Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, « Ariane décolle, la Guyane reste au sol » : tel est l’adage, presque devenu proverbe populaire, qui décrit le rapport de la Guyane au Centre spatial guyanais. Celui-ci est devenu en quelques décennies le premier port spatial au monde en matière de lancement de satellites commerciaux, et son inauguration avait fait naître, il faut en convenir, bien des fantasmes d’embellie économique. Hélas, le nouvel eldorado que semblait promettre l’annonce en 1964 par le général de Gaulle de la création d’une porte d’entrée européenne vers l’espace sur ces terres d’Amazonie semble aujourd’hui bien éloigné !
En effet, si le CSG, fort de ses quelque 10 800 emplois directs et indirects, soit environ 30 % de la masse salariale privée locale, occupe une place prépondérante dans le paysage économique guyanais, force est de constater qu’il n’a pas eu tous les effets d’entraînement escomptés. L’activité spatiale représente à elle seule 40 % des recettes fiscales issues de l’octroi de mer. Cependant, l’économie guyanaise, loin d’avoir profité pleinement de cette locomotive, souffre toujours d’une cruelle absence de diversification.
Par ailleurs, comment oublier qu’autour de cette vitrine de l’excellence française, un chômage endémique atteignant 23 % de a population active de Guyane et que certains quartiers de Kourou, dont les nuits sont fréquemment illuminées par les tirs d’Ariane, Vega et Soyouz, peinent à retrouver leur quiétude ?
Que dire encore du défi que constitue l’usage de son téléphone cellulaire hors des centres urbains alors même que les lanceurs précités font bénéficier les utilisateurs des quatre coins du globe des dernières technologies en matière de communication ? Ne voyez surtout pas dans mes propos une quelconque négation des bénéfices de l’activité spatiale en Guyane, chers collègues, ni une remise en cause de la place du secteur spatial au sein des politiques française et européenne. Bien au contraire, je souhaite rappeler haut et fort l’impérieuse nécessité de nous repositionner pour donner un souffle véritablement nouveau au secteur spatial et inspirer une refonte en profondeur de notre politique en la matière. Il nous incombe de militer pour une politique spatiale certes compétitive, mais également audacieuse et résolument inscrite dans son environnement guyanais et européen.
Tel est bel et bien le coeur du défi : allier compétitivité, cohésion européenne et insertion réelle et efficace de l’activité dans son écosystème direct afin de faire de l’espace une véritable source de croissance et de valeur ajoutée pour la France, l’Europe mais aussi et résolument pour la Guyane. Nous allons dans le bon sens, j’en suis persuadé. L’avènement du projet Ariane 6, qui pérennise l’implantation de la base spatiale européenne à Kourou et représente surtout un investissement de 600 millions d’euros pour la seule phase de construction d’un nouveau pas de tir, en est le meilleur exemple. Je salue à cette occasion notre collègue Geneviève Fioraso qui a consacré toutes ses forces à faire aboutir ce projet lors du conseil européen des ministres consacré à l’espace tenu il y a exactement un an au Luxembourg.
Par ailleurs, je partage pleinement l’avis des sénateurs Catherine Procaccia et Bruno Sido dont le rapport publié en novembre 2012 dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques plaide pour une refonte tant scientifique qu’économique de notre vision de l’espace. Cet avis a trouvé un écho dans un référé de la Cour des comptes publié en 2013 qui juge que notre politique spatiale est trop coûteuse et qu’elle profite exagérément aux autres pays. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une remise en cause : les indicateurs de notre industrie spatiale sont au beau fixe. Reste que nous assumons seuls 60 % des coûts du programme Ariane et 80 % de ceux du CSG, et cela, certainement, mérite débat. Selon un rapport de l’OCDE, nous consacrons chaque année au secteur spatial 0,1 % de notre PIB et 10 % du budget recherche