Commission des affaires européennes

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h30

Résumé de la réunion

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  • britannique
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  • terrorisme
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 15 décembre 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la commission,

La séance est ouverte à 16 h 30

I. Examen d'une proposition de résolution européenne de M. Philip Cordery relative au Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015

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Nous allons entendre M. Philip Cordery présenter la résolution européenne relative au Conseil européen des 17 et 18 décembre prochains. Je me félicite de cette initiative qui donne l'occasion aux parlementaires de prendre position avant le Conseil européen. C'est la marque du volontarisme de notre assemblée, pour exercer une influence sur les décisions européennes. Les sujets à l'ordre du jour sont particulièrement lourds et engagent notre avenir à savoir, la lutte contre le terrorisme, l'accueil des réfugiés et le référendum britannique sur l'éventuelle sortie de l'Union de ce pays.

Je passe la parole au rapporteur et interviendrai ensuite sur le fond.

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Récemment, je plaidais devant vous pour renforcer les liens entre le Parlement et les instances européennes et j'ai proposé de conforter le pouvoir de contrôle de l'Assemblée sur l'action de l'exécutif en matière européenne.

Cette proposition de résolution, portée par le Groupe Socialistes Radicaux et Citoyens, vise à ce que notre Assemblée puisse faire entendre sa voix pour influer sur les décisions qui seront prises au prochain Conseil Européen des 17 et 18 décembre prochain. Ce Conseil sera particulièrement important au vu des crises que traverse l'Union. Il traitera de trois enjeux majeurs : la lutte contre le terrorisme, la crise humanitaire des réfugiés, et le référendum britannique.

Ce qui nous menace clairement, ce n'est pas l'excès d'Europe mais son insuffisance. Face aux menaces terroristes, aux guerres civiles et à ce qu'elles engendrent comme déplacements de populations il nous faut plus de solidarité, plus d'intégration. L'Europe est attendue pour promouvoir un modèle démocratique et parfaire l'intégration économique de la zone euro.

L'Union européenne est un projet dynamique. Un projet au service des citoyens. Chaque Etat membre reçoit plus qu'il ne donne. Ce qui fait la force de l'Union Européenne ce sont ses valeurs de solidarité et son attachement au respect des droits fondamentaux et de la dignité humaine.

Ce projet de résolution vise à souligner l'urgence d'adopter des mesures opérationnelles. Au-delà de la gestion de cette crise, il nous faut réaffirmer la vocation de l'Union Européenne et réaffirmer notre idéal en vue de construire un système politique intégré.

Le premier sujet qui sera abordé par le Conseil européen concerne la lutte contre le terrorisme. En la matière, il nous faut trouver des réponses efficaces sans remettre en cause les valeurs démocratiques alors que les menaces sont multiformes et difficiles à appréhender comme le montre la propagande radicale via Internet.

La lutte contre le terrorisme fait partie intégrante de la politique étrangère de l'Union européenne comme l'a souligné le Conseil des Affaires étrangères du 9 février 2015. L'agenda européen pour la sécurité présenté par la Commission européenne le 28 avril dernier, place la lutte contre le terrorisme et contre la radicalisation au coeur de cette nouvelle stratégie. Notre commission a d'ailleurs pris position le 1er décembre dernier pour soutenir ce programme et sa mise en place rapide.

Pour la première fois, la France a fait jouer la clause de l'article 42. 7 du traité de L'Union Européenne qui instaure une solidarité européenne en cas d'agression armée. Cet appel a suscité une mobilisation de solidarité de nos partenaires, notamment de l'Allemagne du Royaume Uni de l'Italie et de nombreux autres états européens.

Lors de notre récente visite au Bundestag le 2 décembre dernier, nous avons assisté au débat autorisant l'engagement de l'Allemagne pour lutter contre l'Etat islamique en Syrie. Il fut particulièrement intéressant de noter que le Bundestag a voté cette autorisation sur le fondement de cet article précité de solidarité dans le cadre européen. C'est un signal fort pour la gestation d'une Europe de la Défense. Pour conforter notre effort de défense, il est indispensable que les dépenses militaires et de sécurité nationale qui participent en définitive à la sécurité de toute l'Union, ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics de chaque Etat membre et c'est le point 2 de notre résolution.

La lutte anti-terroriste peut être présentée sous quatre aspects principaux : l'identification des déplacements des terroristes ; la surveillance des mouvements financiers ; l'harmonisation des législations applicables en matière de terrorisme ; et l'accent sur les actions de prévention, en particulier dans les prisons.

Il faut à ce titre se féliciter , comme nous l' indiquons au point 3 de notre résolution, que la commission Libertés publiques (LIBE) du Parlement européen ait adopté le 10 décembre, la directive sur le fichier des passagers aériens PNR (passenger name record), acceptant le compromis mis au point par le Conseil des ministres quelques jours auparavant et qui prévoit un contrôle sur les vols internationaux et internes à l'Union européenne et qui permettra de conserver les données personnelles des passagers durant six mois puis jusqu'à cinq ans de manière masquée. Le parlement européen devrait se prononcer prochainement en séance plénière pour aboutir à ce que ce dispositif soit opérationnel au début de 2016, les Etats membres devant bien évidemment tirer les conséquences de cet accord dans leurs législations nationales. C'est l'aboutissement heureux de quatre ans de discussions.

