Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos s’articulera autour de deux registres : l’équilibre des comptes publics, objet du présent texte, et les choix politiques, notamment au regard de la COP21 et du résultat des élections régionales.
Pour ce qui concerne l’équilibre du budget, il faut d’abord se féliciter que, pour la première fois depuis longtemps, les résultats – ou ce qu’on peut en anticiper – soient conformes aux prévisions. C’est presque un exploit, tant les mauvaises habitudes avaient consisté, jusqu’à présent, à esquiver les incertitudes, s’agissant notamment des risques sur la croissance.
Sans doute faut-il insister sur la réalisation des recettes au niveau attendu, alors que l’on invoquait un prétendu évitement des impôts, au vu de leur augmentation, par les ménages et par les entreprises. Ce discours a complètement disparu cette année, notamment dans les rangs de l’opposition. La question était au demeurant légitime, davantage que les réponses définitives de l’opposition qui, à l’époque, affirmait que les moindres recettes fiscales résultaient d’une « surpression » fiscale. Eh bien non, c’était avant tout la conséquence d’une moindre croissance.
C’est au niveau des recettes que l’exercice aura été plus difficile, du fait d’une inflation faible, qui limite l’impact des économies budgétaires et conduit à réduire les dépenses au-delà des prévisions ; et c’est précisément l’objet de ce PLFR que de procéder aux ajustements nécessaires, dans la justice mais aussi à travers une baisse, que nous regrettons, du budget de l’écologie.
La fiabilité des annonces budgétaires faites par le Gouvernement constitue un élément très important car elle renforce la parole de la France au sein de l’Union européenne. Notre pays a pris le chemin du redressement des comptes publics après quatre décennies de laisser-aller et une dépendance croissante vis-à-vis de ses créanciers. Cette fiabilité est une obligation morale vis-à-vis des générations futures ; mais elle pourrait aussi nous donner une nouvelle marge de manoeuvre pour étaler un peu plus la trajectoire de réduction des déficits au profit de l’activité, de l’emploi et de la résorption de la précarité qui taraude notre République. Voilà la question de fond qui est posée.
Dans le détail, je veux souligner les évolutions liées au débat parlementaire, même si je regrette certains blocages du Gouvernement et les retours en arrière de nos collègues du Sénat.
Face à la question primordiale de l’emploi et la mise en cause des responsables politiques par nos concitoyens, notamment lors des récentes élections régionales, il faut noter les mesures issues du rapport et des amendements de nos collègues Caresche et Carré en faveur des PME, et notamment de l’investissement productif de long terme.
L’activité agricole bénéficie également de dispositions issues du rapport parlementaire sur la fiscalité : je pense en particulier aux amendements relatifs à la DPA, qui visent à apporter davantage de souplesse dans les provisions constituées en vue des aléas climatiques et économiques, ainsi qu’au financement des investissements dans les bâtiments d’élevage et pour l’accompagnement des éleveurs engagés dans des projets d’accroissement de leurs capacités de stockage des effluents d’élevage, avec, de plus, un impact favorable sur l’environnement.
Plus généralement, en matière d’écologie, alors que le Gouvernement avait annoncé des mesures importantes dans le PLFR, il faut relever un certain nombre d’avancées concrètes. La première est la poursuite de la trajectoire de la taxe carbone à 30,50 euros la tonne en 2017 et, nous l’espérons, la validation en séance de l’amendement de notre collègue Chanteguet – proche d’un amendement de Mme Sas, d’ailleurs – qui donne une perspective à l’évolution de la taxe carbone, en ligne avec la trajectoire, fixée dans la loi de transition énergétique, d’un prix de 56 euros la tonne en 2020 et de 100 euros la tonne en 2030. Aujourd’hui, monsieur de Courson, 90 % des pays qui représentent 75 % du PIB mondial sont engagés dans la taxation du carbone. La France n’est donc pas isolée en ce domaine : le mouvement est général.
Le signal donné aux agents économiques est clair et attendu, notamment par les entreprises, et ce sans augmenter les prélèvements – j’y insiste –, compte tenu des restitutions prévues en faveur des entreprises, comme ce fut le cas pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, financé en partie par la taxe carbone de 2014 à 2016 ainsi que des ménages, prochainement, avec les mesures relatives à la transition énergétique.
Je veux aussi souligner plusieurs propositions du Gouvernement en matière de crédits budgétaires, qui renforcent encore la cohérence de l’action de l’État, notamment en cette période clé d’engagements environnementaux ambitieux.
Les 30 millions d’euros de crédits alloués au programme no 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » ont notamment permis de faire bénéficier l’organisation UNITAID d’une dotation exceptionnelle.
Les 250 millions d’euros de crédits du programme no 174 « Énergie, climat et après-mines », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont également permis d’assurer le financement de ce fonds en 2015.
La proposition de notre rapporteure générale, Valérie Rabault, formalisée au travers de son amendement no 310 et visant à utiliser les recettes issues de la taxe carbone portant sur les consommations de charbon, de produits pétroliers ou de carburants pour financer la transition énergétique mérite également d’être signalée.
