Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 21h30
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui peut paraître au premier abord une idée innovante, car il tente de résoudre deux problèmes importants pour la société française, à savoir le chômage des jeunes et le faible taux d'emploi des seniors. Aujourd'hui, 30 % des moins de 25 ans et 42 % des plus de 55 ans sont sans emploi.

Nous sommes nombreux à être confrontés au quotidien à des situations où des personnes de plus de 50 ans sont licenciées de leurs entreprises sans aucune perspective de retrouver du travail, mais également à des situations où des jeunes, souvent sans formation, ne parviennent pas à intégrer le monde du travail. Dans les deux cas, c'est un drame pour ceux qui le vivent et une perte pour les entreprises de notre pays, qui se privent à la fois de la jeunesse et de l'expérience. Nous ne pouvons donc que prêter une attention particulière à votre souhait de créer une relation entre le senior et le jeune, entre celui qui bénéficie des acquis d'une longue expérience professionnelle et celui qui n'en a pas, entre celui qui mérite que sa vie professionnelle soit valorisée et celui qui ne demande qu'à apprendre.

Néanmoins, la présentation qui a été faite en commission nous a démontré qu'il n'existe aucun système de tutorat entre le senior et le jeune. Je le regrette, car il existait là une véritable opportunité de transmission de savoir, tout en valorisant l'expérience acquise par celui qui se prépare à prendre sa retraite – comme le souhaitait le Président de la République dans son discours de voeux aux Français lorsqu'il affirmait que « les contrats de génération permettront de lier l'expérience du senior avec l'espérance du jeune ».

Je tiens également à rappeler le refus systématique et permanent de la majorité de prendre en compte les amendements de l'opposition. À une exception près, peut-être, car à la suite de nos nombreuses observations et dépôts d'amendements sur la formation des jeunes en contrat de génération et sur l'absence totale dans ce texte de dispositions visant à leur assurer de meilleures possibilités de s'adapter à leurs nouveaux métiers, vous avez déposé, monsieur le rapporteur, un amendement prévoyant que les jeunes embauchés en contrat de génération bénéficient bien du plan de formation de l'entreprise. Cela ne va cependant pas assez loin, car le fait d'intégrer le plan de formation de l'entreprise ne signifie nullement que le jeune qui vient de débuter y aura accès. À mon avis, il aurait fallu offrir au jeune bénéficiaire d'un contrat de génération une véritable formation lui permettant de s'adapter au poste qui lui est offert.

Outre la question du tutorat et de la formation, le projet me paraît soulever de nombreuses autres interrogations, notamment quant à son financement. Votre majorité a définitivement, avec le financement des réformes qu'elle veut mettre en oeuvre, un problème qui nuit gravement à sa crédibilité. Ainsi des lois de finances qui visent à réduire le déficit budgétaire : le Gouvernement se montre toujours plus précis sur les augmentations d'impôts que sur la diminution des dépenses. Ainsi du contrat de génération, qui devrait coûter environ 150 millions d'euros en 2013 et près d'un milliard par an quand le dispositif aura atteint son régime de croisière, en 2016.

Où trouver ce financement ? Dans l'enveloppe globale du pacte de compétitivité, puisqu'il s'agit d'une mesure de compétitivité, a indiqué M. le ministre du travail. Autrement dit, cela viendra grever une partie des 20 milliards d'euros du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Le Gouvernement affirme que « c'est ce qui était prévu depuis le début », ce qu'il était visiblement le seul à avoir compris, puisque le dossier de presse remis par Matignon lors de la présentation du pacte précisait bien que les 20 milliards d'euros correspondaient au coût du seul crédit d'impôt.

Le second problème majeur de ce texte – un problème encore plus profond – est, de mon point de vue, l'absence de prise en compte de la capacité de nos entreprises à créer des emplois dans une économie en crise. Je m'inquiète en effet de l'ambiance générale de la majorité envers nos entreprises, de l'éternelle méfiance, pour ne pas dire de la suspicion de votre gouvernement à l'encontre du monde de l'entreprise.

Les entreprises sont les principales créatrices d'emplois et la source de croissance pour notre pays. Si l'on additionne les mesures du projet de loi de finances rectificative de juillet, du projet de loi de finances pour 2013 et du projet de loi de finances rectificative de décembre, nous atteignons des hausses de prélèvements sur les entreprises de près de 17 milliards d'euros. En augmentant systématiquement le coût du travail, le Gouvernement provoque des chocs qui cassent la confiance des entreprises et impactent la croissance. Ainsi, les entreprises risquent une pénalité si elles ne négocient pas, avant le 30 septembre prochain, des accords remplaçant les accords seniors en vigueur depuis 2010. La politique du bâton n'est pas la bonne solution, et à une politique de répression contre les entreprises par le biais de pénalités je préférerais une politique de confiance en leur capacité à se développer et à créer les emplois dont notre économie a besoin.

Les entreprises n'embaucheront pas parce qu'il existe un nouveau dispositif, elles embaucheront si elles ont des commandes. La politique de lutte contre le chômage nécessite une vision globale : la sécurisation des parcours, la formation dynamique tout au long de la vie, le développement de l'alternance et de l'apprentissage, que je souhaite voir renforcer.

Messieurs les ministres, mon vote sur ce texte dépendra, comme pour ma collègue d'Ille-et-Vilaine, de l'évolution de nos débats, car je pense que ce texte présente un certain nombre d'erreurs et je ne peux me satisfaire d'une augmentation de 30 000 chômeurs par mois. Nous ne devons pas perdre de vue que notre rôle principal est de nous unir pour remettre sur le chemin du travail ceux qui en sont durablement exclus. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

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