématiques dans le domaine législatif.

La Délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français de l'outre-mer que j'ai l'honneur de diriger a été créée dans le but de garantir l'accès à la citoyenneté et l'égalité des droits pour nos compatriotes d'outre-mer sur le territoire hexagonal. Mais nous savons tous que nous ne sommes pas encore parvenus à destination, loin s'en faut.

Pour mener à bien mon ambitieuse mission, je me suis fixé un cap, une méthode et un certain nombre d'actions. Toute décision pertinente s'appuie sur une connaissance fiable des personnes auxquelles nous devons porter notre attention. C'est pourquoi j'ai prévu de disposer, dès 2013, d'un outil d'évaluation et de prospective sociologique, économique et démographique. Cet outil est en cours d'élaboration au sein de l'Observatoire national des ultramarins. Il nous appartient de l'interroger, de le faire évoluer et d'en utiliser les ressources car tous les éléments objectifs dont nous disposerons nous permettront d'évaluer, de corriger et de pérenniser nos actions.

Je souhaite que la Délégation mette toute sa créativité en oeuvre pour illustrer et valoriser l'audace des ultramarins de l'hexagone. De très nombreux exemples démontrent que l'excellence est possible, dans l'entreprise, les universités, la recherche, sans parler des arts et des sports.

Je propose d'articuler notre action autour de trois axes de travail, qui deviendront les rouages d'un mouvement vertueux vers l'égalité.

Le premier axe consiste à prévenir. Il s'agit pour moi d'anticiper, autant que possible, les situations susceptibles de provoquer ou d'amplifier les inégalités constatées, en particulier celles relevant d'a priori et de préjugés. Il me semble fondamental, à cet égard, de mettre l'accent sur l'accompagnement des ultramarins, dès leur arrivée dans l'hexagone, en prenant le relais des actions engagées sur le territoire d'origine. Ainsi, le travail entrepris par le régiment du service militaire adapté (RSMA) en matière d'insertion professionnelle pourrait être prolongé dans l'hexagone. Nous avons, d'ores et déjà, évoqué l'hypothèse d'une expérimentation commune en matière d'accueil des personnes en recherche d'emploi sur notre territoire.

Je souhaite également que les ultramarins de l'hexagone soient mieux représentés au sein des communautés d'experts, tant dans les médias généralistes qu'au sein des colloques, séminaires et instances consultatives, comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Tout en poursuivant notre travail de reconnaissance d'une culture et la recherche d'une identité propre, nous devons rappeler ce qui nous rassemble et ce qui nous fédère. Notre communauté se définit en effet autant par ses différences culturelles que par ses attachements républicains. À ce titre, je souhaite que le rôle des Français des outre-mer soit reconnu au cours de la cérémonie de commémoration des actions de la Résistance qui aura lieu en 2014.

Le deuxième axe de ma mission consiste à agir et à corriger. En plus des importants efforts de prévention que nous pourrons engager, il nous faudra rectifier un certain nombre d'inégalités dont souffrent les ultramarins dans l'hexagone, afin de gommer les difficultés d'accès à l'emploi, au logement ou à la formation. Les actions menées en ce sens par mes prédécesseurs doivent être poursuivies et renforcées.

Le sujet crucial de la continuité territoriale nécessite un engagement constant. À ce titre, les conventions qui ont été signées avec les partenaires du transport aérien doivent être renouvelées et améliorées. Il est important pour les ultramarins d'être mieux informés des solutions qui leur sont offertes et, pour cela, la Délégation compte sur les bénévoles du Défenseur des droits présents sur l'ensemble du territoire national. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Dominique Baudis, la semaine dernière, à ce sujet.

Les bailleurs et tous les acteurs du service public de l'emploi doivent être sensibilisés à l'obligation que leur fait la loi de ne faire aucune différence de traitement entre nos concitoyens. Il n'est pas tolérable que les cautions solidaires des personnes résidant dans les territoires ultramarins soient encore perçues comme défaillantes par de nombreux bailleurs privés, ni que les relevés d'identité bancaire des comptes domiciliés outre-mer soient considérés par certains opérateurs de téléphonie mobile de l'hexagone comme des comptes détenus dans un pays étranger.

Le troisième axe de mon action consiste à diffuser. Le Gouvernement a mis en place des référents spécifiquement dédiés aux outre-mer au sein de chaque cabinet ministériel. J'ai entrepris de les rencontrer. Ce réseau permettra de diffuser la démarche de la Délégation interministérielle et d'instiller, au sein des services de l'État, une prise de conscience de la réalité de ces inégalités. Il nous sera désormais plus aisé de sensibiliser les acteurs publics aux préjugés et aux discriminations, ordinaires ou inconscientes.

Je souhaite, en outre, que soit élaboré un plan d'action interministériel, tant interne qu'externe, sous la forme d'informations systématiques dans les parutions des différents services gouvernementaux, de plans de formation spécifiques des agents en contact avec le public et d'actions de sensibilisation des partenaires des services de l'État aux spécificités des publics et des territoires ultramarins. Nous allons initier cette démarche au sein des ministères dont les portefeuilles sont les plus immédiatement concernés par nos priorités, à savoir ceux en charge du logement, de la culture, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, de la ville et de la santé.

Toutes ces actions convergent vers la Cité des outre-mer, dont la création a été voulue par le Président de la République afin que la pluralité de nos concitoyens ultramarins soit reconnue par tous comme constitutive de notre tissu national. La Délégation interministérielle travaille à sa réalisation, en partenariat étroit avec le ministère des Outre-mer.

Tout ceci ne peut se faire sans votre soutien, mesdames et messieurs les députés, ni sans votre concours. Vous êtes la voix de nos concitoyens des outre-mer. C'est grâce à vous et à vos observations que nous serons au contact des territoires et que notre feuille de route ne restera pas lettre morte.

Votre concours sera également nécessaire pour appuyer les travaux de la Délégation. Celle-ci dispose de moyens humains – elle se compose d'une équipe de huit personnes – mais ses moyens financiers, compte tenu des efforts engagés par l'ensemble des ministères, sont considérablement réduits et ne permettront pas de mener à bien la feuille de route. C'est la raison pour laquelle j'envisage un plan d'action interministériel. J'aurai sans doute besoin de votre appui auprès du Gouvernement pour faire avancer certains dossiers.

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