La séance est ouverte à dix-sept heures.
Présidence de M. Jean-Claude Fruteau, Président.
Nous vous remercions, madame la Déléguée interministérielle, d'avoir accepté l'invitation de la Délégation.
Le décret de juillet 2007, qui a institué un Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, lui a confié une mission très ambitieuse : prévenir les difficultés spécifiques que rencontrent en métropole les Français d'outre-mer, faciliter leurs relations avec les collectivités d'origine ; apporter un concours et une expertise pour la définition des politiques destinées à assurer l'égalité des chances des Français d'outre-mer, notamment en matière d'accès au travail, au logement et aux services bancaires ; coordonner la mise en oeuvre de ces politiques, renforcer les liens des Français d'outre-mer résidant en métropole avec leur collectivités d'origine, et enfin veiller à la reconnaissance et à la diffusion en métropole des cultures d'outre-mer.
Comment concevez-vous ces missions ? Sont-elles assorties des moyens nécessaires ? Qu'avez-vous retiré des contacts que vous avez noués avec de nombreuses associations en charge des personnes originaires d'outre-mer dans l'hexagone ?
Je vous remercie de m'accueillir dans les locaux de l'Assemblée nationale. Permettez-moi tout d'abord de me présenter : je suis la fille d'un réunionnais de Langevin et d'une corrézienne de Brive-la-Gaillarde. Je suis née à Paris mais mes études et mon parcours professionnel m'ont amenée à partager mon temps entre la Réunion et la métropole. Je vis actuellement sur le territoire hexagonal.
Mon parcours professionnel est centré sur le développement local, économique et social. Après avoir été chef de projet dans le cadre de la politique de la ville, j'ai eu l'occasion de conduire des politiques publiques en direction de publics spécifiques, tout d'abord en accompagnant vers l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI, puis en favorisant le maintien en milieu rural de l'activité économique dans le Limousin, avant d'occuper à la Réunion, de juin 2007 à octobre 2012, le poste de Déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes.
C'est cette connaissance du service de l'État et mon sens du service public – qui m'ont permis d'occuper, depuis deux mois, le poste de Déléguée interministérielle – qui m'amènent devant vous aujourd'hui.
C'est avec respect et fierté que j'ai accepté votre invitation. J'ai la plus grande estime pour le travail parlementaire au service des territoires ultramarins et de leurs habitants, et je sais que l'Assemblée nationale souhaite prendre toute sa part dans le processus d'intégration de leurs problématiques dans le domaine législatif.
La Délégation interministérielle à l'égalité des chances des Français de l'outre-mer que j'ai l'honneur de diriger a été créée dans le but de garantir l'accès à la citoyenneté et l'égalité des droits pour nos compatriotes d'outre-mer sur le territoire hexagonal. Mais nous savons tous que nous ne sommes pas encore parvenus à destination, loin s'en faut.
Pour mener à bien mon ambitieuse mission, je me suis fixé un cap, une méthode et un certain nombre d'actions. Toute décision pertinente s'appuie sur une connaissance fiable des personnes auxquelles nous devons porter notre attention. C'est pourquoi j'ai prévu de disposer, dès 2013, d'un outil d'évaluation et de prospective sociologique, économique et démographique. Cet outil est en cours d'élaboration au sein de l'Observatoire national des ultramarins. Il nous appartient de l'interroger, de le faire évoluer et d'en utiliser les ressources car tous les éléments objectifs dont nous disposerons nous permettront d'évaluer, de corriger et de pérenniser nos actions.
Je souhaite que la Délégation mette toute sa créativité en oeuvre pour illustrer et valoriser l'audace des ultramarins de l'hexagone. De très nombreux exemples démontrent que l'excellence est possible, dans l'entreprise, les universités, la recherche, sans parler des arts et des sports.
Je propose d'articuler notre action autour de trois axes de travail, qui deviendront les rouages d'un mouvement vertueux vers l'égalité.
Le premier axe consiste à prévenir. Il s'agit pour moi d'anticiper, autant que possible, les situations susceptibles de provoquer ou d'amplifier les inégalités constatées, en particulier celles relevant d'a priori et de préjugés. Il me semble fondamental, à cet égard, de mettre l'accent sur l'accompagnement des ultramarins, dès leur arrivée dans l'hexagone, en prenant le relais des actions engagées sur le territoire d'origine. Ainsi, le travail entrepris par le régiment du service militaire adapté (RSMA) en matière d'insertion professionnelle pourrait être prolongé dans l'hexagone. Nous avons, d'ores et déjà, évoqué l'hypothèse d'une expérimentation commune en matière d'accueil des personnes en recherche d'emploi sur notre territoire.