Par ailleurs, il nous faut faire rapidement un effort d'harmonisation de nos législations en matière de terrorisme.

Dans un contexte d'augmentation et de renouvellement de la menace terroriste, le phénomène des « combattants étrangers », apparu dans le cadre du conflit syrien et dont l'importance n'a cessé de croître depuis, a conduit les institutions européennes et internationales à se saisir de la question. Le Protocole additionnel à la Convention du 16 mai 2005 pour la prévention du terrorisme du Conseil de l'Europe, signé par l'Union européenne le 22 octobre 2015, érige en infractions pénales la participation intentionnelle à un groupe terroriste, le fait de recevoir un entraînement pour le terrorisme, le fait de se rendre à l'étranger à des fins de terrorisme ainsi que le financement ou l'organisation de ces voyages. Dans cette perspective, un chantier de révision de la décision-cadre relative au terrorisme devrait être ouvert afin de tenir compte des instruments légaux créés par le Protocole additionnel précité.

Pour prévenir les attaques terroristes, il est indispensable de renforcer les échanges d'information entre les services de police et les systèmes judiciaires européens. Dans les projets de conclusions du Conseil européen du 18 décembre figure bien cet objectif avec l'idée que les États doivent alimenter de manière plus dynamique et plus systématique les bases de données d'Europol, et de permettre à Europol et à l'agence Frontex d'accéder aux bases de données pertinentes.

Tout doit être mis en oeuvre pour rendre Europol et Eurojust plus réactifs et capables de coopérer étroitement avec les autorités nationales. Des instruments existent, le système d'information Schengen (SIS) par exemple, qu'il faut avoir la volonté politique d'utiliser, quitte à améliorer certains aspects pour les rendre plus opérationnels. C'est un pont central pour gagner en efficacité.

A ce titre il faut se féliciter du renforcement d'Europol suite à la signature de l'accord informel signé le 26 novembre 2015 entre États membres. Le point 4 de notre résolution porte sur le renforcement d'Europol dont les possibilités d'action doivent être accrues, grâce à l'interconnexion des bases de données relevant des Etat et des agences européennes chargées de la sécurité.

Il faut enfin porter une attention beaucoup plus soutenue aux mécanismes de financement du terrorisme et trouver des moyens efficaces pour tarir les ressources des groupes terroristes. La révision du cadre applicable à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, intervenue récemment avec le paquet législatif adopté en mai 2015, met en place une approche fondée sur les risques. C'est une bonne chose mais il est possible d'aller plus loin encore. Les compétences des cellules nationales de renseignement financier sur ces questions sont aujourd'hui très différentes selon les États et gagneraient à être harmonisées.

L'Union européenne pourrait enfin exploiter la possibilité offerte par les traités et mettre en place un système de gel des avoirs liés au terrorisme à l'intérieur de l'Union européenne.

Un dernier point pour renforcer la lutte antiterroriste porte sur l'adoption rapide de la révision de la directive sur la détention et la circulation des armes afin de disposer d'outils de traçabilité des armes neutralisées et de limiter l'acquisition d'armes via internet.

La crise migratoire est le second sujet majeur qui figure à l'ordre du jour des discussions du Conseil européen.

Les négociations ont été intenses ces derniers mois, et il faut maintenant accélérer la mise en oeuvre concrète des mesures déjà décidées notamment sur la relocalisation des réfugiés.

L'accueil des migrants représente un véritable défi pour les Etats membres. C'est peut-être le plus sensible que l'Union européenne ait connu depuis sa création.

Avant cette crise sans précédent, les flux migratoires étaient considérés par les gouvernements comme relevant exclusivement de leurs prérogatives nationales. Aujourd'hui le constat est sans appel : toutes les frontières de l'Union sont les frontières de chacun des États.

Le dernier conseil Justice Affaires intérieures, le 2 décembre dernier, a permis de dresser un premier bilan de la mise en place des « hot spots ». Il faut déplorer le fait que deux centres seulement soient réellement opérationnels. La solidarité européenne doit se traduire en actes pour permettre aux centres grecs d'être dotés d'outils informatiques efficaces afin qu'ils puissent procéder à l'enregistrement systématique des données personnelles des migrants dont leurs empreintes digitales.

L'accord récent avec la Turquie doit se traduire de manière tangible par une baisse des flux de migrants et par la mise en place facilitée de procédures de retour des migrants qui ne peuvent bénéficier du droit d'asile.

Ceci implique des efforts considérables pour améliorer les mécanismes de contrôles aux frontières extérieures de l'Union. Notre résolution dans son point 12 souligne qu'il faut gagner impérativement en efficacité sur ce point. Il faut, là encore, se doter de moyens juridiques opérationnels.

D'après les projets de conclusions qui nous ont été communiquées du Conseil européen, les chefs de gouvernement devraient poursuivre leurs travaux sur le mécanisme de relocalisation en cas de crise et la liste des pays sûrs. Le Conseil devrait examiner rapidement les propositions de la Commission concernant un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, le code frontières Schengen, la réinstallation et les documents de voyage aux fins de retour. Cette résolution insiste notamment dans son point 12 sur la nécessité de la révision ciblée du Code frontière Schengen et sur les procédures de retour des migrants qui ne peuvent obtenir le droit d'asile.

