Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi organique tendant à faciliter la création d’autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie. Cette modification de la loi organique du 19 mars 1999 devrait doter la Nouvelle-Calédonie d’un cadre juridique équilibré, de nature à permettre l’installation d’autorités administratives indépendantes sur son territoire.
La mise en place d’une autorité de la concurrence en Nouvelle-Calédonie est un vieux dossier. Cette collectivité détient en effet de larges compétences en matière de régulation économique. À ce titre, une réflexion a été engagée, depuis plusieurs années, sur la levée des obstacles à la libre concurrence car, comme dans d’autres territoires ultramarins, les prix des biens de consommation courante demeurent élevés.
Plusieurs raisons expliquent cet état de fait. Il y a bien sûr les difficultés touchant à l’insularité et à l’éloignement des circuits de distribution, mais il y a aussi l’excessive concentration de l’économie calédonienne. Ce constat est largement partagé au niveau local : dans certains secteurs, le nombre limité d’opérateurs révèle l’existence d’obstacles à la concurrence, lesquels maintiennent les prix à un niveau élevé.
En 2013, le législateur organique a donc modifié la loi statutaire de 1999 pour donner à la Nouvelle-Calédonie la possibilité de créer des autorités administratives indépendantes.
Exploitant cette nouvelle possibilité, la collectivité a créé, par la loi du pays du 24 avril 2014, une autorité de la concurrence. Selon les termes de cette loi du pays, l’autorité nouvellement établie doit veiller « au libre jeu de la concurrence en Nouvelle-Calédonie et au fonctionnement concurrentiel des marchés en Nouvelle-Calédonie ». Cette démarche convient au Gouvernement, puisqu’elle rejoint nos préoccupations constantes de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.
Composée d’un président et de trois autres membres nommés pour une durée de cinq ans, cette autorité locale de la concurrence doit exercer en toute indépendance les prérogatives dévolues au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Des précautions ont été prises pour garantir l’impartialité de ses décisions. Une règle de déport a été introduite et un dispositif imaginé pour prévenir les conflits d’intérêts.
Toutefois, comme le disait le rapporteur, cette autorité n’a toujours pas commencé ses travaux. En effet, pour désigner les membres qui la composent, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se heurte à l’excessive rigueur du régime des incompatibilités. Si la nomination du président de l’autorité de la concurrence ne pose pas de difficultés sérieuses, puisqu’il exerce son office à temps plein, la nomination des autres membres du collège est plus délicate, dans la mesure où ceux-ci n’exercent leurs fonctions qu’en parallèle de leur activité principale. Dans la pratique, il s’est avéré difficile d’identifier des personnalités qualifiées dont l’activité principale ne tombe pas sous le coup des incompatibilités voulues par le législateur organique.
Le besoin s’est donc fait sentir de pondérer les garde-fous mis en place en 2013 en aidant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à pourvoir les postes de cette nouvelle autorité de la concurrence.
Le constat étant posé, nous avons cherché le vecteur législatif approprié. De prime abord, la loi relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté pouvait sembler s’y prêter. Toutefois, le Gouvernement a préféré ne pas accepter d’amendements parlementaires allant dans ce sens, considérant que ce véhicule législatif n’était pas approprié du fait de son objet très particulier. Nous avons donc convenu qu’un texte dédié serait plus opportun pour lever la difficulté technique qui nous occupe aujourd’hui. J’avais pris cet engagement devant chacune des assemblées parlementaires.
Chacun a beaucoup travaillé. Deux propositions de loi organique ont été déposées, l’une au Sénat par Mme Tasca au mois de juin, l’autre à l’Assemblée nationale par M. Gomes en septembre. La semaine dernière, le Sénat a adopté la proposition de loi organique déposée par Mme la sénatrice Tasca. Aujourd’hui, nous examinons celle de M. Gomes. Je me félicite du travail interparlementaire entre députés et sénateurs, qui a permis de faire converger les points de vue des deux chambres : aujourd’hui, ces deux textes ont une rédaction identique. J’espère que nous trouverons la solution pour réunir ces deux processus.
Sur le fond, la proposition de loi organique dont nous discutons aujourd’hui propose de modifier l’article 27-1 de la loi organique du 19 mars 1999 pour limiter les incompatibilités applicables aux membres d’une autorité administrative indépendante aux seuls emplois publics exercés sur ce territoire. En d’autres termes, un fonctionnaire d’État tel qu’un universitaire ou un magistrat pourra exercer les fonctions de membre de l’autorité administrative indépendante. Conformément aux observations formulées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, un régime plus rigoureux sera mis en place pour le président de l’autorité de la concurrence.
Le texte propose également l’instauration d’un délai de carence appelé à faire obstacle à la désignation d’une personnalité qualifiée « si, au cours des trois années précédant sa nomination, [elle] a exercé un mandat électif ou détenu des intérêts considérés comme incompatibles » avec ces fonctions. Cette mesure, également souhaitée par le congrès, doit permettre de renforcer les garanties d’impartialité des autorités administratives indépendantes.
La proposition qui vous est soumise aujourd’hui trouve un équilibre réaliste entre l’obligation d’impartialité et la nécessité de désigner des personnalités qualifiées à l’expérience reconnue.
L’intérêt de la Nouvelle-Calédonie et la lutte contre la vie chère auront donc été le fil conducteur de l’approche consensuelle qui a présidé à la rédaction de ces textes. Je ne peux que m’en féliciter.