La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Monsieur le président, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame, messieurs les députés, après avoir achevé le 13 novembre dernier la discussion en première lecture du projet de loi de finances pour 2016, nous nous retrouvons aujourd’hui pour conclure l’examen de ce texte, après son passage au Sénat.
Je ne reviendrai pas sur ce qui, à mes yeux, caractérise ce projet et qui a été longuement développé ici même en première lecture : respect de nos engagements en termes de rétablissement de notre croissance ; respect de nos engagements en termes de financement de nos priorités ; respect de nos engagements de maîtrise des dépenses et respect de nos engagements de baisse des prélèvements sur les entreprises et les ménages.
À l’issue de débats vifs et toujours fructueux au Sénat, la majorité sénatoriale a, malgré tout, dénaturé ce projet et les grands équilibres proposés par le Gouvernement. Je veux donc remercier la rapporteure générale et les membres de la commission des finances qui ont su, par leurs amendements, rétablir la cohérence du texte.
Je concentrerai ce propos liminaire sur les adaptations que le Gouvernement souhaite proposer sur ce texte, au regard de celui déjà adopté par l’Assemblée.
Depuis la première lecture par votre assemblée, le projet de loi de finances a surtout été marqué par la nécessité d’intégrer ce qu’il est convenu d’appeler le Pacte de sécurité voulu par le Président de la République, donc d’augmenter les moyens correspondant aux engagements de celui-ci en termes de sécurité.
Les attentats, perpétrés en plein Paris quelques heures après la fin de l’examen du texte, ont appelé un renfort extrêmement important des moyens de nos services de sécurité. Ainsi, ce sont plus de 750 millions d’euros, hors charges de pension, qui doivent être ajoutés sur les budgets de la police, de la gendarmerie, de la justice, de la défense et des douanes, la plupart des amendements déposés ayant été adoptés par le Sénat.
Ces crédits vont permettre la création de 8 500 postes supplémentaires en deux ans ainsi que le renforcement des moyens de fonctionnement alloués à la lutte contre le terrorisme. Comme le Président de la République s’y est engagé devant le Congrès, ces crédits supplémentaires ne se traduiront ni par des économies sur les autres administrations, ni par des prélèvements supplémentaires demandés aux Français.
Les dépenses de l’État et les effectifs publics portent donc la marque de ce renforcement des moyens pour lutter contre le terrorisme. Le texte a par ailleurs évolué sur plusieurs autres aspects.
Le Gouvernement a souhaité renforcer les aides aux particuliers employeurs pour soutenir l’emploi dans le secteur des services à la personne. Je rappelle que la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, désormais définitivement adoptée, a accru la baisse des prélèvements sur les entreprises d’une manière générale. Il nous a donc semblé également opportun de proposer maintenant une baisse du coût du travail pour les particuliers employeurs Ainsi, la réduction forfaitaire par heure de travail sera portée à 2 euros, soit environ 20 % du salaire versé au niveau du SMIC, contre 7,5 % aujourd’hui. Cela représentera un coût de 225 millions d’euros, compensés à la Sécurité sociale sur le budget du ministère du travail.
Au total, compte tenu par ailleurs des dispositions adoptées par votre assemblée en première lecture, les crédits des ministères, hors charges de la dette et pensions, seront renforcés de plus de 1,5 milliard d’euros par rapport au projet initial.
Dans le même temps, le montant de la contribution française au budget de l’Union européenne doit être révisé à la baisse. Le Gouvernement, par la voix de Christian Eckert, l’avait clairement annoncé dès la première lecture dans cette assemblée, mais il était nécessaire d’attendre la fin des discussions au niveau communautaire, ce qui est désormais acquis.
L’adoption du dernier budget rectificatif de l’Union européenne pour 2015 conduira, en début d’année 2016, à un remboursement de 1,5 milliard d’euros au titre des contributions de la France sur les exercices antérieurs. En intégrant, ce qui est utile et prudent, l’effet du budget 2016 de l’Union ainsi que le coût prévisionnel du plan européen d’aide à la Turquie, le prélèvement sur recettes sera réduit de 1,3 milliard d’euros par rapport au texte initial.
Au total, avec 1,5 milliard de dépenses supplémentaires en particulier dans le cadre du Pacte de sécurité et 1,3 milliard de dépenses en moins du côté de l’Europe, la dépense de l’État en 2016 sera rehaussée de 200 millions d’euros par rapport au niveau prévu dans le texte initial.
Le solde budgétaire 2016 sera pour sa part revu à moins 72,2 milliards d’euros. Le déficit de nos administrations publiques reste en conséquence – compte tenu de la marge de 200 millions –, de moins 3,3 % du PIB l’an prochain, après 3,8 % du PIB prévus pour 2015.
Le financement des priorités, et tout particulièrement celui de la lutte contre le terrorisme, n’implique pas de remettre en cause le sérieux de notre gestion budgétaire. Bien au contraire, c’est parce que nous sommes responsables sur la dépense publique et sur la réduction des déficits que nous pouvons financer nos priorités !
S’agissant des dispositions fiscales, nous aurons l’occasion d’en débattre dans le détail aujourd’hui ; aussi, je n’aborderai que quelques points.
Tout d’abord, le Gouvernement a entendu l’appel des différents groupes parlementaires en faveur de l’instauration d’une TVA réduite sur les produits de protection périodique féminine. Le Gouvernement respectera la volonté du Parlement sur ce point.
Enfin, sur le sujet dont nous avions longuement discuté de l’élargissement de la taxe sur les transactions financières aux échanges dits intraday – disons, infrajournaliers –, vous connaissez ma position : j’ai défendu cette inclusion et souligné que cette avancée devait se produire au niveau européen. C’est chose faite puisqu’à l’issue de la réunion de l’ÉCOFIN de mardi dernier, qui a défini les bases de la future taxe sur les transactions financières, nous avons pu, à dix, avec mes collègues de neufs autres États membres, parvenir à un accord autour d’une assiette commune, accord que nous avons rendu public et qui inclut explicitement les échanges infrajournaliers. Nous nous inscrivons pleinement dans cette logique européenne que j’avais souhaitée lors du débat en première lecture.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je souhaitais préciser en introduction à nos discussions. Nous débattrons plus précisément, amendement par amendement, des propositions de l’Assemblée et de celles du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, mes chers collègues, dans sa version initiale, le projet de loi de finances pour 2016, adopté en conseil des ministres, comportait 64 articles. En première lecture, l’Assemblée nationale a ajouté 98 articles. Le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale comprenait ainsi 161 articles.
De son côté, le Sénat a ajouté 53 articles. Il a également supprimé 19 articles, si bien que le texte adopté en première lecture par le Sénat, et qui revient aujourd’hui à l’Assemblée nationale, comporte 196 articles, quasiment trois fois plus que le texte transmis par le Gouvernement. Sur ces 196 articles, 73 ont été adoptés en des termes identiques par les deux assemblées et ne sont donc plus en discussion ; 142 articles demeurent ainsi en discussion en nouvelle lecture, soit 123 articles adoptés en des termes différents par les deux assemblées ainsi que les 19 articles adoptés par l’Assemblée nationale et supprimés par le Sénat.
Des points d’accord ont été trouvés avec le Sénat, malgré l’échec de la CMP. Je voudrais revenir sur les principaux désaccords qui nous ont opposés. La commission mixte paritaire s’est réunie hier et a constaté l’échec de la discussion, essentiellement sur deux points.
Premièrement, le Sénat a supprimé la réforme de la décote sur l’impôt sur le revenu, proposée par le Gouvernement. Concrètement, cela signifie qu’il a souhaité retirer 2 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages qui ont les revenus les plus modestes : c’est une somme considérable ! Parallèlement, le Sénat a réformé le plafond du quotient familial, ce qui conduit à donner 2,8 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages qui ont les revenus parmi les plus élevés. Ces choix ne sont pas ceux de notre majorité. Et c’est l’une des deux raisons qui ont conduit à l’échec de la CMP.
Deuxièmement, le Sénat a rejeté les crédits de huit missions essentielles pour un montant de plus 34 milliards d’euros. Ces huit missions portent sur les crédits de la santé, de la culture, des territoires, autant de missions essentielles à la vie en collectivité et à notre économie.
Cela dit, même si un désaccord de taille a conduit à l’échec de la CMP, nous avons trouvé des points d’accord avec les sénateurs.
Par exemple, nous avons suivi la position du Sénat s’agissant de l’extension à toutes les coopératives du dispositif de suramortissement de 40 % voté à l’Assemblée en première lecture, que nous avions limité aux coopératives d’utilisation de matériel agricole – CUMA.
Nous avons conservé l’article inséré par le Sénat relatif à l’application d’un taux de réduit de TVA de 5,5 % pour les produits de protection hygiénique féminine. Nous avons aussi conservé l’article proposé par le Sénat qui vise à appliquer une décote aux non-résidents lorsqu’au moins 75 % de leurs revenus sont de source française. Peut-être n’aurons-nous pas le soutien du Gouvernement sur ces points, mais je souhaitais le repréciser ici.
Je souhaite enfin rappeler les apports de notre commission, qui s’est réunie hier, à cette nouvelle lecture.
En premier lieu, nous avons adopté un amendement visant à rétablir un article, que nous avions voté en première lecture et qui avait été supprimé par le Sénat, relatif aux exonérations dont bénéficient les quartiers prioritaires de la ville en matière de contribution foncière des entreprises – CFE –, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – et de taxe foncière, disposition que nous avions également votée en loi de finances rectificative pour 2014. Bien que ces quartiers aient été délimités sur la base de critères très précis, dans certains cas, la limite se situe au milieu d’une rue commerçante : les commerçants se situant d’un côté de la rue bénéficient donc des exonérations, mais pas ceux qui se trouvent de l’autre côté. Nous souhaitons donc rétablir le texte que nous avions adopté en première lecture en la matière.
En deuxième lieu, nous avons confirmé le souhait de la commission de rendre éligibles au Fonds de compensation pour la TVA – FCTVA – les dépenses de voirie et d’entretien des bâtiments publics – comme cela figurait dans le texte du Gouvernement –, ainsi que celles qui correspondent à la mise en oeuvre du plan France Haut débit, que nous souhaiterions inclure dans ce dispositif dès 2015.
Enfin, nous avons eu hier en commission des finances une discussion sur l’aide publique au développement. Au vu du bilan, l’idée était d’en fixer le montant au niveau de 2015, et même un peu au-delà, ce qui devrait donner lieu à la présentation de quelques amendements au cours de cette séance.
Les amendements déposés ont permis d’enrichir le texte initialement proposé, tout en préservant les équilibres budgétaires que vous avez rappelés, monsieur le ministre.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter, à l’issue de cette nouvelle lecture, le texte qui résultera de nos travaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous entamons aujourd’hui la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016, après son passage au Sénat, où l’existence d’une majorité différente présente l’avantage – c’est sans doute le seul – de donner à voir quelle serait la politique budgétaire d’une majorité alternative au niveau national.
La majorité sénatoriale a ainsi voté l’allégement de l’impôt des plus aisés pour 2,8 milliards d’euros, en baissant le taux de la tranche à 30 % et en relevant le plafond du quotient familial. Corrélativement, elle a supprimé la réforme gouvernementale de la décote, qui allégeait de 2 milliards d’euros l’impôt de ceux qui se situent en bas du barème. La majorité sénatoriale a donc déplacé 2 milliards d’impôt sur les plus modestes et creusé le déficit de 800 millions. Elle a, de plus, allégé l’impôt sur la fortune en faisant passer l’exonération de la valeur de la résidence principale de 30 % à 50 %. En un mot, les propositions fiscales de la majorité sénatoriale sont contraires à la justice la plus élémentaire.
Côté dépenses, la majorité sénatoriale a proposé de couper dans les dépenses publiques pour un total de 3,9 milliards d’euros : 650 millions sur le revenu de solidarité active – RSA –, 457 millions sur les contrats aidés, 107 millions sur l’enseignement scolaire et 2,8 milliards sur l’emploi et la rémunération des fonctionnaires. Nous laisserons les Français apprécier si c’est la politique dont le pays a besoin.
L’une des seules mesures dont nous pourrions discuter – mais pas dans ses modalités – serait la réduction à 1,6 milliard d’euros, au lieu des 3,7 milliards actuellement prévus, de la baisse des dotations aux collectivités locales. Cette baisse nous apparaît en effet comme l’élément le plus négatif du projet de loi de finances proposé par le Gouvernement et ses conséquences brutales sur les territoires nous conduisent à la plus grande vigilance sur les effets de la mise en oeuvre de ce budget.
Les Écologistes seront très attentifs à ce que, dans cette nouvelle lecture du projet de loi de finances, les mesures d’allégement de l’impôt pour les ménages aux revenus modestes et les classes moyennes soient maintenues, notamment la limite de la décote – portée, je le rappelle, de 1 135 à 1 553 euros pour les célibataires et de 1 870 à 2 560 euros pour les couples –, ainsi que l’indexation sur l’inflation des tranches de l’impôt sur le revenu. L’impact de cette mesure est une diminution de l’impôt sur le revenu pour huit millions de contribuables, parmi lesquels trois millions de foyers fiscaux qui n’avaient pas bénéficié de mesures de baisse d’impôt au cours des années précédentes. Environ 500 000 foyers sortiront du champ de l’impôt et autant n’y entreront pas. Concrètement, c’est un allégement de 2,1 milliards pour ceux qui sont dans les premières tranches de l’impôt. C’est une orientation que préconisaient les Écologistes et il faut la rétablir à l’occasion de cette nouvelle lecture.
Les Écologistes seront également très attentifs à ce que les avancées du débat à l’Assemblée nationale soient maintenues.
Je pense notamment à l’inclusion des transactions financières intra-journalières dans la taxe sur les transactions financières française, qui annonce, nous l’espérons, une même extension de l’assiette au niveau européen. C’est un élément important pour progresser dans la régulation du système financier. Les engagements qui ont suivi la crise de 2008 doivent être tenus et nous n’avons que trop tardé pour mettre en place l’ensemble des outils de régulation nécessaires.
Je pense également à l’amendement de Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet sur la diminution de la contribution sociale généralisée – CSG – pour les salaires jusqu’à 1,34 fois le SMIC, amendement essentiel qui rend enfin la CSG dégressive et qui permet de redonner du pouvoir d’achat directement sur la feuille de salaire, y compris à tous ceux qui ne paient pas aujourd’hui l’impôt sur le revenu – ou qui, plutôt, paient un impôt sur le revenu sans le savoir, sous la forme d’une CSG au taux de 7,5 % pour tous, quel que soit le niveau de revenus.
Nous serons également attentifs à ce que soient rétablis les 162 millions d’euros supprimés au titre de l’aide publique au développement en seconde délibération lors de la première lecture. Cette coupe budgétaire est difficilement compréhensible au moment où nous demandons à tous les pays de faire un effort budgétaire pour l’adaptation au changement climatique des pays du Sud dans le cadre de la COP21.
Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la responsabilité particulière qui pèse sur nous, à l’instant où nous parlons. Nous traversons des périodes difficiles et le Gouvernement a apporté les réponses qu’il pensait justes sur le plan de la sécurité, mais nous devons également répondre aux attentes des Français sur le plan économique et social. C’est à cette condition que nous éviterons la fragmentation de notre société.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le texte qui nous revient du Sénat a été principalement enrichi par le Gouvernement, en accord avec les annonces du Président de la République au Congrès de Versailles le 16 novembre, d’importants crédits visant à accélérer l’effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de la France.
Ces crédits visent principalement à former des effectifs, à renforcer la sécurisation des sites, à équiper les effectifs, notamment en armement, munitions, protection, moyens technologiques et équipement de police technique et scientifique, à accélérer encore la remise à niveau du parc automobile de la police et de la gendarmerie – le Gouvernement annonce 1 000 véhicules neufs supplémentaires pour chaque force –, à développer les moyens de la vidéoprotection, à accélérer encore la modernisation des systèmes d’information et de communication, à accroître les moyens dédiés au déminage et aux risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique – NRBC –, à accroître les moyens technologiques de gestion de crise et à développer la coopération internationale en matière de sécurité.
D’autres crédits supplémentaires visent à intensifier les frappes en Syrie et en Irak et à ne pas engager de diminution d’effectifs jusqu’en 2019, avec des conséquences budgétaires dès 2016. Nous relevons de surcroît l’engagement de 130 millions d’euros pour les munitions, 20 millions d’euros pour l’opération Sentinelle, 13 millions pour le renseignement et 10 millions pour renforcer la réserve opérationnelle.
Les sénateurs ont également voté des crédits pour renforcer les moyens d’action du Groupement interministériel de contrôle, ainsi qu’à destination du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale pour la protection contre les attentats et au titre de programmes interministériels.
Nos collègues ont aussi voté le déploiement des moyens opérationnels du ministère de la justice, poursuivant les efforts du plan de lutte antiterroriste : le ministère de la justice bénéficiera de 2 500 emplois supplémentaires sur 2016 et 2017, ce qui porte les créations de postes sur le triennal à 5 284, avec plus de 6 100 créations nettes depuis 2012. Ces 2 500 emplois seront répartis entre les services judiciaires, l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse et le renforcement des moyens informatiques d’interceptions judiciaires et la consolidation des applications pénales.
Le Gouvernement a également fait voter des crédits supplémentaires à la mission « Immigration, asile, intégration », visant en particulier à renforcer les outils de contrôle aux frontières et de contrôle des visas, à acquérir 100 bornes Eurodac supplémentaires afin d’équiper les centres de rétention et les points de passage aux frontières, à abonder l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII – et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides– OFPRA –, à acquérir les moyens nécessaires à l’armement des « hot spots » en Italie et en Grèce et à financer des créations de postes, dont douze experts.
Enfin, les effectifs douaniers seront renforcés dès 2016 avec le recrutement de 500 personnels affectés au renseignement et à la surveillance, à hauteur de 267 équivalents temps plein.
Ce surcoût total, d’un montant affiché d’environ 850 millions d’euros en 2016, ne représenterait que 1,2 % du déficit programmé l’année prochaine, aux alentours de 70 milliards. Probablement sous-estimé à cette date et revu à la hausse en cours d’année, cet effort de défense intérieure et extérieure n’en demeure pas moins concret, précis et réel, et répond aux besoins immédiats de nos services qui font face à la menace au quotidien sur le terrain.
J’en viens aux autres sujets du projet de loi de finances, qui sont nombreux. Une bonne dizaine des amendements du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ont été maintenus, comme le dispositif favorable aux indépendants soumis au RSI qui subissent une affection longue durée, l’exonération de redevance pour les fontaines patrimoniales en zone de montagne, les exonérations de foncier et d’aménagement pour les maisons pluriprofessionnelles de santé dont des collectivités prennent la maîtrise d’ouvrage, la sécurisation des ressources du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement via les astreintes prononcées à l’encontre de l’État au titre du droit au logement opposable – DALO –, le maintien de la mesure « flotte de vélos » pour les entreprises, issue de la loi pour la transition énergétique, ou enfin nos amendements communs avec Mme Rabin qui concernent les chambres de commerce et d’industrie – CCI.