Enfin, il faut parvenir à un nouveau paquet législatif sur l'asile avec de véritables règles communes en la matière et appuyé par la création d'un Office européen pour la protection des réfugiés.

Le court terme mobilise toutes les énergies pour parvenir à organiser une réponse efficace contre les menaces, mais il faut aussi penser à long terme, car les flux migratoires que connait l'Europe sont une réalité qui perdura dans les prochaines années. C'est pourquoi il faut insister sur l'importance de la politique de développement mené par l'Union européenne. À ce titre, il est urgent de mettre en oeuvre les propositions du Sommet de La Valette comme le demande le point 15 de notre résolution. La politique de Voisinage devra être aussi réorientée.

J'en arrive maintenant à la question des revendications britanniques liées à l'organisation d'un referendum sur le maintien ou non de ce pays dans l'Union, fréquemment intitulé « Brexit ». Cette négociation avec la Grande Bretagne doit être une occasion de faire progresser l'intégration économique.

D'aucuns profitent de notre vulnérabilité pour exiger d'aller plus avant vers une Europe à la carte ou à géométrie variable selon les intérêts de chaque Etat membre. Cette demande d'une forme d'intégration différenciée risque de remettre en question ce qui fait l'originalité et la force du modèle européen.

Cautionner le modèle britannique d'une Europe à la carte, ce ne serait pas seulement remettre en question le principe même d'égalité de traitement et de non-discrimination entre Etats membres, ce serait in fine mettre en cause l'unité de l'Europe, sa capacité à s'intégrer de manière plus approfondie et à parler d'une seule voix. Cette conception concorde parfaitement avec la demande britannique de pouvoir interpréter différemment ce qui fait le coeur du projet européen : « l'union sans cesse plus étroite des peuples de l'Europe ». Cependant, il faut être là très clair : l'acceptation de la diversité des points de vue doit trouver une juste limite lorsqu'elle conduit précisément à saper les fondements mêmes du projet d'intégration auquel des générations d'européens ont travaillé. C'est l'ambigüité fondamentale de laquelle doit sortir la position britannique. Personne ne doit pouvoir se prévaloir des principes européens aux fins même de les dévoyer.

Les citoyens européens ne comprendraient pas que l'on cède à la demande britannique concernant l'accès différé aux prestations sociales, pendant quatre ans pour les migrants européens qui viennent s'installer en Grande Bretagne. Cette exigence est contraire à un principe fondamental celui de l'égalité de traitement entre les citoyens. Le point 18 de la Résolution nous parait important pour affirmer clairement notre opposition à la demande anglaise relative aux droits sociaux. Accéder à cette demande risque de plus, d'ouvrir la boite de pandore et à inciter d'autres pays à présenter leurs doléances.

Si nous acceptons le choix de certains pays de rester en dehors de la zone Euro, nous ne pouvons accepter leur droit de regard sur l'évolution de l'intégration monétaire. Comme nous le soulignons au point 19 de la résolution, la zone euro ne crée aucune discrimination à l'encontre des Etats membres qui ont délibérément choisi de rester en dehors.

L'intégration différenciée ou l'Europe à plusieurs vitesses c'est la reconnaissance d'un même objectif pour tous mais la prise en compte des capacités différentes de chacun pour les atteindre. Le cadre est commun, sa mise en pratique adaptée aux contingences et nécessités. Elle concilie la libre volonté des uns de pouvoir aller plus loin dans l'intégration tout en préservant la capacité des autres de les rejoindre au moment opportun. Le garant de ce pacte, ce sont les institutions communes. C'est la raison pour laquelle il convient de les renforcer dans certains cas, voire de leur donner forme dans d'autres. Les institutions de la zone euro doivent être renforcées à partir des bases existantes en créant notamment un ministre des finances de la zone euro à la fois Président de l'Eurogroupe et Vice-Président de la Commission européenne. Le futur Trésor européen doit s'appuyer sur les capacités du Mécanisme européen de stabilité (MES). Je voudrais enfin souligner qu'il reste à créer l'institution parlementaire qui contrôlera démocratiquement les décisions prises par les Etats partis à la monnaie unique : le Parlement de la zone euro. Ceux des Etats qui restent en dehors de cette voie ne doivent pas pouvoir entraver la progression des autres vers cet objectif commun.

L'organisation d'un référendum par la Grande Bretagne sur le maintien de ce pays dans l'Union européenne doit être l'occasion de sortir « par le haut » des négociations sur les revendications britanniques. D'autres Etats peuvent aussi faire valoir certaines spécificités sans pour autant remettre en cause l'essentiel de l'acquis communautaire. Il faudrait donc aboutir à une sorte de « nouveau compromis de Luxembourg ».

Ce compromis doit clairement reconnaître l'intérêt légitime des uns à poursuivre la route en avant vers une plus grande intégration européenne tout en maintenant la capacité pour les autres de poursuivre leurs intérêts légitimes tant que ces derniers ne viennent pas remettre en cause les principes et droits fondamentaux qui s'appliquent à tous. Le coeur de ces principes est « l'intégration sans cesse plus étroite des peuples de l'Europe » ; Rien de doit entraver cette marche en avant. Il convient de prendre acte que l'Union Européenne peut progresser avec des États membres choisissant un degré d'intégration différenciée, certains pouvant opter pour une dynamique de gouvernance commune plus structurée alors que d'autres n'y participeront pas.

