Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous commençons par une question du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, l’Europe va mal. Comme l’a dit Jean-Claude Juncker, Schengen est dans un état comateux. Des frontières intérieures sont érigées partout dans l’Union européenne : en Allemagne, avec l’Autriche et la République tchèque ; en Autriche, avec la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie et la Slovénie ; entre la Suède et le Danemark, sur le pont de Malmö ; et bien sûr, en France, avec tous nos voisins. Cette situation va sans doute se prolonger compte tenu des circonstances, mais nous espérons que cela sera provisoire.

Profitons de ce délai ! Pour sauver l’esprit de Schengen et de la libre circulation, acquis européen essentiel, il faut complètement refonder l’espace Schengen ; rien ne sert de le rafistoler.

Cette refondation consiste d’abord à ériger des règles communes en matière d’asile et de politique de retour des migrants illégaux – actuellement 20 % en France et 70 % en Allemagne. N’adhéreront à ce « Schengen II » que les pays qui souscriront à ces règles communes ; ceux qui n’en veulent pas n’en feront pas partie.

En matière de sécurité, l’état d’urgence en France que nous avons voté ne suffit pas. Il y a une urgence européenne, notamment dans le domaine du renseignement, où la coopération est très déficiente.

La France a évidemment un rôle majeur à jouer, que François Hollande n’assume pas. Vous dites que l’opposition et la majorité doivent travailler ensemble, mais cela exige que vous nous écoutiez. Cela fait trois ans que nous vous appelons à refonder Schengen.

Les solutions sont connues, enfin discutées ; mais l’essentiel n’est pas de discuter, l’essentiel est de faire. Les Français, comme tous les Européens, attendent des actes.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, ces sujets, vous les connaissez bien, et vous savez qu’ils sont complexes et appellent des réponses précises ; surtout, ils supposent que l’on convoque la vérité quand on les évoque.

Premier point : que s’est-il passé concernant la modification des règles de Schengen au cours des dix dernières années, alors qu’il y avait déjà des questions qui touchaient au terrorisme et que l’on avait connu en 2010 et 2011 une crise migratoire extrêmement grave ? Rien. Hier, le 15 décembre 2015, pour la première fois depuis sa rédaction, nous avons eu à acter une modification très substantielle du code frontières Schengen, qui établit de nouvelles règles et de nouveaux principes.

Quelles sont ces règles ? Contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne ; mise en place d’une interrogation systématique du système d’information Schengen ; nécessité, comme vous l’avez dit, d’y inscrire toutes les informations dont disposent les services de renseignement s’agissant du caractère terroriste de tel ou tel individu qui serait susceptible de franchir les frontières extérieures ou intérieures de l’espace Schengen ; connexion de l’ensemble des fichiers criminels les uns aux autres. C’est inscrit dans les perspectives de l’Union européenne et dans la réforme de l’article 7, paragraphe 2, du code frontières Schengen.

Par conséquent, ce que vous appelez de vos voeux et que je considère comme légitime est précisément ce que nous avons fait acter dans la nouvelle rédaction de l’article 7, paragraphe 2, du code frontières Schengen, au terme d’un combat que la France a mené parfois contre d’autres pays de l’Union européenne, pour finir par rassembler autour de sa position l’ensemble des États membres. C’était nécessaire pour la maîtrise des flux migratoires, pour la sécurité des pays de l’Union européenne face au terrorisme ; c’est ce que nous voulions, et c’est ce que nous avons obtenu. Ce sont désormais les nouvelles règles de l’Union européenne.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, le 12 décembre dernier, les gouvernements de 196 États du monde ont conclu un accord historique pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette réussite est le fruit d’une volonté convergente, et d’un travail en amont exemplaire auquel la diplomatie française a contribué de façon remarquable.

L’ensemble des nations a accepté de travailler ensemble pour aboutir à un accord. Le principe fixé par cet accord est de limiter la hausse de la température « nettement en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts pour « limiter la hausse des températures à 1,5° C » dans un temps donné. Pour y arriver, il faudra agir d’une manière équitable entre États et nations. Dès le mois prochain, début janvier 2016, l’Union européenne aura un rôle important à jouer dans la mise en oeuvre de cet accord, pour engager les États membres et les peuples européens dans cette nouvelle voie.

Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, pouvez-vous nous dire quel sera le rôle de l’Union européenne dans la gouvernance de cet accord et le suivi de sa mise en oeuvre ? À quel niveau l’Union européenne participera-t-elle financièrement, étant donné que la contribution totale des pays les plus riches, visant à accompagner les États émergents, est estimée à 100 milliards de dollars ?

Enfin, pouvons-nous espérer que l’Union européenne revoie à la hausse ses propres objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, d’amélioration de l’efficacité énergétique, et de production d’énergies renouvelables ? Certaines voix s’élèvent pour se féliciter de cet accord, et demandent une dynamique forte.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur ces éléments ? Pouvez-vous nous dire quelle position défendra notre pays lors du prochain Conseil européen sur ce thème ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.

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Un peu de silence, mes chers collègues, que l’on puisse entendre les orateurs !

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, la COP21 a été un immense succès, comme vous l’avez rappelé, car elle a permis de dégager un accord ambitieux, différencié, universel, et juridiquement contraignant, entre 196 pays, auxquels il faut ajouter l’Union européenne. C’est une fierté pour notre pays, qui en a assuré la présidence ; l’hommage rendu par le monde entier au président de la COP21, Laurent Fabius, a été à la hauteur du sens du compromis, du respect du dialogue, du souci du long terme dont il a fait preuve.

Mais ce résultat est aussi une belle victoire pour l’Europe, qui a su se mobiliser et être une force d’entraînement, de proposition et de compromis dans le monde. Nous allons à présent demander à la Commission européenne d’évaluer l’accord et d’en tirer toutes les conséquences sur les politiques climatiques et énergétiques européennes, notamment sur la mise en oeuvre du cadre énergie-climat 2030, en vue d’un débat qui aura lieu au Conseil européen : pas celui de demain, mais celui qui aura lieu en mars 2016.

Le projet d’Union de l’énergie est un des grands chantiers de l’Europe pour les mois à venir. Il entraînera beaucoup de modifications législatives dès l’année prochaine. Il est étroitement lié à la mise en oeuvre de l’accord de Paris au niveau européen. Plusieurs de ces textes contribueront directement au respect des objectifs que l’Union européenne s’est fixé pour lutter contre le changement climatique – je pense notamment à la directive sur le partage de l’effort pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est attendue pour le milieu de l’année 2016, ou encore à la réforme des cours du marché du carbone.

La France plaide, aux côtés de plusieurs partenaires tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour une approche équilibrée, qui touche à l’ensemble des dimensions de l’Union de l’énergie. D’autres États membres mettent seulement l’accent sur la sécurité d’approvisionnement ; nous voulons lier ce volet avec celui de la lutte contre le changement climatique. La France veillera également à accélérer les actions pré-2020 prévues par la décision de la COP, qu’il s’agisse de la ratification de l’amendement de Doha, du relèvement de l’ambition, ou encore de la contribution européenne à la feuille de route pour atteindre 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le Premier ministre, l’entreprise Vallourec a annoncé en avril la suppression de 2 000 emplois, dont 900 en France et 600 en Allemagne. Les représentants des salariés, réunis avec les députés des bassins d’emploi concernés, rejettent ces choix qu’a confirmés Philippe Crouzet, PDG du groupe Vallourec. Pour ce dernier, il faut réduire de 20 % les effectifs européens du groupe.

L’émotion et la colère sont d’autant plus légitimes que Vallourec a distribué 2,2 milliards d’euros de dividendes en douze ans, et réalisé des investissements hasardeux à l’étranger. Par ailleurs, Vallourec est liée par un accord dit « take or pay » à l’aciériste allemand HKM ; elle est donc contrainte de lui acheter des milliers de tonnes d’acier qui pourraient être produites ici, en France, par exemple dans son aciérie moderne de Saint-Saulve, qu’elle veut pourtant vendre à l’encan !

Aucun repreneur fiable ne s’est présenté. Vous vous êtes pourtant engagé, monsieur le ministre de l’économie, à ce qu’une solution soit trouvée avant la fin de cette année.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Il ne faut pas le croire !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela devient insupportable ! À poursuivre cette politique, ne vous étonnez pas, à l’avenir, de connaître de nouveaux séismes électoraux !

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Vallourec nous mène en bateau, désormais le temps presse ! Comment l’État, qui est actionnaire à 7 %, entend-il s’opposer à cette liquidation programmée, et imposer des solutions industrielles préservant les emplois, les activités de production et de recherche, et les sites du groupe ? Il faut tout faire pour défendre bec et ongles Vallourec, ce fleuron de l’industrie française et européenne !

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen, et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Monsieur le député, je ne suis pas convaincu par le lien que vous faites entre la situation politique et de prétendues fausses promesses ou engagements non tenus. Depuis le début, avec vous-mêmes et plusieurs de vos collègues du groupe socialiste – notamment le député Laurent Degallaix et la sénatrice Valérie Létard –, nous nous sommes engagés avec les élus locaux pour défendre les sites industriels concernés.

Pourquoi le groupe Vallourec est-il confronté à des difficultés ? Certes, il y a l’héritage du passé, sur lequel on peut toujours pleurer. Mais il y a surtout les difficultés présentes, qui tiennent au fait que Vallourec fournit des tubes à l’industrie pétrolière, dont les prix ont profondément chuté. Le marché mondial est en crise, et cette crise devient durable. Le consensus a donc largement changé en six mois.

J’ai pris des engagements : ils seront tenus. Ils ne concernent pas l’ensemble des sites productifs en France, mais portent sur l’aciérie de Saint-Saulve. Nous continuons à nous battre pour que des repreneurs industriels se manifestent, aux côtés de Vallourec. Ce travail continue : il sera mené à terme.

Pour les autres sites industriels du groupe Vallourec en France – en Normandie et dans le Nord-Pas-de-Calais –, en Allemagne et en Grande-Bretagne, il faudra trouver une réponse structurelle. Je n’ai pas de réponse magique, pas plus que vous ! Et ce n’est pas en nous stigmatisant les uns les autres que nous en trouverons une. Il faut relever le défi industriel auquel le groupe fait face. Je prends un engagement : continuer à oeuvrer pour l’aciérie, avec tous les partenaires locaux et les salariés, en mettant la pression sur le groupe, de façon transparente.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Ce n’est pas très clair !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

La semaine prochaine, je verrai M. Crouzet, et je vous en rendrai compte. Des efforts seront demandés aux dirigeants du groupe en termes de salaire, ainsi qu’aux actionnaires, en termes de dividendes. Surtout, des efforts industriels seront exigés, pour trouver une porte de sortie.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le ministre de la défense, le 17 novembre dernier, après les attentats de Paris et de Saint-Denis, les États membres de l’Union européenne ont répondu positivement, en vertu de l’article 42, paragraphe 7, du Traité de Lisbonne, à la demande d’aide que la France a formulée, par votre intermédiaire qui fut déterminant. Ce fut un signal politique fort pour l’unité européenne.

Cet article, invoqué pour la première fois, stipule en effet : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir ».

Or, comme l’a récemment rappelé l’état-major, jamais l’armée française n’avait été autant sollicitée, à l’intérieur comme à l’extérieur, avec 34 000 militaires actuellement en opération, dont 13 000 affectés à la sécurité intérieure, les autres étant engagés au Levant et dans le Sahel. Avec le déploiement du groupe aéronaval en Méditerranée orientale, les forces françaises engagées sur le théâtre syrien sont passées de 700 à 3 500 hommes. Au même moment, 3 800 militaires sont sur le qui-vive au Sahel.

La France intervient sur plusieurs théâtres d’opérations car la lutte contre le terrorisme est désormais globale ; sans cet engagement, des territoires sans cesse plus grands deviendraient des sanctuaires de terroristes.

Dans cette lutte longue et périlleuse, la France ne peut réussir seule ; aussi elle plaide, depuis très longtemps, pour un renforcement de la défense européenne, notamment pour une plus forte solidarité financière.

En sus des 650 soldats supplémentaires promis par l’Allemagne au Mali ainsi que de l’autorisation du Parlement britannique pour une intervention militaire en Syrie, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si des États membres ont affiché leur volonté, au nom de la solidarité européenne, de participer à cet effort ou de renforcer leurs contributions, et si des jalons nouveaux pour l’Europe de la défense seront enfin posés ?

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, le 17 novembre dernier, à la demande du Président de la République, j’en ai appelé, devant les ministres de la défense de l’Union européenne, à l’application de l’article 42, paragraphe 7, du Traité de Lisbonne, lequel prévoit l’assistance et la solidarité de l’ensemble des États membres lorsque l’un des leurs – en l’occurrence la France – est victime d’une agression extérieure. J’ai été largement suivi, dans cet appel, par la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, et je constate avec vous qu’il a été suivi par un élan très fort de solidarité et par des actes concrets.

La Grande-Bretagne, vous l’avez noté, a décidé, après un débat à la Chambre des communes, de déployer des vols sur la Syrie, les premières frappes de la chasse britannique intervenant aussitôt après. L’Allemagne, de son côté, a consenti un effort considérable, puisque, en plus de la mise à disposition de 650 militaires au Mali, elle a renforcé sa présence dans la coalition en mettant à sa disposition des avions de reconnaissance ainsi qu’une frégate en accompagnement du groupe aéronaval français : ce sont là des actes lourds, nouveaux et très importants.

D’autres pays suivront ou sont en train de le faire, à commencer par la Belgique. En complément des efforts engagés par Bernard Cazeneuve et son homologue, M. Jambon, les forces de défense belges contribueront à l’effort en positionnant une frégate à proximité de notre groupe aéronaval.

De même, les Suédois, les Danois et les Estoniens soutiennent l’action de la France, soit en apportant des éléments d’intervention au Levant, soit en nous permettant d’alléger notre présence en Afrique. De petits pays, comme le Luxembourg, y contribueront aussi.

Comme vous le voyez, monsieur le député, l’Europe de la défense est très solidaire et continuera de l’être.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

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Ma question s’adresse à M. Harlem Désir. Monsieur le secrétaire d’État, nous attendions avec une grande impatience le lancement de la taxe sur les transactions financières, qui aurait dû voir le jour, sous la forme d’une « coopération renforcée », pendant la COP21.

Même s’il y a quelques avancées, force est de constater que cette étape n’a pas été conclusive. Nous allons donc encore devoir attendre cette mesure de justice et d’équité. Nous le regrettons.

Face aux défis du changement climatique, les besoins de financement pour les pays en développement ont pourtant été au coeur de la COP21. Certes, l’accord de Paris traduit des engagements importants de la part des pays riches : nous pouvons remercier la France, et tout particulièrement M. Fabius, d’avoir tenu bon sur ce point. Mais encore faut-il que les promesses se traduisent concrètement. À la veille du Conseil européen qui portera notamment sur la crise humanitaire des réfugiés et sur la problématique migratoire dans l’Union, je veux donc, monsieur le secrétaire d’État, nous rappeler à tous notre devoir de solidarité.

Au moment où les égoïsmes nationaux sont à l’oeuvre et conduisent à des nationalismes mortifères, nous devons tenir un langage de vérité par rapport aux migrants. L’Europe doit tenir ses engagements en matière d’asile, il y va des principes mêmes de l’Union. Assurer un accueil humain des personnes qui arrivent, notamment par la Turquie, assurer des voies légales d’immigration, sont autant d’exigences indispensables. Le déficit de solidarité actuel ne grandit pas l’Europe mais la diminue. Nous ne résoudrons pas ces crises en verrouillant les frontières, mais bien en tenant nos engagements.

De même, si nous voulons permettre aux pays les plus pauvres de donner travail et espoir à leurs populations afin qu’elles restent en leur sein, il faut des outils financiers qui renforcent l’aide au développement.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, je veux vous interroger sur les chances de réussite réelle de la taxe sur les transactions financières et sur son calendrier de mise en oeuvre effective.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Le Gouvernement, madame la présidente Danielle Auroi, est pleinement déterminé à mettre en place une taxe sur les transactions financières appliquée à l’échelle des pays de l’Union européenne ayant décidé d’une coopération renforcée, et nous avançons sur le sujet.

Ainsi le Conseil ECOFIN, qui regroupe les ministres des finances de l’Union, a conclu, au terme de sa réunion du 8 décembre dernier, un accord décisif sur l’architecture de la taxe. Comme nous le souhaitions, son assiette sera large puisqu’elle inclura les produits dérivés, et pas seulement les actions et les obligations. Ce point décisif semble acquis ; il s’agit donc d’un progrès important.