Je souhaite également que les ultramarins de l'hexagone soient mieux représentés au sein des communautés d'experts, tant dans les médias généralistes qu'au sein des colloques, séminaires et instances consultatives, comme le Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Tout en poursuivant notre travail de reconnaissance d'une culture et la recherche d'une identité propre, nous devons rappeler ce qui nous rassemble et ce qui nous fédère. Notre communauté se définit en effet autant par ses différences culturelles que par ses attachements républicains. À ce titre, je souhaite que le rôle des Français des outre-mer soit reconnu au cours de la cérémonie de commémoration des actions de la Résistance qui aura lieu en 2014.
Le deuxième axe de ma mission consiste à agir et à corriger. En plus des importants efforts de prévention que nous pourrons engager, il nous faudra rectifier un certain nombre d'inégalités dont souffrent les ultramarins dans l'hexagone, afin de gommer les difficultés d'accès à l'emploi, au logement ou à la formation. Les actions menées en ce sens par mes prédécesseurs doivent être poursuivies et renforcées.
Le sujet crucial de la continuité territoriale nécessite un engagement constant. À ce titre, les conventions qui ont été signées avec les partenaires du transport aérien doivent être renouvelées et améliorées. Il est important pour les ultramarins d'être mieux informés des solutions qui leur sont offertes et, pour cela, la Délégation compte sur les bénévoles du Défenseur des droits présents sur l'ensemble du territoire national. J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Dominique Baudis, la semaine dernière, à ce sujet.
Les bailleurs et tous les acteurs du service public de l'emploi doivent être sensibilisés à l'obligation que leur fait la loi de ne faire aucune différence de traitement entre nos concitoyens. Il n'est pas tolérable que les cautions solidaires des personnes résidant dans les territoires ultramarins soient encore perçues comme défaillantes par de nombreux bailleurs privés, ni que les relevés d'identité bancaire des comptes domiciliés outre-mer soient considérés par certains opérateurs de téléphonie mobile de l'hexagone comme des comptes détenus dans un pays étranger.
Le troisième axe de mon action consiste à diffuser. Le Gouvernement a mis en place des référents spécifiquement dédiés aux outre-mer au sein de chaque cabinet ministériel. J'ai entrepris de les rencontrer. Ce réseau permettra de diffuser la démarche de la Délégation interministérielle et d'instiller, au sein des services de l'État, une prise de conscience de la réalité de ces inégalités. Il nous sera désormais plus aisé de sensibiliser les acteurs publics aux préjugés et aux discriminations, ordinaires ou inconscientes.
Je souhaite, en outre, que soit élaboré un plan d'action interministériel, tant interne qu'externe, sous la forme d'informations systématiques dans les parutions des différents services gouvernementaux, de plans de formation spécifiques des agents en contact avec le public et d'actions de sensibilisation des partenaires des services de l'État aux spécificités des publics et des territoires ultramarins. Nous allons initier cette démarche au sein des ministères dont les portefeuilles sont les plus immédiatement concernés par nos priorités, à savoir ceux en charge du logement, de la culture, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, de la ville et de la santé.
Toutes ces actions convergent vers la Cité des outre-mer, dont la création a été voulue par le Président de la République afin que la pluralité de nos concitoyens ultramarins soit reconnue par tous comme constitutive de notre tissu national. La Délégation interministérielle travaille à sa réalisation, en partenariat étroit avec le ministère des Outre-mer.
Tout ceci ne peut se faire sans votre soutien, mesdames et messieurs les députés, ni sans votre concours. Vous êtes la voix de nos concitoyens des outre-mer. C'est grâce à vous et à vos observations que nous serons au contact des territoires et que notre feuille de route ne restera pas lettre morte.
Votre concours sera également nécessaire pour appuyer les travaux de la Délégation. Celle-ci dispose de moyens humains – elle se compose d'une équipe de huit personnes – mais ses moyens financiers, compte tenu des efforts engagés par l'ensemble des ministères, sont considérablement réduits et ne permettront pas de mener à bien la feuille de route. C'est la raison pour laquelle j'envisage un plan d'action interministériel. J'aurai sans doute besoin de votre appui auprès du Gouvernement pour faire avancer certains dossiers.
