Intervention de Isabelle Attard

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 15h00
Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi porte sur la gratuité et les modalités de la réutilisation des informations du secteur public ; il parle en particulier de l’open data, une question que nous suivons attentivement. Un amendement écologiste important a été adopté dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et le projet de loi sur le numérique viendra en discussion dans l’hémicycle en janvier.

Nous avons regretté que le texte soit centré sur la question des redevances et qu’il ne parle que très peu de la libération des données, sujet renvoyé au projet de loi sur le numérique. Nous regrettons cette dissociation en deux projets de loi. Le travail parlementaire en a été complexifié et les débats sur les enjeux de l’open data auraient permis de sortir de l’aspect purement technique dans lequel nous enferme la simple transposition d’une directive européenne.

L’open data est un défi pour notre société, et plus encore pour nos administrations publiques. La France se situe au troisième rang mondial pour l’ouverture et la réutilisation de ses données publiques, selon une étude publiée par une association internationale spécialisée. La législation française satisfait déjà, sur la plupart des points, la directive de l’Union européenne du 26 juin 2013, qui encadre la réutilisation des informations, ainsi que la mise en place de redevances ou la conclusion d’accords d’exclusivité. Néanmoins, plutôt que d’engager l’abandon progressif des redevances, comme le permettait la directive, le Gouvernement a choisi de les entériner. En compensation, le projet affirme bien un principe de gratuité, mais il lui associe plusieurs exceptions. Il s’agit d’une barrière très lourde pour l’accès à ces informations d’intérêt général, alors que ces redevances ne représentent qu’une part très faible des recettes des services publics concernés – elle est de 3 % pour l’Institut national de la statistique et des études économiques et de 5 % pour l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’IGN.

Le projet de loi prévoit également des durées de redevances supérieures à dix ans dans plusieurs cas. Or le rapport Trojette de novembre 2013 sur les exceptions au principe de gratuité des données publiques montre que les redevances handicapent le bon fonctionnement des services publics producteurs de données. Nous regrettons que le Parlement n’ait pas creusé davantage la question des redevances, qui sont appelées à disparaître. Il est indispensable que les opérateurs publics changent de modèle économique.

Le travail de l’Assemblée, sous l’impulsion du rapporteur, dont nous saluons le travail et le volontarisme, a permis d’améliorer sensiblement le texte sur ces questions. Pour les administrations de l’État, l’obligation d’un décret par nouvelle redevance est réaffirmée dans la loi et s’assortira désormais d’un avis de la CADA. J’espère que ce décret précisera les coûts dont il faudra tenir compte, définira les cas dans lesquels l’administration et les collectivités territoriales pourront recourir à une telle redevance et en encadrera les modalités – d’autant qu’aucune disposition en ce sens n’apparaît clairement dans l’avant-projet de loi Lemaire.

L’ouverture, gratuite ou à un montant raisonnable, des données publiques entraîne systématiquement des externalités positives et des retombées économiques importantes, en particulier pour les start-up françaises innovantes. À l’inverse, des redevances abusives, qui peuvent atteindre plusieurs millions, empêchent la création d’emplois, alors même que les données concernées dorment dans des tiroirs – réels ou virtuels – et ne profitent à personne. Nous frôlons parfois le ridicule, économiquement parlant…

L’Assemblée a également adopté un amendement écologiste qui interdira l’établissement de redevance après un accord d’exclusivité. La production des données ayant déjà été financée, l’établissement d’une redevance ne doit pas être possible, notamment pour les données produites par un acteur privé : cela doit être fromage ou dessert.

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