Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2016 revient en nouvelle lecture devant notre assemblée après l’échec de la commission mixte paritaire.
Le Sénat a redonné de la substance et de l’ampleur à un projet de budget inerte. Nos collègues sénateurs ont profondément amélioré le texte, bien souvent contre l’avis du Gouvernement, en adoptant des amendements que les députés du groupe Les Républicains avaient défendus à l’Assemblée nationale en première lecture. Je veux ici saluer le travail accompli par le Sénat, qui a pleinement rempli son rôle d’opposition constructive, en arrivant, pour la seconde fois depuis 2012, au terme du marathon budgétaire.
La majorité sénatoriale, monsieur le ministre, a largement remanié ce projet de loi de finances : cela démontre que la politique que vous menez n’est pas en phase avec les réalités économiques de notre pays, mais surtout, que votre politique ne prévoit pas de réformes structurelles. J’en veux pour preuve le fait que le Sénat a rejeté les crédits de huit missions : ceux de l’agriculture, de la culture, de l’économie, du logement, de l’immigration, des médias, de la politique des territoires et de la santé.
Permettez-moi à présent de revenir, avec un certain enthousiasme, sur les dispositions adoptées par le Sénat. J’aimerais qu’elles vous inspirent, monsieur le ministre, et que, plutôt que de les détruire, vous portiez sur elles un regard bienveillant.
Premièrement, le travail du Sénat vise à redonner du pouvoir d’achat aux familles, qui sont les premières victimes de la politique fiscale du Gouvernement depuis juillet 2012. Les sénateurs ont supprimé la nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu et l’ont remplacée par une diminution de 30 % à 28 % du taux marginal d’imposition de la troisième tranche du barème, afin de redonner du pouvoir d’achat à 5 millions de contribuables. Ce gain représentera, en moyenne, 400 euros par foyer fiscal en 2016, ce qui n’est pas anodin, dans le contexte actuel.
Le Sénat a également procédé au relèvement du quotient familial de 1 508 à 1 750 euros par demi-part pour l’imposition 2016. Vous avez tellement matraqué les familles avec les deux baisses successives du quotient familial que les sénateurs de droite et du centre ont voulu leur porter une attention particulière. Le poids des prélèvements obligatoires a ainsi été allégé de 1,75 milliard d’euros, ce qui est colossal. Les sénateurs ont également instauré une franchise fiscale de 5 000 euros sur les revenus bruts tirés par les particuliers de leurs activités sur les plateformes en ligne, sous réserve d’une déclaration automatique de ces revenus.
Deuxièmement, le Sénat a entendu la détresse des agriculteurs en prolongeant le suramortissement Macron pour les entreprises et en l’étendant aux coopératives et aux installations de magasinage et de stockage de produits agricoles – c’est une nouveauté que nous demandions depuis longtemps. Ce sont là des avancées importantes pour le monde agricole. Les sénateurs ont également introduit la possibilité de renoncer à l’option à la moyenne triennale, afin de limiter l’imposition. Ils ont supprimé diverses taxes pour les agriculteurs, allégé les charges patronales des entreprises agricoles pour leurs salariés permanents touchant jusqu’à 1,5 SMIC, et maintenu l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000. Ce sont là des dispositions essentielles pour nos agriculteurs.
À l’article 8, le Sénat avait proposé une avancée que vous avez déjà remise en cause, madame la rapporteure générale, ce que je déplore. Il avait en effet supprimé la taxe sur les farines, qui dessert la compétitivité des meuniers français et favorise les distorsions de concurrence vis-à-vis de leurs homologues étrangers. Je ne comprends pas que vous vous acharniez à réinstaurer cette taxe sur les farines. Nous en reparlerons, lorsque nous examinerons l’article 8.
À l’article 8 quater, le Sénat avait supprimé l’élargissement de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-journalières, afin de préserver la compétitivité de la place de Paris. Ne vous rendez pas responsables de l’affaiblissement de tout le système bancaire français, au profit des systèmes bancaires britannique et américain. Ce serait une nouvelle catastrophe annoncée pour les emplois de ce secteur.
Troisièmement, le Sénat a relâché la pression financière qui pèse sur les collectivités territoriales, déjà accablées par le budget de 2015. Il a en effet minoré de 1,6 milliard d’euros la baisse des concours de l’État aux collectivités territoriales et supprimé la hausse de la péréquation de 317 millions d’euros. C’est fondamental : si nous voulons que nos communes, nos groupements de communes et nos départements continuent à soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics et à investir, il faut conserver cette mesure sage des sénateurs.
Le Sénat a également supprimé le transfert aux régions, à partir de 2017, de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, que perçoivent les départements. Ce mouvement fiscal de plus de 4 milliards d’euros vise à compenser les transferts de compétences de la loi NOTRe du 7 août 2015. Le Sénat l’a remplacé par le versement d’une dotation de compensation des départements vers les régions.
Les sénateurs sont par ailleurs totalement revenus sur la réforme de la DGF. Il est vrai que nous avons connu une semaine un peu folle, à la fin de la première lecture de ce projet de loi de finances. Après la levée de bouclier sur la question de la demi-part des veufs et des veuves, due à un oubli de vos services, monsieur le ministre…