Quand on regarde de près ce qui se passe, même si l’enveloppe est tenue, il y a légitimement de quoi être inquiet pour l’avenir.
D’abord, la rapporteure générale l’a souligné, nous faisons à nouveau des économies extraordinaires sur les intérêts de la dette, 2 milliards d’euros, comme l’an dernier, comme il y a deux ans, et il y a une sorte d’accoutumance budgétaire, mais nous savons tous que cela ne peut pas durer. Il y a également un événement exceptionnel, c’est l’économie de plus d’un milliard d’euros sur le prélèvement européen. Cela aussi risque de ne pas se reproduire. Si nous n’avions pas eu ces 3 milliards, nous n’aurions pas respecté le solde budgétaire de 74,4 milliards prévu en loi de finances initiale, vous devez le reconnaître.
Le second sujet d’inquiétude quand on regarde de plus près, c’est la nature des annulations de crédits. Je remercie la rapporteure générale, qui s’est longuement attardée sur ce point, je vais le faire à mon tour.
Les annulations de crédits auront été cette année de 3 milliards d’euros, environ 2 milliards sur les trois décrets d’avances, 0,7 milliard sur le décret d’annulation de juin et 300 millions sur ce collectif.
Je mets à part la question des OPEX. C’est une décision délibérée, qui a fait, je crois, l’unanimité. Il a été décidé de n’inscrire que 450 millions d’euros et de trouver le complément, 1,2 milliard de dépenses probables, dans un cadre interministériel. Dont acte.
Pour le reste, ce qui me frappe, et je souhaiterais que vous nous donniez des réponses sur ces points, c’est que ce sont avant tout des dépenses pilotables qui sont annulées, près de 400 millions pour l’écologie et les transports, alors que ce sont des dépenses d’investissement, près de 200 millions pour la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Si ces crédits sont annulés, c’est parce qu’il faut compenser des dérapages sur les transferts sociaux, l’aide médicale d’État, l’allocation adulte handicapé, les allocations logement, le RSA pour la partie activité, et, ce qui est très inquiétant c’est que, pour financer ces postes, il y a également des annulations de crédits sur les missions régaliennes de l’État, la justice, plus de 100 millions, la sécurité.
Ce n’est pas pour la première fois que nous assistons à ce type d’annulation. Cela dure depuis des années et des années, et cela a commencé bien avant 2012, je le reconnais bien volontiers. Petit à petit, le financement des missions régaliennes de l’État passe après des choix budgétaires subis.
Une réponse a été apportée en 2010 lors de la crise pour sauvegarder l’investissement de l’État, avec le programme d’investissement d’avenir, doté de 35 milliards. J’observe d’ailleurs qu’il a survécu à l’alternance puisqu’il a été complété en 2013 par 12 milliards, ce qui était une bonne chose.
Ce qui est frappant, c’est que les crédits d’investissement de l’État sont en diminution depuis six ou sept ans, même si l’on intègre les crédits du PIA, et qu’ils ont été divisés pratiquement par deux en vingt ou trente ans.
Tout cela est très préoccupant au moment où chacun d’entre nous reconnaît que le financement des missions régaliennes doit être la priorité absolue. Il y a trente ans, les crédits consacrés à la justice, à la sécurité et à la défense représentaient en points de PIB le double de ce qu’ils représentent aujourd’hui.
Nous serons donc confrontés au défi suivant. Notre dépense publique, plus de 1 200 milliards d’euros, 57 % du PIB, ne doit plus augmenter. Il faudra redéployer vers ces missions régaliennes une partie des 670 milliards de transferts sociaux, et je pose quelques questions, que la Cour des comptes pose inlassablement.
Nous devrons nous interroger dans les années qui viennent sur l’efficacité d’un certain nombre de transferts. Ce sont des questions qui ne relèvent pas de la pensée conforme mais une chose me frappe : alors que l’on a engagé 1 milliard d’euros de plus que ce qui était prévu pour les contrats aidés en 2015, avec un peu plus de 100 000 contrats de plus,…