Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 2 décembre 2015 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Axelle Lemaire, secrétaire d'état chargée du numérique :

Le débat n'est pas tranché entre les économistes et les sociologues sur la question de savoir si le numérique est destructeur ou créateur d'emplois. Au cours des dernières décennies, la robotisation a détruit des emplois lorsqu'elle n'était pas accompagnée. Cela oblige à repenser en permanence la formation professionnelle continue. Aujourd'hui, face à l'émergence des nouvelles technologies, la nouveauté est que le rythme des évolutions nécessaires s'accélère de plus en plus, ce qui impose aux pouvoirs publics de mener des politiques en faveur de la formation professionnelle de plus en plus proactives. Dans ce contexte, le modèle d'avenir sera celui d'une formation initiale généraliste solide couplée à une formation continue visant à acquérir de nouvelles compétences liées aux technologies, afin de permettre aux travailleurs de s'adapter aux changements permanents.

Les start-up permettent de souligner un paradoxe. Les jeunes pousses sont des structures souples, avec une hiérarchie légère, et animées par l'urgence de croître, de faire face à une concurrence acharnée, notamment sur les marchés internationaux, de recruter rapidement, ce qui leur évite de sombrer dans des schémas d'organisation du travail classiques, produisant des discriminations à l'égard des femmes. On pourrait donc penser que le numérique est une réelle opportunité pour les femmes, notamment lorsqu'elles créent leur entreprise. C'est ce que l'on constate, non parmi les chefs d'entreprise, mais parmi les salariés de certaines start-up. Malheureusement, les entreprises en forte croissance retombent très vite dans des schémas d'organisation qui voient se réinstaller le plafond de verre. Les chiffres sont à cet égard très préoccupants, puisque seules 10 % de femmes sont créatrices d'entreprises innovantes, alors qu'elles sont 30 % à travailler dans le numérique. On est donc très loin de l'égalité femmes-hommes.

Les causes de cette sous-représentation féminine sont largement culturelles. En effet, si 50 % des bachelières scientifiques sont des femmes, elles sont ensuite beaucoup moins nombreuses à choisir les matières scientifiques à l'université ou en école d'ingénieur, et elles ne représentent que 20 % des nouveaux diplômés à la sortie des écoles d'ingénieur. La perception des jeunes filles sur les métiers technologiques, en particulier du numérique – mais cela est vrai également pour l'électronique et l'aéronautique, par exemple –, est généralement mauvaise. Cela est d'autant plus paradoxal que ces métiers offrent des perspectives de carrière intéressantes et des salaires très attractifs, que les secteurs concernés sont actuellement en tension avec des offres d'embauche supérieures aux demandes d'emploi, et que les métiers du numérique cessent d'être cantonnés au strict champ scientifique pour s'élargir à tous les secteurs d'activité, en particulier le marketing, le design et le graphisme.

Ce double paradoxe est une réalité dans l'ensemble des pays occidentaux. Si les États-Unis s'intéressent à la question du genre dans le numérique, c'est aussi parce que la main-d'oeuvre féminine se fait trop rare, notamment dans la Silicon Valley. Les femmes dirigeantes de grandes entreprises du Net autour de San Francisco font figure d'exception, puisqu'elles ne sont que deux ou trois – je pense à Mme Sheryl Sandberg. En France, quelques start-up créées par des femmes ont réussi, je pense à Leetchi.com, Mylittleparis.com et Videdressing.com, mais elles sont elles aussi minoritaires.

Avec Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des droits des femmes, nous allons lancer un plan stratégique « mixité numérique », qui sera dévoilé au mois d'avril prochain avec une triple ambition : favoriser la mixité du secteur, notamment en travaillant sur les représentations sexuées des métiers auprès du grand public, des jeunes en phase d'orientation scolaire et des publics en reconversion ; sensibiliser les entreprises sur l'intérêt économique de promouvoir la mixité en interne ; mobiliser les acteurs publics et associatifs au niveau local pour les aider à se fédérer.

Les associations en France qui promeuvent auprès des jeunes filles et des femmes les formations et les métiers liés au numérique, et aux sciences et technologies de manière générale, sont très nombreuses : Girlz in Web, Girls in Tech, Femmes du numérique, Duchess France, WI-Filles, EMA, Elles bougent, Cyberelles, Social Builder, et j'en oublie certainement. L'association WI-Filles notamment organise des formations auprès des collégiennes et des lycéennes de Seine-Saint-Denis, dont certaines sont sorties ambassadrices, avec des résultats très probants puisque 75 % de ces jeunes filles ont décidé de changer de cursus après avoir modifié leur perception sur les métiers du numérique à la suite de ces formations.

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