Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 15h00
Questions au gouvernement sur des sujets européens — Turquie

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le député, il est normal, s’agissant d’une séance consacrée aux sujets européens avant le Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine, que des questions portent sur la Turquie. Ces questions sont légitimes.

Harlem Désir a rappelé que nous avons, depuis très longtemps d’ailleurs, un rapport particulier avec la Turquie ; on pourrait évoquer les alliances entre Soliman le Magnifique et François Ier contre Charles Quint, et sans remonter jusque-là, rappeler que ce pays est un allié stratégique, doté de la deuxième armée de l’Alliance atlantique – à laquelle votre majorité d’alors a demandé une intégration bien plus importante que celle que le général de Gaulle avait prévue.

Encore une fois, toutes ces questions sont légitimes, mais ne les posons pas uniquement par rapport à la démocratie. En effet, ceux-là mêmes – pas vous, j’en suis convaincu – qui critiquent le régime turc, pour toute une série de raisons parfaitement compréhensibles, notamment ses ambiguïtés vis-à-vis de Daech, sont parfois les mêmes qui nous expliquent qu’il faut soutenir le régime de Bachar Al-Assad, être des alliés du régime de M. Poutine, lequel n’a incontestablement, je suppose, rien à se reprocher concernant la liberté de la presse et la démocratie, et qui nous poussent à soutenir l’Iran – nous allons d’ailleurs accueillir le président Rohani qui, de ce point de vue, n’a sans doute lui non plus rien à se reprocher.

Par conséquent, si on pose uniquement le débat en ces termes, je vous le dis tout de suite : nous n’aurons aucun allié, nous ne pourrons discuter avec personne dans la région.

J’entendais tout à l’heure un autre honorable parlementaire expliquer qu’il était temps de discuter et de négocier avec le président Poutine, mais je tiens à rappeler que c’est le Président de la République française et Laurent Fabius qui ont été au coeur de la discussion avec Angela Merkel et le président Poutine pour trouver une solution concernant l’Ukraine. J’ajoute qu’à chaque fois que le président Hollande l’a rencontré, cela a été aussi pour évoquer la question de la Syrie, et il a fallu attendre ces dernières semaines pour qu’il y ait une intervention russe, et surtout l’attentat odieux contre un avion d’une compagnie russe au-dessus du Sinaï pour qu’enfin, après que le président Poutine l’a reconnu, des bombardements aient lieu sur les sites stratégiques de Daech – même si nous savons, ce qui fait partie des discussions en cours, que Moscou bombarde aussi l’opposition modérée syrienne.

1 commentaire :

Le 17/12/2015 à 10:58, laïc a dit :

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"on pourrait évoquer les alliances entre Soliman le Magnifique et François Ier contre Charles Quint, "

On pourrait évoquer aussi l'engagement inconditionnel de la Turquie auprès des forces germano-autrichiennes lors de la première guerre mondiale, ce qui facilita d'ailleurs l'extermination des populations chrétiennes vivant en Turquie.

Tout comme l'on pourrait évoquer le pacte d'amitié turco-allemande de 1941. Je cite : "Le 22 juin 1941, quatre jours seulement après la signature du pacte germano-turc, les troupes allemandes franchissent les frontières de l'URSS dans le contexte de l'opération Barbarossa afin d'envahir le pays."

Donc M. Valls a une vision très partiale des relations de la France avec la Turquie : pour une brindille qui l'arrange, il oublie des montagnes qui auraient pu permettre l'extermination définitive des valeurs de la République auxquelles il paraît pourtant si attaché.

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