Les États appartenant à la zone euro doivent réaffirmer leur volonté de franchir une nouvelle étape dans l'intégration économique et politique.

Cette monnaie unique est le symbole d'une Europe de la libre circulation des hommes et des marchandises et d'une économie régulée.

La responsabilité commune qu'implique l'euro crée un impératif de solidarité européenne face à la crise. C'est cette « solidarité de fait » qui est le défi majeur que l'Union européenne alors que les disparités territoriales s'accroissent.

Il faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape car partager une monnaie, c'est bien plus que vouloir une convergence. Comme l'a proposé François Hollande en juillet 2015, en reprenant une idée déjà formulée par Jacques Delors de gouvernement de la zone euro, il faut que la zone euro soit représentée par un exécutif et qu'elle dispose d'un budget. Le point 20 de notre résolution souligne l'importance de parachever l'intégration économique et monétaire. Elle appellera une organisation renforcée et ces pays qui en décideront, constitueront une sorte d' « avant-garde » de l'Union européenne.

En conclusion, je voudrai vous inviter à voter cette résolution. Le Conseil Européen doit adopter des réformes profondes.

Face aux forces centrifuges remettent en cause la solidarité européenne et aux menaces qui risquent d'ébranler les principes fondateurs de l'Union comme la libre circulation, il faut aller résolument de l'avant pour plus d'Europe afin d'être plus efficaces ensemble.

La crise des réfugiés et les menaces terroristes peuvent aussi être l'occasion de surmonter nos intérêts contradictoires pour réaffirmer que seule la voie de l'intégration économique et politique nous rendra plus forts et nous donnera une véritable cohérence. Pour le moment nous sommes dans une situation inconfortable, au milieu du gué.

De grands défis nous attendent comme la mise en oeuvre, enfin, d'un gouvernement économique de la zone Euro, complétant l'Union monétaire, un contrôle partagé des frontières, une convergence fiscale et sociale et enfin, une politique européenne de défense commune pour n'en citer que quelques-uns.

L'Union économique et monétaire suppose un partage de souveraineté. Les Etats de la zone euro, sont-ils prêts à avancer résolument vers l'union politique ?

Je vous propose de contribuer à encourager ce mouvement nécessaire par l'adoption de cette résolution.

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Je suis contente d'avoir entendu les propos du rapporteur qui équilibrent de manière tout à fait appropriée la tonalité du texte de la Résolution. L'exposé des motifs de la résolution me parait en effet incomplet, il traite à peine de l'acquis communautaire en matière de droit d'asile et n'aborde que très succinctement l'exigence du respect des droits humains dans notre manière de faire face à la crise des réfugiés. Rien n'est dit sur la nécessité de réaffirmer la solidarité entre Etats membres pour parfaire l'intégration européenne, ni de la nécessité de faire une Europe des citoyens avec un réel contrôle démocratique.

Pour en venir au texte même de la résolution, vous connaissez les réserves que j'ai déjà exprimées, comme l'ensemble du groupe écologiste, au plan national et au parlement Européen sur le dossier du PNR. La gestion de ce fichier sera très onéreux et le bilan coût avantages parait tout à fait problématique. Pour un gain limité en termes d'efficacité, les investissements informatiques seront considérables et c'est autant d'argent qui devra être retiré d'autres projets beaucoup plus importants pour l'avenir de l'Union. Ce dossier est emblématique d'une gestion un peu sensationnelle des questions de sécurité où les questions de communication l'emportent sur le caractère opérationnel de ce nouvel outil.

Cette résolution me parait un peu déséquilibrée car elle est focalisée sur les questions de sécurité. Je comprends bien qu'après les attentats, il faille trouver des réponses pour répondre à l'émotion des citoyens mais je crois très important de rappeler que l'Union européenne ne pourra faire face à ces menaces que par un surcroit de solidarité et par une intégration accrue. Il ne faut pas négliger l'importance de la précarité économique que certains associent aux exigences croissantes des autorités bruxelloises. Il faut répondre au désamour de nos concitoyens vis-à-vis de l'Union européenne en expliquant en quoi l'Europe peut être un bouclier efficace, en matière de préservation de nos droits sociaux par exemple. L'avancée de l'intégration ne peut se limiter à la sphère économique et l'Union européenne ne doit pas se limiter à un grand marché. Il faut aller de l'avant en termes de citoyenneté européenne et de contrôle démocratique.

Enfin, concernant la crise migratoire, il me parait essentiel de rappeler que l'Union européenne symbolise un certain nombre de valeurs au premier rang desquelles le respect de la dignité des personnes. Je vous propose de rajouter au point 13 de la résolution que le nouveau paquet législatif sur l'asile devra respecter les droits humains. Si nous devons harmoniser notre législation en la matière il faut le faire en apportant de véritables garanties aux migrants et non pas en s'alignant sur les pays les plus répressifs. Je voterai cette résolution sous réserve que cette modification soit votée.

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Je me félicite de cette nouvelle procédure et il faudrait qu'elle devienne systématique avant chaque Conseil européen pour permettre une expression du Parlement sur les sujets européens en cours de négociation.

