Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du 15 janvier 2013 à 21h30
Contrat de génération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi part d'une bonne intention, ainsi que cela a été rappelé à diverses reprises à la tribune : construire une passerelle entre un jeune entrant dans l'entreprise et un salarié sur le point de la quitter. Il s'agit d'une idée audacieuse qui mériterait pour sa mise en oeuvre un dispositif tout aussi audacieux.

Sur le sujet de l'emploi, le dogmatisme ne peut plus être de mise, tant la situation de celles et ceux qui sont privés d'emploi est insupportable.

Les jeunes et les seniors sont depuis trop longtemps exclus du marché du travail pour que nous ne recherchions pas des dispositifs innovants et bien conçus.

Le lien générationnel est certes important, mais il a toujours existé dans l'entreprise. L'entreprise est un vivier où chacun a sa place et où les passages de témoin sont heureusement légion.

La transmission des savoirs entre les travailleurs expérimentés et ceux qui entrent dans la vie active est un élément important et structurant.

Il faut promouvoir un accompagnement, mais celui que prévoit le dispositif proposé semble davantage administratif, donc lourd, ce qui aura probablement un effet négatif contraire à celui que vous escomptez.

Il convient de regretter que le tutorat pragmatique sur le terrain n'ait pas été retenu, l'engagement n° 33 du candidat Hollande ne faisant que rhabiller le dispositif du tutorat mis en place par la précédente majorité en 2007.

Toutefois, l'audace que je mentionnais en introduction s'est mue en menace s'agissant du coeur même du dispositif des contrats de génération.

Le rapporteur a eu beau s'évertuer à espérer corriger l'effet d'aubaine en retenant l'absence de licenciement économique sur l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle dans laquelle les embauches sont envisagées, les contrôles en la matière n'en demeureront pas moins concrètement difficiles.

Trois raisons de fond me paraissent justifier la réserve de notre vote.

La première raison tient au financement du dispositif, qui est pour le moins hasardeux et qui repose sur l'enveloppe de 20 milliards d'euros, puits de financement dévolu initialement au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.

La seconde raison concerne la distinction selon la taille des entreprises, qui nous paraît pernicieuse : les entreprises de moins de 300 salariés ne seront qu'incitées à signer des contrats de génération, alors que les autres y seront contraintes. Cette disparité crée une mosaïque de situations, ce qui n'est jamais souhaitable.

La troisième raison est la substitution probable du contrat de génération aux mécanismes de l'apprentissage et de l'alternance, qui n'ont jamais été évoqués avec force et conviction par le Gouvernement au cours des derniers mois.

Or ces dispositifs ont permis jusqu'à présent aux jeunes d'avoir un emploi : un apprenti, c'est un salarié dans 80 % des cas, comme certains l'ont rappelé à cette tribune. Cette formation d'apprentissage et d'alternance encadrée convient à la fois à un certain nombre de jeunes, qui ne souhaitent pas suivre un enseignement général, et aux entreprises recherchant des personnes à former en interne.

Or, monsieur le ministre, au lieu de voir promus l'apprentissage et l'alternance, nous assistons à l'abandon complet de ces outils, ce qui crée une source supplémentaire d'inquiétudes.

Certes, M. le ministre Thierry Repentin nous a indiqué il y a quelques instants que des propositions seraient avancées d'ici à quelques mois sur l'apprentissage ; il est temps que celles-ci soient formulées.

Du reste, Mme Martine Aubry a elle-même littéralement étrillé le contrat de génération en raison des effets d'aubaine qu'il induira : selon l'OCDE, 80 % de ces contrats risquent de provoquer de tels effets.

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