Je me félicite aussi que les sénateurs aient maintenu, et même amélioré, les garanties financières pour les communes nouvelles en repoussant jusqu’au 1er janvier 2017 et sans condition de délibération la date limite de fusion pour en bénéficier. Nous sommes également satisfaits que les sénateurs aient conservé un amendement de notre rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », Mme Christine Pires Beaune, amendement que le groupe RRDP avait préalablement déposé et qui tend à maintenir durant les trois années le dispositif « communes nouvelles » en cas d’agrégation d’une commune tierce dans la période.
Les sénateurs ont également maintenu l’extension aux travaux de voirie du bénéfice du FCTVA, mesure sur laquelle nos deux chambres se rejoignent.
Si ces dispositifs ont été maintenus au Sénat, d’autres, que nous avions défendus, y ont été plus fermement adoptés, comme la suppression de la « taxe farine », la création du Fonds d’investissement de proximité outre-mer – FIPDOM – ardemment défendu par notre collègue Ary Chalus, qui l’avait fait adopter en commission des finances le mois dernier, avant que le Gouvernement ne demande sa suppression, la création d’un crédit d’impôt pour l’action solidaire ou le principe, pour la taxe affectée aux chambres d’agriculture, d’un rabot de 2 % seulement pour les trois années à venir, comme cela a d’ailleurs été négocié, semble-t-il, avec les professionnels du secteur. Ce sont là autant d’amendements que nous n’avons pas redéposés, puisqu’ils sont intégrés au texte que nous nous apprêtons à examiner.
Je conclurai en évoquant ceux de nos amendements – et non des moindres – qui ont connu un destin plus funeste et que nous allons défendre à nouveau aujourd’hui. Il s’agit d’abord, bien sûr, de celui qui tend à supprimer l’exonération des transactions intra-journalières de notre impôt de Bourse national, au taux pourtant très faible de 0,2 %, à effet du 31 décembre 2016, comme cela avait été âprement négocié avec le Gouvernement en séance publique en première lecture.
Il s’agit, ensuite, de l’amendement de nos collègues Jean-Marc Ayrault et Pierre-Alain Muet, qui prévoit une réduction automatique de CSG pour les bas salaires en s’inscrivant dans le cadre de la prime d’activité.
Nous souhaitons aussi restaurer l’amortissement supplémentaire sur certains achats d’équipements industriels, qui s’appliquerait aux poids lourds fonctionnant au gaz naturel et au biométhane carburant pour une durée de deux ans.
J’évoquerai enfin la compensation de l’abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV. Jacques Krabal avait fait adopter, notamment grâce au soutien de François Pupponi, la création d’une dotation de compensation pour les collectivités classées en QPV, malheureusement supprimée par nos collègues de la Haute assemblée. Aussi avons-nous redéposé un tel amendement, ainsi qu’un autre amendement commun avec M. Pupponi, qui vise à maintenir, à compter de 2016, le taux de compensation pour les collectivités à hauteur de 40 %.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, cette nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016 se déroule dans un moment plus que particulier, où s’exacerbent les contradictions et les exigences. Au vu de la situation politique et économique du pays, après les terribles attentats barbares du 13 novembre dernier et les résultats du premier tour du scrutin régional de dimanche dernier, la représentation nationale ne saurait se dérober. Le seul chemin qu’il nous faut emprunter est celui de savoir si ce projet de loi de finances pour 2016 est susceptible de relever le défi de la cohésion nationale, de la cohésion sociale, de la cohésion territoriale.
En ces moments de tension extrême, où la division de nos concitoyens entre eux s’accroît, où la peur et le repli sur soi font florès, nous devons tous, individuellement et collectivement, apporter notre pierre au débat public pour faire vivre nos belles valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité.
Les députés du Front de gauche n’ont donc qu’une seule boussole : celle de proposer, de débattre, d’échanger, sans jamais nier les difficultés. Nous le savons tous, trop de nos concitoyens sont victimes d’un système qui brise les hommes et les territoires. En octobre, ce sont encore 42 000 chômeurs de plus qui ont ouvert les portes des agences de Pôle emploi, portant le nombre total de demandeurs d’emploi à 5,435 millions. Combien de drames humains, de drames personnels, derrière ces chiffres froids ? Neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté et, parmi eux, des retraités isolés, des familles monoparentales, des jeunes dans la précarité, et tant d’autres ! Si l’on ne peut que se louer de la mobilisation des associations de solidarité, il est inquiétant, parfois même désespérant, de voir le nombre de repas servis aux personnes dans le besoin grandir année après année.
Monsieur le ministre, chacun comprend que, dans le terrible contexte des attaques barbares, le pacte de sécurité prévale sur le pacte de stabilité. Cette nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2016 aura au moins une vertu : retrouver des niveaux de services publics de sécurité, de police et de justice qui permettent de mieux assurer cette liberté fondamentale de tous nos concitoyens.
Vous me permettrez tout de même de souligner que sur les 1 000 créations de postes pour les douanes annoncées au Congrès par le Président, il n’y en aura réellement que 500 puisque les 500 autres ne sont que des annulations de suppressions de postes.
Mais, à côté de ce pacte de sécurité, il est impérieux de recréer un véritable pacte social et écologique. L’insécurité, c’est aussi l’insécurité sociale, l’insécurité économique, la peur du lendemain. L’insécurité, c’est aussi la destruction de nos ressources naturelles sans vergogne par un système de production à bout de souffle. Depuis trente ans et les fameuses politiques de désinflation compétitive, notre pays affaiblit ses structures productives. Il suffit de regarder le recul de la production manufacturière en octobre, annoncé par le journal Les Échos ce matin : moins 0,5 %.
Depuis trente ans, le contrat social passé à l’après-guerre est rogné petit bout par petit bout sur l’autel de la compétitivité. Depuis trente ans, on ne nous parle que de concurrence, de coût du travail, d’exigence de rémunération des actionnaires : c’est ce modèle qui est en train de craquer, un modèle qui a amené conjointement le chômage endémique, des inégalités considérables, une catastrophe climatique, des fractures territoriales et des tensions sur les finances publiques.
Retournons-nous sur ce qui a été fait ; retournons-nous et interrogeons-nous : où ce système nous mène-t-il ? Pour ce qui est de la France, après les espoirs de 2012 d’un grand pays qui s’attaque réellement à la finance, le Gouvernement a trop facilement baissé pavillon pour faire place à des choix d’austérité inscrits dans le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
Pourtant, la France est un très grand pays, avec des atouts technologiques exceptionnels, des compétences humaines remarquables, une propension à l’universalité qui lui confère une place particulière. Elle n’aurait pas dû emboîter le pas de tous les apprentis sorciers libéraux qui n’ont que le portefeuille de leurs actionnaires comme horizon.
Le choix fondamental qui est fait dans le cadre de cette loi de finances pour 2016, comme pour les trois précédentes, ne nous apparaît donc pas bon. Il consacre cette politique dite de l’offre en attaquant, en rognant les services publics pour contenir la dette, ce qu’il ne parvient même pas à faire – la dette et ses fameux 2 000 milliards d’euros, qui sont le fruit d’un double phénomène : celui d’un désarmement fiscal auprès des plus aisés par le biais de crédits d’impôt ou de l’évasion fiscale, et celui de taux excessifs servis durant les années 1990-2000 et que nous traînons encore.
J’ai eu l’occasion de rédiger un rapport sur les dettes souveraines des États européens qui montre que plus de 600 milliards de ces dettes sont illégitimes. J’espère que la mission d’évaluation et de contrôle qui devrait se mettre en place sur la gestion de la dette, sa connaissance et sa transparence, nous apprendra plus des véritables bénéficiaires de la dette et des mécanismes qui font pression sur nos capacités d’agir.
Le deuxième grand point de ce budget consiste dans la croyance folle qu’en supprimant une part colossale des prélèvements sur les entreprises, l’économie repartirait. Les chiffres – ils sont têtus, monsieur le ministre ! – montrent que ce n’est pas le cas. Le crédit d’impôt compétitivité emploi, dit CICE – c’est 20 milliards, sans contrepartie, sans sectorisation, sans conditionnalité ! –, n’empêche pas les 42 000 chômeurs de plus. Le CICE, sans contrepartie, sans sectorisation, sans conditionnalité, est sans doute un accélérateur des 60 milliards d’euros de dividendes versés aux actionnaires des groupes du CAC40 prévus pour 2015.
Monsieur le ministre, les députés du Front de gauche défendent la nécessité d’une autre orientation budgétaire qui vise tout simplement à retrouver un partage de la valeur ajoutée plus favorable à la rémunération du travail, des salaires, des services publics. Pour cela, il est indispensable de réussir la vraie réforme fiscale, celle qui assoit sur l’impôt progressif la majeure partie de ses ressources car, dans le projet de loi de finances pour 2016, la baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu des personnes physiques – qui concerne les plus faibles, c’est vrai – est compensée par une hausse de 4,2 milliards de la TVA, l’impôt le plus injuste.
Oui, il est indispensable de remettre à plat la fiscalité pour la rendre juste et socialement efficace. Dans le même temps, même si nous approuvons les avancées sur la taxe sur les transactions financières et le reporting pays par pays, l’absence d’harmonisation fiscale européenne, le contournement toujours possible, le jeu du « carrousel de TVA », font perdre à notre pays des dizaines et des dizaines de milliards d’euros – l’équivalent de notre déficit public.
Ce qui est insupportable, monsieur le ministre, c’est qu’Amazon ou Google puissent narguer le fisc alors que la petite mamie qui touche 1 000 euros par mois voit sa retraite stagner et son pouvoir d’achat s’amenuiser. Le courage, ce serait de faire cesser ces injustices, et non de pressurer notre budget pour le faire entrer dans l’épure et dans l’étau bruxellois.
Cet étau a été tellement fort que même la Commission de M. Juncker, à partir d’études économiques diverses, tire la sonnette d’alarme sur l’investissement. L’investissement public est à son plus bas en Europe : l’Allemagne a fait le choix de sous-investissements, au mépris de ses infrastructures, pour privilégier le désendettement. D’autres pays ont été contraints de faire de même, en particulier les pays du sud de l’Europe, qui ont sacrifié leur avenir pour rembourser les créanciers. C’est une politique de courte vue. D’ailleurs, le plan Juncker des investissements d’avenir exige un tel effet de levier – pour 1 euro public, il faut 14 euros privés – qu’il est inefficace.
Mais ce qui peut être reproché à la Commission européenne et aurait dû servir de contre-exemple, a malheureusement servi d’exemple pour ce budget 2016 en France. A contrario de l’urgente nécessité de relancer l’investissement, le Gouvernement agit en effet à contre-courant, en diminuant les moyens alloués aux collectivités territoriales, ce qui conduit à une baisse massive de l’investissement local et met au chômage nombre de nos concitoyens des secteurs de la construction, du bâtiment et des travaux publics : 50 % des 42 000 suppressions d’emplois en octobre viennent de ces secteurs. Pour 2016, la nouvelle baisse de 3,67 milliards prévue risque de mener à la catastrophe.
Je vais faire une petite digression : on nous parle toujours de maîtriser le déficit public ; on nous parle d’une baisse de 1 milliard du déficit public entre 2015 et 2016, passant de 73 à 72 milliards en projet de loi de finances. Mais sans les 3,67 milliards d’euros supprimés aux collectivités, ce déficit n’aurait même pas reculé.
Mes chers collègues, cette baisse de dotation est une faute politique combinée à une erreur économique. Elle est aussi un véritable danger pour la République, menaçant la cohésion sociale et territoriale de notre pays. En agissant ainsi, vous renforcerez le vaste mouvement de désertification qui affecte certains de nos territoires, qui perdront leurs services publics de proximité. Pour les communes fragiles, le coup porté à la cohésion sociale est rude, engendrant désespérance et sentiment d’abandon dans nos territoires. Il ne faut pas continuer à diminuer la dotation globale de fonctionnement – DGF – au risque de souffler de manière irresponsable sur les braises qui enflamment progressivement notre pays.
Je ne reviendrai pas ici sur la censure déplorable du rapport que j’avais l’honneur de conduire dans le cadre de la commission d’enquête sur ce sujet, censure opérée hier par la majorité. Nous trouverons d’autres voies pour nourrir le débat public et vous encourager, monsieur le ministre, autant que faire se peut, à ne pas franchir la dernière marche de baisse des dotations qui sera si déstabilisante.
En tout état de cause, le choix politique que vous maintenez ne pourra qu’exacerber les phénomènes d’abandon et de précarité que je décrivais précédemment. En plus de sacrifier l’emploi local, il empêchera par ailleurs de répondre aux défis de l’avenir sur la transition écologique, sur l’accueil de nos enfants dans les structures scolaires et péri-éducatives, sur les nécessaires investissements d’avenir. Le risque de déstabilisation de la République est donc réel.
Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais vous dire combien notre inquiétude est grande face à notre incapacité, sans doute collective, à faire émerger un projet politique mobilisateur, qui donne de l’espoir à une partie de notre jeunesse trop souvent précarisée, qui donne du sens à notre communauté nationale une et indivisible, qui trace un avenir à des territoires qui souffrent, qui allie la responsabilité et la liberté pour ses artisans, commerçants et chefs d’entreprise en leur offrant des perspectives de progrès.
Aujourd’hui, même le rêve européen est à terre, fracassé par les coups de boutoir de la rigueur budgétaire. L’humiliation du peuple grec, le reniement de la souveraineté populaire, l’austérité généralisée et la course au moins-disant fiscal auront eu raison, en l’espace de quelques années, de ce projet politique censé rapprocher les peuples plutôt que les opposer.
Au final, c’est bel et bien la démocratie qui est en jeu ; l’abstention record et les résultats de dimanche dernier nous le montrent. Les députés du Front de gauche, en toute lucidité et responsabilité, voteront contre ce budget qui n’ouvre pas de nouvelles perspectives. Mais, parce que nous sommes lucides et responsables et parce que nous aimons notre pays, ce qui a fait sa grandeur et l’universalité de ses valeurs, nous sommes et nous serons toujours disponibles pour construire, dans le rassemblement et l’union, le nouveau contrat social qui permettra de renouer avec la cohésion sociale, économique et territoriale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, depuis l’adoption en première lecture de ce projet de loi de finances pour 2016, la situation du pays a été marquée par des événements tragiques – les attentats du 13 novembre –, et nous abordons cette nouvelle lecture, après les travaux de nos collègues sénateurs, dans le contexte politique particulier que vient de rappeler Nicolas Sansu : nous sommes à l’avant-veille du deuxième tour des élections régionales pour lequel les socialistes font, en premier lieu, le choix de la République et, en second lieu, le choix du progrès économique et social.
Nous aurons, au cours de la discussion de chacun des articles et des amendements de suppression ou de rétablissement, l’occasion de nous exprimer sur tel ou tel point – le ministre et la rapporteure générale ont abordé des points précis qui ont évolué au cours de la discussion.
Je m’en tiendrai, à ce stade de la discussion générale, à des points essentiels pour vous assurer, monsieur le ministre, que le groupe socialiste sera à vos côtés pour rétablir l’essentiel des équilibres de ce texte, tel que nous l’avions adopté en première lecture. Nous conserverons ceux des amendements de nos collègues sénateurs qui constituent des avancées et respectent ces équilibres politiques ; nous rejetterons bien évidemment les autres.
Je voudrais insister sur trois aspects fondamentaux de cette loi de finances, que le travail des sénateurs m’oblige à rappeler.
Le premier aspect concerne la fiscalité. Ce projet de loi de finances contient en particulier deux mesures fortes en matière de fiscalité. Tout d’abord, la baisse de l’impôt sur le revenu, qui suit les mesures que nous avons prises dans le projet de loi de finances rectificatives pour 2014 et dans le projet de loi de finances pour 2015, permettra à 8 millions de ménages de voir leur impôt sur le revenu baisser en 2016, alors qu’il augmentait depuis 2011.
Toute notre politique a consisté à neutraliser les effets parfois indirects de certaines mesures prises pour celles et ceux qui sont au seuil d’éligibilité de l’impôt. Ainsi, nous aurons fait sortir de l’impôt sur le revenu tous ceux qui, depuis 2011, y étaient entrés, à raison en particulier des mesures de droite, et nous allégerons l’impôt sur les classes moyennes. C’est un choix politique fort.
Par ailleurs, à l’initiative de Christine Pires Beaune, nous avons procédé à des avancées significatives pour l’avenir, au-delà même du problème posé par la suppression de la demi-part des veuves, en ce qui concerne la fiscalité locale.
Il y a bien là un choix entre la droite et la gauche si l’on examine les mesures fiscales votées par la droite en substitution des nôtres. Celle-ci a en effet supprimé la réforme de la décote ; elle a souhaité alléger l’ISF et l’impôt sur le revenu pour les plus hauts revenus. Nous, nous restons fidèles à notre volonté d’alléger l’impôt sur le revenu de ceux sur qui il pèse le plus : les classes populaires et moyennes.
Le deuxième aspect de ce projet de loi de finances concerne le respect de nos priorités politiques. C’est plus confus car le Sénat a certes amélioré facialement le solde budgétaire de près de 45 milliards, mais en ne votant pas la totalité de missions aussi importantes que l’écologie, la culture et d’autres encore. Cela ôte finalement toute lisibilité et toute crédibilité au discours que la droite tient généralement sur la maîtrise de la dépense publique puisqu’on ne sait pas, après le passage au Sénat, ce que serait une loi de finances de droite alternative à celle que nous votons à gauche. Je me plais à souligner que nos priorités politiques sur la sécurité, la défense, l’éducation, la culture et l’emploi sont respectées dans ce texte.
Dernier point, sur l’équilibre général : nous avions, en première lecture, après avoir mouvementé près de 1 ou 1,5 milliard d’euros, dégradé le solde de manière provisoire de 500 millions d’euros. Entre-temps, conformément aux engagements du Président de la République et à l’initiative du Gouvernement, des crédits supplémentaires ont été votés pour la sécurité et la défense. Je constate que l’équilibre auquel nous parviendrons ce soir, à la fin de cette discussion – ce sera une ligne directrice pour le vote du groupe socialiste –, respectera quasiment l’équilibre initial. En effet, des allégements, notamment sur le prélèvement à destination de l’Union européenne, ont permis de mouvementer plus de 2 milliards d’euros.
C’est la preuve du rôle actif du Parlement et de la majorité parlementaire pour améliorer ce texte en suivant des orientations politiques fortes. Mais nous maintenons cet équilibre parce que, dans la situation que connaît le pays aujourd’hui, le progrès économique et le progrès social sont en jeu.
La constance dans les politiques que nous menons pour recréer de l’emploi en France suppose de tenir jusqu’au bout le pacte de responsabilité et de solidarité et, bien évidemment, d’être attentif à la situation des plus fragiles. C’est pour cela que le groupe socialiste votera ce texte en nouvelle lecture.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, comme l’année dernière, je veux tout d’abord saluer le travail de nos collègues sénateurs, qui ont examiné non seulement la première partie du budget sur les recettes, mais aussi la seconde partie sur les crédits et les articles non rattachés.