La Commission européenne doit désormais transcrire cet accord politique dans un texte législatif d’ici au début de l’année prochaine, l’objectif étant la conclusion d’un accord final à la mi-2016. Nous resterons bien entendu très mobilisés sur le sujet dans les prochaines semaines,…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

…afin que la taxe soit opérationnelle le plus rapidement possible.

Quant à son affectation – autrement dit l’utilisation de son produit – à la solidarité internationale, elle fait encore l’objet de débats entre les pays qui la mettront en oeuvre ; mais la position de la France est claire, le Président de la République l’a rappelée : nous souhaitons que les recettes soient affectées à la lutte contre le changement climatique et contre les grandes pandémies.

Nous continuerons donc de défendre cet objectif et nous efforcerons de le faire partager à nos partenaires. L’Union européenne, je veux le rappeler, est déjà le premier bailleur mondial d’aide au développement, dont l’objet est la lutte contre la pauvreté et contre les conséquences du changement climatique dans les pays en développement. Ensemble, les institutions européennes et les États membres représentent près de 52 % du montant total de l’aide publique au développement à l’échelle mondiale. C’est là un motif de fierté mais, compte tenu des enjeux notamment posés par la COP21, nous devons aller plus loin : la taxe sur les transactions financières contribuera à la solidarité internationale.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le secrétaire d’État aux affaires européennes, l’Europe joue une part historique de sa responsabilité et de sa crédibilité dans son engagement en Méditerranée, et singulièrement dans l’accompagnement de l’accord inter-libyen aujourd’hui en cours de signature au Maroc.

Cet accord, certes fragile, est le fruit d’un compromis politique largement soutenu par la communauté internationale. Il constitue, néanmoins, une étape absolument essentielle si l’on veut éviter que Syrte ne devienne Raqqa et la Libye le nouvel épicentre du terrorisme ainsi qu’un danger mortel pour l’ensemble de la région.

Consolider cet accord, construire une transition politique et aider les Libyens à retrouver une gouvernance, à sécuriser leur pays et à mobiliser leurs forces constitue, à n’en pas douter, une responsabilité essentielle pour l’Europe.

Monsieur le secrétaire d’État, vous venez d’indiquer que l’Europe est le premier pourvoyeur mondial d’aide publique au développement. Ma question est la suivante : comment compte-t-elle redéployer ses financements en Méditerranée où l’enjeu de la stabilité est considérable ? Quelle forme, selon vous, cet engagement prendra-t-il ? La France est-elle prête à soutenir une nouvelle résolution au Conseil de sécurité des Nations unies ?

Enfin, quel rôle la France et les pays riverains de la Méditerranée peuvent-ils jouer dans ce nouveau contexte, sachant que la sécurité de la Libye constitue évidemment un élément de notre propre sécurité ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, la menace que Daech fait peser sur la Libye ne cesse de s’accroître, et la France, avec ses partenaires, est déterminée à y faire face. Il est hors de question que la Libye devienne une zone de repli pour Daech – qui se trouve sous pression en Syrie et en Irak.

La division du pays fournit un terreau propice aux terroristes. La restauration de l’unité politique du pays est donc notre priorité absolue. La situation exige, par conséquent, l’établissement d’un gouvernement d’unité nationale, seul capable de combattre efficacement la menace terroriste, avec le soutien de la communauté internationale.

La réunion ministérielle de Rome, qui s’est tenue ce week-end, a permis de réunir tous les partenaires internationaux de la Libye, qui sont tous animés d’un sentiment d’urgence. Nous ne pouvons en effet attendre plus longtemps la formation de ce gouvernement d’unité nationale.

C’est sur la base de ce soutien unanime que M. Martin Kobler, nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye, a décidé de réunir les Libyens de tous les camps pour signer l’accord négocié par les Nations unies depuis maintenant un an.

Cette signature devrait intervenir demain au Maroc, à Skhirat, et ouvrir ainsi la voie à la formation, avant la fin de l’année, d’un gouvernement d’union nationale. Tel est en tout cas notre souhait.

Nous travaillons activement, avec nos partenaires, à soutenir cette avancée qui doit ensuite se traduire par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies confirmant le soutien de la communauté internationale à ce gouvernement d’union nationale. Si cela est nécessaire, il faudra que des sanctions soient adoptées à l’égard de ceux qui se mettraient en travers de ce processus de réunification nationale de la Libye. Ce travail est absolument indispensable.

Nous préparons également une résolution qui doit permettre de donner une base à un appui civil et sécuritaire au nouveau gouvernement qui devra siéger à Tripoli, car cette ville est la capitale de la Libye. Avec nos partenaires – de l’Union européenne et avec les autres – dans ce processus, nous nous préparons à entamer avec ce gouvernement une coopération intense en matière de lutte contre le terrorisme et contre les trafics de migrants.

L’étape qui va être franchie demain est donc cruciale : il s’agit d’un enjeu prioritaire pour notre sécurité, pour celle de la région et de tous les pays voisins de la Libye, en particulier pour la Tunisie.

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La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, l’Union européenne relançait le processus d’adhésion de la Turquie en ouvrant le chapitre 17 qui porte sur la politique économique et monétaire.

Cette reprise des négociations intervient alors que l’Europe est confrontée à une crise migratoire sans précédent. Elle soulève des questions d’une particulière gravité que vous ne pouvez et ne devez pas, monsieur le Premier ministre, passer sous silence.

Monsieur le Premier ministre, vous n’ignorez pas que de lourds soupçons pèsent sur le régime turc quant à la nature des relations qu’il entretient avec Daech. Vous n’ignorez pas, non plus, que cette reprise du processus d’adhésion turc est un signal extrêmement négatif envoyé à l’adresse de la Russie que votre Gouvernement s’accorde – enfin – à reconnaître comme un partenaire incontournable pour résoudre le conflit syrien et éradiquer Daech !

Vous n’ignorez par ailleurs pas, et c’est sur ce point que je souhaite vous interroger, que l’Union européenne est à l’heure des choix. Nous estimons que sa survie en dépend.

Aussi, monsieur le Premier ministre, l’Europe doit-elle poursuivre son élargissement en accueillant l’Albanie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie, l’Ukraine, ou la Turquie, ou bien doit-elle approfondir son projet et définir des priorités, en se dotant d’une politique économique, d’une défense et d’une politique migratoire communes ?

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants est opposé à l’entrée de la Turquie en Europe, car nous pensons que nous avons besoin d’une Europe plus forte, pas d’une Europe plus large. Sur ce sujet fondamental, nous n’avons pas beaucoup entendu la voix de la France.

Ma question est donc simple : quelle est la position du Gouvernement sur la reprise des négociations avec la Turquie et, plus largement, sur la poursuite de l’élargissement ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, la Turquie est un partenaire stratégique de la France car elle se trouve au carrefour de crises et d’enjeux stratégiques majeurs. Elle est notre alliée dans la recherche d’une solution politique en Syrie, et elle a un rôle majeur à jouer dans la réponse européenne à la crise migratoire ainsi qu’à la menace terroriste. Notre intérêt commun est donc de poursuivre le dialogue engagé avec elle, depuis maintenant plusieurs années, sur l’ensemble de ces questions.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Le sommet qui a réuni, le 29 novembre dernier à Bruxelles, l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et le Premier ministre turc a précisément eu pour objet la poursuite de ce dialogue.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Notre intérêt est également de soutenir la Turquie dans l’effort qu’elle fournit pour accueillir les réfugiés – plus de 2 millions de Syriens – sur son territoire.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Tel est le sens du plan d’action commun conclu entre l’Union européenne et la Turquie, qui vise notamment à renforcer notre coopération afin de garantir des conditions de vie dignes et humaines aux réfugiés qui sont accueillis sur le sol turc, de lutter contre les réseaux de passeurs et de renforcer le contrôle de nos frontières extérieures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et les journalistes jetés en prison en Turquie ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

En parallèle, nous apportons à la Turquie un appui financier accru, de l’aide humanitaire et des fonds destinés à améliorer l’hébergement, l’insertion professionnelle et la formation des réfugiés.

Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Cet engagement de l’Europe est indispensable mais ne change rien à nos exigences vis-à-vis de la Turquie pour ce qui concerne – je réponds en cela à votre question, monsieur le député – la libéralisation des visas ou les chapitres de négociation.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Il s’agit d’un pays candidat à l’adhésion depuis 1999, sous la présidence de Jacques Chirac : des négociations ont depuis lors été engagées sur quatorze chapitres – dont treize ont été ouverts au cours de la présidence de Nicolas Sarkozy – sur lesquels la Turquie a engagé avec l’Union européenne un certain nombre de coopérations.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Un nouveau chapitre a été ouvert. Cela ne préjuge en rien de l’issue de ce processus puisqu’en tout état de cause, un référendum serait organisé en France si la question de l’adhésion de la Turquie se posait, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

La position du Gouvernement est donc claire : oui à la coopération avec la Turquie dans la lutte contre le terrorisme et pour le contrôle des frontières.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Monsieur le ministre, nos entreprises souffrent des distorsions de concurrence qui existent entre les pays européens.

C’est le cas tout d’abord pour le coût du travail. De nombreux salariés recrutés par des sociétés de prestations de services de pays de l’Est sont employés dans d’autres pays, comme l’Allemagne ou la Hollande, au coût du pays d’origine. Plus des deux tiers des salariés de l’agroalimentaire sont recrutés dans ces conditions. Le coût de leur prestation est de moins de 7 euros de l’heure en Allemagne alors que le coût de la main-d’oeuvre dépasse 20 euros en France.

Il y a des distorsions de concurrence aussi dans le contrôle sur les entreprises.

Nos entreprises agroalimentaires et, plus largement, tout le secteur de l’agriculture sont soumis à de très fréquents contrôles sur la traçabilité des produits. Les entreprises doivent respecter les règlements européens sur l’information des consommateurs et les effets préjudiciables à la santé propres à une denrée alimentaire particulière. C’est le cas dans ma circonscription pour toute commercialisation en baie du mont Saint-Michel des huîtres de Cancale et des moules de bouchot.

Nous ne pouvons pas être opposés à de tels règlements, qui constituent un gage de notre sécurité alimentaire, mais nous devons avoir l’assurance qu’ils sont appliqués dans les mêmes conditions dans les autres pays européens. Or tel n’est pas le cas. Un certain nombre d’entreprises allemandes et hollandaises, par exemple, ne respectent pas toujours les règlements concernant la traçabilité. Les contrôles, quand ils existent, sont loin d’être les mêmes que ceux qui sont imposés à nos entreprises.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les moyens dont vous disposez pour veiller au respect des règlements européens par l’ensemble des entreprises, qu’elles soient en France ou dans les autres pays de l’Union européenne.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

La question que vous posez est multiple, monsieur le député, puisqu’elle concerne les affaires européennes, l’agriculture, ou encore la simplification, mais je vais tenter de vous apporter tous les éclairages nécessaires.

Vous avez d’abord soulevé le problème, très important, des travailleurs détachés. Nous avons fortement lutté contre le déséquilibre qui pouvait exister au détriment de nos entreprises en modifiant la législation ces derniers mois. Nous avons d’abord accru les sanctions, puis nous en avons appelé à la responsabilité des donneurs d’ordre et nous avons renforcé les contrôles. La semaine dernière encore, en application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la ministre du travail a pris des décrets qui permettent de réduire l’écart.

Vous avez ensuite souligné l’importance du recours au travail détaché légal dans certaines filières, en particulier dans l’agroalimentaire, en Allemagne et dans d’autres pays. C’est un point qui a été évoqué à plusieurs reprises par le ministre de l’agriculture et qui fait l’objet de discussions au niveau des conseils européens compétents pour tout encadrer davantage. Cela dit, je vous rappelle que le recours au travail détaché légal impose que soient respectés le minimum salarial du pays et l’ensemble des règles y attenant. Il y a donc un problème de contrôle, mais les règles ont été largement harmonisées en la matière.

Vous m’interrogez enfin sur l’ensemble des règles relatives au monde agricole et aux installations agricoles. La façon dont les choses sont perçues nous intéresse beaucoup. Les règles seraient injustement appliquées entre les différents pays. Ce n’est pas le retour que nous avons : partout où elles s’imposent, leur application est vérifiée avec les mêmes critères.

Nous continuerons à faire preuve de la même vigilance et, alors que M. Timmermans, vice-président de la Commission, a annoncé des mesures pour améliorer la régulation et l’application des règles européennes, nous continuerons à tenir ce discours au niveau européen pour réduire le différentiel de compétitivité, avec le même souci que le vôtre.

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La parole est à M. Joaquim Pueyo, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, l’Europe est aujourd’hui confrontée à deux défis majeurs : d’une part, la lutte contre le terrorisme et la nécessité de renforcer ses frontières, tant intérieures qu’extérieures, et, d’autre part, la crise migratoire d’une dimension sans précédent puisqu’un million de personnes auront traversé de manière irrégulière les frontières extérieures de l’Union européenne en 2015.

Face à ces deux défis, certains veulent faire des amalgames, créer des confusions entre l’accueil des réfugiés, qu’il faut organiser, et la lutte contre le terrorisme. Certains veulent présenter les réfugiés comme de potentiels terroristes alors qu’ils sont leurs premières victimes et qu’ils fuient justement les crimes de ceux qui nous ont frappés à Paris.

Pas plus tard que ce matin, Marine Le Pen publiait sur son compte Twitter trois photos ignobles de la propagande de Daech.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Encore un dérapage, encore un appel à la peur, encore une démonstration que les électeurs de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie ont eu raison de ne pas accorder de majorité à cette personne, qui n’est pas à la hauteur de la bataille que livre la République.

Mais les amalgames prospèrent aussi sur la difficulté de l’Union européenne à apporter des solutions alors même que ces deux défis posent la question du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne.

La France est attachée à Schengen, au principe de la libre circulation des personnes, qui est un acquis majeur de la construction communautaire mais, si Schengen ne se réforme pas, si les accords de Schengen ne garantissent pas un contrôle aux frontières efficace, Schengen pourra être emporté par la crise migratoire. L’Europe sera une cible facile pour les extrémistes violents, et c’est l’ensemble du projet européen qui sera mis en cause.

Monsieur le ministre, la Commission européenne a fait des propositions. Sont-elles conformes à vos attentes ? Sont-elles susceptibles de nous renforcer face à la menace terroriste ? Constituent-elles une réforme ambitieuse de Schengen ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Tout d’abord, monsieur le député, les photos qui ont été diffusées ce matin par des tweets sont issues de la propagande de Daech. C’est à ce titre une abjection, une abomination et une véritable insulte pour toutes les victimes du terrorisme, pour toutes celles et tous ceux qui sont tombés sous le feu et la barbarie de Daech.

Applaudissements sur tous les bancs.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que, conformément aux procédures en vigueur, PHAROS, la plateforme de la direction centrale de la police judiciaire, se saisisse de cette affaire, comme elle le fait à chaque fois que ces photos sont diffusées, de manière à lui réserver toutes les suites nécessaires.

Applaudissements sur tous les bancs.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Pour ce qui concerne le fond, c’est-à-dire la situation migratoire et les décisions à prendre au sein de l’Union européenne, après la réponse que j’ai apportée à Pierre Lequiller tout à l’heure, je voudrais préciser un certain nombre de points.

D’abord, nous devons contrôler les frontières extérieures de l’Union européenne. Sinon, il ne sera pas possible de distinguer ceux qui relèvent du statut de l’asile en Europe, qui doivent être accueillis, des migrants irréguliers, qui doivent être reconduits à la frontière. Pour ceux qui relèvent du statut de réfugié en Europe, nous devons pouvoir mettre en oeuvre le processus de relocalisation et de réinstallation décidé par l’Union européenne.

Le contrôle effectif des frontières extérieures de l’Union européenne suppose que FRONTEX monte en puissance. Pour ce faire, il faut, conformément à ce qu’a demandé la France, qu’il y ait davantage de personnes, notamment des garde-côtes, assurant le contrôle des frontières. Nous avons obtenu satisfaction, sur la base d’une proposition de la Commission. Nous avons également obtenu que le système d’information Schengen, ainsi que l’ensemble des fichiers criminels, puissent être interrogés. Le Conseil aura à traiter de ce sujet, afin de veiller à ce que cela ne remette pas en cause la souveraineté des États.

Voilà ce que nous avons obtenu. C’était l’agenda français ; c’est désormais l’agenda européen.

Applaudissements sur de plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, les agriculteurs se meurent et la France regarde ailleurs. Être agriculteur aujourd’hui, c’est travailler sept jours sur sept, sans compter ses heures, et perdre de l’argent. Être agriculteur aujourd’hui en France, c’est vivre dans l’angoisse permanente de la faillite. C’est aussi, par conséquent, un risque de suicide multiplié par trois par rapport aux autres catégories socio-professionnelles.