Sur le fond, je trouve le ton de cette résolution un peu trop diplomatique. Ce n'est pas aux parlementaires français de trouver des compromis. Il aurait fallu être plus saillant et mieux souligner les positions politiques des parlementaires français. Laissons le soin à la Commission européenne de faire la synthèse entre les positions des uns et des autres. Je prendrai pour exemple la question des dépenses militaires. La résolution aurait dû être plus nette pour dire que la France ne pouvait continuer à assumer l'essentiel de l'engagement militaire en Syrie et en Afrique pour lutter contre les menaces terroristes. C'est la France qui supporte à la fois le poids de cet engagement de nos forces militaires et qui doit financer des dépenses supplémentaires conséquentes pour ces opérations extérieures. Nous devons dire clairement que nous souhaitons une intégration plus poussée pour mettre en place une véritable Europe de la Défense.

Je voudrais aussi ajouter, et je l'expliquerai tout à l'heure dans ma communication relative aux transports, qu'il faut totalement revoir les procédures de sécurité dans les transports terrestres qui sont aujourd'hui les parents pauvres alors que les risques sont très réels.

Quant au Code Schengen, il faut surtout sortir de l'attentisme car peu à peu, en rétablissant les contrôles aux frontières nationales on vide de sa substance l'Espace Schengen. Il faut résolument s'orienter vers une révision ciblée pour permettre de prendre des mesures de sécurité efficaces tout en préservant le principe de libre circulation.

Pour aborder la question des revendications britanniques, je ne crois pas que des rapports évaluant les conséquences économiques de la suppression de la Zone Euro et de l'Espace Schengen, tels qu'ils sont demandés dans la résolution, soient en mesure de convaincre les britanniques des bienfaits de la solidarité européenne. Je crois qu'il faut que le prochain Conseil soit l'occasion de clarifier certains principes. Il n'est pas possible pour la Grande Bretagne de mettre sans cesse en avant la clause d'exemption (opt-out) et dans le même temps prétendre vouloir participer à toutes les instances européennes même celles concernant des mécanismes, dont la monnaie unique, dont ce pays s'est délibérément affranchi.

La Grande Bretagne a trop longtemps joué de cette clause pour faire pression lors des négociations sur les textes européens pour obtenir le minimum d'engagements opposables dans le cadre de majorités de « moins disant » communautaire ! Elle doit comprendre qu'il n'est plus possible de s'affranchir du maximum de contraintes communes tout en gardant les bénéfices des mécanismes européens favorables à son économie.

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Il ne faut pas oublier que cette résolution est en quelque sorte un « galop d'essai » et qu'il faudra encore parfaire notre procédure pour préparer les prises de position plus en amont. Je laisse la parole à Philip Cordery pour qu'il réponde à nos observations.

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Je reconnais bien volontiers que le travail de rédaction de cette résolution a été précipité mais la difficulté vient du fait que l'ordre du jour des Conseil est finalisé assez tardivement. Le rapport qui sera publié comprendra des éléments complémentaires qui permettront d'avoir un éclairage plus approfondi sur certains aspects.

Concernant le PNR, je crois qu'il ne faut pas en faire la pierre angulaire de la politique européenne de sécurité qui repose sur de multiples outils. Néanmoins, sa mise en place rapide représentera un progrès. Il faut se féliciter que certaines garanties aient été prévues en matière de préservation des données personnelles et d'information des voyageurs. L'essentiel reste d'améliorer les échanges d'informations sensibles entre les services de renseignements nationaux et les instruments communautaires comme Frontex ou Eurojust, cela suppose que tous les Etats membres joue le jeu et renseignent systématiquement les bases de données liées à la sécurité.

Je tenais à dire à Mme Auroi que je comprends son souci de rappeler l'importance de la garantie des droits humains notamment dans les procédures d'accueil des migrants. Je suis donc favorable à son amendement au point 13.

Quant à sa proposition de donner une dimension sociale et citoyenne à l'intégration économique j'y souscris aussi. Je n'avais pas insisté sur cet aspect car la dimension sociale ne figurait pas à l'ordre du jour du Conseil. Il me parait en effet très important, pour que les citoyens s'approprient pleinement les acquis de l'euro, qu'il puisse y avoir un progrès démocratique dans la gouvernance de la zone euro. Je suis donc favorable à son amendement au point 20 de la résolution.

Pour répondre aux observations de M. Savary, je suis parfaitement d'accord avec lui sur la nécessité de mettre en place une véritable politique commune de Défense, mais c'est un chantier complexe car il faudra trouver de nouveaux mécanismes de décision pour être capables de prendre des décisions rapides et opérationnelles avec une parfaite fluidité dans la chaine de commandement des opérations militaires.

Quant au Code Schengen, je dirai que sa révision est indispensable pour lui permettre de surmonter la crise actuelle car autrement il sera totalement vidé de son sens à brève échéance. Il faut vraiment se mobiliser pour préserver l'acquis de la libre circulation.

Au sujet de la Grande Bretagne, je voudrais dire que le prochain Conseil ne prendra pas de décision définitive. La négociation prendra du temps et nous devons prendre un peu de recul et ne pas se focaliser sur le cas britannique car d'autres pays ont des exigences pour s'exonérer de certaines règles de l'Union, comme la Pologne ou le Danemark. C'est pourquoi nous avons utilisé l'expression de « nouveau compromis de Luxembourg » car il faut trouver une solution pour acter cette idée d'intégration différenciée, ce qui ne veut pas dire que l'on puisse accepter une remise en cause des valeurs ou des principaux acquis communautaires. Je trouve d'ailleurs encourageant que David Cameron ait récemment renoncé à ses prétentions d'avoir un droit de regard sur la gouvernance de la zone euro alors que son pays n'en fait pas partie.