Pour les ménages, pour les entreprises comme pour les collectivités, de nombreuses dispositions ont permis d’améliorer le texte initial.
La navette a également permis au Gouvernement de faire adopter les 815 millions d’euros de mesures qui doivent renforcer la sécurité des Français. La situation dramatique que nous vivons au lendemain des terribles attentats appelle en effet des réponses fortes en matière de sécurité et nous serons bien entendu à vos côtés sur ce plan-là. Nous approuvons d’autant plus ces mesures que nous vous alertons depuis de nombreux mois sur l’insuffisance des moyens alloués à notre défense et à notre sécurité. En revanche, si les nouvelles dépenses annoncées devaient être un prétexte pour s’affranchir de nos engagements européens, notre opposition serait totale.
Je souhaite m’arrêter quelques instants sur les crédits en faveur des outremers – sensiblement épargnés il est vrai par les coupes budgétaires. Néanmoins, je continue à m’interroger sur certains « oublis » – dont je me demande s’ils sont volontaires ou non – relatifs plus particulièrement aux COM, les collectivités d’outre-mer, disposant d’une fiscalité propre : je parle bien évidemment de l’absence de compensation du CICE renforcé, malgré les savants calculs gouvernementaux qui ne satisfont personne.
Je parle aussi de la promesse non-tenue, puisque non traduite dans ce PLF, que le chef de l’État avait faite lors de sa visite éclair sur l’île de Saint-Martin, de supprimer cette absurdité administrative qu’est la dotation de compensation négative.
Un autre débat devra être engagé dans les prochains mois concernant l’exonération de la taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », pour les vols d’une distance inférieure à 50 kilomètres pour les territoires ultramarins. Le cas d’un passager se rendant de l’île de Saint-Barthélemy vers l’aéroport international de Juliana situé à quelques kilomètres, dans la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin, est révélateur. En effet, cet aéroport est considéré comme non européen puisque situé à Sint Maarten, la jumelle néerlandaise « Pays et territoire d’outre-mer » de Saint-Martin, la Française « Région ultrapériphérique ». Conséquence : le passager doit acquitter une taxe de 4,51 euros, soit la même somme que le passager qui ferait un Paris-Tokyo.
L’application de cette taxation est ainsi plus problématique dans les outremers et spécialement dans les îles du Nord. En effet, hormis la voie maritime, l’avion est le seul moyen de transport entre des îles distantes parfois de quelques dizaines de kilomètres.
Je referme cette parenthèse outremer et j’en viens maintenant à la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances pour 2016.
Tirant profit d’un nouveau report du délai de correction du déficit excessif par les autorités européennes, le Gouvernement a fait du retour du déficit en deçà de 3 % du PIB en 2017 son principal objectif budgétaire. Ainsi, il anticipe un déficit de 2,7 % en 2017, après 3,3 % en 2016. Toutefois, entre 2014 et 2015, le solde effectif n’afficherait qu’une amélioration très modeste de 0,1 point pour s’établir à 3,8 % du PIB cette année. On peut légitimement s’interroger sur la capacité du Gouvernement à revenir sous la barre des 3 %.
Concernant la croissance, le Gouvernement retient pour 2016 une prévision de 1,5 %, après 1 % en 2015. Pour autant, des inquiétudes existent, qu’il s’agisse d’un ralentissement des pays émergents, d’une contraction du commerce mondial ou de l’instabilité des marchés financiers – la Banque de France a d’ailleurs récemment revu ses prévisions de croissance à la baisse.
Plus inquiétant encore, la comparaison des principaux indicateurs des finances publiques des États de la zone euro se révèle particulièrement défavorable pour la France. Monsieur le ministre, les difficultés de votre gouvernement à engager des réformes structurelles en privilégiant la technique du « coup de rabot » en sont les principales raisons.
Ce budget sera le dernier en année pleine du quinquennat de François Hollande. Nous devons donc nous interroger sur les résultats de votre politique qui, malheureusement, sont loin d’être au rendez-vous. Non seulement la France connaît un taux de chômage record jamais atteint depuis 1997, mais elle est également la vice-championne du monde des prélèvements obligatoires. Tristes records !
En bref, ce projet de loi de finances pour 2016 n’est pas à la hauteur des enjeux. Il ne contient aucune décision courageuse en ce qui concerne le déficit, la politique de croissance, la baisse réelle de la dépense publique et, hélas, la question de la résorption durable du chômage.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, le Gouvernement présente un budget sans vision dont la seule ambition est de dissimuler les mauvais résultats du quinquennat de François Hollande.
Après avoir consenti des efforts immenses pendant les trois premières années du quinquennat, les Françaises et les Français attendent que le Président de la République tienne enfin ses promesses, qu’il s’agisse de la pause fiscale, de la baisse de la dépense publique ou de la réduction du déficit.
Or, les impôts ont augmenté de plus de 57 milliards entre 2012 et 2015. Alors que, Premier ministre, Jean-Marc Ayrault avait affirmé que neuf ménages sur dix seraient préservés par les hausses d’impôt, ce sont hélas 80 % d’entre eux qui ont été pénalisés par la politique du Gouvernement.
Pour 2016, 22 milliards supplémentaires seront prélevés sur les Françaises et les Français. Il n’y aura donc pas de pause fiscale en 2016, pas plus qu’il n’y en a eu en 2015 et pas plus qu’il n’y en aura, c’est certain, en 2017, date à partir de laquelle le Gouvernement prélèvera 1,9 milliard par an sur les ménages et les entreprises via la contribution climat-énergie.
En outre, l’amendement de Jean-Marc Ayrault, adopté par la majorité contre l’avis du Gouvernement, vise à commencer la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, réforme qui ne pourra se faire qu’au détriment des classes moyennes et des familles.
Je ne reviendrai pas sur la situation des 600 000 retraités qui, pour la première fois cette année, ont reçu un avis d’impôt et qui se trouvent aujourd’hui dans la plus grande inquiétude face à l’improvisation permanente du Gouvernement.
Au niveau local, les impôts augmenteront, c’est inévitable.
D’abord, les collectivités locales n’auront d’autre choix, face à la baisse de leur dotation, que d’augmenter les impôts. Ensuite, face à la revalorisation des valeurs locatives – assiette fiscale des taxes foncières – la charge fiscale augmentera mécaniquement.
Contrairement aux promesses du Président de la République, le Gouvernement continuera donc jusqu’à la fin du quinquennat à asphyxier les ménages et les entreprises, comme il le fait depuis maintenant trois ans et demi.
Mais la promesse de pause fiscale n’est pas la seule que l’exécutif a reniée. En effet, François Hollande s’était engagé à réaliser 50 milliards d’économies dans le cadre de ce fameux pacte de responsabilité que j’avais quant à moi voté, peut-être d’ailleurs naïvement. Alors que cet effort devait se concrétiser par 21 milliards d’économies en 2015, les dépenses ont au contraire augmenté de 15 milliards. Pour 2016, le Gouvernement avait promis 16 milliards d’économies. Or, en tenant compte des crédits d’impôts, les dépenses publiques augmenteront encore de 17,6 milliards en 2016.
Concernant la réduction du déficit, nous déplorons également l’absence de résultats de la politique du Gouvernement et de sa majorité.
Le déficit public est excessif au regard de nos engagements européens et il est aussi très supérieur à celui de tous nos voisins. Nous n’oublions pas que, dans son engagement no 9, le candidat François Hollande promettait de le ramener à 3 % dès 2013. Or, loin de se rapprocher de cet objectif, le déficit n’a hélas diminué que de manière insignifiante en 2014.
Pour 2015, le Gouvernement prévoit une réduction encore plus faible, de 0,1 point de PIB, uniquement obtenue en demandant des efforts considérables aux collectivités locales, au prix d’une diminution dramatique de leurs investissements.
Nous ne pouvons que nous élever contre cette méthode qui consiste, pour l’État, à se contenter de demander des efforts considérables aux collectivités locales tout en s’affranchissant dans le même temps de la réduction de son propre déficit.
Les députés du groupe UDI, comme ils n’ont cessé de le faire depuis le début du quinquennat, ont formulé des propositions constructives tout au long du débat. Nous déplorons qu’elles aient été balayées d’un revers de la main par le Gouvernement.
Le Sénat a réalisé des avancées, lesquelles ont malheureusement été dans leur grande majorité réduites à néant hier, lors de la nouvelle lecture du projet de loi en commission des finances, ce que nous déplorons vivement.
Je souhaiterais revenir sur deux points en particulier.
En premier lieu, le groupe UDI soutient le crédit d’impôt pour l’action solidaire. En effet, le secteur sanitaire, social et médico-social est actuellement exclu du CICE. Il est donc essentiel de créer un mécanisme similaire pour le secteur privé non lucratif des associations, fondations et mutuelles oeuvrant dans le champ des solidarités.
Cette mesure est à nos yeux vitale pour tout le secteur et aurait immédiatement un retentissement positif sur la préservation et la création des emplois. Elle permettrait également de faire un premier pas afin que le CICE soit plus juste – nous avons en effet déploré, depuis sa création, qu’il ne s’applique pas à certains secteurs, notamment aux travailleurs indépendants.
Nous avons aujourd’hui l’opportunité de revenir sur un des défauts du CICE et nous espérons vivement, monsieur le ministre, que le Gouvernement sera à notre écoute sur ce point.
En second lieu, je souhaiterais dire un mot de la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française – la DGA – que le Gouvernement a diminuée de 4 millions pour l’année 2016 alors qu’elle revêt une haute valeur symbolique.
Créée à la fin des essais nucléaires, son montant a été fixé à 90 millions pour dix ans. Trois ans avant le terme de ce contrat, le chef de l’État s’est rendu en Polynésie et a annoncé très clairement aux Polynésiens que cette dotation serait pérennisée en expliquant qu’elle était liée à une forme de reconnaissance de l’État et tenait compte également des bouleversements sociaux et économiques subis par la Polynésie à la suite des essais nucléaires.
Cela ne fait pas dix ans que la Polynésie a pris pleinement conscience des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires. Au-delà d’un simple engagement financier, cette dotation exprime donc un geste fort de l’État. Par conséquent, sa baisse représente à nos yeux une mesure moralement inacceptable. L’État ne peut ainsi se dédire, à plus forte raison quand sa responsabilité est engagée et que des vies ont été brisées.
Le groupe UDI tient à rappeler que la ministre de l’outre-mer s’était engagée « à rétablir en gestion les 84 millions d’euros qui constituent le socle de la DGA ». Elle avait ainsi déclaré : « Je vous dis clairement que, en gestion, vous aurez les 84 millions car, d’un point de vue symbolique, nous ne voulons pas modifier le montant sur lequel nous nous sommes mis d’accord l’année dernière. »
Nous demandons donc à ce que ces 4 millions d’euros soient effectivement accordés à la Polynésie française.
Monsieur le ministre, en refusant de mettre en oeuvre les réformes structurelles dont notre pays a besoin, vous le condamnez hélas à l’injustice et au marasme économique. La réforme de l’État, la réforme des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la rénovation de la démocratie sociale, la transition écologique ou, encore, la valorisation de la ressource humaine de la nation constituent six chantiers essentiels que vous n’avez pas pris à bras-le-corps.
En refusant d’engager ces six réformes indispensables pour préparer l’avenir du pays, vous êtes contraint de faire des choix de court terme qui ne permettront malheureusement pas de maîtriser efficacement les dépenses publiques et qui ne freineront donc pas le déclin du pays, mais qui contribueront, sans nul doute, à rendre toujours plus vulnérable notre modèle social.
Avec ce dernier budget de plein exercice, le Président de la République a fait un seul choix, celui d’un immobilisme coupable, en attendant que son successeur prenne à sa place les mesures nécessaires au redressement de notre pays.
C’est pourquoi le groupe UDI votera contre ce projet de budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, après les dramatiques événements du 13 novembre 2015, le projet de loi de finances pour 2016 a connu une inflexion nouvelle : il a fallu renforcer notre sécurité et les moyens matériels et humains qui lui sont dédiés.
Comme vous l’avez rappelé devant nos collègues du Sénat, monsieur le ministre, il ne peut être question d’augmenter les impôts des Français – nous nous y sommes engagés – et il ne peut être question non plus de réduire à nouveau les crédits de ministères qui concourent pour chacun d’entre eux à la cohésion nationale et, de la sorte, à notre unité.
Ce budget s’inscrit dans le contexte économique d’une Europe plutôt déprimée. Comme le notait l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – au début de 2015, « la France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses partenaires européens ». Si elle fait un peu moins bien que l’Allemagne en termes de PIB, elle fait bien mieux que l’ensemble de l’Europe.
Ainsi, en 2015, la baisse du taux de change de l’euro et la chute des prix du pétrole devraient être des leviers pour accompagner le redémarrage de l’économie française. La croissance pourrait être de 1,1 % du PIB – la meilleure année depuis 2012, où elle était de 0,2 % contre moins de 0,7 % en Europe – puis elle devrait s’établir à 1,5 % en 2016.
C’est à l’aune de ce nouveau contexte qu’il faut relire l’histoire économique et financière de la France et notre politique budgétaire et fiscale de ces trois dernières années. En 2016, le déficit public atteindra 3,3 % du PIB, alors qu’il était encore de près de 5 % en 2012. Le Gouvernement a reconnu devant le Sénat que ce bon résultat avait été obtenu grâce à l’engagement de l’ensemble des administrations publiques, à savoir les ministères, les administrations de la Sécurité sociale et – je souhaite le souligner ici – nos collectivités territoriales.
La dépense publique locale représente en effet 21 % de la dépense publique globale. C’est en référence à ce pourcentage que l’effort des collectivités s’élève, sur le triennal, à 11 milliards d’euros – sur les 50 milliards d’euros d’économies en dépenses – ce que traduit la réduction de 3,67 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement en 2015. Le projet de loi a posé le principe d’une réforme importante de la DGF, que des travaux parlementaires avaient préparée, notamment le rapport de Christine Pires Beaune et de notre regretté collègue sénateur, Jean Germain.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui est une réforme importante, a largement mobilisé notre assemblée et le groupe socialiste, républicain et citoyen. L’analyse montre que les moyens mis à disposition des collectivités, via la DGF, peuvent varier, pour les mêmes strates, du simple au double. Comme je l’ai déjà dit ici même, faire bouger l’ensemble des éléments est à la fois nécessaire, pour en maintenir l’équilibre global, et difficile, en raison des ajustements qui s’imposent.
Le Premier ministre, soucieux de porter une réforme lisible et juste dans ses effets, a pris la décision, après une large concertation, de reporter l’effectivité de la mise en oeuvre de ladite réforme à 2017. Il a fait droit aux interrogations de nombreux élus, locaux et parlementaires, conscients de la nécessité de laisser le moins d’incertitudes sans réponse claire.
J’ai eu l’honneur de déposer, avec Bruno Le Roux, président de notre groupe, et Dominique Lefebvre, vice-président de la commission des finances, un amendement précisant la nouvelle architecture de cette réforme importante, puisqu’elle concerne une dotation de 30 milliards d’euros. Pour nous, il s’agira d’améliorer l’équilibre entre les différentes strates de population par rapport à la version initiale, afin de mieux prendre en compte, en particulier, la situation de certaines villes.
Il s’agira aussi de mieux prendre en compte l’effort fiscal, possible et effectif, des communes et EPCI ayant des populations aux revenus modestes. Notre groupe est soucieux que la diminution des dotations et l’effort de péréquation soient mis en oeuvre sur des critères intégrant non seulement le niveau de richesse, mais aussi les charges des collectivités. Nous aurons quelques mois pour préciser les modalités techniques de cette réforme. Nos collègues du Sénat ont d’ailleurs exprimé la même préoccupation. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner des informations sur le calendrier et la forme que prendra ce travail, qui est certes technique, mais aussi politique ?
Il est politique, j’y insiste, car il vise les communes, premières institutions publiques de proximité de notre République, où le besoin d’être rassuré sur l’avenir de nos services publics est très fort. D’une façon plus globale, le Gouvernement a entendu les préoccupations qui s’expriment quant à l’avenir, et décidé d’accompagner l’effort d’investissement local. Je lui sais gré d’avoir débloqué une enveloppe de 800 millions d’euros à cet effet.
Ce projet de budget exprime, à tous les niveaux – central, déconcentré et décentralisé – la même préoccupation, celle d’un effort collectif pour réduire la charge de la dette et rétablir nos comptes publics, préparer l’avenir de notre pays et continuer d’assurer aux citoyens des services de qualité et accessibles à tous.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2016 revient en nouvelle lecture devant notre assemblée après l’échec de la commission mixte paritaire.
Le Sénat a redonné de la substance et de l’ampleur à un projet de budget inerte. Nos collègues sénateurs ont profondément amélioré le texte, bien souvent contre l’avis du Gouvernement, en adoptant des amendements que les députés du groupe Les Républicains avaient défendus à l’Assemblée nationale en première lecture. Je veux ici saluer le travail accompli par le Sénat, qui a pleinement rempli son rôle d’opposition constructive, en arrivant, pour la seconde fois depuis 2012, au terme du marathon budgétaire.
La majorité sénatoriale, monsieur le ministre, a largement remanié ce projet de loi de finances : cela démontre que la politique que vous menez n’est pas en phase avec les réalités économiques de notre pays, mais surtout, que votre politique ne prévoit pas de réformes structurelles. J’en veux pour preuve le fait que le Sénat a rejeté les crédits de huit missions : ceux de l’agriculture, de la culture, de l’économie, du logement, de l’immigration, des médias, de la politique des territoires et de la santé.
Permettez-moi à présent de revenir, avec un certain enthousiasme, sur les dispositions adoptées par le Sénat. J’aimerais qu’elles vous inspirent, monsieur le ministre, et que, plutôt que de les détruire, vous portiez sur elles un regard bienveillant.
Premièrement, le travail du Sénat vise à redonner du pouvoir d’achat aux familles, qui sont les premières victimes de la politique fiscale du Gouvernement depuis juillet 2012. Les sénateurs ont supprimé la nouvelle baisse de l’impôt sur le revenu et l’ont remplacée par une diminution de 30 % à 28 % du taux marginal d’imposition de la troisième tranche du barème, afin de redonner du pouvoir d’achat à 5 millions de contribuables. Ce gain représentera, en moyenne, 400 euros par foyer fiscal en 2016, ce qui n’est pas anodin, dans le contexte actuel.
Le Sénat a également procédé au relèvement du quotient familial de 1 508 à 1 750 euros par demi-part pour l’imposition 2016. Vous avez tellement matraqué les familles avec les deux baisses successives du quotient familial que les sénateurs de droite et du centre ont voulu leur porter une attention particulière. Le poids des prélèvements obligatoires a ainsi été allégé de 1,75 milliard d’euros, ce qui est colossal. Les sénateurs ont également instauré une franchise fiscale de 5 000 euros sur les revenus bruts tirés par les particuliers de leurs activités sur les plateformes en ligne, sous réserve d’une déclaration automatique de ces revenus.