Quels sont les chiffres dont vous disposez s'agissant de nos compatriotes d'outre-mer installés dans l'hexagone ?
J'ai rencontré hier soir une centaine de représentants du tissu associatif ultramarin installé dans l'hexagone. Selon eux, pas moins d'un million d'ultramarins sont implantés dans l'hexagone. Mais selon un récent rapport de l'INSEE, ils ne seraient que 360 000. La première question que nous aurons à nous poser sera donc de savoir où vivent les ultramarins installés dans l'hexagone et quelle est leur origine. Les statistiques de l'INSEE, établies en 2008, ne prenaient en compte que les personnes nées en outre-mer. Notre conception est naturellement plus large. Nous considérons que les statistiques doivent englober les enfants d'ultramarins nés dans l'hexagone mais qui ont déjà vécu ou conservent des attaches dans les régions et les départements d'outre-mer.
Mais, comme vous le savez, la loi nous interdit d'identifier ces personnes dans des données statistiques. Ce que l'on peut identifier clairement, et sur ce point les données statistiques existent à l'INSEE, à l'Institut national d'études démographiques (INED), à l'Observatoire de la diversité, mais également, hélas, à l'Observatoire de la délinquance, c'est le lieu de naissance des personnes. L'INSEE a notamment identifié, dans son rapport annuel, que, sur les 365 000 ultramarins résidant dans l'hexagone, deux tiers des Antillais résident en Ile-de-France, tandis que 72 % des Réunionnais résident en région. Cela nous donne un éclairage particulier, notamment sur la construction et le développement du tissu associatif. L'INSEE a également identifié qu'un Antillais sur six et près de la moitié des Mahorais occupent des logements surpeuplés – ce qui s'explique en partie par le fait qu'ils résident dans des métropoles.
En matière d'accès à l'emploi, il apparaît que le taux d'activité des ultramarins installés dans l'hexagone est équivalent à celui des autres Français. Néanmoins, à niveau de diplôme égal, les ultramarins accèdent à des emplois sous-qualifiés. Est-ce dû à un phénomène d'autocensure, à l'intégration de certains stéréotypes, ou au contraire à une discrimination, directe ou indirecte ? C'est une question à laquelle, avec le Défenseur des droits, nous allons tenter de répondre. Encore faut-il que les personnes victimes de discrimination soient informées de ce que sont ces discriminations et qu'elles en saisissent le Défenseur des droits.
Un certain nombre de données existent mais elles ne sont pas exploitées. Tout le travail de l'Observatoire consistera à les exploiter et à mettre en place des indicateurs qui nous permettront d'évaluer les champs d'activité de la Délégation.
Votre tâche n'est pas simple, madame, mais en tant que parlementaires d'outre-mer nous partageons votre souci d'améliorer la représentation de nos territoires et de veiller à ce que les ultramarins vivant en métropole soient pris en compte dans tous les dispositifs relevant de la Nation.
Nous connaissons les discriminations liées à la domiciliation des comptes bancaires outre-mer et les difficultés que rencontrent les familles ultramarines qui souhaitent louer un logement pour leurs enfants étudiants. Avez-vous des pistes de réflexion sur ces questions ?
Le conseil général de la Réunion a passé un contrat avec le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) pour qu'il réserve un quota de logements aux étudiants réunionnais au niveau de la licence. En outre, le conseil général finance des associations susceptibles d'accompagner les Réunionnais en métropole. Un certain nombre d'actions sont engagées, mais elles sont désordonnées. La Délégation serait-elle en mesure de dresser un état des lieux de toutes les actions engagées par les collectivités d'outre-mer et d'assurer leur coordination ?
Les partenariats que vous évoquez me paraissent très positifs. Il n'en est pas moins nécessaire de mener un travail de fond pour changer les pratiques professionnelles des bailleurs, privés ou sociaux. Il s'agit de les sensibiliser, de leur rappeler les termes de la loi en matière de discrimination et ceux de la Constitution en matière de continuité territoriale. Il convient également de les informer de ce qu'ils encourent en enfreignant la loi et de les engager à signer des partenariats pour mettre fin aux pratiques discriminatoires. Nous envisageons, comme l'avait proposé l'un de mes prédécesseurs, de mettre en place un conventionnement avec la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) en vue de former les personnels des agences sur le sujet de l'égalité des chances et de la lutte contre les discriminations. En cas de manquement à leurs obligations, les agences se verraient retirer la labellisation. Ce partenariat serait, à mes yeux, une première étape vers la diffusion de bonnes pratiques. Je précise que le Défenseur des droits soutient cette démarche.