La crise du Brexit doit être une occasion de progrès pour la gouvernance européenne et pour la clarification des engagements de chacun.

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Je constate qu'il n'y a pas de vote contre les deux amendements présentés. Je mets donc aux voix la proposition de résolution ainsi modifiée.

La Commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu l'article 151-5 du règlement de l'Assemblée nationale ;

Vu le projet d'ordre du jour annoté du Conseil européen des 17 et 18 décembre 2015 ;

Vu la résolution européenne relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics n° 522, adoptée par l'Assemblée nationale le 6 juin 2015 ;

Considérant les défis majeurs auxquels nous mettent face les attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris qui sont une attaque contre la liberté et nos valeurs universalistes ;

Considérant les enjeux, sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, de l'accueil des réfugiés pour l'avenir de l'espace Schengen et le principe fondamental de libre circulation des personnes sur lequel il se base ;

Considérant l'hypothèque que fait peser le référendum britannique pour ou contre la sortie du Royaume-Uni de l'Union sur la cohésion et l'unité européenne ;

Soutient le recours par le Président de la République à l'article 42§7 du Traité sur l'Union européenne, qui instaure une solidarité européenne en cas d'agression armée ;

Demande à nouveau que les dépenses militaires et de sécurité nationale qui participent en définitive à la sécurité de toute l'Union, ne soient pas prises en compte dans le calcul des déficits publics ;

Se félicite des conclusions adoptées lors du Conseil des ministres de l'intérieur de l'Union Européenne d'accélérer la mise en place d'un PNR européen, de durcir la législation sur les armes à feu et de contrôler systématiquement les frontières extérieures de l'Union Européenne.

Se félicite du renforcement d'Europol suite à la signature de l'accord informel signé le 26 novembre 2015 entre Etats membres et appelle à des échanges accrus d'informations entre services de renseignement de l'Union, notamment à travers l'interconnexion de bases de données appropriées ;

Appelle à un renforcement substantiel des moyens en vue de lutter contre le financement du terrorisme, tant au niveau des Etats membres que de l'Union ;

Appelle, face aux risques actuels, à une sécurité accrue dans les transports terrestres ;

Insiste sur la nécessité de mettre l'accent sur la prévention et la dé-radicalisation, autour de la construction d'un contre-discours de tolérance, d'une étroite coopération avec les grands opérateurs d'Internet et l'intégration des questions d'éducation et de formation aux enjeux du programme de sécurité ;

Appelle à la vigilance quant au respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles, et à la pleine mobilisation des instruments en vigueur pour lutter contre le terrorisme, la criminalité organisée et la cybercriminalité.

Souligne l'enjeu majeur auquel font face les Etats membres et les institutions de l'Union à travers l'afflux massif de réfugiés sur son territoire ;

Appelle les Etats membres à ne pas minimiser le risque de remise en cause de la cohérence de l'espace Schengen comme du principe de libre circulation qui le fonde, et à travers lui celle de l'Union européenne, elle-même ;

Salue l'accord trouvé au Conseil européen sur le mécanisme permanent pour une relocalisation des personnes ayant besoin d'une protection internationale et appelle la Commission européenne et les Etats membres à rendre pleinement effectif ce mécanisme ainsi que la proposition d'activation d'un mécanisme de répartition d'urgence ;

Insiste sur la nécessité de rendre plus efficace :

- d'une part, le contrôle aux frontières extérieures à travers notamment la création d'un corps de gardes-frontières européen qui aurait accès à des bases de données interconnectées pertinentes et systématiquement consultées ; appelle, en outre, à une réforme ciblée du Code Frontière Schengen, en vue de permettre un contrôle systématique aux frontières extérieures des citoyens de l'Union, et à un renforcement de l'agence Frontex qui doit disposer de moyens accrus pour travailler avec des pays tiers en vue d'une coopération opérationnelle;

- d'autre part, les programmes de retour des demandeurs d'asile déboutés, ans le plein respect des droits humains ;

Appelle à l'élaboration d'un nouveau paquet législatif sur l'asile avec de véritables règles communes en la matière et appuyé par la création d'un Office européen pour la protection des réfugiés, dans le respect des droits humains ;

Appelle, en outre, à un accord en vue d'une nouvelle politique de migration légale qui tienne particulièrement compte de la régulation de l'immigration économique ;

Se réjouit de la place accordée par la Commission européenne à la coopération avec les pays-tiers et appelle à donner une suite concrète aux propositions issues du Sommet de la Valette.

Souhaite que le processus référendaire britannique soit l'occasion de procéder à une évaluation des politiques publiques de l'Union et de la zone euro à l'aune de l'intérêt général européen et demande, dans ce cadre, à la Commission européenne que soit remis d'ici le mois d'octobre 2016 trois rapports évaluant les coûts économiques et sociaux de la suppression , respectivement :

- de l'espace Schengen:

- de la zone Euro ;

- des actions communes en matière de défense ;

Appelle sur cette base la Commission européenne à proposer de nouvelles initiatives législatives et toutes modifications nécessaires du droit secondaire en vue d'un approfondissement dans ces trois domaines.