Deuxièmement, le Sénat a entendu la détresse des agriculteurs en prolongeant le suramortissement Macron pour les entreprises et en l’étendant aux coopératives et aux installations de magasinage et de stockage de produits agricoles – c’est une nouveauté que nous demandions depuis longtemps. Ce sont là des avancées importantes pour le monde agricole. Les sénateurs ont également introduit la possibilité de renoncer à l’option à la moyenne triennale, afin de limiter l’imposition. Ils ont supprimé diverses taxes pour les agriculteurs, allégé les charges patronales des entreprises agricoles pour leurs salariés permanents touchant jusqu’à 1,5 SMIC, et maintenu l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000. Ce sont là des dispositions essentielles pour nos agriculteurs.
À l’article 8, le Sénat avait proposé une avancée que vous avez déjà remise en cause, madame la rapporteure générale, ce que je déplore. Il avait en effet supprimé la taxe sur les farines, qui dessert la compétitivité des meuniers français et favorise les distorsions de concurrence vis-à-vis de leurs homologues étrangers. Je ne comprends pas que vous vous acharniez à réinstaurer cette taxe sur les farines. Nous en reparlerons, lorsque nous examinerons l’article 8.
À l’article 8 quater, le Sénat avait supprimé l’élargissement de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-journalières, afin de préserver la compétitivité de la place de Paris. Ne vous rendez pas responsables de l’affaiblissement de tout le système bancaire français, au profit des systèmes bancaires britannique et américain. Ce serait une nouvelle catastrophe annoncée pour les emplois de ce secteur.
Troisièmement, le Sénat a relâché la pression financière qui pèse sur les collectivités territoriales, déjà accablées par le budget de 2015. Il a en effet minoré de 1,6 milliard d’euros la baisse des concours de l’État aux collectivités territoriales et supprimé la hausse de la péréquation de 317 millions d’euros. C’est fondamental : si nous voulons que nos communes, nos groupements de communes et nos départements continuent à soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics et à investir, il faut conserver cette mesure sage des sénateurs.
Le Sénat a également supprimé le transfert aux régions, à partir de 2017, de la moitié du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, que perçoivent les départements. Ce mouvement fiscal de plus de 4 milliards d’euros vise à compenser les transferts de compétences de la loi NOTRe du 7 août 2015. Le Sénat l’a remplacé par le versement d’une dotation de compensation des départements vers les régions.
Les sénateurs sont par ailleurs totalement revenus sur la réforme de la DGF. Il est vrai que nous avons connu une semaine un peu folle, à la fin de la première lecture de ce projet de loi de finances. Après la levée de bouclier sur la question de la demi-part des veufs et des veuves, due à un oubli de vos services, monsieur le ministre…
C’est vous, les responsables !
On pouvait aussi ne pas le mettre en place !
En 2012, on pouvait difficilement prolonger ce dispositif jusqu’en 2017 ou 2018, mais vous, vous avez omis de le prolonger, ce qui a provoqué une levée de boucliers. Deux jours plus tard, le secrétaire d’État chargé du budget, lui-même, annonçait qu’il ne fallait pas que les contribuables âgés paient leurs impôts locaux, ce qui est quand même extraordinaire. Deux jours plus tard, encore, une réforme de la DGF inscrite dans ce projet de loi de finances a été complètement balayée, à cause d’une fronde qui s’est déclarée à l’intérieur même de votre majorité.
Nous avons vécu une semaine au cours de laquelle plus personne ne savait où allait ce budget. Voilà la réalité !
Le Sénat est donc revenu sur la réforme de la DGF. Il a posé des principes généraux et consensuels et a demandé au Gouvernement la remise d’un rapport présentant les évolutions de la DGF du bloc communal, ainsi que la publication des simulations des effets de la réforme pour chaque commune et chaque EPCI. L’article 58, qui a été totalement réécrit par nos collègues sénateurs, est un article de bon sens, et je vous suggère de vous en inspirer largement.
Le Sénat a rendu éligibles au remboursement par le Fonds de compensation de la TVA les dépenses effectuées par les collectivités territoriales au titre du déploiement du haut débit. C’est une mesure fondamentale pour accompagner ce déploiement.
Il a également contribué à diminuer la dépense publique, en réduisant de 2,3 % les dépenses de personnel, qui représentent, à elles seules, 40 % des dépenses de l’État. Le Sénat a augmenté le temps de travail effectif dans la fonction publique, pour le porter à 35 heures, et a instauré trois jours de carence dans la fonction publique. Il a par ailleurs précisé que les 800 millions d’euros que l’État devait consacrer à la sécurité et à la défense de nos concitoyens ne pouvaient pas constituer une dépense nouvelle : il importe de les redéployer, au terme d’un arbitrage.
Monsieur le ministre, le Sénat est parvenu à faire courageusement ce que vous n’avez pas réussi à faire depuis quatre ans. Je crains néanmoins que ces mesures ne succombent à leur passage devant l’Assemblée nationale. Comme à son habitude, la majorité détricotera en effet, avec minutie, le travail accompli par l’opposition. Monsieur le ministre, vous pouvez suivre l’élan engagé par les sages du Sénat, en tenant compte de ces avancées. Il est l’heure d’être constructif, l’heure de tirer les leçons de vos échecs.
Cela permettrait d’atténuer l’effet, sur les Français, des tristes records et annonces de ces derniers jours. Je pense notamment aux 42 000 chômeurs supplémentaires du mois d’octobre et à la croissance qui atteindra, au mieux, 1,5 % en 2016. Les dernières prévisions de croissance de la Banque de France viennent, une fois de plus, doucher votre optimisme, puisque la reprise économique annoncée est de nouveau repoussée. La Banque de France a revu à la baisse sa prévision et ne prévoit que 0,3 % de croissance pour l’économie au quatrième trimestre, contre 0,4 % auparavant.
Monsieur le ministre, aurez-vous le courage de tenir compte de nos propositions ? La situation fiscale, économique, sociale et sociétale de notre pays l’impose.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous abordons l’examen des articles du projet de loi de finances pour 2016.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n° 154 .
Cet amendement vise à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture. Je rappelle en effet que les sénateurs ont supprimé pour 34 milliards d’euros de crédits, suppression qui affecte notamment les missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Culture », « Médias, livre et industries culturelles » ou encore « Santé ». Ce faisant, ils ont réajusté le déficit nominal au regard de ces suppressions. C’est pourquoi je vous propose, en rétablissant ces crédits, de rétablir le solde budgétaire nominal tel qu’il était initialement prévu.
L’amendement no 154 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article liminaire, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 155 .
Cet amendement vise à rétablir la décote proposée dans le texte initial du Gouvernement et que notre assemblée avait votée en première lecture. En la supprimant, le Sénat a du même coup supprimé 2 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages qui ont les revenus les plus modestes.
Mme la rapporteure générale a évoqué une suppression de 2 milliards d’euros du pouvoir d’achat des ménages. Je tiens à préciser que le Sénat a pris une mesure venant compenser cette suppression en redonnant 5 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages relevant de la troisième tranche d’imposition.
Ce ne sont pas les mêmes !
Ce ne sont peut-être pas les mêmes, mais il y avait un effet multiplicateur important. Vous faites une profonde erreur en ne suivant pas la proposition des sénateurs.
L’amendement no 155 est adopté.
L’article 2, amendé, est adopté.
La commission n’a pas souhaité supprimer l’article 2 bis A introduit par le Sénat, qui prévoit l’application du mécanisme de la décote aux contribuables non résidents dont les revenus de source française sont supérieurs ou égaux à 75 % de leur revenu mondial imposable.
Cet article pose pourtant un problème d’égalité de traitement puisque cette condition ne peut être pleinement appréciée que pour les contribuables qui sont tenus de déclarer l’ensemble des revenus dont ils disposent. Le risque est que des contribuables dont les revenus seraient répartis entre la France et l’étranger se voient appliquer une décote qui ne s’appliquerait pas à ceux dont la totalité des revenus, pourtant inférieure, serait en France.
Le Gouvernement souhaite donc la suppression de cette disposition introduite au Sénat.
Cet amendement a été examiné dans le cadre de la réunion prévue par l’article 88 du règlement, c’est-à-dire rapidement.
L’article 2 bis A a été adopté à l’initiative du sénateur Richard Yung, qui représente les Français établis hors de France depuis plusieurs années et qui a lui-même vécu à l’étranger. Il vise à faire bénéficier de la décote tous les non-résidents dont plus de 75 % de leurs revenus sont de source française. C’est à nos yeux une mesure d’égalité entre les contribuables.
C’est l’inverse !
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
L’amendement no 303 est adopté et l’article 2 bis A est supprimé.
Article 2 A
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 156 .
L’article 2 ter A introduit par le Sénat prévoit de réduire de manière considérable la taxation des plus-values immobilières, puisque le taux passe de 19 % à 8 % au titre de l’impôt sur le revenu et de 15,5 % à 6 % au titre des prélèvements sociaux. C’est pourquoi l’amendement vise à supprimer cet article.
L’amendement no 156 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 2 ter A est supprimé.
L’article 2 ter est adopté.
Article 2
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 157 et 71 rectifié .
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 157 .
L’Assemblée avait adopté un amendement de M. Pupponi visant à proroger de deux ans la réduction dite Malraux au titre des dépenses de restauration d’immeuble dans des quartiers anciens dégradés.
Contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a modifié l’article notamment en supprimant la date d’échéance de la réduction d’impôt au 31 décembre 2017 et en prévoyant que la réduction d’impôt sera accordée au titre des investissements dans un quartier ancien dégradé « lorsqu’une autorisation de travaux a été déposée au cours de l’année suivant l’échéance de la convention pluriannuelle par le PNRQAD » – programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
C’est pourquoi l’amendement vise à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale en première lecture.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 71 rectifié .
Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques et lève le gage.
Les amendements identiques nos 157 et 71 rectifié , modifiés par la suppression du gage, sont adoptés. L’article 2 quater est ainsi rédigé et l’amendement no 70 tombe.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 158 rectifié et 72 rectifié .
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 158 rectifié .
Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article 2 quinquies A issue du Sénat. Celui-ci avait étendu le champ de l’agrément aux immeubles inscrits à l’inventaire des monuments historiques, tout en modifiant les critères d’éligibilité. L’amendement vise à ne garder du texte du Sénat que l’élargissement aux immeubles inscrits et à supprimer la modification des critères d’éligibilité.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 72 rectifié .
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée et lève le gage.
Les amendements identiques nos 158 rectifié et 72 rectifié , modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.
L’article 2 quinquies A, amendé, est adopté.
Article 2 A
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 159 .
Alors que nous avons examiné tous ces dispositifs dans le cadre du PLFR pour 2015, le Sénat a décidé d’en réintroduire certains à l’intérieur du PLF. Nous proposons de les supprimer.
L’amendement no 159 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article2 sexies A est supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 160 .
L’amendement no 160 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article2 sexies B est supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 161 .
L’amendement no 161 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article2 sexies C est supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 162 .
L’amendement no 162 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 2 sexies D est supprimé.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 163 et 127 rectifié .
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 163 .
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 127 rectifié .
Les amendements identiques nos 163 et 127 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés et l’article2 sexies E est supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 164 .
Le Sénat a introduit dans deux articles – l’article 2 septies et l’article 37 bis – des dispositions concernant les revenus bruts retirés par les particuliers de leurs activités sur les plateformes en ligne. L’amendement vise à supprimer l’article 2 septies et nous proposerons de compléter l’article 37 bis.
Cet amendement ouvre un débat intéressant et important, qui passionne à juste titre les sénateurs et les députés, puisqu’il porte sur les modalités d’imposition des nouvelles manières de commercer en ligne. C’est à l’article 37 bis que nous aurons ce débat.
Avis favorable à l’amendement, qui vise à supprimer l’abattement de 5 000 euros.
L’amendement no 164 est adopté et l’article 2 septies est supprimé.
Cet amendement vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, qui prend en considération, dans le cadre notamment de la vente à distance et en ligne, les groupements d’opérateurs et pas simplement les opérateurs isolés.
Mon argumentation avait été partagée par l’ensemble de mes collègues, par-delà les clivages politiques, lors de la première lecture.
Je suis défavorable à l’amendement pour une raison qui peut être partagée par M. Hammadi. Cette disposition comprend en effet des dispositions contraires au droit européen. Je comprends les préoccupations de l’auteur de l’amendement, mais si celui-ci était adopté, il serait déclaré non conforme au droit communautaire. Le mieux serait que M. Hammadi retire son amendement.
Je fais confiance à M. le ministre et retire mon amendement. Toutefois, ce retrait s’accompagne d’un doute. En effet, que ce soit dans le cadre de différentes dispositions de la loi Consommation ou dans celui de transpositions de directives européennes, c’est le mot « groupement » que le Gouvernement et le Parlement français ont retenu. Le débat pourra donc être prolongé.
L’amendement no 8 est retiré.
L’article 3 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 165 .
Cet amendement vise à modifier légèrement un article adopté par nos collègues sénateurs, dont nous avions déjà débattu à l’Assemblée nationale en première lecture et auquel j’étais favorable : il s’agit de ramener de 20 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux produits de protection hygiénique féminine. Notre assemblée n’avait malheureusement pas adopté cette mesure, mais plusieurs d’entre nous l’avions défendue sur ces bancs.
Le Sénat a souhaité étendre cette baisse de la TVA aux produits hygiéniques destinés, notamment, aux personnes incontinentes. Compte tenu du coût budgétaire assez important de cette mesure, nous proposons de la limiter aux produits de protection hygiénique féminine, pour un montant total de 50 millions d’euros.
Permettez-moi enfin de saluer l’initiative prise par Mme Coutelle.
Il s’agit d’un sujet qui intéresse, à juste titre, au moins la moitié de l’humanité ! Dans mon intervention liminaire, j’ai déjà fait savoir que le Gouvernement s’en remettrait au vote de l’Assemblée nationale : c’est une manière d’être favorable à l’amendement no 165 de la commission des finances.
Sur ces questions de TVA, nous sommes toujours confrontés au même problème. Si certains demandent une baisse du taux de TVA, c’est pour que les prix diminuent. Si la baisse de la TVA n’entraîne pas une baisse des prix, cela signifie que la mesure ne bénéficie pas aux femmes et aux personnes concernées. Le rôle du Parlement est aussi de vérifier, sur le terrain, que les choses se passent correctement. Je veux donc le dire ici clairement et fermement : si le Gouvernement s’en remet à votre sagesse et accepte, en quelque sorte, cette baisse de TVA, alors il faudra que cette mesure se répercute sur les prix. Sinon, elle n’entraînera qu’une augmentation de la marge des entreprises, ce qui n’est pas, me semble-t-il, l’objectif que vous poursuivez.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
En première lecture, dans le courant de la nuit, nous avions découvert cet amendement porté par certaines députées socialistes, qui répond à une demande forte de plusieurs lobbies – il faut appeler les choses par leur nom !
Je ne m’oppose pas à cet amendement, mais M. le ministre a trouvé les mots justes. Comment va-t-on vérifier, demain, que cette mesure sera bien répercutée sur les prix ? Si les prix restent constants et si les fabricants améliorent leurs marges, alors cela va poser une vraie question, puisque c’est le budget de l’État qui aura financé ce dispositif.
Il y a quelque chose que je trouve profondément injuste. Comme l’a dit Mme la rapporteure générale, le Sénat a étendu le dispositif au profit des personnes âgées incontinentes. L’achat de produits de protection représente aussi un coût réel pour les familles concernées.
Il aurait été intéressant que nous puissions le prendre en compte. Pour ces personnes-là, l’achat de produits hygiéniques n’est pas un choix ; c’est une contrainte et une obligation : dans leur budget, cela représente un coût.
Dans ce cas, pourquoi ne pas étendre la mesure aux produits hygiéniques destinés aux enfants ?
Vous dites que le Sénat a écarté une telle mesure pour les produits destinés aux enfants. Mais permettez-moi de vous rappeler que les allocations familiales sont destinées à compenser les charges liées à l’éducation des enfants : on peut considérer qu’elles permettent la prise en charge d’une partie de l’achat de produits hygiéniques destinés spécifiquement aux enfants. En revanche, rien n’est fait pour les personnes âgées. Le Sénat avait réparé cette injustice très judicieusement.
Je salue les propos du ministre Michel Sapin. La polémique relayée dans les médias est complètement injuste, notamment à l’égard du secrétaire d’État Christian Eckert, qui est aussi garant de l’équilibre budgétaire. Nous avons été pris au dépourvu.
La disposition proposée aujourd’hui est très intéressante, et je pense que nous allons l’adopter. Il est de notre responsabilité d’interpeller les associations de consommateurs et, peut-être, de contrôler l’application de cette décision. La délégation aux droits des femmes, qui va apprécier cette mesure, va certainement procéder à des contrôles. Il va être très difficile de démontrer la réalité d’une baisse de quelques centimes du prix d’un paquet de produits d’hygiène féminine dans les grandes surfaces. Effectivement, nous devons veiller à la manière dont ces décisions relatives aux taux de TVA sont appliquées. Nous avons de vieux souvenirs concernant une décision relative au taux de TVA applicable dans la restauration, qui n’a jamais été suivie d’effets.
L’amendement no 165 est adopté.
L’article 3 bis A, amendé, est adopté.
L’article 3 bis est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 166 .
Cet amendement vise à supprimer un mécanisme introduit par le Sénat, qui consiste à appliquer le taux de TVA à 5,5 % à des opérations immobilières d’accession effectuées en démembrement de propriété.
En effet, ce mécanisme est très complexe et peu opérationnel. Il repose sur une acquisition différée du terrain, combinée à une dissociation de celui-ci et du logement, d’une part, et sur l’intervention d’un établissement public foncier acquérant le terrain et d’une société civile coopérative de construction acquérant le logement, d’autre part.
L’article 3 ter A, introduit par le Sénat à l’initiative de Mme Lienemann, permet de favoriser l’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En essayant de diminuer le coût du foncier, nous voulons faire en sorte que l’opération se solde par un taux de sortie favorable pour les populations les plus fragiles et les plus défavorisées, qui pourraient ainsi accéder à la propriété.
Madame la rapporteure générale, j’aimerais que vous changiez d’avis. Il est indispensable de favoriser l’accession à la propriété dans ces quartiers. Pour ce faire, il faut diminuer le coût du foncier, et le démembrement est une solution.
Si l’amendement de suppression de l’article est adopté, alors les deux suivants, nos 239 et 125, tomberont : je vais donc les présenter dès maintenant.