Les agriculteurs, éleveurs de bovins, de porcs, producteurs de lait, de fruits et de légumes et d’autres encore, sont étranglés par la chute des prix qui ne leur permet pas de couvrir leurs coûts de production. Ils vous appellent désespérément à l’aide depuis des mois, manifestant un peu partout et menant des opérations coup de poing à Caen, au Mont-Saint-Michel, à Bruxelles, à Paris et dans de nombreuses zones rurales et de montagne.

Le fond du problème, vous l’avez dit ici même la semaine dernière, monsieur le ministre, c’est la question des prix. Pourquoi l’écart continue-t-il de se creuser entre les prix de vente dérisoires des agriculteurs et les prix toujours plus élevés que paient les consommateurs au supermarché ? En septembre dernier, en réponse à la manifestation des tracteurs à Paris, qui avait été largement soutenue par la population française, le Premier ministre avait annoncé un plan pour soutenir les agriculteurs. Mais force est de constater que le compte n’y est pas, ni dans la loi de finances pour 2016, ni dans la loi de finances rectificative pour 2015.

Certes, quelques réponses ont été apportées dans l’urgence, mais il faut faire plus que poser un pansement pour stopper l’hémorragie. Les agriculteurs attendent des réponses structurelles de moyen et long termes pour redonner du souffle à leurs exploitations. Elles doivent porter non seulement sur les prix, mais également sur le niveau des charges, sur la simplification des normes et sur la recherche d’innovation. Quelles garanties pouvez-vous donner aux agriculteurs français pour qu’ils ne se sentent plus oubliés ?

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, il est légitime que vous posiez au ministre de l’agriculture une question sur la situation de l’élevage.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

En revanche, il n’est pas acceptable que vous disiez que la France regarde ailleurs.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Pour un ministre qui répond à un député, monsieur Jacob !

Lorsque nous sommes confrontés à des crises, nous devons examiner la situation avant d’apporter des réponses. La France a agi en faveur du budget européen de l’agriculture, alors que, lorsque nous sommes arrivés, ce budget était presque de moitié moindre.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

À ce titre, la négociation du Président de la République a été exemplaire.

Lorsqu’il a fallu négocier la politique agricole commune, nous avons rétabli des aides qui avaient pratiquement disparu – notamment les aides couplées pour l’élevage que vous aviez gentiment oubliées.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Il nous a fallu traiter la crise du lait, après que vous avez décidé de mettre fin aux quotas laitiers. De la même manière, nous aurons à traiter la question de la fin des quotas sucriers. Ce sont autant de décisions qui nécessitent que l’on soit aux côtés des agriculteurs. Le plan de 700 millions d’euros que nous avons mis en place va s’appliquer très prochainement, alors que, lors de la crise du lait en 2008 et 2009, il a fallu attendre un an pour que vous versiez des aides.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Notre plan a été créé en septembre et nous commencerons à verser des aides dès la fin de cette année. S’agissant de l’agriculture, chacun doit bien voir ceux qui agissent et comment ils agissent.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Par ailleurs, pour conclure sur la question des prix, nous devons protéger notre marché. Qui a mis en oeuvre la traçabilité pour la viande de France ? C’est l’ensemble des interprofessions avec le ministère de l’agriculture !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Le prix mondial des exportations, qui sont la force de la France, a aussi un impact sur les prix nationaux. Nous avions fait des propositions. Nous avons remonté les prix, quand d’autres ont décidé de faire autrement. Chacun devra assumer ses responsabilités.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l’économie, j’associe à ma question Valérie Fourneyron, Jean Glavany et Martine Carrillon-Couvreur. Le groupe Vallourec, spécialiste des tubes sans soudures, est une entreprise mondiale qui a conservé d’importantes unités en France, notamment dans le Nord et en particulier à Aulnoye-Aymeries.

Ce sont ses unités européennes qui sont en crise, surtout en France et en Allemagne, puisque 1 500 suppressions d’emplois sont annoncées, dont 900 en France. Au même moment, la branche américaine connaît un plein développement lié aux progrès de l’industrie-exploration. Le déclin européen est sans conteste de la responsabilité de l’entreprise, mais il s’explique aussi par un repli industriel généralisé en Europe et le refus de développer l’industrie des tubes.

Ce repli s’explique également par la répugnance des gouvernements européens à adopter une politique industrielle audacieuse et soutenant l’emploi. Les difficultés spécifiques à l’Europe, et surtout à la France, doivent être assumées autrement par l’entreprise et il faut éviter de faire endosser cette situation négative au seul monde du travail.

Le président du directoire prétend que cette dépression n’est que passagère et nous annonce un rebond dès 2017. Si c’est le cas, la reprise est pour bientôt et nous n’aurions qu’un mauvais moment à passer. Le rôle de l’État, votre rôle, monsieur le ministre, serait alors d’accompagner une transition et une conversion sans dommage pour l’emploi. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer des projets du Gouvernement en ce sens pour le monde du travail ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Monsieur le député, vous me permettrez de compléter la réponse que j’ai faite tout à l’heure à votre collègue Alain Bocquet. Pour revenir sur la situation plus structurelle du groupe Vallourec, une bonne partie des clients, compte tenu des spécificités que vous évoquez, se trouvent dans le secteur pétrolier ou parapétrolier. Le prix du baril aujourd’hui est le tiers de ce qu’il était en juin 2014.

Aujourd’hui, tout montre que cette situation est durable sur les court et moyen termes. Elle durera au moins un ou deux ans. Je ne peux donc pas dire si les beaux jours reviendront pour cette industrie en 2017, parce que nul ne le sait et que personne n’avait anticipé un tel retournement. Il y a donc un ajustement brutal.

À cela s’ajoute une concurrence extrêmement brutale aussi dans le secteur de l’acier. Je n’ai pas évoqué tout à l’heure cet élément important qui relève également de la politique industrielle. De fait, 50 % de l’acier mondial est aujourd’hui produit par des Chinois qui inondent le marché européen en baissant les coûts. Malgré les efforts du groupe Vallourec, ses activités ont baissé sur les neuf premiers mois de l’année 2015 et elles continuent à s’effondrer, principalement pour cette double raison.

Face à cela, le Gouvernement propose trois réponses. La première concerne la compétitivité. Nous l’avons mise en oeuvre l’été dernier et devons l’accompagner en responsabilité. Elle doit faire l’objet d’un effort partagé de manière équilibrée entre les actionnaires et les dirigeants du groupe. C’est l’objet d’une discussion que j’aurai avec les dirigeants la semaine prochaine. La deuxième réponse consiste à regarder sur le plan stratégique les diversifications en termes de géographie et de secteurs, en particulier vers de nouvelles industries dans d’autres espaces.

Enfin, il faut organiser une réaction au niveau européen. Nous devons avoir une réponse d’anti-dumping vis-à-vis des Chinois.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Nous ne pouvons pas laisser l’acier européen se faire progressivement détruire par les importations chinoises à bas coût.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Les 9 et 30 novembre, j’ai défendu cette voie au Conseil de compétitivité. De premières mesures ont été prises. Matthias Fekl a fait la même chose au Conseil du commerce. Nous continuerons en ce sens, avec nos collègues britanniques et allemands, pour renforcer les mesures préventives et celles de fond afin de proposer une vraie réponse anti-dumping.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, les affres de la guerre civile syrienne appellent des solutions urgentes et concrètes, tant humanitaires que militaires. La diplomatie, chacun le sait, est l’art de concilier l’inconciliable ; les efforts se font sentir jusqu’en Europe avec les images spectaculaires de migrants, syriens ou non, forçant par dizaines de milliers les frontières de notre continent.

Cependant, on peut s’interroger sur l’instrumentalisation de ces migrants à la suite des déclarations et des ambiguïtés des autorités turques. Celles-ci ont entretenu des rapports équivoques avec l’État islamique, faits de trafics tolérés et de collaborations diverses, dictés par une commune détestation du régime de Bachar Al-Assad. Les preuves en sont multiples et le régime de M. Erdogan emprisonne les journalistes qui en parlent. Dès lors, pouvons-nous vraiment faire confiance à M. Erdogan pour s’engager dans la lutte contre Daech ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Non !

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La Turquie se propose d’entretenir 2 millions de réfugiés syriens contre 3 milliards d’euros versés par l’Union européenne, et Bruxelles s’engagerait à exempter de visa les 76 millions de citoyens turcs dans notre espace Schengen alors que celui-ci abrite déjà, je vous le rappelle, plus de 3,6 millions citoyens turcs ou binationaux, soit pratiquement le double de la vague migratoire dont nous sommes menacés.

Enfin, j’appelle aussi votre attention sur le fait que le Premier ministre turc, Ahmet Davutolu, a déclaré : « Nous allons forger la destinée du continent européen. »

Monsieur le ministre, est-il exact que nous allons reprendre les négociations avec la Turquie pour baliser son entrée au sein de l’Union malgré une opposition très forte des opinions publiques ? Quelle est la position du gouvernement français sur cette importante question ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le député, il est normal, s’agissant d’une séance consacrée aux sujets européens avant le Conseil européen qui se tiendra à la fin de la semaine, que des questions portent sur la Turquie. Ces questions sont légitimes.

Harlem Désir a rappelé que nous avons, depuis très longtemps d’ailleurs, un rapport particulier avec la Turquie ; on pourrait évoquer les alliances entre Soliman le Magnifique et François Ier contre Charles Quint, et sans remonter jusque-là, rappeler que ce pays est un allié stratégique, doté de la deuxième armée de l’Alliance atlantique – à laquelle votre majorité d’alors a demandé une intégration bien plus importante que celle que le général de Gaulle avait prévue.

Encore une fois, toutes ces questions sont légitimes, mais ne les posons pas uniquement par rapport à la démocratie. En effet, ceux-là mêmes – pas vous, j’en suis convaincu – qui critiquent le régime turc, pour toute une série de raisons parfaitement compréhensibles, notamment ses ambiguïtés vis-à-vis de Daech, sont parfois les mêmes qui nous expliquent qu’il faut soutenir le régime de Bachar Al-Assad, être des alliés du régime de M. Poutine, lequel n’a incontestablement, je suppose, rien à se reprocher concernant la liberté de la presse et la démocratie, et qui nous poussent à soutenir l’Iran – nous allons d’ailleurs accueillir le président Rohani qui, de ce point de vue, n’a sans doute lui non plus rien à se reprocher.

Par conséquent, si on pose uniquement le débat en ces termes, je vous le dis tout de suite : nous n’aurons aucun allié, nous ne pourrons discuter avec personne dans la région.

J’entendais tout à l’heure un autre honorable parlementaire expliquer qu’il était temps de discuter et de négocier avec le président Poutine, mais je tiens à rappeler que c’est le Président de la République française et Laurent Fabius qui ont été au coeur de la discussion avec Angela Merkel et le président Poutine pour trouver une solution concernant l’Ukraine. J’ajoute qu’à chaque fois que le président Hollande l’a rencontré, cela a été aussi pour évoquer la question de la Syrie, et il a fallu attendre ces dernières semaines pour qu’il y ait une intervention russe, et surtout l’attentat odieux contre un avion d’une compagnie russe au-dessus du Sinaï pour qu’enfin, après que le président Poutine l’a reconnu, des bombardements aient lieu sur les sites stratégiques de Daech – même si nous savons, ce qui fait partie des discussions en cours, que Moscou bombarde aussi l’opposition modérée syrienne.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mais nous pouvons tous nous mettre d’accord sur l’essentiel.

Premièrement, l’ennemi commun, c’est Daech, et la coalition, unique ou coordonnée, doit avoir pour seul objectif de détruire cette organisation qui nous mène une guerre effrayante. Chacun doit se sentir concerné, et c’est le sens de toutes les initiatives diplomatiques en cours, à Vienne et à New York, auxquelles évidemment la France participe.

Deuxièmement, il faut que les choses soient claires : s’il y a une aide de l’Union européenne s’agissant des réfugiés, il n’y a pas pour autant de contrepartie ou je ne sais quel troc. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le sujet.

Troisièmement, et le secrétaire d’État chargé des affaires européennes le rappelait, les chapitres ouverts avec la Turquie l’ont été au cours du quinquennat précédent.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Quatrièmement, de toute façon, c’est le peuple français qui aurait à se prononcer sur cette question.

Par conséquent, pas de faux procès sur la Turquie. Les choses sont claires. Chacun doit assumer ses responsabilités dans la région : tous les États doivent détruire Daech.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, ces derniers mois, la campagne de boycott contre Israël, dite BDS, a pris des proportions alarmantes. Une seule obsession : stigmatiser et exclure, qu’il s’agisse d’entreprises, d’artistes, de sportifs ou d’universitaires.

En juin, à la veille du Ramadan, l’ancien député communiste Jean-Claude Lefort a appelé à boycotter une marque de produits casher fabriqués en Île-de-France. Dans le Val-d’Oise, les pharmaciens sont sommés d’arrêter de vendre les médicaments Teva. En septembre, le sénateur UDI Loïc Hervé, de Haute-Savoie, saisit le procureur d’une campagne contre SFR, boycottée au seul motif que son PDG est franco-israélien et juif.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen

Ce n’est pas vrai !

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Au final, aucune enquête et aucune poursuite.

Demain, le BDS organise même une conférence à l’université Paris VIII.

Pourtant, le 20 octobre, la Cour de cassation a tranché : appeler au boycott d’Israël est illégal. Malgré cela, des élus de votre majorité, y compris socialistes, le soutiennent activement. J’ai écrit à la garde des sceaux, pas une fois, mais deux fois, sans aucune réponse. Monsieur le Premier ministre, quand il s’agit de discrimination, de racisme, d’antisémitisme, aucun acte n’est anodin : tous fragilisent la République, surtout s’ils restent impunis.

Le boycott crée un climat de haine en France. A-t-on oublié qu’en janvier, c’est le magasin Hyper Cacher que Coulibaly a pris pour cible ? On stigmatise avant de tuer.

La toute récente décision européenne, sous l’impulsion du Quai d’Orsay, d’étiqueter les produits israéliens de Judée-Samarie ou du Golan, qui pénalise d’abord les travailleurs palestiniens, procède, hélas, de la même logique de stigmatisation. L’Europe n’a-t-elle rien de mieux à faire quand la gangrène islamiste se propage, qu’on a massacré à Toulouse, à Bruxelles et en plein Paris ?

Alors qu’on dénombre 200 litiges territoriaux à travers le monde, Israël est traité comme le Juif des nations ! Stop ! Israël est l’unique démocratie de cette région, en première ligne contre le djihadisme, elle partage nos valeurs, garantit l’égalité entre les hommes et les femmes, reconnaît les homosexuels et protège ses chrétiens.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous apporter une réponse claire et donner des instructions pour faire appliquer la loi ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le député, je comprends votre passion. Vous représentez les Français de l’étranger, notamment ceux qui résident en Israël. Je connais votre attachement, partagé, à l’État d’Israël, que vous avez décrit comme une démocratie qui lutte contre le terrorisme, et je n’ai rien à y redire : c’est en effet juste.

Il y a aussi d’autres débats, dans cette assemblée et ailleurs, qui portent sur la colonisation, que le Gouvernement condamne, vous le savez, et sur la nécessité impérative qu’un dialogue se noue pour que deux États puissent vivre côte à côte, en paix, avec des frontières reconnues.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est aussi un élément de l’avenir du Proche et du Moyen-Orient, et la diplomatie française, mais aussi la communauté internationale, doivent tout faire pour agir dans ce sens.

Mais je vous le dis de la manière la plus claire : le Gouvernement condamne toutes les campagnes de boycott à l’égard des produits israéliens. Ces campagnes n’ont aucun sens.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le gouvernement français est très clair sur ce point.

En ce qui concerne le problème de l’étiquetage, celui-ci relève, vous le savez, d’une décision prise au niveau européen.

Quoi qu’il en soit, je le répète, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour condamner ces campagnes.

S’il faut vous rassurer, vous ainsi que d’autres personnes, j’ajoute que, comme on le constate déjà depuis longtemps, il y a trop souvent, derrière un certain nombre d’initiatives, des arrière-pensées, et même, malheureusement, tout simplement des pensées : la volonté de confondre critique légitime de la politique de l’État d’Israël et antisionisme, lequel bascule dans l’antisémitisme. Je mets en garde tous ceux qui participent à ce type de campagnes et qui se prêtent à des opérations non pas de condamnation de telle ou telle politique, mais du sionisme, passant allègrement de celle-ci à l’antisémitisme. Vous avez donc raison de rappeler qu’il faut être extrêmement attentif et mettre en garde tous ceux qui organisent ce type de campagnes et y participent. Ils reçoivent la condamnation la plus ferme de ma part.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, les décisions de la Banque centrale européenne, la BCE, ont déçu. Celles de la Réserve fédérale américaine, qui devraient bientôt être annoncées, continuent à alimenter les débats : la majorité des analystes parlent cependant d’un relèvement des taux d’intérêt face à un marché qui reste fébrile. Ce nouveau trend aurait des répercussions sur l’ensemble des places boursières, non seulement des pays émergents, mais aussi de la zone euro. L’onde de choc est redoutée. Les acteurs économiques sont de plus en plus nombreux à pointer du doigt les carences des politiques monétaires actuelles.