Elle générerait, en effet, des recettes de l’ordre de 160 millions d’euros qui viendraient financer, en partie, le développement des énergies renouvelables et appuyer les engagements pris en faveur de la transition énergétique.
La baisse de 1 centime d’euro par litre de la TICPE sur le GPL et assimilés apportera à ce carburant un avantage par rapport au diesel, en cohérence avec les objectifs sanitaires poursuivis. Encore un sujet sur lequel le Sénat est revenu et qu’il nous faut réintroduire en nouvelle lecture !
Nous devons également confirmer, en séance, la déduction progressive, pour les véhicules de société, de la TVA sur l’essence, qui fait l’objet d’un amendement porté par notre collègue Denis Baupin. Cette proposition vient mettre fin à une aberration : celle qui a conduit les flottes automobiles des entreprises à n’être quasi-exclusivement composées que de véhicules diesel.
Mais d’autres orientations du Gouvernement sont moins favorables, comme la limitation de la convergence des taxes pesant sur les carburants diesel et essence, du fait de l’avantage donné à l’essence additionnée d’éthanol. Cet avantage a, en définitive, conduit à un rapprochement non plus de 2,4 centimes d’euros pour cette année comme cela était prévu, mais seulement de 1,4 centime. Or cette évolution ne nous permet plus de respecter un rythme assurant, dans un délai de cinq à six ans, la convergence.
Je pense également au rabotage de l’indemnité kilométrique vélo à 200 euros par an, ou du budget de l’écologie de 160 millions d’euros, sans parler des niches fiscales favorables aux énergies fossiles ou polluantes qui représentent encore 10 milliards – 10 milliards ! – d’euros.
Alors oui, il faut se replacer dans le contexte de la COP21 et des déclarations conclusives du Président de la République, car les propos qu’il a tenus en matière d’écologie sont importants.
François Hollande a affirmé : « Au cours de cette conférence, ont été présentées des initiatives qui vont révolutionner le monde et lui permettre d’assurer sa transition ». Pour lui, l’accord trouvé « n’est pas un aboutissement : c’est un début » – que nous devrons concrétiser ici – « et la France devra tout mettre en oeuvre non seulement pour l’appliquer, car elle en a en a la responsabilité, mais aussi pour accélérer le mouvement ». Il s’agit, en effet, d’accélérer le mouvement !
Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé, au nom de la France, à réviser, au plus tard en 2020, nos engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il a annoncé qu’il ferait très prochainement « la proposition que les pays qui veulent aller plus vite » – et je ne doute pas que ce soit notre cas – « puissent réactualiser avant 2020 tous leurs engagements ». Ce sont là des promesses très fortes, volontaires et ambitieuses, qui honorent notre pays et nous engagent ici, dans cet hémicycle.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier, même si ce n’est pas l’objet de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, les sommes importantes consacrées au crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui est doté de 1,4 milliard d’euros par an et qui vise à aider les particuliers à améliorer leur habitat, à réaliser des économies d’énergie, et à gagner ainsi en pouvoir d’achat. Ce même crédit permet également de financer des projets territoriaux relatifs à l’énergie, aux déchets ou à l’air, à hauteur d’un montant à peu prés équivalent, mais sur trois ans.
Nous avons aussi porté, au travers de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, des mesures en faveur de la justice sociale : je pense à l’amendement no 28 que j’ai soutenu et qui propose des déductions fiscales pour les particuliers qui ont recours à des services agréés pour les personnes âgées dépendantes et handicapées. Je me félicite qu’il ait été adopté hier en commission, même si je regrette, une fois de plus, que le Sénat ait supprimé cette disposition.
Enfin, vous aurez compris de mes différentes interventions que mon cheval de bataille est le reporting public, pays par pays. Cette mesure, qui figurait à l’article 35, a malheureusement été supprimée par le Sénat.
Or ce refus est un non-sens total : une telle mesure est en effet nécessaire si nous souhaitons vraiment lutter contre l’évasion fiscale, qui nous fait perdre chaque année entre 40 et 60 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, cela compte énormément.
En l’état, la mesure proposée par le Gouvernement reprend le modèle de reporting pays par pays proposé par l’OCDE dans son plan d’action Base Erosion and Profit Shifting – BEPS – qui consiste en un échange automatique d’informations entre les administrations des États.
Comme je l’ai expliqué lors de nos travaux en première lecture, il s’agit là d’un reporting non public, qui concerne seulement les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros : or cela exclut, tout de même, 85 % à 90 % des entreprises multinationales. Nous devons aller plus loin et encourager la publicité de ces informations : comme vous le savez tous, c’est déjà, depuis la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, le cas pour le secteur bancaire.
Je vous appelle, mes chers collègues, à voter en faveur de ces mesures-phares, sur lesquelles nous avons déjà longuement débattu et pour lesquelles nous nous étions accordés : elles s’inscrivent en effet dans le sens de la justice fiscale, du regain économique et de la transition écologique.