Il y a aujourd’hui un paradoxe : dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les logements faisant l’objet d’opérations d’accession sociale à la propriété ainsi que les logements sociaux bénéficient d’un taux de TVA de 5,5 %, alors que les logements intermédiaires sont soumis à un taux de 10 %. C’est pourquoi je souhaite uniformiser les taux de TVA en appliquant le taux de 5,5 % à l’ensemble des logements proposés dans ces quartiers, qu’il s’agisse de locations ou d’opérations d’accession à la propriété. Cela aurait une certaine logique, et cela irait dans le sens de l’objectif poursuivi par le Gouvernement, à savoir favoriser la mixité sociale. Le logement intermédiaire est justement un facteur de mixité sociale, alors que le taux de TVA qui lui est applicable est aujourd’hui supérieur à celui dont bénéficient les opérations d’accession sociale à la propriété.
Cette anomalie est la conséquence logique des dispositions que nous avons votées, mais il convient d’y remédier en appliquant le taux de 5,5 % dans l’ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville, afin de favoriser la mixité sociale comme le demande le Gouvernement.
Le Sénat propose de dissocier le terrain et le logement, et de leur appliquer un taux de TVA de 5,5 % à tous les deux. Nous devons parfois interpréter les dispositions des directives européennes, et vous savez qu’il m’arrive de pousser l’interprétation un peu loin.
Sourires.
En l’occurrence, l’annexe III de la directive européenne du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée prévoit, dans son point 10, que l’application du taux réduit de TVA est limitée à « la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale ». Plusieurs champs d’application sont possibles, mais il n’est jamais fait mention des terrains.
Si, monsieur Pupponi : c’est exactement ce que veulent faire nos collègues sénateurs, qui ont étendu le bénéfice du taux de TVA de 5,5 % aux terrains alors que la directive que je viens de citer ne mentionne que les logements.
Aujourd’hui, quelqu’un qui construit des logements sociaux ou mène une politique d’accession sociale à la propriété dans ces quartiers achète le terrain, construit des logements et les vend au taux de TVA de 5,5 %.
C’est vrai, mais je n’y suis pour rien ! Ce n’est pas moi qui ai écrit la directive européenne !
Or, aujourd’hui, on sait que le coût du foncier est un frein à la construction de logements sociaux dans ces quartiers. Le Sénat propose qu’un porteur de projets achète le terrain au taux de 5,5 %, et qu’un autre porteur loue ce terrain et construise des logements, également à 5,5 %. Ainsi, le taux de 5,5 % s’appliquera à l’ensemble de l’opération. Ce qui est absurde, c’est qu’il faut être propriétaire du terrain pour bénéficier du taux réduit de TVA. L’article 3 ter A propose un démembrement : un acteur achète le foncier, un autre construit les logements. À la fin, l’opération est neutre.
Le problème, c’est que le constructeur n’est pas forcément le propriétaire des logements. Dans ce cas, le propriétaire est soumis au taux de 20 % alors que le constructeur bénéficie du taux de 5,5 %. Il s’agit d’une anomalie.
Ce qui nous intéresse, c’est que des logements soient construits. Même en cas de démembrement, lorsque les porteurs du logement et du terrain sont différents, l’Europe peut comprendre que le taux de 5,5 % doive s’appliquer. Il y a une logique dans l’opération. Aujourd’hui, les opérateurs trouvent absurde que, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, lorsqu’on démembre la propriété du foncier, on ne puisse bénéficier du même taux.
Il en est de même pour le logement intermédiaire. Dans ces quartiers, pourquoi le logement intermédiaire serait-il soumis au taux de 10 % alors que tous les autres bénéficient du taux de 5,5 % ?
L’amendement no 166 n’est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 239 .
Il vise à permettre que le taux de TVA de 5,5 % s’applique à l’ensemble des logements dans les quartiers les plus défavorisés. Il y aura ainsi une uniformité de taux dans ces quartiers.
L’amendement no 239 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 125 .
Je le répète : j’étais favorable à l’amendement de suppression présenté par la rapporteure générale, mais le vote a eu lieu.
Nous verrons ce qu’il conviendra de faire. Quelle que soit la qualité des arguments de M. Pupponi, je ne peux qu’être défavorable à l’amendement no 125 , car il élargit encore le dispositif adopté par le Sénat.
La solution serait de voter contre l’article 3 ter A : cela aura le même effet que l’adoption d’un amendement de suppression.
Je ne suis pas sûr que cela fasse plaisir à M. Pupponi…
Je lui donne la parole.
Il n’y a pas de problème, monsieur le président : Mme la rapporteure générale et moi n’entretenons pas de rapports affectifs.
Sourires.
Je veux bien réexpliquer les choses. Le Gouvernement souhaite favoriser la mixité sociale, et ne plus reconstruire de logements sociaux dans les quartiers où l’on en détruit afin de diversifier l’offre. Très bien ! Aujourd’hui, le taux de TVA applicable aux logements intermédiaires est de 10 %, alors que, dans les quartiers défavorisés, les logements sociaux et ceux qui font l’objet d’une opération d’accession sociale à la propriété sont soumis au taux de 5,5 %. Il y a donc un frein à la construction de logements intermédiaires favorisant la mixité sociale dans ces quartiers. Le fait que le taux applicable aux logements intermédiaires soit de 10 % dans d’autres quartiers ne pose pas de difficultés, mais dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, cela pose un problème. C’est pourquoi je demande l’uniformisation des taux de TVA dans les quartiers défavorisés, ce qui permettrait un retour des classes moyennes.
Moi qui suis pourtant un soutien du logement intermédiaire, je suis défavorable à l’amendement. Il faut en effet bien en mesurer les conséquences : ce que propose M. Pupponi, c’est tout simplement d’aligner le taux de TVA appliqué au logement intermédiaire sur celui appliqué au logement social, c’est-à-dire que le logement intermédiaire serait dorénavant soumis à une TVA à 5,5 % au lieu d’une TVA à 10 %. Or je pense qu’il existe une différence entre le logement social et le logement intermédiaire et que le soutien public ne doit pas être identique pour les deux catégories de logement.
Je suis d’autant plus défavorable à l’amendement que, si l’on allait jusqu’au bout de cette logique, une prochaine étape pourrait être d’inclure le logement intermédiaire dans la loi SRU, au même titre que le logement social. On gommerait ainsi toute différence entre les deux.
Il me semble donc préférable d’être prudent, monsieur Pupponi.
J’essaie d’être prudent, monsieur Caresche, mais cela répond aussi à de considérations très pratiques : ceux qui construisent les logements intermédiaires nous expliquent que, pour satisfaire aux impératifs de l’équilibre financier, les prix de sortie devraient atteindre, dans les quartiers dont il est question, un niveau qui ne permettrait pas de trouver des personnes intéressées.
On n’arrive donc pas à atteindre l’objectif que le logement intermédiaire, tel qu’il a été conçu, bénéficie à ces quartiers-là. On en construit ailleurs et la ghettoïsation s’aggrave. Voilà ce que nous disent les opérateurs !
Une réduction à 5,5 % du taux de TVA dans ces quartiers conduirait à des niveaux de prix qui permettraient aux gens qui travaillent de s’y loger.
Lesdits quartiers verraient ainsi le retour d’employés et de salariés – alors qu’il n’y en avait plus beaucoup.
Je le répète : cela favorisera la mixité sociale que le Gouvernement a appelée de ses voeux lors du Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté. Si l’on ne fait pas cela, il sera impossible de répondre à sa demande ; on ne verra pas de logement intermédiaire dans ces quartiers et les classes moyennes n’y reviendront jamais.
Je ne fais qu’informer l’Assemblée de la réalité concrète du terrain, c’est tout !
Dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l’égalité et la citoyenneté, qui comprendra un volet consacré au logement, un certain nombre d’orientations ont d’ores et déjà été évoquées, dont des mesures dites « de peuplement ». On s’est notamment interrogé sur la possibilité de mener une politique de peuplement via le taux de TVA ; ce sur quoi je suis en désaccord avec notre collègue Caresche, c’est que le taux de TVA sert non pas à favoriser tel ou tel logement, mais à promouvoir telle ou telle politique.
Il n’y a pas besoin de rencontrer les opérateurs pour savoir à quoi l’on est confronté aujourd’hui ; il suffit de regarder les données économiques, par exemple les coûts de construction, les prix à la livraison et les plafonds de loyers : il existe un écart de 3 à 5 %, qui empêche de mener une véritable politique de diversité sociale. L’harmonisation du taux de TVA, du même ordre de grandeur, permettrait de corriger cet écart. Cette mesure n’aurait pas un coût démesuré, et elle m’apparaît pertinente et efficace, car elle permettrait un pilotage fin à l’échelon des territoires.
Il me semble que nous allons avoir d’autres occasions d’approfondir les questions relatives au logement, notamment tout ce qui concerne le logement intermédiaire, avec les textes qui sont annoncés. Ce qui me gène dans cet amendement, c’est qu’il s’agit d’adopter une disposition importante sans que celle-ci n’ait fait l’objet d’aucune étude d’impact. Notre collègue Pupponi nous apporte certes un certain nombre d’éléments, mais rien n’indique que le bénéfice engendré n’ira pas accroître les marges des constructeurs et que la mesure aura véritablement un impact sur le niveau des loyers.
Cessons de déposer des amendements qui ne font l’objet d’aucune étude d’impact. L’Assemblée nationale s’efforce, via le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, d’évaluer la loi ; là, il s’agit typiquement d’une proposition qui n’est pas évaluée !
C’est indiqué dans l’exposé des motifs : la mesure concernerait 2 000 logements pour un coût d’environ 10,5 millions d’euros. On a donc bien fait une étude, et l’on sait combien cela coûterait ; l’évaluation montre qu’il s’agit d’une somme relativement modeste.
Quant aux promoteurs, je rappelle que le principal pourvoyeur de logements intermédiaires est la SNI, la Société nationale immobilière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations : si l’on n’a pas confiance en elle pour tenir les loyers et promouvoir la mixité dans ces quartiers…
Sourires.
Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais poser une question à M. Pupponi.
Monsieur Pupponi, le « logement intermédiaire » dont vous parlez correspond bien aux logements relevant du prêt locatif social – PLS ?
Alors, je le dis à nos collègues parisiens : le prix de sortie pour un logement relevant d’un PLI est aujourd’hui inabordable pour nombre de familles. Si l’on veut maintenir une certaine mixité, y compris dans des quartiers populaires où la situation est moins tendue que dans les vôtres, on doit impérativement baisser les prix, sinon l’on va vers la ghettoïsation. Il n’est pas fréquent que nous soyons d’accord sur la politique du logement, notamment s’agissant du logement social et intermédiaire, mais il me semble vraiment indispensable d’harmoniser les taux de TVA, non pour nourrir les promoteurs, tant s’en faut – de toute façon, dans le logement conventionné, on trouve en général à la fois de l’intermédiaire, du social et du très social –, mais pour préserver un minimum de mixité, sinon l’on ne fera que créer ghetto sur ghetto.
Donc, pour une fois, je suis favorable à la proposition de notre collègue Pupponi.
Le Gouvernement partage totalement l’objectif du promoteur de l’amendement.
Murmures sur plusieurs bancs.
J’ai bien dit promoteur « de l’amendement » : M. Pupponi n’est pas promoteur d’autre chose, que je sache !
Sourires.
Nous avons nous aussi pour objectif d’éviter la ghettoïsation ou, pour le dire autrement, de promouvoir la diversité des offres et des niveaux de revenus dans les quartiers. Le Gouvernement vise tellement cet objectif que, comme certains d’entre vous l’ont souligné, il a engagé la préparation d’un très important projet de loi sur ces questions de diversité et d’égalité ; ce sera l’un des deux ou trois grands textes qui devraient être discutés ici au cours du premier semestre 2016.
Je propose que l’on n’improvise pas – pardon d’employer ce terme s’agissant de personnes qui travaillent depuis longtemps sur le sujet – une disposition fiscale aujourd’hui, dont il n’est pas avéré qu’elle aura les conséquences attendues, alors qu’il y a par ailleurs d’autres dispositions, soit que nous avons déjà prises, soit que nous nous apprêtons à prendre, qui nous permettront d’être plus efficaces en matière de diversité.
C’est pourquoi, monsieur Pupponi, je vous demande de comprendre la position du Gouvernement : nous ne sommes pas opposés à votre proposition, nous partageons vos objectifs, mais, à ce stade de nos débats, je préférerais que votre amendement soit retiré ou, à défaut, repoussé ; l’adopter serait aller trop vite, car l’on n’a pas examiné toutes les conséquences d’une décision de cette nature.
L’amendement no 125 n’est pas adopté.
Je rappelle que le Gouvernement est contre l’article…
M. le ministre a raison de le préciser : la suite logique des votes auxquels nous venons de procéder est la mise aux voix de l’article, mais le Gouvernement appelle à voter contre.
L’article 3 ter A n’est pas adopté.
Merci à Mme la rapporteure générale de nous avoir indiqué la procédure à suivre !
Il s’agit d’un sujet de même nature…
Le présent amendement a pour objet de supprimer l’article 3 ter B qui vient prolonger d’une année, soit jusqu’au 31 décembre 2016, le bénéfice du taux réduit de TVA de 5,5 % pour les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers faisant l’objet d’une convention avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU.
Je rappelle que le taux réduit continue de s’appliquer dans ce cadre au fur et à mesure de l’échéance des conventions, jusqu’en 2020. Une prolongation supplémentaire d’un an a été accordée pour les conventions qui arrivaient à échéance en 2014, compte tenu des délais de mise en place des nouveaux contrats de ville dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPPV –, ce qui paraît logique et légitime. Toutefois, prolonger d’une année supplémentaire le bénéfice du taux réduit pour des logements qui se trouvent dans des zones qui ne sont plus prioritaires n’aurait pas beaucoup de sens. Voilà pourquoi le Gouvernement présente cet amendement de suppression.
Sourires.
…qui a été adopté hier par notre commission et vise à prolonger le bénéfice du taux réduit de TVA de 5,5 % dans les zones ayant fait l’objet d’une convention avec l’ANRU jusqu’à deux ans après l’achèvement de celle-ci. Dans un souci de cohérence avec les décisions prises par la commission, j’émettrai donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Je crains que les services du ministère n’aient fait une confusion. Des conventions ont été signées avec l’ANRU à partir de 2003 ; or, si ces conventions s’achèvent bien au 31 décembre 2014, les programmes engagés dans ce cadre, eux, continuent, et des permis de construire seront encore accordés en 2015, 2016 et 2017. On a soldé les comptes au 31 décembre 2014, mais on a dit aux porteurs de projets qu’ils pourraient mettre en oeuvre les projets dans les années qui viennent. Est-il alors concevable que, s’agissant d’un même quartier, et dans le cadre d’un projet présenté en 2003 alors que la TVA était à 5,5 %, dès lors que le permis de construire est déposé en 2016, la TVA passe à 20 % ? On sait très bien qu’avec une TVA à ce niveau, dans ces quartiers, les appartements ne se vendront pas. On tue les projets !
Ce que nous demandons, c’est que, dès lors qu’un projet a été validé, on le laisse vivre, même si la convention s’arrête formellement au 31 décembre 2014. Cela signifie seulement qu’on ne lancera plus de nouveaux projets ; mais on sait avec précision ceux qui avaient été inclus dans les conventions et l’on ne doit pas en rejeter certains. Que, dans un même quartier, l’accession à la propriété se fasse avec une TVA à 20 % pour l’un et à 5,5 % pour l’autre serait incompréhensible. Et c’est le président de l’ANRU qui parle !
Dans un souci de dialogue constructif avec votre Assemblée et s’agissant d’un sujet aussi important, qui mobilise d’aussi bons spécialistes, je ne nourrirai pas un débat qui pourrait apparaître, à tort, comme un conflit. Je retire donc l’amendement.
À charge de revanche, monsieur Pupponi !
L’amendement no 302 est retiré.
L’article 3 ter B, amendé, est adopté.
L’article 3 quater est adopté.
Je suis saisi de deux amendements du Gouvernement, nos 272 et 271, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. le ministre, pour les soutenir.
Ces deux amendements sont d’ordre rédactionnel : ils visent à préciser le texte.
L’article 4, amendé, est adopté.
Article 4
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 168 .
Cet amendement touche à un débat qui a eu lieu à plusieurs reprises dans cet hémicycle et au Sénat. Nos collègues sénateurs ont proposé de créer une forme de CICE pour les organismes privés à but non lucratif, pour un montant de 400 millions d’euros.
Notre commission a indiqué être prête à faire un bilan sur cette question. Il est vrai que cela n’a pas été fait en deux ans, alors que le rapport de nos collègues Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico sur l’impact du CICE sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, daté de décembre 2013, a posé la question de manière précise. J’ai donc écrit aux différents organismes et associations concernés que je suis prête à faire à nouveau un bilan complet de l’ensemble des dispositifs.
Quoi qu’il en soit, à ce stade, et compte tenu de la nature même du CICE, qui est un crédit d’impôt, le dispositif prévu par cet article ajouté par le Sénat ne peut pas être mis en oeuvre. Par cet amendement, je propose donc de le supprimer.
Tout le monde connaît, dans cette assemblée, l’amour immodéré que je porte au CICE.
Sourires.
Nous sommes confrontés à une aberration, que le Sénat a eu raison de corriger en introduisant cet article dans ce projet de loi de finances. Prenons un exemple : il y a dans ma circonscription un hôpital dit PSP, participant au secteur public, entièrement conventionné en secteur 1. Cet hôpital privé ne pratique donc pas de dépassements d’honoraires. J’ai discuté avec son directeur : il m’expliquait que son établissement souffrait d’une distorsion de concurrence de l’ordre de 30 % avec les hôpitaux privés à but lucratif.
Certes, des efforts ont été accomplis, notamment concernant la taxe sur les salaires. Cependant, les professionnels concernés nous disent qu’ils sont, aujourd’hui, en difficulté. Or ces établissements sont soumis à des injonctions contradictoires : d’une part, les agences régionales de santé les encouragent à être conventionnés en secteur 1, à maîtriser leurs coûts de gestion, et à autofinancer leurs investissements grâce à leurs fonds propres, ce qu’ils font ; d’autre part, ils se retrouvent en concurrence non pas avec l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris mais avec des hôpitaux privés à but lucratif qui, eux, bénéficient du CICE.
De plus, il faut savoir que ces établissements sont créateurs d’emploi : or le CICE n’a-t-il pas pour objet de promouvoir la compétitivité et l’emploi ? Ils pourraient créer des emplois, mais se retrouvent bloqués. Il y a deux ans, ce problème a été soulevé par le rapport de nos collègues que Mme la rapporteure générale a cité. Il n’y a pas eu d’évolution sur ce point depuis.
L’Assemblée nationale devrait accompagner la croissance des établissements dont j’ai parlé. Pour cela, il faut maintenir la disposition adoptée par nos collègues sénateurs. Cela me paraît normal : quand on est attaché à une santé publique de qualité, il faut aider le secteur sanitaire et social à but non lucratif, et pour cela le faire bénéficier de ces dispositions. C’est pourquoi je suis opposé à la suppression de cet article introduit par le Sénat.
Sur l’amendement no 168 , je suis par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Benoît Hamon.