Regrette la remise en cause par le Royaume-Uni de l'objectif « d'une Union sans cesse plus étroite » entre les peuples de l'Europe, figurant au préambule du Traité de l'Union européenne, ainsi que du principe d'égalité de traitement entre citoyens de l'Union et appelle à un compromis permettant de préserver l'unité de l'Union, de même qu'à sauvegarder les principes fondamentaux sur lesquels elle se base.

Demande qu'en échange d'une attention à ne pas discriminer les Etats ne participant pas à la monnaie unique, notamment dans la législation secondaire, le Royaume-Uni s'engage à ne pas bloquer les initiatives visant à accroître l'intégration de la zone euro ; appelle ainsi à un nouveau « compromis de Luxembourg » qui concilie les intérêts des États de la zone euro avec ceux des autres Etats membres.

Souhaite que la crise latente que connaît la zone euro soit l'occasion du franchissement d'un nouveau pas dans l'intégration économique , sociale et politique des pays ayant la monnaie unique en partage, se fondant en particulier sur la création d'un parlement de la zone euro, d'un budget propre, doté d'une capacité d'investissement au service du développement durable, et d'un plan de convergence fiscale et sociale progressive, par le haut.

II. Communication de M. Gilles Savary sur la sécurisation des transports

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Nous allons maintenant entendre notre collègue Gilles Savary sur un sujet d'actualité, la sécurisation des transports terrestres.

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Cette communication fait en effet écho avec l'actualité législative de notre Assemblée, Mme la Présidente, puisque nous examinerons demain une proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Le 21 août dernier, un attentat a été évité dans le Thalys grâce aux passagers qui ont réussi à désarmer un terroriste équipé d'une kalachnikov et de neuf chargeurs. Ce n'était pas la première attaque, nous nous soulevons tous des attaques au gaz sarin dans le métro de Tokyo et des attentats dans les RER B et C en 1995, de l'explosion de dix bombes dans des trains de banlieue à Madrid en 2004, ou encore des explosions qui ont touché le métro et un bus à Londres en 2005.

Les transports collectifs de voyageurs terrestres sont très vulnérables. Ils ne sont pas totalement sécurisables, il faut avoir l'honnêteté et le courage de le dire.

Néanmoins, ce qui s'est passé dans le secteur du transport aérien doit guider notre action. Les attentats commis sur le sol américain en septembre 2001 ont entraîné une réaction adéquate et rapide, avec un contrôle systématique des personnes et des biens embarqués organisé à l'échelle internationale et décliné par un cadre réglementaire européen global et précis. Nous en connaissons tous au moins deux aspects, celui du contrôle systématique des personnes, y compris les pilotes, avec un système d'habilitation très poussé des personnels, et les dispositions relatives aux liquides en bagage de cabine.

Ce dispositif aujourd'hui fait référence, même si il ne garantit pas une étanchéité totale, les exemples récents du charter russe visé par un emport de bombe et de l'avion de la Germanwings précipité au sol par son propre copilote l'illustrent malheureusement.

Il ne peut certes pas être transposé tel quel. Avec les transports terrestres, nous passons dans une autre dimension : chaque année, il y a 140 millions de passagers dans les aéroports français, la seule Gare du nord en accueille 201 millions. Les usages ne sont pas les même : l'attente dans les dispositifs de contrôle puis dans la salle d'embarquement est tolérée par les passagers d'un avion, elle n'est pas possible pour des trains du quotidien comme les RER ou TER, car elle signifierait la disparition du mode de transport lui-même.

Le resserrement des dispositifs de protection doit concerner dans un premier temps les axes transfrontaliers. L'exemple du Thalys est éloquent à cet égard, totalement ouvert, au point que les billets font même l'objet d'un marché noir à Bruxelles.

Mais je vous rappelle que le risque terroriste suit une logique aléatoire selon la théorie de la cible molle…Or en province, les transports collectifs terrestres, quasiment pas sécurisés, concernent des réseaux complexes et des millions de personnes.

Si le risque zéro n'existe pas, le durcissement des dispositifs de protection, avec une billettique traçable via des portillons intelligents, un système de vidéosurveillance complet avec salle de contrôle, etc… permet d'atteindre un système globalement plus sûr. Cela implique des moyens de sécurité supplémentaires, la fermeture des gares et de l'emprise des voies, donc un coût, qui devra être couvert.

Telle est la philosophie qui guide la proposition de loi examinée demain, qui doit faire de la France une référence en la matière.

Mais la France ne peut agir seule. En installant le 20 décembre des portiques à Paris et à Lille pour le Thalys, nous allons protéger les Français et les Belges. Mais ce même jour un attentat identique à celui du 21 août sera toujours possible, si ces mêmes portiques ne sont pas installés aussi en Belgique….

Telle est la raison pour laquelle un diagnostic sur l'état des menaces et des lignes directrices pour les services et axes transfrontaliers sont indispensables, portant des normes communes pour les dispositifs de contrôle des passagers et des bagages, la billettique, qui doit être nominative, ou encore les règles d'habilitation du personnel.

Cette première action devra être suivie, dans un deuxième temps par l'adoption d'un véritable « paquet sûreté » dans les transports transfrontaliers terrestres et maritimes afin d'obtenir un niveau de sûreté élevé et harmonisé de sûreté dans l'ensemble de l'espace européen, ce qui aura un coût.