Quand bien même certains indicateurs apparaissent positifs – baisse de l’euro, baisse du prix des matières premières –, les turbulences de l’économie mondiale inclinent plus à la défiance qu’à la confiance, eu égard à de nombreux paramètres teintés d’incertitudes, comme les attaques terroristes, la tentation d’un Brexit ou la montée des extrêmes.

Tout cela ajoute de l’instabilité à une reprise timide. La Banque de France prévoit d’ailleurs une baisse du produit intérieur brut de 500 millions d’euros au quatrième trimestre par rapport aux prévisions. Les bourses européennes font du yo-yo, nonobstant l’annonce du programme de quantitative easing de la BCE. Selon son président, la politique de la BCE ne sera efficiente que si elle est accompagnée de politiques structurelles efficaces, domaines dans lesquels seuls les gouvernements nationaux ont la capacité d’agir.

Pour ce qui concerne la France, la Commission européenne souligne que nos réformes manquent d’ambition et que la consolidation budgétaire reste des plus précaires. Attendre 2020 pour doper le produit intérieur brut de 0,4 % grâce aux actions combinées du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et du Pacte de responsabilité, à tout le moins, manque d’audace. Nous sommes donc dans l’impérieuse nécessité de créer davantage de croissance. Que comptez-vous faire à court terme pour y parvenir ?

Sourires.

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Que ferez-vous en cas d’augmentation des taux et, plus généralement, quel est votre plan d’urgence pour l’emploi ?

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Madame la députée, en évoquant le contexte économique et monétaire mondial dans lequel nous avançons, vous avez eu raison de rappeler que la Banque centrale européenne fait son travail : il ne nous appartient pas de le commenter…

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

L’indépendance de la Banque centrale européenne ne le permet pas, monsieur le député, vous le savez bien.

En rachetant des actifs pour accroître son bilan, la BCE, qui accompagne le cycle, permet de soutenir l’activité, quand bien même le niveau d’emploi, comme la croissance, en Europe et dans la zone euro, restent insuffisants.

Parallèlement, la Banque centrale américaine – nous verrons les décisions qu’elle prendra ce soir – a connu sept années de taux très bas, dans une économie caractérisée par la reprise et le plein-emploi. Il y a fort à parier que cet ajustement américain n’emportera pas de conséquence dramatique sur les taux européens, à condition que la BCE poursuive dans la voie qu’elle a prise.

Vous avez également raison de rappeler, madame la députée, que tout cela s’installe dans un triptyque. Premièrement, il faut continuer une politique monétaire la plus accommodante possible, pour permettre la relance. Deuxièmement, chacun des pays concernés doit poursuivre les réformes. Vous pouvez penser que le CICE et le Pacte de responsabilité sont insuffisants. Ils représentent pourtant un choc fiscalo-social de deux points de PIB. Dans les autres pays de la zone euro, je ne vois pas de choc de relance équivalent, en termes de compétitivité. C’est la réalité et il fallait le faire, même si l’on peut regretter de ne pas l’avoir fait plus tôt – mais je ne veux pas lancer de polémique à cette heure.

Ce dispositif doit s’accompagner d’autres mesures structurelles, que nous avons lancées. Le Premier ministre a fait référence à plusieurs décisions qui seront prises dans les prochaines semaines : elles viendront accompagner ce que nous conduisons depuis maintenant deux ans sur les différents marchés du travail et des biens et services, pour moderniser notre économie.

Troisièmement, une politique de relance de l’investissement public et privé, au niveau européen, est nécessaire : c’est le plan Juncker et, bien au-delà, toutes les initiatives que nous devons continuer à prendre.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, la filière de l’élevage subit cette année une grave crise, dont les incidences sur nos territoires sont importantes. Les éleveurs, notamment porcins, souffrent de la baisse des prix d’achat et n’arrivent plus, pour certains, à couvrir leurs coûts de production. Pour autant, ils se sont engagés dans une production de qualité, plus respectueuse de l’environnement. Le 13 juillet 2015, la Commission européenne, reconnaissant leurs efforts, a d’ailleurs accepté de lever les contraintes réglementaires qui pesaient sur eux depuis 2007.

Lorsque la crise s’est déclarée – vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre –, vous avez pris des mesures fortes pour soutenir les éleveurs en leur versant très rapidement des aides : un plan de 700 millions d’euros a été mis en place, ainsi que des cellules d’urgence dans chacune des préfectures.

Ce plan a permis d’alléger ponctuellement les charges et de restructurer la dette de certains éleveurs. La France a ensuite obtenu de la Commission européenne une aide supplémentaire de 63 millions d’euros. Mais nous avons besoin d’une action structurelle pour asseoir le marché de l’élevage français. Avec le secrétaire d’État Matthias Fekl, vous avez lancé des actions visant à lever les barrières à l’exportation existant dans certains pays, grâce à la plate-forme collective France Viande Export.

Toutefois, nous devons continuer à militer pour des prix plus élevés et garantis, afin que les éleveurs puissent subvenir à leurs besoins et couvrir leurs coûts de production. Mais les éleveurs ont également besoin d’un traitement équitable à l’échelle européenne, notamment en matière de respect de l’environnement. Aujourd’hui, les moyens contraints et l’absence de visibilité ne permettent pas de favoriser les investissements verts pour lesquels vous avez plaidé, en septembre dernier, lors du dernier Conseil européen.

Aussi, monsieur le ministre, quelles actions comptez-vous promouvoir, au niveau européen, pour défendre les éleveurs français ?

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, j’ai évoqué tout à l’heure la crise de l’élevage, qui est débattue à l’heure actuelle au niveau européen. La France, je le rappelle, a pris la décision de convoquer, dès l’été, un Conseil européen extraordinaire pour prendre des décisions. L’Union européenne a ainsi mobilisé 500 millions d’euros, dont 63 millions sont revenus à la France. Ils viennent s’ajouter aux 700 millions d’euros du plan de soutien à l’élevage français, issus du budget national.

Pourtant, comme vous l’avez évoqué, madame la députée, certaines demandes que la France avait faites dans le débat européen n’ont pas été satisfaites. Je pense en particulier au relèvement du prix d’intervention du lait, qui aurait coûté moins cher à l’Europe et qui aurait été sûrement plus efficace. Car les mesures de stockage que nous avons obtenues à l’échelle européenne – qu’il s’agisse du porc ou du lait – n’ont pas montré leur efficacité. Nous avons ainsi repris le travail avec la Commission pour que ces mesures soient plus adaptées à notre pays, alors que, sur un marché en baisse, la production va au-delà de la demande. Ce différentiel, vous l’avez compris, rend la situation extrêmement délicate.

Comme vous l’avez rappelé, madame la députée, il nous faut ouvrir les débouchés à l’exportation. À ce titre, nous avons réalisé un gros travail, en particulier sur les questions sanitaires, pour ouvrir les marchés chinois, et débloquer des moyens de promotion afin d’accompagner cette ouverture de nouveaux marchés.

Ce travail est en cours mais seul un équilibre nouveau sur les marchés, à l’échelle européenne et mondiale, permettra de sortir de la crise. En France, nous n’en sortirons que si nous sommes capables de nous organiser différemment : nous ne pourrons pas continuer à fonctionner sans des filières organisées, ni sans une contractualisation structurante de la production, et pas uniquement pour la transformation ou la grande distribution.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Enfin, cette crise touche non seulement la France, mais aussi le reste de l’Europe : les chiffres récents d’Eurostat montrent qu’en Allemagne, le revenu agricole a baissé de 39 %.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous avons terminé les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.

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L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi organique (nos 3201, 3319, 3312) et de la proposition de loi (nos 3214, 3320, 3313) de MM. Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

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La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, l’élection présidentielle joue un rôle moteur dans la mutation de la Vème République.

Depuis sa naissance en 1962, c’est elle qui a bipolarisé notre scène politique, c’est elle qui a restructuré, puis déstructuré nos partis. À l’émiettement de 1958, elle a incité au regroupement. En 1965, elle a recréé le clivage droite-gauche. En 1981, elle a permis pour la première fois l’alternance.

Aujourd’hui, dans un paysage sérieusement bousculé, elle apparaît comme la dernière structure encore solide, de sorte que l’urgence de la détruire ne saute pas aux yeux. Bien au contraire, par leur participation massive, les citoyens valident son importance. Dans les neuf scrutins qui furent organisés depuis 1965, la participation au premier tour s’établit entre 71,60 % et 84,75 %. En 2012, elle fut de près de 80 % le 22 avril et de plus de 80 % au tour décisif.

Il est donc de notre responsabilité de veiller à ce que, comme le disait Lionel Jospin devant la commission des lois le 27 novembre 2012, « son déroulement soit irréprochable » alors qu’à chaque échéance « des contestations alimentent la polémique électorale ». Il venait alors présenter les travaux de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique qu’il avait présidée.

C’est cette volonté qui a tenu la plume des propositions de loi que nous vous proposons d’adopter. Il ne s’agit pas, en effet, d’une démarche partisane. Toutes les dispositions sont issues de rapports publiés en 2007 et en 2012 par différentes instances indépendantes de contrôle. Et, dès le dépôt de ces textes, j’ai proposé à tous les groupes parlementaires, par un courrier daté du 6 novembre, de recueillir leur point de vue afin de permettre une adoption consensuelle. Le président Schwartzenberg m’a répondu dès le 19 novembre. Le 25 novembre, j’ai été reçu par Christian Jacob, le lendemain par Barbara Pompili et François de Rugy, puis, le 2 décembre, par Cécile Duflot. Je me suis enfin entretenu avec Jean-Christophe Lagarde pour l’UDI.

Il ne s’agit pas non plus d’une démarche précipitée. J’ai rappelé mercredi dernier en commission cet avis lumineux de Guy Carcassonne. Il évoquait en ces termes dans le Figaro, le 20 avril 2012, les nécessaires adaptations du cadre de l’élection présidentielle : « On devrait s’atteler à ces questions après l’élection, mais ça n’intéresse plus personne. On s’y intéresse juste avant, mais c’est trop tard : tout le monde commence à imaginer qui sera avantagé par quoi. Il faut rompre avec cette logique absurde. »

La prochaine consultation présidentielle aura lieu dans dix-huit mois. Cela nous laisse donc le temps de faire évoluer quelques points. Au demeurant, ce calendrier est celui qui fut utilisé dans la précédente législature, puisque le gouvernement de François Fillon avait déposé un projet de loi organique à peu près dans le même délai.

Il ne s’agit en aucun cas d’une invitation à bouleverser les modalités du scrutin présidentiel. Une grande partie des articles sont techniques, et je ne doute pas qu’ils seront adoptés sans grands débats. C’est par exemple le cas de l’article 1 de la proposition de loi organique, qui actualise la liste des élus pouvant présenter un candidat. C’est aussi celui de l’article 5, qui supprime les commissions de contrôle des opérations de vote dans les communes de plus de 20 000 habitants, puisque ces structures font double emploi avec les délégués du Conseil constitutionnel. C’est encore le cas des dispositions électorales applicables à l’étranger, comme celles de l’article 9 sur la propagande ou de l’article 10 sur certaines interdictions.

D’autres, évidemment, susciteront plus de discussions. Il en est ainsi des trois articles qui modifient les modalités de présentation des candidats. Là encore, il ne s’agit pas de toucher à l’essentiel, à savoir le système de parrainage. Celui-ci a déjà montré qu’alors même que la fonction de l’élection présidentielle est de permettre l’élection du chef de l’État – pardon pour cette tautologie –, elle suscite aussi une compétition qui a pour capacité de permettre à tous les courants politiques, fussent-ils minoritaires, de se présenter.

Ce simple constat devrait nous éviter de nous perdre dans d’inutiles débats sur le fait que notre texte favoriserait les « partis établis ». Je rappelle qu’il y avait 16 candidats en 2002, 12 en 2007 et encore 10 en 2012, et que sur ces 38 candidats, 17 obtinrent moins de 3 %, tandis que 11 seulement dépassèrent 10 %.

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Chacun peut donc constater que le dispositif existant ne réserve pas l’accès au premier tour aux seuls candidats qui bénéficient d’un minimum de représentativité.

Plus modestement, deux ajustements sont ici défendus. D’abord, la transmission des présentations directement au Conseil constitutionnel. Le parrainage est un acte volontaire et personnel, qui ne peut donner lieu à marchandage ni à rémunération. En 2012, pourtant, un impétrant avait proposé d’acheter les signatures à hauteur de « 1352 euros, soit deux fois l’indemnité d’un maire d’une commune de moins de 500 habitants ». Un maire de mon département avait quant à lui prévu de « mettre dans [son] meilleur chapeau les noms des candidats qui n’ont pas encore obtenu un nombre suffisant de parrainages et de tirer au hasard l’un d’entre eux ».

Le Conseil constitutionnel a donc souhaité « que le législateur organique prenne position sur cette question et spécifie que l’envoi postal du formulaire qui lui est adressé soit assuré par l’élu qui présente un candidat et que ce formulaire parvienne au Conseil dans l’enveloppe prévue à cet effet ». C’est ce que nous proposons.

Ensuite, l’article 3 prévoit la publicité intégrale de la liste des élus ayant présenté un candidat. Là encore, c’est le voeu du Conseil constitutionnel depuis 1974…

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…même s’il ne s’est jamais prononcé sur les modalités concrètes qu’il privilégiait.

En 2012, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, il avait jugé que la publication ne portait pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Et, « constatant que la législation faisait l’objet de contestations récurrentes », il en appelait à une « réflexion ». C’est pourquoi il est proposé que soient dorénavant publics tous les parrainages, dans la mesure où cette décision est un acte de responsabilité politique qui doit être connu des citoyens.

Cela devrait aussi contribuer à « freiner la chasse aux signatures » qui, pour reprendre là encore les mots de Guy Carcassonne, « nuit quelque peu à la dignité des chasseurs et parfois aussi à celle du gibier ».

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Surtout quand le gibier, ce sont les petits partis !

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Surtout, avec cette évolution, le pluralisme des opinions, « fondement de la démocratie » selon le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 janvier 1990, ne sera pas affecté.

L’autre évolution significative est la volonté de substituer la règle de l’équité à celle de l’égalité des temps de parole des candidats durant la période dite « intermédiaire ».

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Nul doute que le président Patrick Bloche évoquera avec bien plus de science que moi cette question. Je veux juste dire que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, estime dans son rapport post-2012 qu’il s’agit là d’une « nécessité » et que les radios et les télévisions l’estiment « indispensable ». Ce point de vue est partagé par le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l’élection présidentielle, mais aussi la commission Jospin.

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C’est inacceptable ! C’est une grave erreur ! Vous allez accentuer le bipartisme dès le premier tour !

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Enfin, dernière évolution notable, l’harmonisation à 19 heures de l’heure de fermeture des bureaux de vote, avec cependant une dérogation possible jusqu’à 20 heures.

Il me faut d’abord expliquer la présence de cette disposition dans un texte législatif, alors qu’une disposition réglementaire suffirait. C’est, là encore, pour suivre la suggestion du Conseil constitutionnel, qui écrit dans son rapport de 2012 : « le législateur pourrait préférer décider lui-même de la modification. Cela se justifierait d’autant plus que ni en 2007, ni en 2012, le Gouvernement n’a suivi les recommandations réitérées de la Commission nationale de contrôle ».

Mais l’argument principal tient à la sincérité du scrutin. Le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle et la Commission des sondages sont unanimes sur ce point : tous alertent sur le fait que la diffusion prématurée de résultats partiels ou d’estimations de résultats avant la fermeture des derniers bureaux de vote est de nature à perturber le bon déroulement du scrutin. Ce principe étant retenu, restait à fixer l’heure.

Compte tenu du fait que le risque découle de la pratique de sites internet, la proposition de loi a suivi l’avis de la Commission des sondages, qui indique « qu’un intervalle d’une heure entre les premières et les dernières fermetures de bureaux présenterait le double avantage de permettre l’établissement d’estimations à partir des résultats recueillis auprès des bureaux tests tout en évitant la possibilité de divulguer massivement la teneur avant la clôture du scrutin ».

Même si j’ai conscience, pour l’avoir encore mesuré dimanche dernier, des inconvénients pratiques que peut entraîner cette modification pour certaines petites communes, il me semble que l’intérêt général doit primer.