Je dirai quelques mots à propos de ce secteur que je connais bien. Au moment de la conception de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, le Gouvernement a fixé comme objectif le changement d’échelle de ce secteur. Cela s’applique évidemment au secteur médico-social, puisqu’il y a énormément d’établissements privés à but non lucratif qui assurent, aujourd’hui, une offre de soins de très grande qualité.
Les seuls établissements hospitaliers qui bénéficient du CICE sont ceux qui sont redevables de l’impôt sur les sociétés : les cliniques et les hôpitaux privés. Les établissements privés à but non lucratif qui ne payent pas l’impôt sur les sociétés mais la taxe sur les salaires n’ont pas bénéficié d’un crédit d’impôt équivalent. Résultat : il y a une distorsion de concurrence très défavorable aux établissements privés non lucratifs du secteur médico-social.
Quel a été la réponse du Gouvernement à cette distorsion ? Il a porté l’abattement à la taxe sur les salaires de 6 000 euros à 20 000 euros. À l’évidence, cet abattement aide les petites associations, mais n’a qu’un très faible impact sur les gros établissements du secteur privé non lucratif hospitalier. D’où la disposition introduite par le Sénat dans ce projet de loi, et que l’amendement no 168 de la commission des finances tend à supprimer.
À mes yeux, cet amendement ne va pas dans le bon sens ; il fragiliserait un secteur très important. Je rappelle que ce secteur ne sélectionne pas les malades : il les accueille tous, sans privilégier certaines pathologies, et contribue au service public hospitalier. Il est donc d’intérêt général. C’est pourquoi il est important de prendre une mesure équivalente au CICE, sous la forme d’un crédit d’impôt à la taxe sur les salaires.
Le groupe écologiste votera contre cet amendement de suppression, car il nous paraît essentiel de créer un équivalent du CICE pour le secteur médico-social ; or tel est l’objet de l’article 4, introduit par le Sénat. On a l’impression, dans ce pays, que plus un secteur est socialement utile, moins il est aidé ! Le secteur médico-social doit faire face à une concurrence déloyale de la part du secteur privé, car il ne bénéficie pas du CICE. Il nous semble donc essentiel de l’aider de la même manière que les autres secteurs, pour mettre fin à cette distorsion.
Comme l’a dit mon collègue Pascal Cherki, de nombreux rapports ont été rendus sur ce point. Vous avez cité celui de nos collègues Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico, qui faisait des propositions très précises. Cela fait maintenant deux ans que nous discutons de ce problème : il faut aboutir. Nous sommes conscients que le coût de cette disposition est important, mais il nous paraît utile et juste de maintenir cet équivalent du CICE pour le secteur médico-social. Nous voterons donc contre l’amendement de suppression.
Nous ne découvrons pas ce problème aujourd’hui : ce débat a lieu depuis le début, dès la mise en place du CICE. Scrutin après scrutin, loi de finances après loi de finances, cette question resurgit – c’est normal, et je le comprends tout à fait. Des réponses ont été apportées, que M. le ministre Hamon a très bien décrites. En augmentant l’abattement à la taxe sur les salaires, nous entendions compenser en partie la différence de traitement entre les organismes assujettis à l’impôt sur les sociétés, qui bénéficient du CICE, et ceux qui n’y sont pas assujettis. D’autres mesures ont été prises dans le même esprit, – je ne les ai pas toutes en tête car ce n’est pas mon domaine de compétence –, en particulier concernant le calcul du prix de journée des organismes lucratifs.
Ainsi, au total, il y a eu une compensation. Avec cet article, il y aurait donc une forme de surcompensation : je ne pense pas que cela soit une bonne chose. À chaque fois que cette question a été posée, le Gouvernement vous a dit sa position ; je soutiens donc l’amendement de Mme la rapporteure, car je crois nécessaire de supprimer cet article. L’état actuel du droit n’est pas défavorable au secteur médico-social, puisqu’il existe d’autres dispositions permettant de soutenir le secteur social et solidaire.
Je voudrais réagir aux propos qu’a tenus M. le ministre. Selon lui, la législation actuelle n’est pas défavorable aux organismes à but non lucratif dont nous avons parlé. Il faut admettre que le droit en vigueur est complexe, et que le CICE n’a pas été décidé comme cela. Je ne veux pas reprendre d’autres débats qui ont eu lieu à propos du CICE – par exemple, les possibilités de restitution quand il est utilisé pour augmenter les dividendes –, mais quoi qu’il en soit, vous ne pouvez pas dire qu’il y a une égalité de traitement entre les entreprises de l’économie social et solidaire et les entreprises du secteur lucratif qui interviennent dans ce secteur : c’est tout simplement inexact.
Nous avons longuement débattu du caractère non équitable de ce dispositif, et nous savons aujourd’hui quelles sont les grandes entreprises qui ont touché la part la plus importante de ce crédit d’impôt. Il ne faut pas aggraver cette inégalité : c’est pourquoi – Mme Sas l’a dit – le groupe écologiste ne votera pas cet amendement de suppression. Il faut maintenir ce dispositif d’aide aux entreprises de l’économie sociale et solidaire du secteur sanitaire et social. On ne peut pas nier qu’elles soient défavorisées.
C’est d’autant plus dommage qu’il vaut mieux – je dis cela à l’intention des membres de la majorité – que la santé relève d’organisations n’ayant pas un but lucratif. Il n’est pas évident, pour nous, que des entreprises dont le rôle est de s’occuper de personnes handicapées, de personnes âgées, aient un but lucratif ; ce sont plutôt, de notre point de vue, des entreprises d’intérêt général.
J’ajouterai simplement un élément. On sait que l’un des inspirateurs du CICE est Louis Gallois. Comme président de la FNARS, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, il a toujours pris position – comme beaucoup de grandes fédérations, telles que la Croix-Rouge et l’UNIOPSS, l’Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux – en faveur d’une mesure d’équivalence en faveur du secteur privé non lucratif.
Comme l’a rappelé M. le ministre, ce débat est aussi ancien que le CICE lui-même. En effet, nous avons toujours considéré que nous devons traiter les entreprises de ce secteur autrement qu’au moyen d’un crédit d’impôt, puisqu’elles se trouvent dans une situation particulière vis-à-vis de l’impôt sur les sociétés. M. le ministre a rappelé les mesures qui ont été prises : d’abord, les rectifications tarifaires, qui ont permis de régler en bonne partie la question de l’articulation entre le public et le privé dans le secteur sanitaire – je rappelle que nous avons repris une partie du CICE au secteur privé sanitaire et social par une baisse des tarifs – ; ensuite, la mesure affectant la taxe sur les salaires qui a été évoquée.
C’est pourquoi nous voterons pour cet amendement de suppression qu’a approuvé la commission des finances.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 26 Nombre de suffrages exprimés: 22 Majorité absolue: 12 Pour l’adoption: 15 contre: 7 (L’amendement no 168 est adopté et l’article 4 bis est supprimé.)
Après le CICE, le crédit d’impôt recherche ! Lorsque ce crédit d’impôt est utilisé, souvent par sous-traitance, au profit d’organismes de recherche publics, son bénéfice est augmenté – je crois même qu’il est doublé. Certains souhaitent – ce que l’on peut comprendre – étendre la catégorie des organismes de recherche publics. Cela a été fait pour une catégorie très particulière : les CTI, centres techniques industriels. Ces centres sont soumis à un tel contrôle public, et assurent une telle mission d’intérêt général, que cela paraît tout à fait légitime.
Mais le Sénat a ajouté à ce projet de loi de finances un article pour étendre cette catégorie aux instituts techniques agricoles et agro-industriels, qui sont des structures totalement privées. Or il ne paraît pas légitime au Gouvernement de doubler l’effet du crédit d’impôt recherche lorsque ces organismes sont employés – à juste titre, car ils sont souvent très compétents – comme des sous-traitants de la recherche des entreprises concernées. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que ces dispositions introduites au Sénat soient supprimées.
Sur ce point, nous divergeons. En effet, le doublement des dépenses est déjà pris en compte pour les organismes publics – sous certaines réserves pour les CTI. Cet article a été introduit au Sénat, mais notre commission avait proposé d’introduire un article identique dans ce projet de loi, au moyen d’un amendement qui n’avait pas été adopté en séance, l’avis du Gouvernement étant défavorable.
Il s’agit de permettre ce doublement pour les instituts technologiques agricoles – ITA – ; cela représente un montant de 3 millions d’euros. Avis défavorable à l’amendement de suppression de M. le ministre.
De quoi parlons-nous ? La mesure est modeste quant à son coût, 3 millions d’euros, mais elle soutiendrait le développement de notre filière agricole et lui permettrait de proposer des débouchés pertinents.
En 2014, la loi d’avenir pour l’agriculture avait intégré, rappelons-le, les instituts techniques agricoles dans le code de la recherche. Soyons cohérents, et allons jusqu’au bout de cette démarche. Les centres techniques industriels sont éligibles, depuis 2006, au doublement du crédit d’impôt recherche ; or ils sont des organismes de droit privé, comme les ITA et les instituts techniques agro-industriels – ITAI. Ceux-ci comptent parmi les acteurs de la recherche appliquée, engagés dans le soutien technique aux filières agricoles et agroalimentaires, dont la situation actuelle mérite largement notre attention. Or la recherche appliquée constitue un maillon crucial au service du développement des filières. Pour toutes ces raisons, il convient de maintenir ce dispositif peu coûteux : ce serait un vrai signal pour notre agriculture.
J’abonde dans le sens de la rapporteure générale, non pas au nom de la défense du secteur agricole en tant que tel, mais parce que, s’agissant de la recherche et de la mobilisation du CIR, nous devons être très prudents dans la distinction entre recherche privée et recherche publique. Certains centres de recherche publics, d’ailleurs, pratiquent l’optimisation, ou incitent à le faire ; ils le font toujours pour la bonne cause, et je l’approuve ; reste que le déficit de notre pays en matière de recherche et développement provient de la recherche privée, non de la publique.
Tout ce qui est de nature à favoriser la recherche et développement dans le privé, y compris via des centres de recherche, me semble donc utile.
En l’espèce nous parlons vraiment, s’agissant du CIR, de l’épaisseur du trait. La distinction entre public et privé est périlleuse, quel que soit le secteur concerné, car certaines distorsions de concurrence sont préjudiciables aux évolutions nécessaires en recherche et développement. Navré, monsieur le ministre, mais je me range donc à l’avis de la rapporteure générale.
L’amendement no 301 n’est pas adopté.
L’article 5 quinquies est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 169 .
Il s’agit de rétablir la rédaction de l’Assemblée en première lecture, en ce qui concerne le dispositif d’amortissement exceptionnel prévu pour les robots dans l’industrie.
L’amendement no 169 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article est ainsi rédigé.
Article 6
L’article 6 bis est adopté.
Article 6
Le Sénat a supprimé l’article 6 ter.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 170 , 10 , 16 , 27 et 46 , tendant à rétablir cet article.
L’amendement no 170 fait l’objet de trois sous-amendements, nos 317 , 316 et 315 .
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir cet amendement ainsi que les trois sous-amendements, nos 317 , 316 et 315 .
Ces sous-amendements sont rédactionnels, monsieur le président.
L’amendement vise à rétablir l’article 6 ter, supprimé par le Sénat. Il concerne les biogaz.
Puis-je considérer que l’amendement no 10 est défendu, monsieur Giraud ?
Oui, monsieur le président : même argumentation que Mme la rapporteure générale.
Sourires.
Êtes-vous à l’unisson des orateurs précédents avec l’amendement no 27 , madame Dalloz ?
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements et sur les sous-amendements ?
Je ne vois que des avantages à encourager le recours aux matériels mobiles ou roulants dont il est question. La difficulté est que, lorsque l’on décide d’ouvrir le dispositif à un secteur, on peut aussi l’ouvrir à un autre et ainsi de suite, de sorte que le suramortissement fiscal, que l’on entendait concentrer sur les investissements les plus porteurs – y compris en termes d’activité et d’emploi – risque de se diluer.
Cependant, compte tenu du nombre d’amendements identiques et du nombre de groupes à l’unisson, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Veillons tout de même, avec un dispositif de cette nature, à préserver une certaine concentration, car c’est le gage de son efficacité.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 28 .
Je m’exprimerai un peu plus longuement sur cet amendement-ci, puisque l’un de mes précédents amendements a été passé par pertes et profits… Je propose de conserver une disposition importante, adoptée dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, relative à l’utilisation d’un bien par un associé coopérateur. Pour ce faire, il convient de procéder à des modifications techniques dans la rédaction de l’article 7 bis, notamment par l’ajout des mots : « au prorata des opérations qu’il a réalisées avec sa coopérative. »
L’objectif est d’étendre la notion de coopérative. On a intégré l’économie sociale et solidaire dans l’ensemble des dispositifs, mais complètement oublié les coopératives, lesquelles ont pourtant une importance considérable dans les territoires ruraux.
Défavorable également.
Je soutiens, pour ma part, l’amendement de Mme Dalloz.
L’économie coopérative est une économie sociale et solidaire. La précision technique proposée, destinée à soutenir les investissements dans ce secteur, me paraît relever du bon sens. On ne peut à la fois appeler à un changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire et fragiliser le modèle coopératif à travers des dispositions fiscales.
Les coopératives agricoles, d’ailleurs, ne sont pas les seules concernées par cet amendement que je soutiens, comme j’avais soutenu la mesure relative au crédit de taxe sur les salaires.
L’amendement no 28 n’est pas adopté.
L’article 7 bis est adopté.
Article 7
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 171 , tendant à la suppression de l’article.
Il s’agit en effet de supprimer la prorogation jusqu’en 2017, proposée par le Sénat, de l’extension du suramortissement de 40 %, pour un coût de 380 millions d’euros.
Évidemment très favorable.
L’amendement no 171 est adopté et l’article 7 ter est supprimé.
Article 7
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 299 , tendant à la suppression de l’article.
Cet article, très ciblé, vise des territoires et des équipements particuliers, les remontées mécaniques. Les effets positifs de la mesure concernée se limiteraient donc à un nombre assez restreint d’entreprises de ce secteur.
Au-delà d’un caractère anecdotique et local, fréquent dans nos débats, la disposition votée au Sénat, que le Gouvernement souhaite voir supprimée, étend de façon bien trop large les déductions exceptionnelles visées à l’article 39 decies du code général des impôts.
Pour être efficaces, les dispositifs doivent être ciblés : à force de les étendre, cette efficacité se perd.
Le Sénat a souhaité étendre le suramortissement de 40 % aux remontées mécaniques : de fait, on peut les assimiler à un mode de transport, mais ils participent aussi à l’économie du tourisme.
L’autre argument apporté hier par nos collègues sénateurs en CMP est que la durée d’amortissement de ces équipements est bien plus élevée – vingt ou trente ans – que celle de véhicules de transport tels que les cars ou les camions.
La commission, sensible à cet argument, a donc proposé de maintenir la mesure votée au Sénat, ce qui me conduit, monsieur le ministre, à émettre un avis défavorable à votre amendement.
Que la montagne est belle !
Sourires.
En effet, monsieur le ministre ; mais, toute plaisanterie mise à part, le dispositif Macron de suramortissement pose un problème de cohérence au vu des différences de durée d’amortissement des équipements pour la neige.
En la matière, le timing des remontées mécaniques n’est pas le même que pour les autres véhicules, y compris, par exemple, les chenillettes, qui sont éligibles au dispositif. Bref, tout cela est un peu confus.
Le problème a d’ailleurs une dimension internationale puisque les durées d’amortissement ne sont pas les mêmes de part et d’autre des frontières que traversent les stations : c’est tout particulièrement ennuyeux pour les plus petites d’entre elles – il ne s’agit donc nullement d’un « amendement Courchevel » –, auxquelles la mesure donnerait une petite bouffée d’oxygène, outre qu’il est illégitime, je le répète, d’avoir des régimes différents de part et d’autre des frontières.
L’amendement no 299 n’est pas adopté.
L’article 7 quater est adopté.
Article 7
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 172.
Le Sénat avait proposé d’étendre aux bâtiments et installations de stockage de produits agricoles le bénéfice du sur-amortissement de 40 %, ce qui ne me paraît pas tout à fait en ligne avec l’intention ayant présidé à la création de ce dispositif. Par conséquent, la commission a proposé la suppression de cet article.
L’amendement de suppression no 172 est adopté et l’article 7 quinquies est supprimé.
Comme vous le savez, nous tentons, depuis deux ans, de supprimer les « petites » taxes, mais, évidemment, toute la difficulté réside dans la façon d’apprécier ce qualificatif.
C’est ainsi que le Sénat a proposé, à l’article 8, la suppression de plusieurs taxes, dont l’effet serait de réduire de 90 millions d’euros le montant des rentrées fiscales de l’État. Lorsque l’Assemblée s’était livrée au même exercice, la perte de recettes correspondante n’était que de 11 millions d’euros.
Nous proposons donc d’en rester au texte voté par notre assemblée en première lecture.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir le sous-amendement no 314 .
Lors de l’examen du texte en première lecture, nous avons déjà consacré beaucoup de temps à la fameuse taxe sur les farines, que les sénateurs, faisant preuve d’une certaine constance, proposent de supprimer.
Je rappelle à nos collègues que cette taxe, comme l’a dénoncé la Cour des comptes dans son rapport annuel en 2014, a un coût de gestion élevé : de toutes celles gérées par la Direction générale des douanes et des droits indirects, elle figure parmi les plus coûteuses.
Un autre problème est qu’elle affaiblit de façon conséquente la compétitivité de la meunerie française. En effet, alors qu’ils devraient concerner tout le monde, ces 15,24 euros par tonne ne sont quasi-exclusivement prélevés que sur les meuniers français. De leur côté, les meuniers étrangers qui livrent aussi nos boulangers dans les territoires ruraux ne déclarent ni ne payent rien. Or cette taxe représente pour le secteur de la meunerie française un coût équivalent à 6 à 7 % du chiffre d’affaires.
Compte tenu du coût élevé de sa collecte, comme de la perte de compétitivité induite pour l’ensemble de la filière boulangerie, il est nécessaire et urgent, à mon sens, de maintenir la suppression de la taxe sur les farines.
La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir le sous-amendement no 318 .
J’abonderai dans le sens des propos de Mme Dalloz car, en tant qu’élu frontalier, je vois également déferler les livraisons de farine en provenance d’Italie – pays que j’aime par ailleurs beaucoup.
Lorsqu’une taxe représente 6 à 7 % du chiffre d’affaires du secteur, cela pose un énorme problème, notamment dans les zones frontalières. Comme l’a très bien dit à l’instant Mme Dalloz, la Cour des comptes avait eu, à propos de cette taxe, des mots extrêmement violents, parlant d’une « application complexe qui confine à l’absurde ».
Il serait donc souhaitable de suivre l’avis de la Cour et de mettre fin à cette distorsion de concurrence, sans quoi nous verrons la profession disparaître.
Nous sommes tous bien conscients que cette taxe de 15,24 euros par tonne sur les farines pose un problème de concurrence déloyale, parce qu’il semblerait que d’autres pays ne l’appliquent pas, alors qu’ils sont censés le faire.
