Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

…on n'est pas près de la voir arriver. Les entreprises ont besoin d'un réel changement en matière de compétitivité. Elles ont besoin de souplesse, de stabilité fiscale et de confiance, mais aussi de systèmes clairs, lisibles et facilement utilisables. Vous faites aujourd'hui l'inverse.

Concernant le financement, monsieur le ministre, vous avez été relativement imprécis. Pouvez-vous dire à la représentation nationale comment seront financés ces contrats ? Selon vos déclarations les plus récentes, il semble que vous vouliez les subventionner au moyen du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE. Avant même l'entrée en vigueur de ce crédit d'impôt, vous commenceriez déjà à l'amputer ! Prévoyez-vous donc de financer toutes vos futures annonces d'aide à la création d'emploi par ce biais, ou pouvez-vous nous rassurer en annonçant votre volonté de sanctuariser les 20 milliards destinés aux entreprises ?

L'Observatoire français des conjonctures économiques, dont nous ne pouvons pas mettre en doute la neutralité et l'objectivité, prévoit la création de 21 000 emplois en 2013, alors que, pour la même année, l'UNEDIC annonce une augmentation de 89 600 du nombre des chômeurs indemnisés. Je dois vous avouer, monsieur le ministre, que je reste dubitatif devant votre dispositif, surtout quand on le compare avec ce qui est fait pour l'apprentissage. En effet, le budget de l'État consacré à l'apprentissage et à la formation professionnelle s'élève environ à 800 millions d'euros, avec davantage de résultats. Consolidons les deux dispositifs qui répondent aux besoins des jeunes et des seniors : huit jeunes sur dix formés en apprentissage trouvent un travail rapidement ; nous pouvons aussi, grâce à la formation professionnelle, maintenir dans l'emploi les salariés plus âgés. À cet égard, votre intervention de ce soir a apporté quelques nouveaux éléments de réponse à mes questions, et je souhaite que vous les précisiez.

Je note que votre projet de loi exclut de facto les jeunes de moins de 26 ans entrés en alternance cette année. Un employeur pourrait se retrouver dans une situation délicate, à devoir choisir entre pérenniser un jeune formé dans l'entreprise, mais qui ne serait plus éligible au contrat de génération, et recruter un autre jeune qui, lui, serait éligible. Le jeune formé serait ainsi dans l'obligation de trouver un nouvel employeur. Je pense que nous pouvons nous accorder sur le fait que cette situation serait dommageable, tant pour le jeune que pour l'entreprise. Il serait nécessaire à titre transitoire, pour la première année d'application, qu'un jeune de plus de 26 ans qui a été embauché dans l'entreprise sous une autre forme de contrat avant ses 26 ans, et ce entre août 2012 et la promulgation de la loi, puisse bénéficier du contrat de génération. J'avais déposé un amendement en ce sens. Il a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Pourtant il n'engendrait ni dépenses supplémentaires ni de moindres recettes. Je souhaite, dans l'intérêt de ces jeunes, que le Gouvernement le reprenne.

S'agissant de la taille des entreprises et des seuils, le projet de loi fait une distinction entre les entreprises de moins de 50 salariés, celles de 50 à 299 salariés, et celles de 300 salariés et plus. Pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur ce choix alors que le seuil européen est de 250 salariés, que le décret de 2008 sur lequel se base l'INSEE est fondé sur le même chiffre, tout comme l'obligation d'emploi des alternants. Ce nouveau seuil sera un exemple de l'instabilité dans laquelle se trouvent les entreprises, elles qui ont cruellement besoin d'une uniformisation législative.

Concernant les négociations d'accords collectifs et la mise en place d'un plan d'action, l'incertitude est grande. Les entreprises de 50 salariés et plus auront l'obligation de négocier un accord. En cas d'échec de la négociation et pour les seules entreprises pourvues de délégués syndicaux, un procès-verbal de désaccord sera signé entre les parties afin d'ouvrir la possibilité à l'entreprise de définir un plan d'action de façon unilatérale. Ma question concerne surtout les entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Selon le rapport de notre collègue Sirugue, « dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, l'employeur pourrait recourir à la mise en place d'un plan d'action sans avoir cherché à engager préalablement une négociation sur la thématique de la gestion active des âges ».

Je m'interroge : d'un côté, le rapporteur nous explique que les entreprises dépourvues de délégués syndicaux n'auront pas l'obligation de négocier, et, de l'autre, le projet de loi affirme le contraire puisque toute entreprise de 50 salariés et plus en aura l'obligation. Qu'en est-il ? Les entreprises de 50 salariés et plus n'ayant pas de délégués devront-elles négocier ou ne sera-ce qu'une faculté, ce qui est très différent ? En second lieu, que se passera-t-il si les délégués syndicaux refusent de signer le procès-verbal de désaccord ? L'employeur devra-t-il alors payer les pénalités ?

Un amendement à l'article 1er visant à retirer l'aide versée en faveur du contrat de génération dans le cas où l'un des bénéficiaires de ce contrat est licencié ou fait l'objet d'une rupture conventionnelle a été présenté en commission. Cet amendement de bon sens a été adopté et devient l'alinéa 57 du texte. Or l'alinéa 58 prévoit qu'en cas de licenciement d'un salarié âgé de 57 ans, ou de 55 ans s'il est reconnu travailleur handicapé, le versement de l'aide au titre d'un contrat de génération, dont il n'est pourtant pas bénéficiaire, s'arrête. Cela aura comme effet pervers de rendre les postulants de cette classe d'âge beaucoup moins attractif à l'embauche. Un employeur hésitera dorénavant à embaucher ces salariés car il sera dans l'impossibilité de s'en séparer en cas de difficultés. Ce n'est pas le décret prévu à l'alinéa 59 qui rassurera les entreprises.

Enfin, à l'article 3, le texte abroge les accords seniors, notamment les sanctions. Permettez-moi à nouveau d'être dubitatif quant au but poursuivi. Alors que les sanctions de l'accord senior s'appliquaient à toutes les entreprises de 50 salariés et plus, vous relevez ce seuil aux entreprises de 300 salariés et plus dans le cadre des contrats de génération. Ce simple exemple prouve le manque de clarté de votre politique : d'un côté, vous voulez sanctionner les entreprises qui ne respectent pas les objectifs d'emploi pour les seniors, et, de l'autre, vous supprimez les sanctions pour les entreprises de 50 à 299 salariés. Mais ne vous méprenez pas, monsieur le ministre, je suis favorable à ce changement car nos entreprises croulent sous les politiques coercitives, dont vous rajoutez par ailleurs une couche avec le projet actuel. Cet article met simplement en lumière le manque de cohérence de la politique du Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous partageons votre volonté de répondre efficacement à la situation du chômage, notamment des jeunes et des seniors, mais nous ne pouvons pas nous rallier au projet présenté. Il sera non seulement excessif, s'il fonctionne, pour nos dépenses publiques, mais également incomplet sur le plan technique et, pour finir, il n'atteindra pas, hélas, les résultats escomptés. La situation dans laquelle nous nous trouvons ne peut plus se satisfaire de petites mesures. Nous vous appelons à engager sans tarder les réformes courageuses nécessaires. Dans un ouvrage à paraître demain, Michel Rocard écrit : « Croire que la croissance économique va revenir est une paresse intellectuelle. »

C'est pour toutes ces raisons que le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

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