Je soutiens votre proposition, monsieur le député, de coordonner l'ensemble des actions menées en direction du logement et de l'insertion professionnelle. Le conseil régional de la Guadeloupe a récemment signé une convention avec l'association « Nos quartiers ont des talents », dans le but d'accompagner de jeunes diplômés vers l'emploi, et il a signé une convention avec le CNOUS.
J'attire votre attention, madame, sur un problème dont souffre de plus en plus le territoire de Mayotte. Le dispositif de formation professionnelle n'est pas complet. Comme l'a souligné l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), les étudiants mahorais qui suivent une formation en métropole ont des difficultés à trouver un stage dans les entreprises. Le conseil général a été contraint de mettre en place un dispositif quasi-systématique et de modifier le règlement des bourses pour permettre aux étudiants de suivre des stages à Mayotte. Comment pourrions-nous améliorer cette situation ?
J'entends beaucoup parler de discriminations, pourtant je ne suis pas certaine qu'elles existent encore à l'encontre des ultramarins.
Lorsque j'étais jeune, je me suis vue refuser par une agence de la BRED à Paris un chèque de banque émis par une agence de Guadeloupe. Mais ce temps est révolu et pour moi cette expérience appartient au passé.
En revanche, la disposition qui, en cas de décès d'une personne outre-mer, accordait un billet d'avion à prix réduit à chaque membre de la famille résidant en France semble ne plus exister.
Je considère, pour ma part, que les ultramarins font l'objet de discriminations surtout s'ils ne respectent pas les règles sociales édictées pour tous. Je ne pense pas qu'il soit exact de dire que nos étudiants ne trouvent pas à se loger. Pour cela, comme vous l'avez rappelé, madame, le conseil régional de Guadeloupe a signé une convention. S'ils adoptent un comportement satisfaisant et font preuve de rigueur dans leur travail, les jeunes originaires d'outre-mer s'insèrent parfaitement dans la vie professionnelle. Je pense donc qu'il faut faire la part des choses et qu'il faut établir un état des lieux très précis de toutes les situations.
Pendant longtemps on a demandé aux ultramarins qui vivaient à Paris de ne pas s'inscrire sur les listes électorales. Je les ai incités à le faire, ce qui a permis à une Guadeloupéenne, Mme Pau-Langevin, d'être élue à l'Assemblée nationale.
Il convient en effet d'expliquer aux bailleurs qui nous sommes. Je n'ai eu aucun mal, récemment, à trouver un logement pour mon plus jeune fils. Pour cela, on m'a simplement demandé le montant de mes revenus – je n'ai même pas été obligée de dire que j'étais députée.
Vous souhaitez, madame la Déléguée interministérielle, valoriser l'audace des ultramarins de l'hexagone. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous sommes ravis de faire votre connaissance, madame.
Votre action, vous avez raison, doit s'appuyer sur une observation objective de nos compatriotes ultramarins. Il faut reconnaître que la situation a beaucoup évolué. La précédente génération n'a pas connu l'égalité des chances. Depuis la dernière guerre mondiale, nos compatriotes des départements et territoires d'outre-mer contribuent à faire de la France ce qu'elle est et enrichissent notre société. Cet enrichissement ne va pas sans heurts et peut entraîner des discriminations, c'est pourquoi nous devons rester vigilants.
Notre société sera toujours faite de différences. Il convient de les valoriser. Pour cela, nous ne devons pas rester arc-boutés sur les discriminations et l'inégalité des chances, mais promouvoir tout ce que nous ont apporté les collectivités ultramarines.
Enfin, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le fonctionnement, la méthodologie et les moyens de l'Observatoire de l'outre-mer ?
Mon objectif, qui est également celui de la Délégation, est de porter un regard neuf et positif sur les ultramarins installés dans l'hexagone.
Pourquoi les ultramarins ont-ils de l'audace ? Parce qu'ils créent des entreprises, qu'ils s'engagent dans des parcours universitaires, intègrent des grandes écoles, qu'ils osent se former à des métiers dans lesquels ils deviennent excellents, qu'ils deviennent présidents ou présidentes d'association, parce qu'ils s'engagent en politique. C'est ce regard que je souhaite promouvoir, sans pour autant nier les difficultés et les discriminations auxquelles sont confrontés certains d'entre eux.
S'agissant du cautionnement solidaire et de la garantie bancaire, le Défenseur des droits a rendu en mai une décision visant à faire cesser les pratiques discriminatoires.
Les ultramarins réussissent et disposent souvent de parcours excellents : c'est le message que souhaite délivrer la Délégation, afin de changer le regard que portent sur eux nos compatriotes et afin de sortir des stéréotypes, ainsi que de l'image, trop souvent véhiculée par les médias, d'ultramarins plus occupés à faire la fête qu'à travailler.
Pour évaluer notre progression, nous devons savoir d'où nous partons et mesurer l'impact de nos actions.
L'Observatoire de l'outre-mer est une association dont la création est née du constat que nous ne disposions d'aucune donnée chiffrée concernant les ultramarins qui vivent dans l'hexagone. Il se compose d'une équipe de professionnels qui maîtrisent les métiers liés au recueil des données et à l'analyse statistique. Un comité de pilotage, avec des partenaires comme l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSÉ) ou les ministères du logement et de la justice, sera mis en place avec pour mission d'identifier un certain nombre d'indicateurs, en vue d'orienter notre action vers le logement, l'emploi, la formation, la culture ou la santé. Les travaux de l'Observatoire nous permettront, en outre, d'évaluer l'impact des actions menées.
L'enjeu du troisième axe de l'action de la Délégation que je viens de présenter consiste à mettre en place des mesures pérennes, afin qu'un jour nous n'ayons plus besoin, dans notre pays, d'une Délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer…
S'agissant des difficultés d'accès à l'information, la Délégation a engagé un partenariat avec un certain nombre d'associations, dont « Nos quartiers ont des talents » et AKELIO accompagnement, dont la mission est d'aider les jeunes diplômés à obtenir un stage ou un emploi. Ces associations s'adressent à un public de niveau bac + 4, mais nous entendons étendre cette expérience à un public moins diplômé. Il semble, monsieur Aboubacar, que les jeunes Mahorais qui recherchent un stage dans l'hexagone entrent tout à fait dans le cadre de cette association.
S'agissant de l'accès à l'emploi et à la formation, et s'agissant, plus généralement, du développement économique, nous comptons faciliter, dans les territoires d'outre-mer, la reprise d'entreprises en difficultés par des compatriotes, originaires des mêmes régions que celles où ces entreprises exercent leurs activités.
Je souhaite bonne chance à l'Observatoire, dont la mission me paraît essentielle. Vos propos donnent à penser que de plus en plus d'ultramarins naîtront dans l'hexagone. Cette évolution devrait faire progressivement disparaître les discriminations.
Si vous faites bien votre travail, et je suis certain que c'est ainsi que vous le ferez, et nous vous y aiderons, la discrimination individuelle s'effacera progressivement. Mais nous sommes confrontés à une autre discrimination, que je connais bien en tant qu'élu du nord de l'Auvergne : il s'agit de la désertification. Notre objectif doit être de réduire cette inégalité-là. Les chiffres macroéconomiques montrent des disparités en matière de revenus moyens, de taux de chômage – en particulier celui des jeunes, qui est une véritable bombe à retardement. L'utilisation des talents de nos jeunes ultramarins pour booster l'économie et l'environnement social de territoires qui souffrent de ces disparités peut être un objectif intéressant, encore faut-il que cette politique soit bien comprise et bien conduite. L'exemple de notre collègue Ibrahim Aboubacar est édifiant : les jeunes Mahorais qui viennent se former en France mais ne trouvent pas de stages sont obligés de retourner à Mayotte pour compléter leur formation. Mais, en fait, c'est diplômes en poche qu'ils devraient pouvoir revenir dans le département d'origine de leurs parents, pour le faire profiter de leur expérience. Il faut que nous soyons très attentifs à tout cela.
Pour déterminer le nombre des ultramarins, il suffirait d'utiliser la notion de territoire « au centre des intérêts matériels et moraux » de la personne, qui s'applique pour le traitement des avantages acquis des fonctionnaires ultramarins.