Mais le produit de cette taxe s’élève à 64 millions d’euros, qui vont remplir les caisses de la Mutualité sociale agricole, la MSA, et on ne sait pas par quelle ressource la remplacer.
C’est pour cette raison qu’à ce stade, et même si on peut juger dangereux de laisser les moulins et les meuniers subir une concurrence déloyale – le président de la commission des finances va d’ailleurs faire une annonce à ce sujet –, notre commission a émis un avis défavorable sur ces deux sous-amendements, en attendant qu’une solution soit trouvée pour compenser la perte de recettes pour la MSA.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Je confirme ce que vient de dire Mme la rapporteure générale. À la commission des finances, nous veillons à éviter toute perte de recettes susceptible d’aggraver le déficit. Malheureusement, il n’existe pas, dans l’immédiat, de solution de remplacement pour ces 64 millions d’euros.
Mais nous sommes vraiment conscients du problème, car il s’agit d’une taxe de production, qui pèse sur le compte exploitation des entreprises concernées, et nuit donc à leur compétitivité. Mais il n’existe pas que la taxe sur les farines dans le domaine agro-alimentaire : il en existe d’autres.
Le bureau de la commission des finances a donc décidé, avant-hier, de créer une mission d’information sur le sujet, confiée à M. Razzy Hammadi et à Mme Véronique Louwagie. La commission espère pouvoir faire, d’ici quelques mois, des propositions, mais, bien entendu, elles ne pourront déboucher que dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.
Monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, même si il ne m’appartient pas de commenter les activités de la commission des finances, la création de cette mission d’information me paraît une très bonne chose.
Car s’agissant des petites taxes nous en revenons toujours au même débat : on ne cesse de nous adresser le reproche, qui pourrait être adressé à d’autres, de créer de nouvelles taxes sans en supprimer d’autres. Mais à chaque fois que nous souhaitons en supprimer une, nous trouvons toujours quelqu’un pour dire qu’il fait la maintenir, et parfois quelqu’un pour dire qu’il faut en créer d’autres.
Pourquoi ? Parce que chacune de ces petites taxes est affectée à un usage ou à un organisme spécifique, qui a son utilité. On dit souvent que derrière chaque niche fiscale se cache un chien de garde, mais c’est également vrai pour les petites taxes.
Il faut cependant aller vers une simplification, car il existe trop de mécanismes fiscaux de nature différente. La démarche est certes difficile et compliquée, car elle peut heurter certaines situations acquises, dans le bon sens du terme, mais elle n’en doit pas moins être poursuivie. Le Gouvernement soutient donc le travail visant à simplifier nos dispositifs fiscaux. Mais à ce stade, dans le contexte actuel et compte tenu des débats qui viennent d’avoir lieu, il est favorable à l’amendement de la commission no 173 et défavorable aux deux sous-amendements identiques, nos 314 et 318 .
Je remercie le bureau de la commission des finances de nous avoir confié, à Mme Louwagie et à moi-même, la responsabilité de cette mission d’information. En commission, nous avions, avec ma collègue, défendu le même sous-amendement, mais, dès lors que nous avons collectivement pris la décision d’entreprendre ce travail, et parce que la simplification doit concerner, sans exception, toutes les petites taxes applicables au secteur agro-alimentaire, j’ai pour ma part préféré, par principe, renoncer à le défendre en séance publique. Je me rangerai donc à l’avis du président de la commission, de la rapporteure générale, et du ministre.
Pour autant, et sans préjuger du résultat des travaux de la mission d’information, nous pouvons d’ores et déjà constater qu’un accord existe, sur ce sujet, entre deux députés de bord et de sensibilité différents.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 174.
Le Sénat a adopté un certain nombre de dispositions relatives à la fiscalité agricole qui figurent dans le projet de loi de finances rectificative adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 décembre dernier.
Par conséquent, pour une question de lisibilité, je propose de réserver au PLFR toutes les dispositions relatives à la fiscalité agricole et de supprimer celles qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2016.
Même avis pour les mêmes raisons.
L’amendement no 174 est adopté et l’article 8 bis A est supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 175.
L’amendement no 175 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 8 bis B est supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article no 176.
Cet article, introduit au Sénat par la voie d’un amendement de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann et du sénateur Richard Yung, s’inscrit dans le combat que nous menons contre l’optimisation fiscale agressive et l’évasion fiscale.
Il propose d’intégrer dans la base taxable d’un certain nombre d’entreprises les bénéfices réalisés par une société établie dans un État à fiscalité privilégiée à raison de l’activité réalisée en France par une entité qui est placée sous son contrôle.
Il s’agit effectivement d’une démarche intéressante : je fais d’ailleurs partie de celles et de ceux qui l’ont soutenue depuis 2012, notamment au travers d’amendements.
En revanche, la rédaction de cet article va à l’encontre d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, dit « Cadbury Schweppes », du 12 septembre 2006. Je n’entre pas dans les considérations constitutionnelles, mais la conserver en l’état nous placerait en contradiction avec le droit européen.
J’entends bien que d’autres pays, comme le Royaume-Uni, ont, en 2015, instauré des dispositions qui visent à étendre les bases taxables lorsque tous les revenus réalisés par des filiales à l’étranger n’auraient pas été intégrés.
Mais pour l’heure, la rédaction de cet article comporte des imprécisions qui, de fait, risqueraient d’en fragiliser la portée. Pour cette raison, la commission propose de le supprimer. Cela n’exclut pas une éventuelle reprise de la disposition concernée – de manière plus précise, afin de ne pas prêter le flanc à la critique d’incompétence négative – dans un texte examiné au cours de l’année prochaine.
Même avis, notamment en raison de l’incompétence négative.
L’article 8 bis C porte sur un sujet majeur. Certes, l’amendement qui en est à l’origine a été déposé par les sénateurs Marie-Noëlle Lienemann et Richard Yung, mais il a également été soutenu par l’ensemble du groupe socialiste du Sénat, ainsi que par M. Roger Karoutchi, qui connaît très bien ces questions pour avoir lui-même siégé pendant des années au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques. L’un des arguments opposés par certains sénateurs à la proposition était en effet la nécessité d’attendre les mesures prises par l’OCDE.
Mais de quoi parlons-nous ? D’un des thèmes sur lesquels nous sommes régulièrement interpellés, dans nos circonscriptions, par les acteurs économiques comme par nos concitoyens ; du fait que de très grandes entreprises –que je ne citerai pas nommément – réalisent des profits sans être imposées sur une assiette fiscale précise, si bien que leurs concurrents, ceux qui ne vendent pas en ligne et qui ne sont pas installés dans d’autres pays de l’Union européenne, subissent une injustice fiscale flagrante.
Je rappelle que l’amendement en question a été, au Sénat, voté à la quasi-unanimité, gauche et droite confondues.
Je suis en désaccord avec trois points qui viennent d’être évoqués. Tout d’abord, il convient de ne pas sous-estimer la portée de cet article, sachant que la forme de contournement fiscal auquel il vise à mettre fin prive l’État de 1 milliard d’euros de recettes.
Ensuite, La Grande-Bretagne a mis en place un dispositif rigoureusement identique.
Nos collègues sénateurs ont en effet transposé le dispositif appliqué dans ce pays depuis le début de 2015.
Enfin, la disposition ne prévoit pas la mise en place de nouvelle sanction fiscale : je ne suis donc pas d’accord avec l’argument relatif à son inconstitutionnalité. Elle ne crée pas de nouveau dispositif fiscal, mais précise simplement l’assiette concernée. Et je ne vois pas très bien comment, compte tenu de tout ce que nous avons défendu depuis 2012, notamment concernant l’abus de droit fiscal, il serait possible de s’y opposer.
Bref, c’est un vrai signal politique que nous voulons envoyer pour montrer, au-delà des clivages qui peuvent exister au Sénat et à l’Assemblée nationale, notre volontarisme et notre souveraineté. C’est une réponse concrète, à laquelle on ne peut se contenter d’opposer l’argument, contesté sur le fond, d’inconstitutionnalité – hier et avant-hier, dans la presse économique, des juristes ont justement rappelé les fondements constitutionnels d’un tel dispositif.
Nous voulons nous battre au niveau international, et particulièrement au niveau européen, contre l’érosion fiscale ou l’optimisation fiscale agressive, et j’ai envie que l’action que je mène au niveau du G20 et au niveau européen depuis des mois et des mois se traduise concrètement et soit la plus efficace possible.
Dans un tel domaine, pour que nous soyons efficaces, il faut que les vingt-huit pays de l’Union européenne adoptent le même dispositif, et il faut donc une directive européenne. C’est exactement ce à quoi nous travaillons puisque, sous la pression particulièrement de la France, de l’Italie et de l’Allemagne, la Commission proposera dès le début de l’année prochaine une directive, qui comprendra des dispositions de cette nature, presque identiques, ce qui permettra une application uniforme dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Je ne suis donc pas opposé au principe de cet article – du moins sur le plan politique, et en laissant de côté les questions juridiques et constitutionnelles susceptibles de se poser –, mais, par souci d’efficacité, je souhaite que la décision soit prise au niveau européen. Nous pourrons peut-être mettre en oeuvre un dispositif de cette nature au cours de l’année 2016 après l’adoption d’une directive par le Conseil et par le Parlement sur proposition de la Commission.
Je salue tout ce qui a été fait par le Gouvernement depuis 2012 dans nos différentes lois de finances. M. le ministre vient de nous expliquer que l’objectif était d’avoir en début d’année des mesures identiques…
De même nature !
…mais, politiquement, puisque la gauche et la droite au Sénat ont adopté cette mesure à la quasi-unanimité, nous nous honorerions à faire de même ici à l’Assemblée nationale pour lui donner encore plus de force dans le cadre des négociations au niveau européen. Nous savons, en effet, qu’au-delà de la volonté, de la combativité, de la force de conviction que peuvent avoir nos gouvernements, le vote d’un Parlement pèse aussi dans la négociation.
Puisque nous avons le même objectif, je vous propose de conserver la disposition adoptée par le Sénat, ce qui nous donnera d’autant plus de force dans la négociation européenne, sachant que c’est à une telle disposition que nous souhaitons arriver.
L’amendement no 176 est adopté et l’article 8 bis C est supprimé.
Le Sénat a supprimé l’article 8 bis.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 19 , qui tend à rétablir l’article 8 bis.
Cet amendement vise à rétablir la convergence des fiscalités sur l’essence et sur le diesel, « moins un plus un », comme cela avait été prévu dès le départ, l’engagement initial du Gouvernement étant bien de réduire de 2 centimes par an l’écart de taxation entre les deux carburants.
Nous avons bien noté les dispositions prises dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, mais je me dois de souligner qu’au rythme finalement retenu – 1 centime par an –, il faudra beaucoup de temps pour réduire l’avantage fiscal accordé au diesel.
Je retire mon amendement mais je souhaiterais tout de même que nous puissions discuter avec le Gouvernement de la façon d’aller plus rapidement vers une convergence fiscale entre essence et diesel.
L’amendement no 19 est retiré et l’article 8 bis demeure supprimé.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 177 , qui tend à supprimer l’article 8 quater A.
Cet amendement tend à supprimer une disposition permettant aux entreprises possédant des installations polluantes de déduire de leur TGAP, la taxe générale sur les activité polluantes, les dons consentis à des associations.
Il existe en région des associations de contrôle de la qualité de l’air dont le conseil d’administration accueille à la fois des représentants de l’État, des représentants des collectivités locales, des représentants des entreprises qui leur ont versé des montants qu’elles peuvent déduire de leur TGAP et des personnalités qualifiées. Le Sénat a maintenu la possibilité pour ces associations, agréées par le ministère de l’écologie et du développement durable, de percevoir ces dons qui leur permettent d’assurer leurs missions. Le Gouvernement, lui, souhaite que tout soit centralisé au niveau national.
La commission, qui a examiné cet amendement un peu trop rapidement hier, s’est prononcée pour la centralisation de ces fonds. Réflexion faite, je crois tout de même, à titre personnel, qu’il faut maintenir au niveau régional le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui, ce que l’article du Sénat permet d’inscrire dans la loi.
Comme l’a expliqué la rapporteure générale, cet amendement qui supprime une disposition adoptée au Sénat pose un gros problème aux agences de surveillance de la qualité de l’air. Le Sénat ne faisait en effet que maintenir la situation actuelle, en permettant aux établissements de verser leur TGAP « air » localement, à leur organisme de surveillance de la qualité de l’air, organisme en général régional, dans la limite de 171 000 euros par installation.
Le dispositif actuel satisfait tout le monde, y compris les entreprises, que vous pouvez interroger à ce propos. Elles apprécient qu’il y ait un lien local entre les agences de surveillance de la qualité de l’air et les installations implantées sur les territoires.
Une circulaire d’avril 2015 a tenté de centraliser la TGAP « air » au niveau de l’entreprise et non pas de l’établissement, avec l’objectif de favoriser un versement à l’État plutôt qu’aux agences de surveillance de la qualité de l’air. Or les versements directs des établissements aux agences de la qualité de l’air représentent 25 à 50 % de leurs budgets. C’est donc extrêmement important simplement pour la survie de ces agences. Je rappelle à l’occasion de la COP21 que ce sont elles qui mesurent les émissions de CO2. Elles ont donc un rôle primordial dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Il est essentiel de maintenir la situation qui prévalait avant la publication de la circulaire, ce qu’a fait le Sénat, et de favoriser le versement local des installations aux agences de surveillance de la qualité de l’air en région. Je me permets de faire remarquer à ce propos qu’il y a une petite erreur dans l’exposé sommaire puisque le plafond s’apprécie aujourd’hui par installation et non pas entreprise.
Bref, nous vous demandons de ne pas voter cet amendement de suppression et de maintenir la disposition adoptée par le Sénat, qui sécurise le dispositif actuel, pour permettre aux établissements qui le veulent de continuer à verser de l’argent aux agences de surveillance de la qualité de l’air en région.
Je vais exactement dans le même sens, je pense que, comme l’a expliqué la rapporteure générale, nous n’avons pas suffisamment approfondi le sujet hier en commission.
Il est question de l’environnement et, en cette semaine de COP21, il serait très malvenu de toucher au principe du pollueur-payeur, qui fait vraiment ses preuves. Il est question aussi du dialogue sur le territoire, puisque, comme cela a été rappelé, il y a une concertation autour des associations, la fédération Atmo France et toutes ses déclinaisons en région, auxquelles nous devons beaucoup parce qu’elles exercent un réel rôle de surveillance et de discussion avec les entreprises et les collectivités. En cette période un peu troublée, il est important de parler de lien.
Initialement, le texte du projet de loi allait dans le sens d’une circulaire des douanes qui a été prise, à mon sens, plutôt pour faciliter la gestion que pour des raisons d’opportunité.
Comme Eva Sas et Valérie Rabault, je souhaite vraiment que l’on rétablisse le système antérieur. Sur le plan budgétaire, cela ne change strictement rien pour l’État, contrairement à ce qui a été dit, puisqu’il y a une forme d’écrêtement. Au moment de la COP21, ce serait un bon signe de parvenir à l’unanimité sur cette disposition.
Argument supplémentaire qui n’a pas été évoqué, les agences n’ont survécu que grâce à l’engagement des collectivités territoriales. Il serait donc assez malvenu de recentraliser des financements dont on ne sait pas ce qu’ils deviennent. Ils montent vers Paris, ils ne redescendent jamais.
En cette période, il faut garder des systèmes décentralisés qui ont fait leurs preuves.
Ces associations jouent un rôle de service public, nous en avons absolument besoin, notamment en cas de pic de pollution.
Nous sommes en train de renforcer la législation permettant d’agir en cas de pic de pollution de l’air. Si nous donnons le sentiment d’affaiblir ceux qui ont le thermomètre pour mesurer la pollution – pour des sommes minimes par rapport au budget de l’État –, cela peut être extrêmement mal ressenti par nos concitoyens qui la subissent. Ils peuvent avoir le sentiment que nous ne faisons pas le nécessaire pour préserver les indicateurs permettant de savoir si l’air qu’on respire est sain pour nos enfants, pour les personnes âgées, pour tous ceux qui souffrent de maladies respiratoires, pour tous ceux qui, grâce à l’action de ces associations, ont su à quel point la qualité de l’air dans notre pays était dégradée.
Nous ne devons donc absolument pas affaiblir les associations et nous ne devons donc pas adopter cet amendement, mais, en plus, il faut réfléchir à des financements plus pérennes pour que les associations puissent accomplir non seulement les tâches qu’elles accomplissent depuis de nombreuses années avec efficacité mais en plus celles que nous voulons leur confier progressivement, notamment pour lutter contre le réchauffement climatique.
La TGAP étant liée aux activités polluantes, c’est bien dans les zones où il y a des entreprises ayant le plus d’activités de ce type que le besoin de financer la surveillance de la qualité de l’air est le plus fort. Le lien direct entre le versement d’une part de la TGAP et les agences régionales est donc logique. On n’imagine pas qu’une remontée au niveau national sera utile pour avoir une bonne surveillance au niveau local.
Pour le reste, je partage évidemment tous les autres arguments qui ont été avancés.
Je comprends parfaitement l’intérêt qu’il y a à organiser ce type de contrôle à un échelon décentralisé. Les entreprises en seront d’autant plus motivées. Encore faut-il que ces associations fassent l’objet des contrôles nécessaires au niveau régional.
Murmures.
Il vaut mieux le dire. Nous devons avoir accès à des comptes rendus d’activité, il faut que cela soit suivi.
L’amendement no 177 est retiré.
L’article 8 quater A est adopté.
Cet amendement vise à rétablir l’article 8 quater dans sa rédaction initiale, afin d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières – TTF –, en y intégrant les transactions dites « intra-day », engagées et dénouées au cours d’une seule et même journée. L’entrée en vigueur de cette disposition est prévue le 31 décembre 2016, date qui a été ardemment discutée dans cet hémicycle.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 13 .
Ces amendements sont extrêmement importants. Nous allons savoir si nous renforcerons ou non l’aide au développement et si nous tiendrons ou non les engagements pris par le Président de la République dans le cadre de la COP21, grâce à un outil de financement innovant, créé par la précédente majorité et conforté par la majorité actuelle. En effet, le taux de la taxe sur les transactions financières, que nous avions fixé à 0,1 %, est désormais de 0,2 %, soit nettement inférieur à celui de certains de nos voisins, puisqu’il se situe, au Royaume-Uni par exemple, entre 0,5 et 1,5 %…
…et qu’il rapporte des sommes particulièrement importantes.
Allons-nous enfin commencer à réguler la finance internationale ? Je rappelle que l’imbécillité des marchés financiers a fait perdre 4 000 milliards de dollars en 2008 au monde entier, auxquels se sont ajoutés les 1 000 milliards d’une relance qui a porté peu de fruits. Pourtant, nous ne réussissons pas à répondre concrètement au besoin de 100 milliards de dollars des pays en voie de développement, ce qui serait possible avec un financement innovant comme celui de la taxation des transactions intra-day.