Qui prendra ce dernier en charge ? Je ne crois pas que les opérateurs puissent le faire, il suffit de regarder l'état des comptes de la SNCF. Les collectivités territoriales se tournent vers l'Etat, oubliant l'état de nos finances publiques. Pour ma part, je crois à la vérité des coûts : rien n'est gratuit ! Et il me semble juste que l'usager, comme dans le secteur aérien, prenne en charge le coût de sa sécurité. Je vous rappelle l'ampleur de la base qui serait concernée : 2,5 milliards de voyages en train chaque année dans notre pays, auxquels il convient d'ajouter les voyages en bus, en tramway, en métro. Soit un impact de quelques centimes d'euro sur chaque ticket.

C'est la raison pour laquelle il me semble pertinent de demander à la Commission européenne – je rectifie ici la rédaction du point 3 des conclusions – des lignes directrices sur l'instauration de taxes de sûreté répercutables sur le prix des billets afin de financer ces mesures sans introduire de concurrence intermodale et intramodale.

Tel est le sens des conclusions qu'il vous est proposé d'adopter.

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Je partage votre constat sur la nécessité de renforcer les mesures de sécurité dans les transports terrestres, même s'il n'y a jamais de forteresses imprenables, l'attentat contre l'avion de la Metrojet nous l'a récemment tristement rappelé.

Toutefois je m'interroge sur votre proposition d'instaurer une taxe de sûreté au moment où le choix est fait d'un nouvel outil très onéreux, le PNR aérien. Ne faudrait-il pas mieux répartir les moyens entre secteur terrestre et secteur aérien ? Je le pense, ce qui me conduit à retenir le choix de l'abstention.

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Les moyens de sûreté mis en place dans le secteur du transport aérien sont financés par le secteur lui-même, par le biais justement de la taxe de sûreté imposée sur chaque billet d'avion. Il n'est donc pas possible de faire financer la sûreté des transports terrestres par les usagers des transports aériens.

Afin d'avancer sur cette question, je proposerai demain un amendement demandant un rapport du Gouvernement sur les contours que pourrait retenir une telle taxe de sûreté dans les transports terrestres afin de financer la mise à niveau des gares, des trains, mais aussi – car c'est aussi l'objet de la proposition de loi – la lutte contre le harcèlement sexiste.

La France peut – et doit – être pionnière, mais elle ne peut avancer seule, l'Europe doit l'accompagner, c'est indispensable afin de donner un signal de fermeté face aux terroristes mais aussi pour assurer une concurrence loyale entre tous les modes de transports et tous les acteurs.

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Vos précisions m'ont convaincue, et vous propose donc mes chers collègues, d'adopter ces conclusions ainsi rectifiées.

Je mets donc aux voix la proposition de conclusions ainsi rectifié.

La Commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de conclusions dont le texte figure ci-après.

La Commission des affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le titre VI du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment les articles 91, 97 et 100,

Considérant la vulnérabilité particulière des transports collectifs de voyageurs face à la menace terroriste ;

Considérant l'asymétrie existante, en matière de cadre réglementaire de sûreté applicable aux transports collectifs de voyageurs, selon les secteurs considérés ;

Considérant que l'attentat évité sur le Thalys le 21 août 2015 a mis en évidence la nécessité d'une action des États membres vigoureuse mais coordonnée et proportionnée ;

Considérant qu'un renforcement de la coopération et la coordination, à tous les stades des autorités chargées d'une mission en lien avec la préservation de l'ordre public (tant en amont, avec le renseignement, qu'en aval) doit s'accompagner d'une association étroite avec les opérateurs de transport et les représentants des passagers, dans le respect de leurs compétences respectives ;

1. Appelle la Commission européenne à réaliser rapidement un diagnostic sur l'état des menaces sur les transports transfrontaliers terrestres et maritimes et une analyse des mesures appropriées pour y répondre ;

2. Considère que la publication, après une consultation avec les professionnels concernés, de lignes directrices relatives au renforcement des mesures de sûreté dans les modes de transports collectifs terrestres (routier et ferroviaire) pour les services et sur les axes transfrontaliers s'imposant aux États membres et aux exploitants est indispensable pour assurer la coordination de leurs actions, et demande qu'elles soient accompagnées d'un plan d'actions, comportant un volet relatif aux technologies propres à préserver au maximum le caractère ouvert et libre de l'accès au train, afin de ne pas encourager le transfert vers d'autres modes de transport moins respectueux de l'environnement ;

3. Considère que l'adoption d'un paquet « sûreté dans les transports transfrontaliers » terrestres et maritimes s'impose afin d'obtenir un niveau élevé et harmonisé de sûreté dans l'ensemble de l'espace européen ;

3. Suggère, afin de financer ces mesures sans introduire de distorsion de concurrence intermodale et intramodale, que la Commission européenne émette des lignes directrices communes à l'instauration de taxes de sûreté, répercutables sur le prix des billets des transports collectifs routiers et ferroviaires, applicables dans le respect du principe de subsidiarité.

III. Nomination de rapporteurs d'information

Sur proposition de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a nommé rapporteurs d'information :

- MM. Yves Fromion et Joaquim Pueyo, sur l'opération Sophia en Méditerranée.

La séance est levée à 17 h 34