Mes chers collègues, en 1959, Raymond Aron publiait un ouvrage issu de conférences prononcées devant un public américain. Il cherchait à faire comprendre à des étrangers la situation diplomatique, politique et économique de la France à la fin de la IVème République et au seuil de la Vème. A posteriori, le titre de l’ouvrage annonçait aussi l’évolution institutionnelle de notre régime, et en même temps l’ambition de la commission des lois, qui a adopté ces propositions de loi : faire que l’élection présidentielle soit à la fois « immuable et changeante ».

Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, depuis la révision constitutionnelle du 28 octobre 1962, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République est la clef de voûte des institutions de la Ve République.

Après les deux derniers scrutins présidentiels, en 2007 et en 2012, les différents organismes de contrôle veillant à leur bon déroulement ont formulé plusieurs recommandations d’ordre technique qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique aujourd’hui soumise à votre examen.

En effet, les mesures avancées par le Conseil constitutionnel, par la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale de l’élection présidentielle, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et par la Commission des sondages constituent un ensemble de propositions cohérent.

Cet ensemble de mesures permettrait de moderniser les modalités d’organisation du scrutin et par là même d’éviter à l’avenir les contestations récurrentes qui, à chaque élection, nourrissent de vaines controverses ne débouchant jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système de parrainage, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels ou encore des règles encadrant la publication des sondages ou la divulgation des résultats.

C’est donc pour remédier à une telle situation que le Gouvernement soutient l’adoption de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, présentée par la commission des lois et son président, Jean-Jacques Urvoas, et par l’ensemble du groupe socialiste, républicain et citoyen. L’adoption de ce texte contribuera ainsi à renforcer le cadre juridique dans lequel se tiendront la prochaine élection présidentielle et celles qui suivront,…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

…en rendant l’organisation de ces élections absolument incontestable.

Avant d’en venir au détail de ces propositions, je veux saluer l’engagement personnel de Jean-Jacques Urvoas et le travail important qu’il a réalisé pour traduire dans la loi les avancées nécessaires que nombre d’entre nous réclamaient depuis de très nombreuses années.

La proposition de loi organique prévoit en premier lieu de réformer les règles encadrant le système de parrainage des candidats. Elle inclut trois mesures principales. Tout d’abord, une modification des modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel : le parrainage devra dès lors être adressé par l’auteur de la présentation lui-même et non plus par le candidat ou l’équipe de campagne, par voie postale ou bien directement auprès du Conseil constitutionnel et non en préfecture, même si des dérogations sont prévues pour l’outre-mer et pour l’étranger.

Un amendement déposé par Elisabeth Pochon et adopté fixe également la perspective d’une remise des parrainages par voie électronique. Le Gouvernement soutiendra cette disposition, en souhaitant toutefois en différer l’entrée en vigueur, l’interface informatique et la nécessité d’en garantir la sécurité nécessitant un temps suffisant qui semble incompatible avec la prochaine échéance présidentielle.

Ensuite, le texte prévoit la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat et non plus seulement des 500 premiers d’entre eux tirés au sort. La procédure actuelle repose en effet sur une inégalité flagrante entre les parrains dont le nom est rendu public par le Conseil constitutionnel et ceux pour qui ce n’est pas le cas. Nous souhaitons par conséquent mettre un terme à ce traitement différencié, dans la mesure où le principe de responsabilité et l’exigence de transparence doivent conduire les élus à assumer leur choix devant les citoyens.

Enfin, un amendement déposé par Elisabeth Pochon et par le groupe socialiste prévoit que le Conseil constitutionnel rende public le nom des parrains au moins deux fois par semaine, afin non seulement d’en garantir la communication de façon plus efficace, mais aussi d’atténuer quelque peu la pression qui repose parfois sur les élus et d’éviter ainsi toute dramatisation excessive de la décision qu’ils prennent de parrainer tel ou tel candidat.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

En deuxième lieu, s’agissant de l’accès des candidats aux médias audiovisuels, la proposition de loi prévoit de substituer un strict principe d’équité à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole réservés aux candidats pendant la période dite « intermédiaire » qui s’étend, je le rappelle, de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.

Une telle substitution permettra de simplifier et par là même de clarifier une réglementation devenue au fil du temps particulièrement absurde. Faire coexister les principes d’égalité des temps de parole et d’équité des temps d’antenne représente, en effet, une source de complications aussi bien pour les candidats eux-mêmes que pour les chaînes de radio et de télévision, dont certaines préfèrent même tout simplement ne pas organiser de débats entre les candidats.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Cette situation n’est bien sûr satisfaisante pour personne, ni pour les candidats, ni pour les électeurs, ni pour le débat démocratique.

En troisième lieu, le texte soumis à votre examen prévoit une réforme des horaires encadrant les opérations de vote. Les horaires de fermeture des bureaux de vote seront ainsi harmonisés en métropole afin d’éviter la diffusion prématurée de résultats partiels ou de sondages susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin.

Le texte propose que soit retenu le principe d’un horaire de clôture fixé à dix-neuf heures. Sur ce sujet, le principal pour le Gouvernement est de veiller à ce que cette mesure ne réduise pas l’accès au suffrage. Je constate que votre mesure permet aux agglomérations qui le souhaitent de maintenir l’horaire de fermeture à vingt heures.

S’agissant de l’horaire de dix-huit heures, je comprends parfaitement les arguments du président Urvoas, qui ne veut pas que le dépouillement des bureaux de vote fermés à dix-huit heures vienne perturber le vote de ceux qui se rendent aux urnes jusqu’à vingt heures. C’est un argument qui, incontestablement, a sa force dans un contexte de célérité de l’information via notamment les réseaux sociaux. Mais le Gouvernement est tout autant désireux, voire davantage, de ne pas engendrer une contrainte trop lourde pour les communes rurales,…

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

…pour lesquelles l’organisation des bureaux de vote relève à chaque élection du défi, et qui méritent également toute notre attention.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Nous observerons les conditions dans lesquelles se posera ce débat au fur et à mesure de la navette, pour examiner si l’équilibre doit évoluer.

Naturellement, cette réforme s’accompagnera d’un maintien de l’embargo sur la divulgation des résultats à vingt heures pour assurer une meilleure information des citoyens et empêcher que le débat public, en particulier dans l’entre-deux-tours, ne s’engage sur la base de données et d’analyses erronées.

Enfin, la proposition de loi organique prévoit de mettre en place un système automatique de radiation des listes électorales consulaires pour les Français établis à l’étranger qui rentrent en France. En d’autres termes, dès lors qu’ils quittent le pays étranger où ils s’étaient installés, leur radiation du registre consulaire des Français de l’étranger entraînera automatiquement leur radiation des listes électorales consulaires. À mes yeux, il s’agit là d’une mesure de bon sens, de simplification et de sincérité des listes et, pour notre part, nous y sommes résolument favorables.

La proposition de loi portée par la députée Elisabeth Pochon ainsi que par le député Jean-Luc Warsmann permettra d’approfondir la question, que nous devons traiter, de la double inscription. Et je veux d’ailleurs apporter tout mon soutien à cette initiative parlementaire, une initiative transpartisane, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du texte que nous examinons ce soir.

Pour finir, je veux dire quelques mots de la réduction d’un an à six mois de la période durant laquelle sont comptabilisées les dépenses et les recettes électorales ayant vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats. Cette mesure est en effet prévue dans la proposition de loi ordinaire complétant la proposition de loi organique.

Je tiens à dire clairement que le Gouvernement exprime des doutes quant à l’opportunité d’une telle mesure. À mes yeux, celle-ci aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne. Par là même, elle entrerait en contradiction avec le mouvement de démocratisation de nos procédures qui vise à renforcer davantage leur caractère de transparence. Par conséquent, le Gouvernement soutiendra l’amendement de suppression de cette mesure présenté par le député Romain Colas.

La société se modernise, la vie politique doit accompagner ce mouvement pour être aussi attractive et la proposition de loi que vous présentez, monsieur le président Urvoas, contribue à ce mouvement. Elle s’inscrit parfaitement dans une optique consensuelle et constitue même une étape supplémentaire dans la démocratisation de nos procédures électorales, une démocratisation qui répond à une demande que le dernier scrutin nous a de nouveau rappelée.

Le Gouvernement soutient donc avec force cette proposition de loi et appelle la représentation nationale, par-delà les clivages partisans, à soutenir cette belle initiative parlementaire.

Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Patrick Bloche, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité formuler un avis sur les articles 4 et 7 de la proposition de loi organique et sur l’article 2 de la proposition de loi ordinaire que nous examinons cet après-midi, car ils concernent le rôle des médias audiovisuels durant la campagne pour l’élection présidentielle, avec la nécessité de concilier plusieurs objectifs fondamentaux : la liberté de communication, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion mais également, et c’est essentiel, la sincérité du scrutin.

Je ne reviendrai pas ici en détail sur les contenus des articles, le président Urvoas venant de le faire avec la clarté et le pragmatisme qui le caractérisent. Je voudrais simplement et rapidement évoquer les évolutions les plus importantes qui sont proposées et dont nous nous sommes saisis.

Le passage au principe d’équité pour le traitement des temps de parole durant la période intermédiaire de la campagne audiovisuelle, c’est-à-dire à compter de la publication de la liste officielle des candidats et jusqu’au début de la campagne officielle, répond à des critiques récurrentes formulées depuis 2007 par le CSA, les services audiovisuels, les partis politiques, mais également le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle.

En effet, la règle d’égalité des temps de parole actuellement en vigueur s’est avérée bien trop complexe à appliquer sur une période qui s’est notablement allongée – cinq semaines au total désormais – et un nombre élevé de candidats – douze en 2007 et dix encore en 2012. Elle a finalement conduit les chaînes à réduire fortement le temps consacré à la campagne puisque celui-ci – tenez-vous bien, chers collègues ! – a été divisé par deux entre 2007 et 2012.

L’application de l’équité n’est pas une innovation pour les médias audiovisuels et le CSA : les critères d’appréciation repris dans la loi organique afin de se conformer à la demande du Conseil constitutionnel sont les mêmes que ceux utilisés par le CSA durant la période préliminaire de la campagne présidentielle. Ces critères sont d’ailleurs explicités dans la recommandation relative à l’élection publiée par le Conseil en application de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986.

Quant aux « conditions de programmation comparables » qui devraient accompagner ce passage à l’équité, là aussi, il ne s’agit pas d’une inconnue pour les chaînes qui les pratiquent déjà, sous le contrôle du CSA, durant la période de campagne officielle. Ce dernier critère ne faisait pas partie des prérequis posés par le Conseil constitutionnel pour le passage au principe d’équité, mais il constitue pour les candidats des petites formations une garantie sérieuse car il leur permet de bénéficier d’une exposition à l’antenne comparable à celle des autres candidats.

Certes, cette exigence constitue une contrainte supplémentaire pour les médias, mais « comparable » ne veut pas dire « identique » et cette règle ne saurait entraîner une obligation de « coller » aux audiences Médiamétrie des différentes émissions.

Pour lever sur ce sujet les différentes inquiétudes et interrogations qui se sont exprimées, je me félicite que nos deux commissions aient prévu que le CSA devra préciser, dans sa recommandation préalable à la prochaine élection présidentielle, la portée de ces « conditions de programmation comparables ».

Enfin, la fixation à dix-neuf heures, avec une possibilité d’extension jusqu’à vingt heures pour les grandes villes, de l’horaire de clôture des bureaux de vote a été recommandée dès 2007, tant par le Conseil constitutionnel que par la Commission des sondages et le CSA, afin de limiter au maximum le risque de divulgation anticipée des résultats de l’élection ou d’estimations des résultats.

Ces règles, conçues pour préserver la sincérité du scrutin et pour éviter la manipulation de l’opinion et du vote des électeurs les plus tardifs, sont en effet devenues beaucoup trop faciles à contourner à l’ère d’internet et des réseaux sociaux, dès lors que des résultats partiels et des estimations – on a encore pu le constater dimanche dernier et le dimanche précédent – sont aujourd’hui disponibles dès dix-huit heures quarante-cinq. Compte tenu des méthodes de travail des instituts de sondage, cette mesure permettra objectivement de réduire très largement les risques de voir diffuser avant vingt heures non seulement des résultats partiels, mais également des estimations qui ne devraient pas être disponibles avant dix-neuf heures quarante-cinq, heure à laquelle la quasi-totalité des électeurs auront déjà voté.

Enfin, la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui a été suivie par la commission des lois – je vous en remercie, cher président Urvoas –, a complété la proposition de loi ordinaire par une modification de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion, afin de donner, dans la semaine précédant chaque tour de scrutin, une meilleure visibilité – et c’est un euphémisme ! – aux mises au point adressées par la Commission des sondages aux instituts et aux médias ayant publié des sondages non conformes aux exigences de la loi.

En conclusion, je tiens à dire tout le soutien de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à ces deux textes, qui proposent des réformes utiles en vue de renforcer le caractère pluraliste de la campagne médiatique pour l’élection présidentielle, tout en préservant – j’y insiste – le libre choix de l’électeur et la sincérité du scrutin.

Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

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Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, chers collègues, en raison du fait que j’installerai dans quelques minutes la mission d’information portant sur les moyens dont bénéficie l’organisation terroriste Daech, dont la présidence m’est confiée, j’ai demandé à la présidence de la séance de bien vouloir inverser l’intervention de mon collègue Gosselin, qui est l’orateur de notre groupe, et la mienne. Il s’agit d’une inversion, et aucunement d’un remplacement, d’un clonage ou d’une substitution, vous l’aurez bien compris, de sorte que mon collègue donnera précisément en quelques minutes tout à l’heure la position de notre groupe.

Pour ma part, j’aimerais partager avec vous les interrogations que soulèvent les deux propositions de loi du point de vue du responsable d’un parti politique qui, quoiqu’existant depuis de nombreuses années, ne fait pas partie des mastodontes électoraux dont les membres animent régulièrement notre vie politique. C’est également en tant qu’élu local issu de la partie rurale de l’Île-de-France que j’interviendrai, en particulier sur les horaires d’ouverture des bureaux de vote.

Les quatre sujets que vous soulevez dans vos propositions de loi, monsieur le président de la commission des lois, sont des questions importantes qui relèvent soit des principes du droit, soit des modalités opérationnelles et d’organisation du scrutin présidentiel. À ce titre, elles doivent être étudiées. Cependant, ainsi que je l’avais indiqué en commission voilà quelques jours, les réponses apportées ne me semblent pas permettre de régler de manière satisfaisante les problèmes posés. Ce sera le point commun des différents sujets que je vais aborder.

Quitte à procéder dans le désordre, je commencerai par évoquer les parrainages. Lorsqu’on est chargé de diriger une campagne présidentielle ou qu’on est candidat, aujourd’hui, il nous appartient de récolter auprès des parrains éventuels le formulaire, le passe-droit que l’on stocke soigneusement dans un carton pour le transmettre ensuite au Conseil constitutionnel ; je me suis prêté à l’exercice pour le compte de quelqu’un d’autre, il y a une quinzaine d’années. La mécanique que vous proposez d’un dépôt direct des parrainages par leurs auteurs auprès du Conseil constitutionnel avec une publication régulière a un très gros inconvénient : elle ne permet pas au candidat de suivre l’état exact du nombre de parrainages déposés.

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Elle ne permet pas au candidat de savoir qui a tenu son engagement et qui ne l’a pas tenu.

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En effet, et vous le savez bien, il y a un écart entre les premiers formulaires envoyés, les promesses de signature, et les signatures effectives, qui ne peuvent intervenir que dans le délai séparant la distribution du document officiel de la validation définitive.

Pour les candidats assurés d’obtenir des milliers, voire parfois plus de 10 000 signatures et parrainages, cela ne présente pas de problème. Pour les candidats tangents, c’est-à-dire ceux qui réunissent 500, 550 voire 600 parrainages, le fait de ne pas avoir de visibilité au quotidien est problématique. D’expérience, je peux vous dire que cette opération mobilise à plein temps plusieurs personnes, car il faut s’assurer de l’entrée des parrainages un par un lorsqu’on en dépose 520, 530 ou 540, comme ce peut parfois être le cas, quelques-uns pouvant toujours être invalidés. C’est donc une opération extrêmement délicate pour les formations qui ne disposent pas de la surface médiatique leur permettant de s’assurer, avant même de démarrer la campagne, l’obtention des parrainages. Pour le maintien du jeu démocratique, il me paraît essentiel de conserver le système actuel, quitte à modifier, dans un souci de transparence et de respect de l’engagement républicain, les modalités de publication ; c’est d’ailleurs un de vos souhaits.