C’est d’ailleurs en ce sens que les dix pays européens réunis autour de cette question ont mené leur réflexion puisque, s’ils n’ont pas encore fixé le taux, ils se sont mis d’accord sur l’assiette, en y intégrant les transactions intra-day. On nous dira que ce n’est pas encore pour tout de suite, mais pour dans quelques mois. Or, nous avons la possibilité de le faire dès maintenant, et cela donnerait plus de force à la parole de notre pays.
Comme vient de le dire notre collègue Pancher, cet amendement est extrêmement important, parce qu’il vise à inclure les transactions infra-journalières dans la TTF française. Il est important en soi, au niveau national, pour réguler le système financier et financer l’aide publique au développement, mais également pour peser sur les négociations européennes, de sorte que ces transactions intra-day soient bien incluses dans l’assiette de la taxe sur les transactions financières européennes.
Après avoir bien étudié la question, nous avons l’assurance que ce dispositif peut être mis en application progressivement. La date du 31 décembre 2016 nous laisse le temps d’échanger avec nos partenaires européens et de nous préparer techniquement au niveau national. Il est donc très important de rétablir l’article 8 quater.
Cet amendement vise à rétablir l’article tel que nous l’avions voté en première lecture, afin de témoigner de l’accord de l’Assemblée avec les négociations menées en ce moment au niveau européen, entre les onze États…
L’Estonie a refusé de signer.
…qui ont décidé de renforcer leur coopération afin de créer une taxe sur les transactions financières et d’y intégrer les transactions intra-day. Cela permettrait de limiter les effets déstabilisateurs de ce type de transactions, en réduisant leur intérêt financier. Nous souhaitons mettre les bénéfices de cette taxe au service de la solidarité internationale, en les fléchant vers le financement pour lutter contre les effets des changements climatiques.
C’est tout notre groupe qui s’est engagé sur ce sujet. Je tiens à dire, à l’attention de tous les acteurs qui nous écoutent, que si nous avons choisi la date du 31 décembre 2016, c’est parce que nous espérons que les négociations européennes auront alors abouti, de sorte que la taxe s’applique au niveau européen. Nous souhaitons que le Gouvernement nous rende compte, le plus rapidement possible, de l’avancée des négociations, notamment lors des séances de questions au Gouvernement, afin de nous garantir une mise en place rapide du dispositif.
Je me réjouis sincèrement de voir que cette taxe sera l’un des acquis de notre mandature. Je voudrais remercier le président Le Roux et, à travers lui, tout le groupe socialiste pour cet amendement qui est une très bonne chose. Il vise à donner plus de force au Gouvernement dans les négociations qu’il mène, pour que la France ait ce rôle moteur et réussisse à convaincre ses partenaires européens.
Mais nous donnons aussi au Gouvernement un outil pour la lutte en faveur du développement. Cet article répond à deux problématiques : réguler la finance folle – notre collègue Pancher a dit des choses très justes à ce propos –, ce qui est l’un des premiers buts de la TTF ; lever les fonds nécessaires en faveur du développement. Nous savons bien que ce n’est pas en augmentant la pression fiscale sur les particuliers que nous y parviendrons.
À ce propos, monsieur le ministre, je vais bientôt présenter un amendement très important visant à porter le plafond de la TTF à 40 %. Dans l’article d’équilibre, vous aviez repris, un peu rapidement, 160 millions d’euros, après qu’il a été porté à 25 %. C’est un tout. Il faut de l’argent. Il n’y aura pas de solution pérenne à la crise des migrants, si nous n’aidons pas leurs pays à se développer. Nous votons sur les instruments juridiques, afin de pouvoir progresser, de concert, sur les instruments budgétaires.
La commission a voté hier sur l’amendement de M. Cherki, qu’elle a rejeté à une voix près.
Notre commission, qui n’est pas coutumière des manoeuvres, et encore moins des manoeuvres anti-Cherki,
Sourires
a voté. L’amendement a été rejeté à une voix près. Je me dois de vous le dire.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements, puisqu’ils sont bien identiques ? Vous voyez, monsieur Cherki, que votre désir de vous singulariser ne facilite pas les choses d’un point de vue législatif !
Sourires.
Hier, la commission a voté formellement sur l’amendement de M. Cherki qui a été rejeté à une voix. Je vous présente les choses de la manière la plus objective possible. Par conséquent, ce vote s’applique à l’ensemble des autres amendements qui lui sont identiques.
Je ne suis pas tenu à la même rigueur que la rapporteure générale, qui rend compte du débat interne au sein de sa commission. Je vais, quant à moi, vous rendre compte du débat interne au sein de l’Europe. Nous voulons qu’il y ait une taxe sur les transactions financières au niveau européen, réaliste et efficace. Les milliards ainsi obtenus seraient prioritairement affectés – c’est en tout cas la position de la France – aux pays en voie de développement pour leur permettre de lutter contre les effets du réchauffement climatique, ce que l’on appelle, dans le jargon de la COP21, l’adaptation.
Pour revenir sur le fond du texte, tous ces amendements reprennent les dispositions adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale, après un débat auquel j’avais participé, même si Christian Eckert est le principal défenseur du texte dans l’hémicycle, parce que c’est un sujet qui me passionne, à titre personnel, mais aussi parce que c’est, à mon avis, un sujet politique extrêmement important, qui porte un message très fort.
Vos amendements rétablissent l’équilibre que nous avions trouvé en première lecture. Le Gouvernement souhaite que les dispositions qui avaient été adoptées et qui répondaient à un équilibre précis soient réintroduites.
Mais, entre le vote en première lecture et celui d’aujourd’hui, un certain nombre de choses se sont passées.
Elles sont d’ailleurs allées dans le sens du vote intervenu en première lecture. Avec cet article, nous ne parlons au fond que de la taxe sur les transactions financières telle qu’elle existe aujourd’hui. Nous voulons en améliorer la base, avec ce que l’on appelle – mon cabinet m’a écrit une note en anglais, me voilà bien ! (Sourires) – l’infrajournalier.
J’utilise le terme correspondant en français, car notre langue est suffisamment subtile pour traduire les subtilités de la science financière, pour peu que cela en soit une.
Dans la nuit de lundi à mardi – car cela se passe toujours de nuit –, nous avons eu des discussions importantes, voire décisives, je l’espère, même si dans ce domaine, avant le dernier acte, on n’est jamais sûr d’avoir obtenu ce que l’on souhaite. Nous nous sommes mis d’accord sur l’assiette de la taxe, pour l’ensemble du champ des transactions financières, et pas seulement sur la question des actions qui sont traitées aujourd’hui.
C’était jusqu’à présent le sujet le plus difficile, car il y avait toujours un pays qui considérait que ce qui était principalement traité chez lui ne devait pas être taxé et que ce qui était traité chez l’autre devait l’être. Je ne sais pas si c’est une bonne manière de défendre son territoire, mais toujours est-il que, in fine, rien n’était taxé nulle part et que nous en revenions à une taxe nationale. Nous nous sommes mis d’accord sur ce point, et le premier élément retenu, c’est que « devront être taxées toutes les transactions infrajournalières ».
Au niveau européen, notre volonté, partagée avec d’autres – il n’y pas ici de singularité française –, l’a emporté. Tant mieux ! Cela donne donc raison au vote intervenu en première lecture, et je vous en remercie.
Je suis toutefois obligé d’introduire un bémol dont je vous avais déjà fait part en première lecture. J’espère que nous pourrons nous accorder sur tous les éléments de la taxe. Comme pour toute taxe, il nous faut une base, sur laquelle nous sommes d’accord. Elle est large, puisqu’elle comprend les dérivés, en particulier certains outils financiers complexes, mais qu’il fallait imposer. Il faut maintenant nous mettre d’accord sur un taux et sur un montant. Une fois d’accord sur ce montant, on tire les conséquences en termes de taux.
Nous avons demandé à la Commission de travailler d’ici à mi-2016 afin de nous mettre d’accord sur un dispositif complet : la base, le taux et le produit escompté, qui restent donc à déterminer. Ce n’est pas le plus compliqué, mais cela reste à faire. Je souhaite que cela soit arrêté à la mi-2016 et qu’à partir de là, nous puissions respecter le délai précisé dans cet amendement, soit la fin de l’année 2016, pour ne pas dire le début de l’année 2017. Je le souhaite profondément.
Si jamais ce n’était pas le cas, je serais obligé de revenir devant vous, parce que je ne crois pas à une taxe large sur les transactions financières dans un seul pays, pour des raisons que chacun comprend. Ces transactions franchissent les frontières à une vitesse bien plus rapide que celle qu’a ma voix pour parvenir à vos oreilles. La vision doit être européenne.
Nous avons entendu plein de chiffres. Cela rapporterait des milliards et des milliards… Assurément, il nous faut être ambitieux, mais c’est en étant raisonnable que l’on sert le mieux son ambition.
J’ai dit ici, et je le répète, que l’objectif de la France est qu’au niveau des dix pays concernés, et qui ne sont pas les moindres – il y a entre autres l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la France –, cette taxe rapporte au minimum entre 10 milliards et 15 milliards, soit deux fois plus que ce que rapportent au total les taxes existantes sur les produits financiers dans ces pays. La France souhaite que ces nouvelles recettes soient avant tout consacrées à la lutte contre le réchauffement climatique dans les pays les plus en difficulté, souvent à la fois les plus menacés et les plus pauvres, pour leur permettre de contrer ses effets, dont certains sont déjà observables.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Telle est la position française : une taxe sur les transactions financières avec une large assiette, à un taux faible pour être réaliste, qui rapporte entre 10 et 15 milliards, un surplus affectée à la lutte contre le réchauffement climatique.
Mêmes mouvements.
La voix qui a abouti à un vote défavorable en commission des finances hier après-midi, c’était la mienne. De par ma fonction de président de cette commission, je veille à voter le moins souvent possible car j’estime que la présidence doit être impartiale, mais le sujet m’est apparu extrêmement important. Monsieur le ministre, j’ai beaucoup apprécié votre intervention à l’instant. Néanmoins, par rapport à l’accord du 8 décembre et aux propos que vous avez tenus en première lecture, il ne s’agit pas d’un bémol, plutôt d’un dièse.
C’est au-dessus !
En effet, monsieur le ministre. Comme l’a rappelé Bertrand Pancher, cette taxe a été mise en place sous la précédente majorité, en mars 2012. C’est dire que nous adhérons complètement à ses objectifs. Sachant qu’elle doit être mise en oeuvre sur une base légale européenne, donc à partir d’une directive qui associe au moins un certain nombre d’États, vous nous avez rassurés puisque dix pays sont prêts à y aller. Mais on ne peut qu’être moins optimiste sur les délais que lorsque nous en discutions il y a un mois.
J’ai en effet été sensible à deux faits : votre réponse à une question d’actualité, la semaine dernière, a montré que vous n’étiez plus du tout axé sur l’année 2016 mais plutôt sur une mise en place en 2017 ; et puis le commissaire européen concerné, Pierre Moscovici, a dit très explicitement que la directive n’interviendrait au plus tôt que mi-2017. Or, je rappelle que lorsque j’ai rapporté le collectif budgétaire créant la taxe en mars 2012 – dont le taux a été augmentée dès le mois d’août de la même année –, il m’avait été alors assuré, au ministère comme à l’Élysée, que l’Allemagne adopterait une telle taxe avant la fin de l’année… Elle ne l’a toujours pas créée.
Aujourd’hui, il s’agirait de l’étendre, aux termes de l’accord passé avec les neuf autres pays, aux opérations intrajournalières à partir du 31 décembre 2016. Je crains que dans un an, lors de la préparation de la loi de finances pour 2017, nous soyons obligés de revoir notre position – comme vous-même l’avez laissé entendre. Je pense donc qu’il serait beaucoup plus raisonnable de ne pas anticiper maintenant que l’on a la quasi-certitude que l’extension de la taxe et l’élargissement de son assiette n’adviendront pas avant 2017.
Par ailleurs, vous n’avez pas dit, monsieur le ministre, qu’il y a eu tout de même des notes discordantes lors de la réunion du conseil ECOFIN la semaine dernière : certains pays, et non des moindres, veulent exonérer les fonds de pension.
C’est la position de la Hollande, mais elle ne fait pas partie des dix !
C’est aussi celle de la Belgique, monsieur le ministre.
Et puis j’appelle votre attention sur un point : nous devons être très vigilants sur le maintien de la compétitivité de la Place de Paris.
En effet, si nous étendons cette taxe aux opérations intrajournalières avant les autres – et M. Cherki le sait bien en tant qu’élu parisien –, la tenue de marché risque de se faire ailleurs, et nos entreprises seraient alors handicapées pour mobiliser des fonds propres chez nous. Certes, la tenue de marché sera exemptée de la taxe, mais nous risquons tout de même d’être en grande difficulté.
Je tenais à le rappeler tout en adhérant tout à fait aux objectifs poursuivi, y compris une augmentation de l’aide au développement – je vous rejoins, monsieur Pancher – dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, mais cela suppose une mobilisation au niveau européen. Vous voyez, monsieur le ministre, qu’il ne s’agit pas de divergences de fond mais de divergences d’opportunité au vu d’un calendrier européen que nous sommes obligés de respecter.
On voit qu’il reste tout de même beaucoup de questions en suspens, mes chers collègues. Ainsi, le principe de la taxation des produits dérivés a été acté, mais le débat sur son mode de calcul n’a pas encore abouti. Et puis il y a la question de la viabilité financière de la taxe dont nous discutons : rapportera-t-elle vraiment plus que ce qu’elle coûtera ? Quant à son champ d’application sur le plan géographique, il reste à définir, de même, cela a été rappelé, que ses taux.
Par ailleurs, je vous indique, monsieur Le Roux, que les pays qui se sont ralliés au principe de la taxe Tobin sont au nombre de dix et non de onze, l’Estonie étant sortie entre-temps des négociations. Quant à l’accord signé, on peut en apprécier les termes : il renvoie à la nécessité de poursuivre les discussions… J’admire l’optimisme de M. le ministre quand il évoque un moment décisif car, pour ma part, je crois plutôt qu’il s’agit d’une belle opération de communication, d’un exercice en trompe-l’oeil. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, rien n’est arrêté.
Dès lors, au vu de la situation actuelle, fixer au 31 décembre 2016 l’application de la taxe aux transactions intrajournalières, c’est mettre la charrue avant les boeufs. Mais c’est une tradition que nous ne pratiquons pas en milieu rural parce que nous, nous avons du bon sens. Il faut, le président Gilles Carrez l’a fort bien rappelé, ne pas mettre en difficulté la Place de Paris. J’ajouterai qu’il faut aussi ne pas mettre à mal la compétitivité du système bancaire français. Au regard du niveau actuel du chômage, on ne peut pas se permettre de perdre des emplois dans ce secteur. Il y a déjà suffisamment de pans de l’économie impactés par les mesures du Gouvernement. Si nous sommes les seuls à élargir le champ de la taxe sur les transactions financières, on va rendre un immense service aux autres places, notamment anglo-saxonnes, et il sera alors un peu tard pour dire : « Mince, on n’avait pas envisagé que de tels dégâts se produiraient. »
Pour toutes ces raisons, de grâce, ne fixons pas de date. Il faut attendre que l’accord soit acté au niveau européen. Prévoir une application de cette nouvelle taxation au 31 décembre 2016 ne serait qu’une date d’affichage.
L’économie et la finance sont au service de la politique, et non l’inverse.
Si on n’a pas cela en tête, il ne faut pas s’étonner alors que, sans boussole, n’importe qui puisse faire n’importe quoi, notamment dans les urnes.
Je tiens, monsieur le ministre, à vous remercier, au nom de l’UDI que je représente aujourd’hui, pour la position que vous avez adoptée. Elle était attendue et déjà évidemment défendue par mon groupe ainsi que par son ancien président, Jean-Louis Borloo, qui attend beaucoup des financements supplémentaires – qui n’arrivent toujours pas – pour le développement de l’Afrique.
Une étude très précise de l’Autorité des marchés financiers a révélé que l’essentiel des transactions intraday et à haute fréquence se concentre sur les actions des grandes entreprises du CAC 40, lesquelles n’ont déjà aucun mal à trouver acheteurs ou vendeurs. Au contraire, il existe une surliquidité du fait des acteurs de marché qui se glissent entre chaque milliseconde des échanges et, payés à la commission, jouent toujours un coup de plus.
Deuxième observation : on ne constate aucune fuite des transactions et des opérateurs depuis la mise en place de la taxe sur les transactions financières, contre laquelle on opposait à l’époque les mêmes arguments que ceux que j’entends aujourd’hui. Certains craignaient alors déjà une fuite des capitaux.
Troisième observation : si la taxe est appliquée comme en Grande-Bretagne, une entreprise devra s’acquitter d’un droit de paiement pour acheter un titre de nationalité française. Dès lors, peu importe sa localisation. Il n’y aura par conséquent aucun intérêt pour elle à délocaliser ses transactions vers d’autres places financières.
Enfin, je rappelle que quarante pays dans le monde se sont déjà engagés, d’une manière ou d’une autre, dans ce type de processus.
Deux brèves remarques. Tout d’abord, pour rectifier ce qu’a dit notre rapporteure générale, je rappelle que ce n’est pas l’amendement Cherki qui a été rejeté en commission – je ne l’avais pas déposé, sachant que le président de mon groupe soutiendrait le sien dans l’hémicycle –, mais l’amendement Pancher – que j’avais voté. Par conséquent, j’annonce déjà que je retire mon amendement.
Seconde remarque : monsieur Carrez, je comprends votre cheminement intellectuel, mais c’est toujours le même qui est suivi lorsqu’on essaye de faire un pas de plus dans la régulation de la finance. Je me rappelle que quand vous défendiez le principe d’une taxe sur les transactions financières – même si le taux était de zéro –, ce qui rend paradoxale votre position, d’autres collègues tenaient le même raisonnement que vous aujourd’hui pour s’y opposer : « Attention à nos emplois, les capitaux risquent de fuir, et puis il y a Euronext, on ne peut donc pas le faire tout seul… » ; ce à quoi on leur avait répondu – sans doute vous à l’époque : « Mais vous semblez oublier que l’impôt de Bourse existe déjà, et qu’il sert à financer le fonctionnement de la place boursière de Paris. » Je note d’ailleurs que vous ne vous en êtes jamais plaint.
J’admets tout à fait qu’on nous oppose dans cet hémicycle toujours les mêmes arguments, mais je pense que l’histoire est en train de nous donner raison, ce qu’a dit le ministre me conforte sur ce point. Il faut avancer, mettre progressivement en place un cadre européen de régulation de la finance. Il est très important que la France, un des pays les plus importants de l’Union européenne, soit moteur dans cette affaire. Les Allemands le sont sur d’autres sujets, mais nous devons l’être sur celui-ci. Il faut que nous soyons capables, par notre vote, de donner encore plus de force au Gouvernement dans les négociations pour qu’il entraîne une grande partie de nos partenaires européens.
L’amendement no 113 est retiré.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2016.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly