Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mise à l'écart du marché du travail des jeunes et des seniors constitue, comme vous le savez, un problème majeur. Ce n'est un secret pour personne : les jeunes de moins de 25 ans et les seniors de plus de 50 ans sont les principales victimes de la crise que nous traversons. Pour les premiers, l'emploi précaire est devenu la norme. Pour les seconds, le risque, c'est le chômage de longue durée.
Ainsi, depuis 2008, le taux de chômage des jeunes actifs a augmenté de sept points. 62 % des jeunes commencent leur vie active par une période de chômage et seulement 31 % des premières embauches s'effectuent en CDI. Près d'un quart des jeunes âgés de 18 à 25 ans vit sous le seuil de pauvreté. Cette précarité empêche notre jeunesse de se projeter dans un avenir qui lui parait décidément bien incertain. Pour les seniors, l'enjeu consiste désormais à éviter le licenciement. Rappelons en effet que près de 685 000 personnes de plus de 50 ans étaient inscrites fin octobre à Pôle emploi, soit une augmentation de 18 % en un an.
Le projet de loi que nous allons examiner s'appuie sur ce triste constat. Pour y remédier, vous décidez de faire appel à l'État en mettant en place des incitations financières pour les entreprises de moins de 300 salariés et des sanctions financières pour les autres. La carotte et le bâton ! Toutefois, votre projet sera inefficace voire néfaste, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, ce projet de loi pénalisera lourdement les entreprises qui connaissent des difficultés conjoncturelles. Ces difficultés, comme vous le savez, sont indépendantes de la volonté des entreprises. En sanctionnant les entreprises en difficulté par des pénalités financières supplémentaires, vous risquez d'aggraver leur situation et donc celle des salariés. Le résultat obtenu serait alors l'inverse de celui que vous recherchez.
Ensuite, le financement de votre projet de loi reste incertain. Dans l'attente d'un nouveau projet de loi de finances rectificative, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que Pôle emploi financerait ces nouveaux contrats à hauteur de 180 millions d'euros. Pourtant, cette structure affichait déjà un déficit de près de 125 millions d'euros à la fin de l'année 2011. Cette solution est donc déraisonnable : Pôle emploi ne semble pas en mesure d'avancer un tel montant. Vous prévoyez ensuite de financer les contrats dits « de génération » par le crédit d'impôt compétitivité emploi, sans connaître le coût global de ces contrats, qui reste donc incertain. Rappelons en effet que, dans son projet présidentiel, le candidat socialiste évoquait un montant compris entre 2 et 2,5 milliards d'euros. Vous annoncez aujourd'hui un montant d'environ 1 milliard d'euros. En réalité, il faudra attendre 2015 pour savoir précisément combien de contrats de génération ont été conclus et donc combien ils vont coûter !
Enfin, vous partez du postulat que le binôme jeune-senior est nécessairement une garantie de réussite. Certes, la transmission des savoir-faire est souhaitable et même indispensable à la bonne insertion du jeune salarié au sein de l'entreprise. Toutefois, les salariés les plus âgés, qui cumulent les responsabilités, ont parfois peu de temps à consacrer à la formation des salariés les plus jeunes. Par ailleurs, le tutorat en entreprise ne devrait pas être une obligation, mais constituer, comme l'a rappelé le directeur de la formation du groupe Veolia environnement, « une opportunité de performance ». En effet, l'employeur ne devrait pas faire appel à un jeune par contrainte mais parce qu'il sait qu'il correspond au profil recherché par l'entreprise.
La priorité devrait donc consister à mieux adapter la formation des jeunes aux besoins de l'entreprise. Depuis plus de trente ans, nous payons le prix de l'effondrement du niveau scolaire. Selon une étude récente de l'INSEE, deux millions et demi de personnes sont aujourd'hui illettrées. Près de la moitié des élèves sortent de l'école primaire sans savoir ni lire ni écrire correctement. Commençons par nous attaquer à ce problème si l'on veut que les jeunes de demain puissent s'intégrer sur le marché du travail !
D'autre part, il faut revaloriser le travail manuel. En 2011, la loi sur le développement de l'alternance a prouvé son efficacité. Le nombre de contrats en alternance avait alors augmenté de plus de 7 % en un an. Ces formations sont courtes, adaptées aux besoins des entreprises et permettent d'apprendre un vrai métier. D'ailleurs, on assiste cette année à une augmentation du nombre de jeunes désireux de suivre une formation en apprentissage. L'investissement dans l'apprentissage, loin d'être une dépense secondaire, permettrait de répondre avec efficacité aux inquiétudes des jeunes actifs. Cet investissement devrait donc être pour vous une priorité.
En conclusion, votre projet, dont le financement reste incertain, pénalisera les entreprises sans apporter de réponse concrète à l'objectif que vous vous êtes fixé, c'est-à-dire réduire le chômage des jeunes et des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)