J'apprécie votre souhait de ne pas stigmatiser les ultramarins sous l'angle des discriminations dont ils font l'objet et votre volonté de mettre en avant leurs réussites. Il faut établir des partenariats étroits avec les outre-mer et mettre en oeuvre des dispositifs innovants. En matière de reprise d'activités économiques, des dispositifs existent, en particulier ceux mis en place par le Comité national d'aide et d'action pour les Réunionnais en mobilité (CNARM), mais ils ne s'appliquent pas dans toutes les régions. Je partage votre sentiment sur la nécessité de coordonner l'ensemble des initiatives.
Certaines collectivités de l'hexagone, publiques et privées, ont besoin de pédagogie. Je pense à une collectivité locale qui s'inquiétait d'un dispositif du CNARM qui avait si bien fonctionné que cette commune craignait que des cargos entiers de Réunionnais viennent s'installer sur son territoire pour réclamer des logements sociaux.
Les ultramarins ne doivent plus être considérés comme des personnes marginales au sein de la République. Pour cela, il faut changer la mentalité de nos concitoyens. La République doit intégrer sa dimension ultramarine à tous les niveaux et ne plus raisonner de manière purement hexagonale. Je répète souvent à mes collègues élus du sud ou de l'est de la France, en particulier de Nice et de la Savoie, que la Réunion était française bien avant leurs propres régions. Si tous les Français le savaient, ils regarderaient sans doute différemment leurs compatriotes des territoires ultramarins.
Je tiens simplement à rappeler que les citoyens ultramarins, pour une fois, ont compté dans une élection présidentielle et que les deux assemblées se sont dotées d'une Délégation aux outre-mer. Il s'agit là d'éléments favorables devant permettre – enfin – une meilleure prise en compte des voeux des ressortissants des départements et des collectivités d'outre-mer.
Quel est le nombre d'ultramarins qui viennent dans l'hexagone chercher du travail – et à qui je conseille, d'ailleurs, de rester sur leur territoire, quand ils le peuvent, pour ne pas aller gonfler l'effectif de ceux qui ne trouvent pas d'emploi en métropole ? Et quel est le pourcentage de ceux qui ne réussissent pas à s'insérer ?
Je souhaite que la Délégation interministérielle se penche sur le problème des violences subies par les femmes dans les départements d'outre-mer, départements qui semblent tenus à l'écart des débats qui se déroulent actuellement sur ce thème.
Une enquête nationale « Virage » (Violences et rapports de genre) sera menée en 2014. La ministre des droits des femmes en a exclu les outre-mer, comme ce fut le cas en 2000 pour l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF). Il serait normal que l'Observatoire national des violences engage une enquête approfondie pour recenser le nombre de femmes victimes de violences dans les départements d'outre-mer, dans la mesure où ceux-ci affichent un taux de 15 % d'actes de violences contre 9 % en métropole. Je souhaite donc que les départements d'outre-mer ne soient pas exclus de la prochaine enquête sur les violences exercées envers les femmes, et je vous demande, madame, d'appuyer ma demande auprès de la ministre. Les femmes d'outre-mer ne comprendraient pas une telle exclusion.
Vous avez parfaitement raison. Il ne faudrait pas que resurgissent des pratiques qui avaient beaucoup régressé au cours des dernières années.
Vous constatez, madame la Déléguée interministérielle, que les attentes des parlementaires sont tout aussi ambitieuses que les objectifs du décret.
Je vous remercie et vous propose de renouveler cette expérience, qui vous a permis d'exposer votre méthode et le cap que vous entendez suivre.
Je vous suggère, monsieur le président, de programmer des rencontres régulières avec Mme la Déléguée interministérielle.
Ce serait souhaitable, mais le programme de travail de l'Assemblée est très chargé et nos collègues, qui doivent faire face à différentes réunions se tenant au même moment, choisissent celles qui se rapportent à des sujets qui les intéressent directement ou qui sont d'actualité, au détriment des réunions de la Délégation. Quoi qu'il en soit, j'espère vous rencontrer, dans le courant de l'année prochaine, pour connaître l'état d'avancement de vos travaux.
Je vous remercie, à mon tour, pour vos questions qui me permettront de compléter ma feuille de route. Je reviendrai avec grand plaisir vous présenter l'état d'avancement de nos travaux lorsque l'Observatoire aura mis en place un certain nombre d'éléments chiffrés.
La séance est levée à 18 heures 15.