Cette communication fait en effet écho avec l'actualité législative de notre Assemblée, Mme la Présidente, puisque nous examinerons demain une proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
Le 21 août dernier, un attentat a été évité dans le Thalys grâce aux passagers qui ont réussi à désarmer un terroriste équipé d'une kalachnikov et de neuf chargeurs. Ce n'était pas la première attaque, nous nous soulevons tous des attaques au gaz sarin dans le métro de Tokyo et des attentats dans les RER B et C en 1995, de l'explosion de dix bombes dans des trains de banlieue à Madrid en 2004, ou encore des explosions qui ont touché le métro et un bus à Londres en 2005.
Les transports collectifs de voyageurs terrestres sont très vulnérables. Ils ne sont pas totalement sécurisables, il faut avoir l'honnêteté et le courage de le dire.
Néanmoins, ce qui s'est passé dans le secteur du transport aérien doit guider notre action. Les attentats commis sur le sol américain en septembre 2001 ont entraîné une réaction adéquate et rapide, avec un contrôle systématique des personnes et des biens embarqués organisé à l'échelle internationale et décliné par un cadre réglementaire européen global et précis. Nous en connaissons tous au moins deux aspects, celui du contrôle systématique des personnes, y compris les pilotes, avec un système d'habilitation très poussé des personnels, et les dispositions relatives aux liquides en bagage de cabine.
Ce dispositif aujourd'hui fait référence, même si il ne garantit pas une étanchéité totale, les exemples récents du charter russe visé par un emport de bombe et de l'avion de la Germanwings précipité au sol par son propre copilote l'illustrent malheureusement.
Il ne peut certes pas être transposé tel quel. Avec les transports terrestres, nous passons dans une autre dimension : chaque année, il y a 140 millions de passagers dans les aéroports français, la seule Gare du nord en accueille 201 millions. Les usages ne sont pas les même : l'attente dans les dispositifs de contrôle puis dans la salle d'embarquement est tolérée par les passagers d'un avion, elle n'est pas possible pour des trains du quotidien comme les RER ou TER, car elle signifierait la disparition du mode de transport lui-même.
Le resserrement des dispositifs de protection doit concerner dans un premier temps les axes transfrontaliers. L'exemple du Thalys est éloquent à cet égard, totalement ouvert, au point que les billets font même l'objet d'un marché noir à Bruxelles.
Mais je vous rappelle que le risque terroriste suit une logique aléatoire selon la théorie de la cible molle…Or en province, les transports collectifs terrestres, quasiment pas sécurisés, concernent des réseaux complexes et des millions de personnes.
Si le risque zéro n'existe pas, le durcissement des dispositifs de protection, avec une billettique traçable via des portillons intelligents, un système de vidéosurveillance complet avec salle de contrôle, etc… permet d'atteindre un système globalement plus sûr. Cela implique des moyens de sécurité supplémentaires, la fermeture des gares et de l'emprise des voies, donc un coût, qui devra être couvert.
Telle est la philosophie qui guide la proposition de loi examinée demain, qui doit faire de la France une référence en la matière.
Mais la France ne peut agir seule. En installant le 20 décembre des portiques à Paris et à Lille pour le Thalys, nous allons protéger les Français et les Belges. Mais ce même jour un attentat identique à celui du 21 août sera toujours possible, si ces mêmes portiques ne sont pas installés aussi en Belgique….
Telle est la raison pour laquelle un diagnostic sur l'état des menaces et des lignes directrices pour les services et axes transfrontaliers sont indispensables, portant des normes communes pour les dispositifs de contrôle des passagers et des bagages, la billettique, qui doit être nominative, ou encore les règles d'habilitation du personnel.
Cette première action devra être suivie, dans un deuxième temps par l'adoption d'un véritable « paquet sûreté » dans les transports transfrontaliers terrestres et maritimes afin d'obtenir un niveau de sûreté élevé et harmonisé de sûreté dans l'ensemble de l'espace européen, ce qui aura un coût.
Qui prendra ce dernier en charge ? Je ne crois pas que les opérateurs puissent le faire, il suffit de regarder l'état des comptes de la SNCF. Les collectivités territoriales se tournent vers l'Etat, oubliant l'état de nos finances publiques. Pour ma part, je crois à la vérité des coûts : rien n'est gratuit ! Et il me semble juste que l'usager, comme dans le secteur aérien, prenne en charge le coût de sa sécurité. Je vous rappelle l'ampleur de la base qui serait concernée : 2,5 milliards de voyages en train chaque année dans notre pays, auxquels il convient d'ajouter les voyages en bus, en tramway, en métro. Soit un impact de quelques centimes d'euro sur chaque ticket.
C'est la raison pour laquelle il me semble pertinent de demander à la Commission européenne – je rectifie ici la rédaction du point 3 des conclusions – des lignes directrices sur l'instauration de taxes de sûreté répercutables sur le prix des billets afin de financer ces mesures sans introduire de concurrence intermodale et intramodale.
Tel est le sens des conclusions qu'il vous est proposé d'adopter.