Je vise ici bien davantage les modalités de collecte et de transmission officielle que la publication en tant que telle, sur laquelle je n’ai pas d’objection. La moindre des choses, quand on prend un engagement aussi important que le soutien d’un candidat à la présidentielle, c’est que cela se sache, sinon ce n’est pas la peine de se cacher derrière son petit doigt, à supposer qu’il ait la taille suffisante. En revanche, pour la collecte et la transmission, je pense qu’il faut maintenir le système actuel, quitte à l’enrichir et, pourquoi pas, le numériser. Les candidats doivent cependant conserver un contrôle quotidien actif et opérationnel sur les collectes de parrainages.

Deuxièmement, monsieur le président Bloche, puisque c’est le sujet que vous avez traité de manière exhaustive depuis cette tribune, je suis très circonspect sur le délai qui sépare la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel du démarrage de la campagne officielle, délai que le texte vise spécifiquement. Je ne sais pas comment on peut estimer l’importance relative des candidats.

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Et je ne sais pas comment on peut déterminer, en fonction de celle-ci, le temps de parole dont les candidats doivent bénéficier dans les médias.

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En effet, si on retient comme critère le résultat des élections précédentes, comment procéder si le candidat n’a pas représenté un parti politique qui a présenté des candidats lors des élections précédentes ? Si on retient comme critère le nombre de réunions publiques animées, faut-il considérer l’affluence moyenne, leur nombre, leur répartition géographique, la densité de population là où elles se déroulent ?

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On voit bien qu’une telle méthode ne permet pas de s’assurer d’une équité incontestable, et que la répartition de temps de parole s’effectuera en réalité selon des éléments d’appréciation politique. En réalité, on ne sait pas réaliser un tel partage selon des critères objectifs.

En outre, et même si cela peut avoir pour conséquence de pénaliser relativement les candidats des formations politiques importantes, la nature même de l’élection présidentielle, qui n’est pas une élection partisane mais la confrontation d’une personne et de son projet politique avec le peuple français, exige de conserver une mécanique qui permette l’égalité des temps de parole des candidats, quitte à ce que les médias audiovisuels se disciplinent de façon un peu plus efficace pour éviter que les petits candidats soient amenés à faire du remplissage sur les plateaux de télévision parce qu’il leur manque une demi-heure ou quarante-cinq minutes à deux jours du terme.

J’ajoute que les candidats des partis les plus importants ne disent pas nécessairement les choses les plus inévitables et les plus utiles ; le débat public peut également s’enrichir de la présence de candidats de moindre importance ou supposée telle.

Troisièmement, concernant les horaires d’ouverture des bureaux de vote, il faut concilier plusieurs impératifs. Cher président Bloche, cher président Urvoas, vous l’avez dit, il faut contenir la publication des estimations des résultats. Vous avez rappelé la difficulté, monsieur le ministre, de maintenir dans les villages à faible densité de population la présence physique jusqu’à une heure raisonnable. Il faut également compter avec le mode de vie des urbains des grandes métropoles, qui rentrent assez tard le dimanche. À titre personnel, dans un souci de clarté, je plaide pour un horaire unique sur l’ensemble du territoire.

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Cela me paraît lisible, raisonnable et, en fin de compte, si tous les bureaux fermaient à dix-neuf heures, on pourrait ainsi concilier toutes ces exigences.

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Il me semble qu’il pourrait y avoir un consensus autour de cette formule, contre laquelle il ne saurait y avoir d’opposition de principe.

Voilà ce que je souhaitais dire sur ces propositions de loi. Je laisse ainsi à mon collègue Gosselin le soin d’exprimer la position de notre groupe sur ces textes.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Je ne reviendrai pas ici, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, sur les quelques points utiles de ces propositions de loi, tels que l’harmonisation des horaires d’ouverture des bureaux de vote, que vient d’évoquer M. Poisson.

Je veux plutôt me concentrer non pas sur le problème des parrainages, qui vient d’être évoqué et qui le sera ensuite par mon ami Michel Zumkeller, mais sur l’article 4 de la proposition de loi organique, qui en révèle la teneur réelle, la volonté sous-jacente. Nous considérons que la modification proposée est dangereuse et scandaleuse, et qu’elle justifie à elle seule le vote contre ce texte des membres du groupe UDI.

Selon les règles en vigueur, pendant cinq semaines tous les cinq ans s’applique une égalité de temps de parole entre les candidats à l’élection présidentielle, qui peuvent ainsi adresser leurs opinions, majoritaires ou minoritaires, à nos concitoyens. Les 255 semaines restantes, nous sommes régis, monsieur le président de la commission des lois, par le principe de l’équité, dont chacun peut voir les effets. En réalité, l’espace public, le débat public sont monopolisés par trois formations politiques, le Parti socialiste, Les Républicains, le Front national.

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Cinq semaines d’un côté, 255 semaines de l’autre.

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Tel est ce que prévoyait la loi que vous envisagez de modifier. Or, même ces cinq semaines, pour le Gouvernement, pour le Parti socialiste, c’est trop, c’est insupportable !

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Et je ne raconte pas d’histoires : monsieur le ministre, si le Gouvernement, si le Président de la République trouvaient cela indécent, nous n’aurions pas ce débat à la veille de la trêve de Noël, ce qui empêchera d’alerter l’opinion publique sur ce qui est en train de se passer. Des cinq semaines d’égalité des temps de parole en vigueur, vous voulez passez à deux semaines seulement ; quinze jours pendant lesquels les candidats pourront s’adresser à égalité aux Français.

Pourtant, il est peu probable que les candidats à l’élection présidentielle soient farfelus. En effet, le filtre nouveau que vous voulez imposer vient se superposer à un filtre qui existe déjà : celui des 500 parrainages, des 500 signatures de maires, de représentants de nos concitoyens qui estiment que les candidats en question ont des choses à dire, peuvent s’exprimer en direction des Français. Or, à ce verrou existant, vous en ajoutez un second qui restreint la capacité d’expression des candidats.

Lorsqu’on obtient les 500 signatures – M. Poisson, qui en a fait l’expérience, expliquait que ce n’est pas chose simple, et je parle en outre devant un ancien candidat à l’élection présidentielle, M. Dupont-Aignan –, on obtient trois droits : un crédit d’État d’un montant de 800 000 euros environ pour financer sa campagne électorale ; l’impression de sa propagande électorale par l’État ; l’égalité de temps de parole pendant cinq semaines. C’est ce dernier droit que vous supprimez avec la présente proposition de loi organique.

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C’est ce qui est le plus discutable dans ce texte. C’est incohérent, puisqu’il existe déjà un verrou, celui des 500 parrainages. Le double verrou que vous instaurer vise à corseter la démocratie française au cours de son moment de respiration principale et à installer un tripartisme que, par ailleurs, sur les plateaux de télévision, on peut dénoncer le soir des élections.

Par ailleurs, si l’on se retourne vers les élections passées, le verrou que vous envisagez de mettre en place empêcherait des candidats comme Arlette Laguiller, avec laquelle on peut être en désaccord, mais qui n’est pas farfelue, Dominique Voynet, Christiane Taubira, votre collègue au Gouvernement, José Bové, Christine Boutin ou Frédéric Nihous de se présenter devant les électeurs en exprimant leurs idées. Vous m’objecterez bien sûr qu’ils auraient droit à l’équité, dont on sait ce qu’elle vaut le reste du temps,…

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…ou comment elle est appliquée.

Des mouvements comme le Mouvement écologiste, par la candidature de M. René Dumont, par la candidature de M. Brice Lalonde et celles qui ont suivi, ont imprimé leur marque sur la vie politique française à l’occasion d’élections présidentielles. Il ne s’agit pas d’une petite mesure technique d’arrangement pour les grands médias audiovisuels qui, sans doute, en tireront avantage. D’ailleurs, le rôle de cette assemblée, le rôle de l’élection présidentielle est non pas d’arranger les médias audiovisuels, mais d’éclairer les Français sur les idées majoritaires et minoritaires existant dans notre pays.

Enfin, dans cette affaire, vous donnez au CSA un rôle que je trouve ahurissant. Vous fixez, M. Poisson l’a évoqué, les critères selon lesquels on va accorder du temps d’antenne. Parmi ceux-ci, deux paraissent invraisemblables.

Concernant les sondages, je me souviens de M. Chevènement, qui avait démarré à 2 % pour arriver à 14 %. Les temps de paroles varieraient en fonction des sondages.

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Laissons donc de côté ce critère.

Mais les deux autres critères, monsieur le président de la commission des lois… Le premier est celui des résultats à l’élection précédente. Examinons les conséquences qu’il aurait, par exemple pour l’élection de 2022. Des élections cantonales et régionales se tiendront en 2021. Vous conditionnez donc le temps de parole des candidats en 2022 à ce qu’ils auront décidé de faire, se présenter séparément ou en liste commune, en 2021. Vous pervertissez ainsi l’élection d’avant pour conditionner l’élection d’après. C’est très dangereux, en particulier dans le contexte politique que nous connaissons.

Qui plus est, si un citoyen n’appartenant à aucune formation politique, un intellectuel, un représentant d’une catégorie socioprofessionnelle ou un dirigeant d’entreprise, qui convainc 500 maires de parrainer sa candidature et dit des choses intéressantes, se verra privé de sa capacité à présenter ses idées aux Français, sa candidature n’étant liée à aucun parti politique s’étant présenté à l’élection précédente.

Enfin, et c’est le plus grave, vous transformez le CSA du régulateur de l’audiovisuel qu’il est aujourd’hui en censeur, monsieur le rapporteur. En effet, le critère de participation à l’animation du débat présidentiel est purement subjectif.

Que doit-on juger ? La façon de faire campagne, lorsque M. Mélenchon tient des meetings en plein air, ou les idées avancées ? À quel titre le Conseil supérieur de l’audiovisuel s’érigerait-il ainsi en censeur ? Tel est le vrai problème soulevé par vos propositions de loi. La participation à l’animation de la campagne est un critère purement subjectif qui sera déterminé par des gens nommés par le pouvoir que sont les membres du CSA dont le président est par ailleurs nommé par le pouvoir exécutif, quel que soit le gouvernement. Voilà pourquoi nous estimons que ces propositions de loi sont déplacées et la raison pour laquelle nous nous y opposerons.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, après avoir modifié les règles des élections cantonales, communautaires, municipales et sénatoriales, nous abordons aujourd’hui les règles applicables à l’élection présidentielle par l’examen de propositions de loi ordinaire et organique. À seize mois de l’élection présidentielle, le Parlement subit une nouvelle fois une procédure accélérée, ce que je regrette et conteste. C’est désormais devenu la règle dans ce Parlement. Le temps du débat en procédure accélérée est réduit, ce qui s’accorde mal à la volonté de consensus que vous avez affichée, monsieur le rapporteur.

Il faut toutefois reconnaître que vous avez invité au préalable tous les présidents des groupes – et même des sous-groupes

Sourires.

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– politiques pour discuter des textes et trouver un accord. Il est également vrai que les textes s’inspirent d’observations, voire de recommandations, émanant d’instances de contrôle telles que le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Commission des sondages. Pour autant, à l’issue des débats en commission des lois, force est de constater que de nombreux points de discorde demeurent, même si plusieurs modifications et simplifications proposées ont été approuvées dont une, qui me semble très importante, qui prévoit que chaque parrainage soit publiquement assumé grâce à la publication intégrale des parrainages que nous avons décidée.

Plusieurs points demeurent donc en débat, parfois en raison de leur principe, le plus souvent de leurs modalités d’organisation. J’insisterai, comme mon collègue vient de le faire, sur l’article 4 qui vise à substituer un principe d’équité à la règle actuelle de l’égalité et constitue pour nous une pierre d’achoppement. En réalité, l’équité reposera sur des enquêtes d’opinion contestables. Conditionner le temps de parole au cours de la période intermédiaire aux résultats des élections les plus récentes revient à accorder une prime aux partis les plus institutionnels. Or, l’égalité des temps de parole encourage le renouvellement du système politique français et le pluralisme en évitant de favoriser les candidats établis dans un système politique qui semble, au regard des derniers résultats électoraux, un peu à bout de souffle.

En outre, l’équité étant, entre les campagnes électorales, parfaitement inexistante dans le secteur audiovisuel français, je considère que votre proposition de loi est une forme d’atteinte au pluralisme politique et qu’elle vise au fond à empêcher l’expression de la diversité politique en période électorale. Cette disposition est lourdement problématique pour les écologistes car l’égalité de temps de parole lors des campagnes électorales a beaucoup fait pour l’expression de notre famille politique et pour la rencontre avec les électeurs à des moments clés de notre histoire. Par-delà la famille écologiste, elle participe de la diversité nécessaire à toute campagne électorale, notamment la principale, celle de la campagne présidentielle.

L’article 6 prévoit, conformément à une recommandation de la Commission des comptes de campagne, la réduction d’un an à six mois de la période pendant laquelle les candidats à l’élection présidentielle doivent faire figurer les recettes et les dépenses électorales dans leurs comptes de campagne. Je rappelle que cette disposition est évoquée dans mon avis budgétaire relatif au programme « Vie politique, cultuelle et associative », où j’indique la nécessité de réduire cette période d’un an à six mois afin de rendre plus strict le contrôle de la Commission. Le président Logerot a en effet indiqué, lors de son audition, qu’il lui est difficile, compte tenu de ses prérogatives et de ses effectifs, de procéder à un contrôle strict pendant toute une année.

J’ai été très attentif au débat sur ce point en commission et un peu surpris par les votes, je ne le cache pas. Je serai attentif à la position du Gouvernement car j’ai cru comprendre que celui-ci nourrit quelques réserves, encore évoquées par M. le ministre à cette tribune. Lors de la publication de mon avis budgétaire, il m’avait semblé qu’une opposition entre le Gouvernement et la commission empêchait de parvenir à un accord.

Permettez-moi enfin de réitérer mes interrogations au sujet des primaires. Simplifier l’élection présidentielle sans tenir compte de l’organisation des primaires, en particulier sans établir des règles financières pour des opérations de vote mobilisant plusieurs millions d’électeurs, comme celle organisée par le parti socialiste en 2011, me semble assez hasardeux. C’est ce qui rendu utile mon amendement visant à encadrer a minima l’organisation des primaires.

Un autre point me semble important, et ce n’est pas une surprise : l’article 8 de la proposition de loi organique qui prévoit que tout électeur inscrit sur une liste consulaire et sur une liste en France doit choisir celle sur laquelle il maintient son inscription avant le 31 décembre 2016. Je rappelle que les inscriptions au registre ne sont pas annuelles mais valent pour une durée de quatre ans et que les postes consulaires procèdent au nettoyage des listes électorales à une fréquence très irrégulière, si bien que le croisement entre les listes consulaires et les listes communales s’opère difficilement. Je rappelle aussi que la citoyenneté des Français de l’étranger est en construction. Nous avons procédé dernièrement à des réformes auxquelles il faut laisser le temps de s’établir. Il serait malheureux de malmener cette citoyenneté naissante et qui a quelques difficultés à se stabiliser.

Les Français résidant à l’étranger restent attachés à leur inscription sur les listes électorales qui leur permet de participer aux élections municipales, départementales et régionales dans des endroits de France dont ils sont originaires. D’ailleurs, sur ce point, le Conseil constitutionnel n’a pas formulé de recommandation en tant que telle. En outre, je rappelle que la mission d’information conduite par nos collègues Pochon et Warsmann préconise d’agir non pas pour cette élection présidentielle mais pour la suivante. Tel est le sens de l’amendement de suppression que j’ai déposé. Enfin, la dématérialisation me semble nécessaire mais ne saurait se réduire à une simple reproduction de documents au format PDF. À vouloir aller trop vite, on finit parfois par mal faire. J’espère que nous aurons l’occasion de clarifier les points de discorde au cours des débats.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen des propositions de loi organique et ordinaire de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle dont l’initiative revient au président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas. L’objectif de ces textes est clair : faire en sorte que l’élection présidentielle soit organisée dans un cadre législatif irréprochable en mettant fin aux critiques récurrentes régulièrement adressées à ce scrutin.

En effet, tous les cinq ans, les mêmes reproches sont formulés à propos de l’élection du Président de la République : l’absence de clarté dans le recueil des 500 parrainages par les candidats, le non-respect de l’égalité des temps de parole dans les médias, la remise en cause des frais engagés dans la campagne électorale, l’absence de poursuites et la faiblesse des sanctions encourues en cas de fraude, ou encore la divulgation des résultats estimés avant 20 heures le jour où l’élection est acquise. Et ces critiques d’être également émises à l’encontre de toutes les autres élections, nationales et locales !

Il semble donc urgent de mettre en place un système électoral plus transparent. À cet égard, l’instauration d’un principe d’équité entre les candidats, préalable au principe d’égalité de médiatisation applicable à partir du début de la campagne officielle, est tout à fait opportune. Ainsi, de la publication de la liste des candidats à la veille du début de la campagne officielle, un principe d’équité du temps de parole dans les médias audiovisuels entre les candidats à l’élection présidentielle est mis en place. Pour faire respecter cette équité, le Conseil supérieur de l’audiovisuel tient compte de la représentativité des candidats en fonction des résultats obtenus aux élections précédentes et des enquêtes d’opinion, et de la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral.

