Intervention de Myriam El Khomri

Séance en hémicycle du 9 décembre 2015 à 21h45
Lutte contre le gaspillage alimentaire — Présentation

Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur – cher Guillaume Garot –, mesdames et messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Ségolène Royal qui, vous le savez, est retenue cette semaine dans le cadre de la COP21 et doit en outre faire une intervention demain, très tôt.

Ségolène Royal et l’ensemble du Gouvernement partagent depuis longtemps le souci de lutter contre le gaspillage alimentaire. En effet, celui-ci n’est pas acceptable, à plusieurs titres.

L’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation, la FAO, estime que les émissions de gaz à effet de serre générées par le gaspillage alimentaire est au troisième rang des émetteurs, après la Chine et les États-Unis.

Alors que la France accueille en ce moment même la COP21, l’ensemble des acteurs de la chaîne agroalimentaire doit se mobiliser pour lutter contre le gaspillage alimentaire et montrer qu’il existe des solutions pour consommer de façon plus responsable.

Un tel gaspillage est profondément injuste car il touche surtout les familles les plus démunies, lesquelles se laissent abuser par des dates limites de consommation qui, pour certains produits, ont été sous-estimées et les conduisent à jeter des produits encore consommables.

Par ailleurs, alors que tant de familles vivent dans la précarité, des milliers de bénévoles s’investissent dans la lutte contre la faim.

Parmi toutes les actions de collecte d’invendus alimentaires encore consommables menées en France, permettez-moi d’en citer une, celle de l’association « La main tendue pour demain », à Neuilly-sur-Marne.

Cette association créée et portée à bout de bras par une personne ayant elle-même connu la précarité permet de nourrir 500 adhérents. L’action de cette personne est soutenue par un grand distributeur. Aidée de sept volontaires, elle va chercher tous les jours – y compris le dimanche – des denrées alimentaires dans des supermarchés partenaires de son action.

Ces actions remarquables méritent d’être citées et, surtout, aidées.

L’impact se traduit également en matière de gestion des déchets alimentaires qu’il est nécessaire de collecter alors que Ségolène Royal a fait de la prévention des déchets un axe fort de sa politique – la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte prévoit une réduction de 10 % des déchets par personne et par an en 2020 par rapport à 2010.

Monsieur le rapporteur, Ségolène Royal vous avait demandé à la fin de l’année dernière de lui remettre un rapport sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Vous l’avez remis au mois d’avril dernier, en présence de la ministre et du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Vous êtes un rapporteur particulièrement engagé dont le travail comporte des propositions innovantes et, surtout, courageuses : interdire la javellisation des produits alimentaires par la grande distribution ; rendre le don de produits invendus obligatoire à toute association habilitée qui en ferait la demande ; permettre aux industriels de l’agroalimentaire de donner à des associations caritatives des produits non conformes mais encore consommables des marques de la grande distribution et en permettre le don à des associations ; élargir la défiscalisation aux produits agricoles transformés ; enfin, instaurer une hiérarchie de la prévention du gaspillage alimentaire en adaptant au mieux la production agricole.

Ségolène Royal a fait adopter des dispositions dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

Tout d’abord, imposer la mise en place de plans de lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective publique avant le 1er septembre 2016. La ministre a ainsi publié le 16 octobre dernier le guide intitulé Réduire le gaspillage alimentaire en restauration collective destiné à aider les collectivités à mettre en oeuvre ces plans.

Ensuite, supprimer les dates limites d’utilisation optimale des produits non périssables.

Vous avez porté plusieurs amendements en deuxième lecture à l’Assemblée nationale reprenant des propositions formulées dans votre rapport. Ainsi, les distributeurs du secteur alimentaire ne pouvaient plus rendre délibérément leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation.

Une telle pratique était sanctionnée d’une amende ainsi que d’une éventuelle peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée dans des journaux locaux.

En outre, aucune stipulation contractuelle ne pouvait faire obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur par un opérateur du secteur alimentaire à une association caritative habilitée.

Le don de denrées alimentaires par un commerce de détail alimentaire faisait l’objet d’une convention en précisant les modalités.

Les commerces de détail alimentaire proposaient à une ou plusieurs associations de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.

Ces dispositions, bien que faisant l’objet d’un large consensus, n’ont toutefois pas pu, pour des raisons de procédure, être promulguées avec le reste de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Ségolène Royal a donc signé le 27 août dernier une convention avec la grande distribution pour anticiper la mise en oeuvre de l’ensemble de ces mesures.

Par ailleurs, les enseignes de la grande distribution se sont engagées à cette occasion à mener une action auprès de leurs fournisseurs afin que les dates limites de consommation ne soient pas sous-estimées, dans le respect des droits et du pouvoir d’achat des consommateurs.

Un groupe de travail a été constitué avec les professionnels, et ce travail est en cours.

Comme l’avaient souligné les professionnels, certaines dispositions nécessitaient encore des clarifications juridiques nécessitant des adaptations législatives.

C’est notamment le cas de la responsabilité du donateur lorsqu’un produit de marque de distributeur est ainsi distribué gratuitement à une association caritative habilitée par le fabricant du produit.

C’est donc fort logiquement que les dispositions initialement votées dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte seront rétablies, grâce à la volonté de la représentation nationale et notamment celle de votre rapporteur. Elles devront permettre de faciliter l’action des milliers de bénévoles qui s’impliquent tous les jours dans les associations caritatives.

Pour conclure, je ferai trois remarques.

La première, c’est que les dispositions qui vous sont soumises aujourd’hui sont extrêmement importantes pour lutter contre le gaspillage et contre la précarité dans laquelle de trop nombreuses familles se trouvent plongées.

En adoptant ce texte à quelques semaines des fêtes de Noël, vous soulagez de nombreuses familles qui ont trop souvent le sentiment d’avoir été délaissées par le monde politique.

Deuxième remarque : l’Union européenne commence enfin à se préoccuper de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Dans le paquet « économie circulaire » remis par la Commission européenne le 2 décembre, la Commission prévoit la mise en oeuvre de plans d’action dans ce domaine.

Elle prévoit également de s’attaquer au cadre juridique des dates limites d’utilisation optimale. En effet, seule une liste très limitée de produits non périssables peut se passer de l’obligation d’apposition de ce type de mention, conduisant souvent les familles – notamment les plus modestes – à jeter des produits encore parfaitement consommables. Une fois encore, ensemble, nous avons été précurseurs pour dénoncer cette situation.

Mais nous devons rester vigilants car la Commission européenne doit encore confirmer ce qui ne sont pour l’instant que des intentions.

Troisième remarque : dans un monde où l’homme exploite sans vergogne les ressources naturelles, le gaspillage des ressources, quelles qu’elles soient, n’est plus tolérable.

Nous l’avons vu tous les jours depuis le lancement de la COP21, des initiatives sont lancées partout dans le monde pour lutter contre le gaspillage, la surexploitation des océans, la déforestation.

En adoptant ce texte, vous apportez aussi une contribution aux messages portés dans le monde entier par des centaines d’organisations qui ambitionnent de préserver notre planète.

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