Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 10 décembre 2015 à 9h30
Accord entre la france et l'agence spatiale européenne sur le centre spatial guyanais — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui a mis le temps d’un septennat pour arriver dans cet hémicycle. Comme l’a dit voilà quelques instants M. le secrétaire d’État, il a été signé en décembre 2008 ; il vient pour ratification à l’Assemblée nationale en décembre 2015, et a été ratifié par le Sénat il y a près de trois ans. On peut s’interroger, madame la présidente, sur le mode de fonctionnement des procédures de ratification et souhaiter que les délais en soient raccourcis, à plus forte raison pour des textes déjà entrés en application ; j’y reviendrai dans quelques instants.

Ce texte est un accord signé entre la République française et l’Agence spatiale européenne ; il porte sur le Centre spatial guyanais. Comme vous le savez, ce centre spatial est une base de lancement d’objets spatiaux que notre pays met à disposition de l’Agence spatiale européenne depuis la création de cette dernière, en 1975.

Le programme spatial français a une belle et longue histoire. Le général de Gaulle en fut l’initiateur, la base de lancement fut transférée en 1968 du Sahara, en Algérie, vers la Guyane. Le programme français a été européanisé mais, comme vous le savez, la première fusée, Europa, était composée d’étages attribués à différents pays et n’a jamais fonctionné. Le programme spatial européen a donc en réalité été fondé sur les premières fusées militaires lancées par le général de Gaulle sous la Ve République.

Quant au centre lui-même, il est à la fois très proche de l’équateur, ce qui permet des lancements à très grande vitesse, et ouvert sur une très large façade maritime, ce qui permet d’éviter plus facilement le survol de zones habitées, et donc d’éventuels accidents. Les satellites peuvent ainsi être placés sur des orbites polaires aussi bien que sur des orbites géostationnaires. Ni la base de cap Canaveral, en Floride, ni celle de Baïkonour ne sont aussi favorablement situées.

Cet accès autonome de l’Europe à l’espace repose également sur la maîtrise des lanceurs, et donc sur le programme Ariane, qui a également été lancé sur l’initiative de la France au début des années soixante-dix, et qui a abouti à un premier lancement en 1979. Le lanceur Ariane 5 actuellement en exploitation est un lanceur lourd, qui permet d’envoyer des charges utiles d’environ dix tonnes – il s’agit généralement d’un objet lourd et d’un petit satellite – envoyés en orbite géostationnaire à 34 000 mètres d’altitude, ce qui est un record mondial.

La société Arianespace, leader mondial des services de lancement, exploite également deux autres lanceurs, et c’est l’originalité de ce qui se passe en ce moment à Kourou : le lanceur russe moyen Soyouz, à la suite d’un accord signé en 2003 et qui fonctionnait bien jusqu’à la crise ukrainienne, et le lanceur européen léger Vega, fruit d’un accord entre l’Agence spatiale européenne et l’industrie italienne. La gamme de lanceurs utilisés est donc large, du lanceur très lourd, Ariane 5, au lanceur léger Vega, en passant par le format intermédiaire, pour lequel il existe une coopération russe importante.

Le Centre spatial guyanais connaît aujourd’hui une activité soutenue, avec environ une dizaine de lancements par an, mais le climat de concurrence internationale – M. Désir y a fait allusion – évolue rapidement. Cela tient à deux faits. Tout d’abord, les États-Unis dépensent deux fois plus que l’ensemble de leurs concurrents dans la recherche spatiale. Ensuite, beaucoup d’acteurs émergents arrivent sur le marché, comme la Corée du Sud et le Brésil.

Pour rester compétitifs dans ce secteur, les Européens ont lancé en 2014 le programme Ariane 6, qui doit permettre de diversifier la gamme, de réduire le coût des lanceurs à l’horizon 2020. Actuellement, un lancement par Ariane coûte environ 200 millions de dollars, tandis qu’un lancement par la société américaine SpaceX coûte 60 millions de dollars. Vous avez pu constater qu’on évolue vers des lanceurs réutilisables, ce qui va profondément modifier la donne.

Il s’agit bien entendu pour nous tous d’un vrai enjeu de souveraineté. Aujourd’hui, l’Union européenne dépense environ 4 milliards d’euros par an, la Chine engage à peu près la même somme, tandis que la Russie y consacre 6 milliards d’euros.

L’accord sur lequel nous devons nous prononcer, qui a été conclu en 2008 entre la France est l’Agence spatiale européenne, définit les droits, obligations et responsabilités respectifs des parties pour la gestion et l’exploitation du Centre spatial guyanais. Il vise avant tout à unifier, à actualiser et à clarifier le cadre juridique existant. Celui-ci était jusqu’à présent constitué de trois accords différents : un accord relatif au Centre spatial guyanais signé en 2002, renouvelé environ tous les quatre ans depuis 1975 et qui déterminait les conditions de mise à disposition, par la France, de l’ensemble du soutien au lancement du Centre spatial guyanais pour les programmes de l’Agence spatiale européenne ; un accord relatif aux ensembles de lancements, signé en 2002, qui traitait de l’ensemble des installations du système Ariane au Centre spatial guyanais ; enfin, un accord relatif à l’ensemble de lancement Soyouz, conclu en 2005, qui précisait les modalités d’implantation du lanceur russe sur le site de Kourou.

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