Puis, du début de la campagne jusqu’au tour de scrutin où l’élection est acquise, les médias audiovisuels doivent respecter le principe d’égalité de temps de parole entre tous les candidats. La garantie de l’égalité de représentation de tous les prétendants à la présidence de la République est assurée et contrôlée par le CSA. Il est précisé, à l’initiative du groupe écologiste, que le CSA publie périodiquement et dans un format ouvert et réutilisable, le relevé des temps de parole de chacun des candidats de la publication de la liste définitive au tour du scrutin où l’élection est acquise. Ces mécanismes d’utilisation ouverte et multiple des données électorales encouragent le contrôle du respect de la représentativité des candidats et de la sincérité des sondages.

Cette vérification accrue est justifiée par l’importance que revêt l’élection présidentielle dans la vie politique française et au regard des intérêts fondamentaux du pays, mais aussi par le caractère malléable et fluctuant des sondages d’une semaine à l’autre. Les attentats dramatiques du 13 novembre 2015 en ont apporté la preuve. Un sondage TNS-Sofres-OnePoint réalisé pour Le Figaro Magazine et publié le 1er décembre 2015 révélait une cote de confiance en hausse de plus vingt points pour le chef de l’État et de plus de onze points pour le Premier ministre en moins de quinze jours ! Ainsi, les chiffres et les sondages fluctuent en raison des événements mais aussi du lieu de vie considéré. Pour cette raison, nous restons prudents à propos des résultats des sondages et de l’usage qu’en font les médias.

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C’est la raison pour laquelle je suis satisfait que les textes imposent aux sociétés de l’audiovisuel public de diffuser dans la semaine précédant chaque tour de scrutin la mise au point de la Commission des sondages dès lors que celle-ci en fait la demande écrite.

Arrêtons-nous maintenant sur un autre point d’achoppement de toutes les élections présidentielles : le recueil des parrainages. Le texte organique, prenant acte de la nouvelle configuration territoriale du pays, prévoit la modification de la liste des élus susceptibles de parrainer un candidat à l’élection présidentielle. Il est ainsi prévu d’ouvrir ce droit aux présidents de métropoles, aux maires délégués des communes nouvelles, mais aussi aux conseillers métropolitains de Lyon. Aucune différence ne pouvait par ailleurs subsister entre les maires d’arrondissements de Paris et ceux de Lyon et Marseille, certains se voyant reconnaître la possibilité de parrainer un candidat alors que d’autres en étaient privés.

Pour autant, en matière de parrainage, l’ajout de certaines dispositions au texte me laisse sceptique. Il prévoit en effet que le Conseil constitutionnel publie au fur et à mesure de leur réception et au moins deux fois par semaine, les noms et qualités des élus ayant parrainé un candidat à l’élection présidentielle. Cette disposition me semble complexe et entraîne un risque de stigmatisation de certains parrains au sein même de leur propre formation politique.

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N’aurait-il pas été préférable d’en rester à la rédaction initiale du texte prévoyant la publication par le Conseil constitutionnel, huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, du nom et de la qualité des élus ayant parrainé un candidat à l’élection présidentielle ?

Quant aux comptes de campagne, je note avec intérêt que les textes limitent à six mois au lieu d’un an le calcul des frais engagés, soit les dépenses engagées et les recettes perçues, pour toutes les élections. Il aurait néanmoins été légitime, pour l’élection présidentielle, de diminuer de moitié le montant alloué aux candidats pour financer sa campagne électorale compte tenu de la réduction de moitié de la période de prise en compte des frais engagés. Je note avec intérêt que les pouvoirs de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont accrus, chaque candidat se voyant soumis à l’obligation de lui transmettre une fois par mois une liste précise des dépenses dont celle-ci a obligation d’assurer la publication régulière.

En outre, la commission a la possibilité de recourir à des experts afin de s’assurer de la bonne gestion des dépenses par les candidats. Ce mécanisme permettra, nous l’espérons, d’éviter les mauvaises surprises après l’élection et l’invalidation des comptes de campagne d’un candidat par le Conseil constitutionnel, comme cela a déjà pu être le cas.

De même, il est prévu que chaque compte de campagne comporte en annexe une présentation détaillée des dépenses engagées par chacun des partis ou groupements politiques apportant un soutien au candidat, ainsi que les avantages directs ou indirects, prestations de services ou dons en nature fournis par ces partis et groupements. Ce dispositif, qui va dans le sens d’un renforcement de la transparence de la vie publique, est une bonne mesure.

Enfin, en ce qui concerne les horaires des bureaux de vote, de nombreuses inégalités existaient entre les différentes parties du territoire. Si 74 % du corps électoral votent dans des bureaux fermant à 18 heures, seuls 4 % votent dans des bureaux fermant à 19 heures, et 22 % dans des bureaux fermant à 20 heures, ce qui ne favorise pas une appréhension claire des conditions de vote et encourage la divulgation des résultats avant l’heure minimale de 20 heures, le jour de l’élection. La disposition visant à harmoniser les horaires d’ouverture de l’ensemble des bureaux de vote sur le territoire de 8 heures à 19 heures apparaît donc de bon sens.

Par ailleurs, il était pertinent de trouver des solutions aux difficultés liées à la double inscription sur les listes électorales des Français établis à l’étranger. Ainsi, la proposition de loi organique prévoit, pour toutes les élections, que la radiation d’un Français du registre des Français établis hors de France entraîne de plein droit sa radiation de la liste électorale de la circonscription consulaire au titre de laquelle cette liste est dressée, sauf opposition de sa part. Ce mécanisme permettra ainsi d’éviter les doublons ou l’absence de possibilité de vote pour certains électeurs établis à l’étranger.

Ces deux propositions de loi ne méritent ni excès d’honneur ni excès d’indignité. Elles ont le mérite de nettoyer le droit électoral, s’agissant de l’élection présidentielle, de quelques-unes de ses scories. Il aurait été possible d’aller plus loin. Mais le temps nous aura manqué, 500 jours seulement nous séparant de ce scrutin. Vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ces textes.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les propositions de loi que nous examinons aujourd’hui visent, nous dit-on, à ajuster quelques-unes des règles applicables à l’élection présidentielle, en s’appuyant sur des recommandations formulées notamment par le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Présentées de cette manière, les modifications proposées peuvent paraître s’imposer d’elles-mêmes… En réalité, certaines d’entre elles induisent des conséquences extrêmement graves pour le fonctionnement démocratique de nos institutions.

S’agissant des parrainages, nous souhaitons que ceux-ci puissent continuer à être transmis au Conseil constitutionnel par le candidat ou son équipe de campagne.

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Car le candidat doit être en mesure de pouvoir comptabiliser au fur et à mesure les parrainages dont il dispose.

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Certes, la commission des lois a adopté un amendement qui prévoit une publication au moins deux fois par semaine par le Conseil constitutionnel. Mais cette publication en temps réel peut avoir des effets dissuasifs.

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Ainsi, si un candidat dispose à l’instant T de peu de parrainages, un parrain potentiel peut décider de soutenir un autre candidat qui lui paraît avoir davantage de chances de réunir les 500 candidatures.

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C’est pourquoi nous pensons que la publication des parrainages doit intervenir au terme du processus.

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La publicité de la liste intégrale des élus ayant parrainé un candidat, et non plus un extrait de 500 noms tirés au sort, se justifie certes au nom de la transparence. Pour autant, il ne faudrait pas que la publicité des parrainages soit utilisée pour distinguer les « petits » candidats, qui disposeraient de quelques centaines de parrainages, des « grands » candidats, qui, eux, en comptabiliseraient plusieurs milliers.

Cette publicité ne doit pas être le prétexte à l’octroi d’un temps d’antenne ou de parole supplémentaire pour les candidats ayant recueilli le plus de parrainages. À partir du moment où un candidat a recueilli 500 signatures et où son nom a été publié par le Conseil constitutionnel, il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre les différentes candidatures retenues. Celles-ci doivent être à égalité.

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S’agissant de l’adaptation de la législation sur les comptes de campagne, nous sommes opposés à la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne. Cet abaissement n’est absolument pas justifié pour l’élection présidentielle, qui donne lieu, chacun le sait, à des campagnes très longues. De surcroît, et c’est là le plus important, cette mesure conduirait à sortir du champ des comptes de campagne l’organisation des primaires, qui donnent lieu à une forte exposition médiatique.

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Le renforcement des moyens de contrôle nous paraît nécessaire sur certaines dépenses difficiles à évaluer, telles que l’impression de documents ou l’organisation de réunions publiques, en élargissant les prérogatives de la commission nationale des comptes de campagne.

S’agissant de l’harmonisation des opérations de vote, il nous est proposé de réduire à une heure, au lieu de deux actuellement, le délai entre les premières et les dernières fermetures des bureaux de vote. Cependant, pour remédier à coup sûr à la diffusion prématurée d’estimations ou de résultats électoraux partiels, une harmonisation générale des fermetures à 19 heures serait plus adaptée et aurait le mérite de la simplicité.

Enfin, et c’est un point très important pour nous, nous sommes résolument opposés à la réforme de l’accès aux médias audiovisuels des candidats pendant la période « intermédiaire », soit entre le moment où la liste des candidats est publiée par le Conseil constitutionnel et celui où la campagne officielle commence. Nous sommes opposés à ce que le principe d’équité se substitue au principe d’égalité des temps de parole. Contrairement à ce qui est dit, les règles actuelles ne sont pas si compliquées à mettre en oeuvre.

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Dès que la liste officielle des candidats est rendue publique, la campagne commence, pour tout le monde !

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Pour tous nos concitoyens, la campagne officielle ne débute pas quinze jours avant le scrutin…

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…mais lorsque le Conseil constitutionnel publie la liste des candidats retenus.

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C’est précisément cela qui les gêne ! Ils leur faut verrouiller le processus.

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Aussi est-il curieux de prévoir que le principe d’équité est apprécié au regard des résultats aux précédentes élections, ou encore des sondages – dont la fiabilité est régulièrement mise en cause. S’appuyer sur les sondages pour octroyer davantage de temps de parole à un candidat est un exercice particulièrement périlleux pour la démocratie.

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Permettez-moi, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur du texte, de citer un éminent juriste, que vous n’aurez pas de mal à reconnaître

Sourires.

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« avec les sondages politiques, on est dans un monde virtuel : on y mesure quelque chose qui n’existe pas, l’intention de vote. L’intention renvoie à un projet non définitif, exprimée en fonction des émotions du moment, sans que le sondé ne se sente engagé. » On ne saurait mieux dire !

Pourtant, la réforme proposée tend à accroître encore les effets électoraux des sondages, en renforçant la couverture médiatique de partis déjà très présents dans les médias. Ce faisant, elle met à mal le pluralisme et la diversité des candidatures. Plus les sondages seront favorables à un candidat, et plus les médias lui accorderont de visibilité.

La modification proposée se fait donc clairement au détriment des « petits » candidats, lesquels ne pourront bénéficier d’une stricte égalité de temps de parole que pendant la campagne « officielle », quinze jours avant le scrutin, alors que la campagne commence en fait dès la publication des candidatures. Sous couvert de simplification, cette mesure constitue une grave atteinte au pluralisme.

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Elle vise de toute évidence à favoriser les trois grands partis aujourd’hui présents sur l’échiquier politique.

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Les députés du Front de gauche déplorent que, à seize mois de la prochaine élection présidentielle, le Parlement doive examiner quelques « ajustements », dont beaucoup posent davantage de problèmes qu’ils n’en résolvent. Mais c’est surtout la remise en cause de l’égalité des temps de parole qui, mettant à mal la diversité et le pluralisme, amène les députés du Front de gauche à voter résolument contre ces deux propositions de loi.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous sortons à peine d’un temps électoral très agité et plutôt troublant, dans un contexte récent d’attentats qui ont endeuillé notre pays. Alors que nous vivons une situation assez inédite d’état d’urgence, les Français restent, malgré leur abstention dans les urnes, d’incorrigibles amateurs de politique. Ils s’intéressent déjà à la prochaine présidentielle !

Car l’élection du Président de la République au suffrage universel direct est l’élection phare de notre système démocratique. Elle illustre parfaitement le statut particulier dont jouit le Président de la République aux yeux des Français. Ce scrutin est aujourd’hui encore celui qui mobilise le mieux les Français, avec un taux de participation moyen s’établissant à plus de 80 % pour les neuf élections présidentielles qui se sont tenues sous la Ve République. À personnage central, élection centrale, et un processus électoral qui se doit d’être irréprochable.

Rappelons que le suffrage universel ne figurait pas dans le texte originel de la constitution de 1958 et que c’est une révision constitutionnelle adoptée par référendum le 28 octobre 1962 qui l’y a introduit. D’autres modifications majeures sont survenues, notamment celle du 24 septembre 2000, après un référendum qui a permis de réduire la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans.

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Ce n’est pas ce que l’on a fait de mieux !

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Les textes qui sont soumis à votre examen visent des objectifs beaucoup plus modestes et tendent essentiellement à la modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. Le titre de la proposition de loi est on ne peut plus conforme à son contenu !

Ce texte était-il nécessaire ?

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Oui, car à chaque élection présidentielle, ce sont les mêmes problématiques qui occupent les titres de la presse.

J’en cite quelques-uns : « Faut-il réformer le système des parrainages ? », « Comment se sortir du casse-tête de l’égalité du temps de parole entre les candidats ? », …

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…« La loi sur la divulgation des résultats des élections est-elle une exception française ? »

Toutes ces questions reviennent comme des serpents de mer : en 2012 la dernière fois, comme en 2007 avant ou encore en 2002. Après l’élection, le sujet disparaît de l’actualité politique et médiatique pour ressurgir à l’élection suivante.

Ce texte vise à remédier à cet état de « paresse démocratique ». Était-ce bien le moment ? Mais y a-t-il jamais un bon moment pour réformer ? Oui, à seize mois du prochain rendez-vous présidentiel, le moment est bien choisi.

Même si l’exercice reste délicat, car il touche à la sphère électorale, il attire à juste titre la plus grande attention des législateurs. Il est source aussi de crispations outrancières et de suspicions théâtrales, comme en témoigne l’attitude de l’opposition, qui surjoue la méfiance, crie à l’instrumentalisation des règles, quand elle ne dénonce pas une tentative de hold-up présidentiel, rien de moins !

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L’opposition est sur tous les bancs ! J’ai entendu des voix très discordantes jusque sur ceux de la majorité !

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Les débats en commission l’ont démontré. D’aucuns ont pu user d’ironie et de méfiance, dénoncer des débats tronqués, afficher de la circonspection et invoquer même de la cuisine électorale.

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Pourtant, ce procès d’intention à l’égard d’un tel texte est infondé, pour plusieurs raisons.

La coutume républicaine, selon laquelle on ne modifie pas la règle du jeu à moins d’un an de l’élection, est respectée. Le texte de Jean-Jacques Urvoas est le fruit d’une initiative parlementaire. Son dépôt a été précédé d’une large consultation de l’ensemble des groupes parlementaires par son rapporteur. Comment y voir une intention malicieuse ? Enfin, ce texte reprend assez strictement les propositions et les recommandations émises par différents organes dont l’impartialité n’est pas en cause.

Outre celles du Conseil constitutionnel, elle reprend celles de pas moins de quatre autorités administratives indépendantes – le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Commission des sondages, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République.

Les dispositions proposées ne sont pas sorties d’un chapeau. Elles sont connues de tous et depuis fort longtemps. Il était donc plus que temps de les étudier et de les voter, c’est le rôle du Parlement.

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Ce texte avance trois propositions de modifications majeures.

La première concerne un réaménagement du système des parrainages, qui est l’autre nom donné au mécanisme des présentations, introduit en 1958 et qui a déjà évolué plusieurs fois depuis sa création. Montrons-nous, nous aussi, à la hauteur de la réforme, car c’est à cette période que le constituant décide de ne plus confier au seul Parlement le soin de désigner le chef de l’État, ce qui justifiait la nécessité d’associer les élus locaux à la sélection des candidats à la présidentielle.

Entre 1958 et 1962, le Président de la République est donc élu par un collège électoral de quatre-vingt mille grands électeurs, qui associe parlementaires et élus locaux. C’est avec la réforme du 6 novembre 1962 que le parrainage devient une modalité de filtrage des candidatures à l’élection présidentielle. Depuis 1965 donc, chaque campagne présidentielle est précédée d’une campagne de collecte des signatures.

Cette dernière n’est pas exempte de dérives que nous connaissons tous : lutte pour obtenir le plus grand nombre de parrainages, menaces, pressions, marchandages, chantage sur les petits maires afin d’obtenir leur soutien. Certains élus sont même allés jusqu’à mettre aux enchères leur présentation !

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Sans parler de l’instrumentalisation opérée par certains partis qui se posent en victimes d’un système, afin d’attirer la lumière médiatique. Lors de l’élection présidentielle de 2007 et pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le Conseil constitutionnel a mis le doigt sur ces dérives qui déshonorent la démocratie.

Le 8 mars 2007, il a déclaré que « la présentation d’un candidat est un acte personnel et volontaire qui ne peut donner lieu ni à marchandage ni à rémunération ». Face à une telle situation, nous ne pouvons nous en tenir au statu quo. Ce texte apporte des réponses fortes aux détournements de procédure dont nous sommes conscients.

L’article 2 propose de modifier les règles de transmission des parrainages. Ceux-ci seront adressés directement au Conseil constitutionnel par l’auteur de la présentation et non par le candidat ou son équipe de campagne. Le parrainage pourra être transmis par voie postale ou par voie électronique comme nous l’avons proposé par amendement en commission.

Tout en reprenant les formulations émises par le Conseil constitutionnel, cette proposition contribuera indiscutablement à écarter les risques d’instrumentalisation et les pressions auxquelles sont soumis les maires des petites communes.

Ceux-ci pourront adresser directement leur parrainage et ne seront plus harcelés par les équipes de campagne des candidats, afin de remettre directement leur présentation.

L’article 3 renforce encore la lutte contre les dérives en prévoyant la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat. Actuellement le Conseil constitutionnel n’affiche que des parrainages tirés au sort. Outre que ce fonctionnement crée une inégalité flagrante de publication entre les candidats, il semble que cette règle affaiblisse le sens d’un parrainage.

Or, le parrainage est un acte démocratique puissant dont la portée politique n’est pas anodine. Tout en écartant les candidatures farfelues, il représente un soutien politique de l’élu local à un candidat national. Les Français ont donc le droit de savoir qui leur élu parraine. La transparence doit être la règle.

Cette proposition de loi répond avec justesse à cette nécessité démocratique.

La deuxième modification de ce texte concerne le temps de parole des candidats. La règle actuelle instaure le principe d’égalité, et constitue une spécificité de la campagne présidentielle. Il découle directement des textes législatifs et réglementaires relatifs à l’élection du Président de la République, qui prévoient une égalité du temps de parole et d’antenne des candidats et leurs soutiens à compter du début de la campagne officielle jusqu’au premier tour du scrutin, soit vingt jours environ.

Si, en théorie, l’idée semble louable, la réalité est toute autre. Pour se conformer à la loi, les médias sont contraints d’en contourner l’esprit afin de respecter une égalité stricte entre tous les prétendants à la fonction suprême. Ainsi, les grandes chaînes choisissent de renoncer à leurs grandes émissions politiques en plein coeur de la campagne électorale, tant il est difficile d’inviter tous les candidats sur une si courte période.

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Quant aux chaînes d’information en continu, elles choisissent la stratégie du rééquilibrage en rediffusant plusieurs fois entre une heure et cinq heures du matin les interviews ou les meetings de certains candidats. Les exemples de ces pratiques sont multiples et ils illustrent la difficulté de donner à tous les candidats la même exposition.

C’est pourquoi cette proposition de loi, loin d’être hypocrite, envisage de substituer au principe d’égalité celui d’équité, qui consiste à allouer à chaque candidat des temps de parole ou d’antenne en tenant compte de leur représentativité et de leur implication effective dans la campagne. Les critères seront strictement appréciés par le CSA qui a déjà émis des préconisations en ce sens.

Surtout, le dispositif proposé éviterait les stratégies de détournements, en garantissant à l’ensemble des candidats des conditions de programmation comparables.

Tous les candidats seraient ainsi assurés de bénéficier d’un temps de parole et d’antenne à des horaires de diffusion jouissant d’une large audience.

C’est donc une proposition de bon sens dont l’objectif n’est pas de bâillonner des candidats, encore moins de les réduire au silence, mais bien de garantir à tous une exposition médiatique intéressante.

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La troisième modification de ce texte concerne la problématique de la divulgation prématurée des résultats. Nous avons une nouvelle fois pu le vérifier lors des élections régionales. Des échos d’outre-manche et d’ailleurs parasitent constamment l’annonce nationale des résultats des scrutins à 20 heures.

L’origine du problème est connue : le décalage entre les horaires de fermeture des bureaux de vote d’une commune à l’autre – entre dix-huit heures et vingt heures, plage horaire trop large.

L’article 7 prévoit, par conséquent, pour la seule élection présidentielle, une fermeture des bureaux de vote à dix-neuf heures au plus tôt tout en conservant la possibilité de fermer à vingt heures pour les communes qui le souhaiteraient.

Cette mesure permettrait, selon la Commission des sondages, d’établir les estimations à partir des résultats recueillis auprès des bureaux tests, tout en évitant d’en divulguer massivement la teneur avant la clôture du scrutin. Cette proposition, qui relève du bon sens démocratique, veille à préserver la sincérité du scrutin.

D’autres sujets figurent dans ce texte, comme la réduction à six mois de la période de prise en compte des dépenses électorales ou la mise en place du contrôle des dépenses engagées par les partis politiques en soutien de leur candidat. Nous les aborderons. Ils ne peuvent qu’apporter de la clarté et faire taire toutes les suspicions.

Mes chers collègues, cette proposition de loi ne poursuit qu’un seul objectif : faire de l’élection préférée des Français une élection qui corresponde à la société moderne dans laquelle ils vivent désormais.

Le prochain rendez-vous présidentiel doit se faire à l’ère du XXIe siècle. Voter cette proposition de loi, c’est s’assurer de ne pas le louper.

Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, monsieur le président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, vous comprendrez rapidement que mon enthousiasme sera beaucoup plus tempéré que celui de Mme Pochon.

Nous examinons deux propositions de loi, l’une ordinaire, l’autre organique, ce qui suppose, pour cette dernière, que nous tombions d’accord avec le Sénat, puisque selon la Constitution, le vote doit intervenir en des termes identiques.

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Ce serait préférable cependant, même si, vous avez raison, le Sénat n’est pas concerné. Je retire ce point.

À vrai dire, ces propositions nous embarrassent, l’une et l’autre. Il ne s’agit pas de posture ni de mauvaise foi car nous sommes réellement sincères. Oui à la modernisation mais, en l’espèce, vos propositions nous semblent plutôt relever du rendez-vous manqué, quand il ne s’agirait pas de manoeuvres ou, a minima, d’arguties.

Nous en avons largement débattu la semaine dernière en commission des lois. La majorité met en avant la prise en compte de certains amendements de l’opposition. Ainsi, l’article 6 de la proposition de loi organique, qui réduisait d’un an à six mois la période couverte par les comptes de campagne pour la seule élection présidentielle, a été supprimé afin d’introduire un nouvel article dans la proposition de loi pour étendre cette mesure à l’ensemble des élections, y compris l’élection présidentielle. Heureusement !

Rappelons cependant que le président de la commission des lois lui-même s’était opposé, dans son propos liminaire, à cette modification.

Le problème, en réalité, est celui de la suspicion qui règne. Depuis 2012, vous avez largement modifié l’ensemble des règles qui régissent toutes les élections.

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Je ne partage pas votre point de vue.

Aux élections cantonales, vous avez préféré les départementales, avec un binôme paritaire et un mode de scrutin sans pareil que le monde entier nous envie !

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Aux élections municipales, vous avez abaissé le seuil des 1 000 habitants à partir duquel s’applique le scrutin est de liste.

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Vous avez prévu un fléchage pour les élections communautaires. Encore un peu, et vous alliez imposer le suffrage universel direct pour les intercommunalités, portant ainsi atteinte au couple formé par la commune et l’intercommunalité, qui fonctionne pourtant bien.

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Mon Dieu, quelle horreur ! Le suffrage universel direct !

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Vous auriez ainsi cassé les communes qui sont les cellules de base de notre République. Tocqueville, grand manchois, grand normand, grand Français, disait que c’est dans la commune que réside la force des peuples libres.

Vous avez aussi modifié les règles des élections sénatoriales, la répartition des sièges entre les arrondissements de Paris, les règles de cumul des mandats nationaux, la carte des régions. Ne manque plus, mais c’est peut-être pour demain, que les élections législatives. Que n’aurions-nous entendu si nous avions fait simplement le quart du dixième de tout cela ?

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Eh oui. Il fallait répondre aux préconisations du Conseil constitutionnel.

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Certains d’entre nous, en effet, voient une forme de provocation, de manoeuvres, dans ces changements. Au moment où l’unité nationale est revendiquée, nous présenter une procédure accélérée pour le vote de deux textes loin d’être anodins puisqu’ils touchent à l’essence même de la Ve République, le suffrage universel direct et l’élection présidentielle, est choquant.

Pourquoi cette procédure accélérée alors que nous pourrions prendre plus de temps pour débattre de cette question sensible et permettre à la navette parlementaire de faire son oeuvre ? J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos du ministre de l’intérieur il y a quelques minutes.

Au-delà de ces deux propositions de loi, mon groupe a le sentiment d’une occasion manquée. Nous reconnaissons bien évidemment, en cette année exceptionnelle du cinquantenaire de la première élection du Président de la République au suffrage universel direct, que cette élection présidentielle n’est à nulle autre comparable, dans le paysage électoral et constitutionnel français. Nous admettons tous que certaines règles doivent être modifiées, repensées, modernisées. En tout cas, ces règles doivent prendre la mesure des changements que notre société vit ou subit. Nous vous suivons sur un certain nombre de préconisations, comme la publication de l’intégralité de la liste des élus qui parrainent un candidat à la présidentielle au lieu du tirage au sort, qui n’est pas sans complication, des 500 premiers noms. C’est sans doute plus juste, même si des interrogations se posent concernant la publication en temps réel, Marc Dolez et Olivier Falorni en ont parlé et c’est d’ailleurs sur tous les bancs que les interrogations s’élèvent, nombreuses. Nous avons d’ailleurs proposé quelques améliorations en commission pour ne pas en rester à un envoi papier à l’heure du numérique. C’était une difficulté supplémentaire et une modernisation en trompe-l’oeil.

Vous portez sans aucun doute, monsieur le président de la commission des lois, de bons diagnostics et nous reconnaissons bien là vos qualités, mais il ne suffit pas que des règles existent déjà – j’y reviendrai s’agissant du CSA, de l’équité, de l’égalité – pour justifier qu’elles soient bonnes. Le débat autour de l’équité du temps de parole et d’antenne en période intermédiaire en est l’illustration.

Puisque les médias, nous dites-vous, ne savent pas traiter l’égalité stricte, mieux vaut faire de l’équité. Selon vous, cela facilitera les débats. C’est un peu court ! Pour ma part, je ne suis guère convaincu. Depuis Robespierre et Charles X, je me méfie des « parlements » au sens ancien du terme et de la notion d’équité,…

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…même si je peux convenir que la situation actuelle est problématique.

Le CSA, nous dites-vous encore, pour juger de l’équité, prend déjà comme critère la représentativité des candidats aux dernières élections, les sondages d’opinion et leur « contribution à l’animation du débat électoral ». MM. Poisson et Lagarde ont souligné avant moi la difficulté que représentent la prise en compte des résultats des élections précédentes et l’interprétation de sondages qui peuvent, par exemple, être ouverts ou fermés. Et que dire de « l’animation du débat électoral » ? Va-t-on juger du « bon » nombre de réunions publiques, de la qualité des intervenants, de l’âge du capitaine, que sais-je encore, sans parler du débat sur les réseaux sociaux ?

Tout cela est un peu fumeux, un peu spécieux. Or, la marge d’appréciation sera désormais légale, gravée dans le marbre. Ce n’est pas une vraie réponse à des questions pourtant essentielles. Nul ne conteste les observations formulées par le Conseil constitutionnel, le CSA ou la Commission nationale des comptes de campagne : encore faut-il proposer des solutions qui soient acceptables par tous et permettent de respecter davantage l’égalité que l’équité !

Je m’étonne par ailleurs de certaines des dispositions pratiques retenues, même si, là encore, l’idée de départ est de lutter contre certains débordements.

Prenons par exemple l’article 7, qui traite de la question des horaires d’ouverture des bureaux de vote. Vous partez du constat que la diversité des heures de fermeture des bureaux de vote d’une commune à l’autre – dix-huit, dix-neuf ou vingt heures – favorise la diffusion prématurée de résultats partiels ou d’estimations par sondage, pourtant interdite par le code électoral. C’est exact, et nous ne pourrons empêcher que des sondages publiés à l’étranger parviennent chez nous. Vous soulignez d’ailleurs très justement, monsieur le rapporteur, notre impuissance à empêcher la diffusion de ces résultats. Du coup, votre conclusion paraît décalée. Il faudrait, selon vous, rapprocher les horaires de fermeture. Soit ! Mais vous renoncez d’emblée à un horaire unique, qui semble pourtant être la bonne solution. Le principe d’une fermeture à dix-neuf heures pourrait rallier les suffrages, sachant que vingt heures est objectivement trop tardif pour les communes rurales.

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M. le ministre de l’intérieur a salué le défi que représente l’organisation de chaque élection, et, honnêtement, une fermeture à vingt heures n’est pas adaptée aux zones rurales. Dix-neuf heures pourrait donc être une solution intermédiaire, mais, à ce stade, nous en sommes à dix-neuf ou vingt heures selon les communes.

De plus, dans la mesure où la disposition organique ne concerne que la présidentielle, vous faites peser un risque sur les élections législatives qui suivront un mois après. Je vous laisse imaginer : les électeurs ont pu voter jusqu’à dix-neuf heures pour l’élection présidentielle, on est à la belle saison, les jours rallongent, ils prévoient donc d’arriver au bureau de vote à dix-huit heures trente, après leur partie de campagne ou de plage. Eh bien non, pour les élections législatives, ce sera l’horaire de fermeture habituel, c’est-à-dire dix-huit heures ! Il y a là quelque chose de peu cohérent, qui risque de faire baisser la participation électorale alors que l’objectif est sans doute de la faire augmenter. Et je ne reviens pas sur le caractère incontrôlable de la diffusion de sondages publiés à l’étranger !

Nul ne conteste, je le répète, que beaucoup de sujets soulevés soient de vrais sujets, mais vous n’apportez pas les réponses concrètes et pratiques qui permettraient d’aller de l’avant. En outre, vous n’abordez pas de vraies questions, comme celle des primaires qui se tiendront dans différents partis politiques. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les comptes de campagne et sur leur publication, que vous ne mettez pas en avant.

Mais je m’arrêterai là. Nous verrons quel sort sera réservé à ces sujets et à nos amendements. Il est temps de se reprendre collectivement car, à entendre les intervenants de toutes tendances, à l’exception du groupe socialiste, je ne discerne pas de mobilisation en faveur de ces deux textes. Si nous ne le faisons ce soir, j’espère que nous saurons enrichir nos débats à la faveur de la navette parlementaire. Même si, comme le souligne à juste titre le président de la commission des lois, il n’est pas nécessaire que la loi organique soit votée dans les mêmes termes par les deux chambres, il serait très souhaitable que ce soit le cas.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne contestons pas, à dix-huit mois de la prochaine échéance présidentielle, l’opportunité de moderniser les règles applicables à l’élection présidentielle, qui occupe une place centrale dans la vie politique de notre pays. Pour autant, changer les règles nécessite un certain consensus et ne saurait se faire au détriment de tel ou tel candidat.

Or, si un certain nombre de mesures nous semblent acceptables, d’autres risquent d’encourager le tripartisme, au détriment des formations politiques minoritaires et d’un nécessaire renouvellement du système politique français. Aussi, le maintien de l’article 4 relatif au principe d’équité suffira à justifier notre opposition à ces deux textes.

J’évoquerai en premier lieu les dispositions que nous approuvons.

La réduction à six mois de la période de prise en compte des dépenses électorales est nécessaire. La réglementation actuelle présente un défaut certain, celui de comptabiliser les dépenses d’un candidat qui ignore encore qu’il le sera. Nous nous félicitons que la commission ait étendu cette disposition à l’ensemble des élections, comme nous le souhaitions.

La modification des horaires des opérations de vote permettra d’empêcher une diffusion prématurée des résultats. Nous sommes également prêts à accompagner cette disposition. Cependant il nous aurait semblé plus judicieux d’étendre ces évolutions aux élections législatives. Comme l’a très justement rappelé M. Gosselin, il sera en effet difficile d’expliquer à nos concitoyens qu’ils pourront votre jusqu’à dix-neuf heures à la présidentielle et que, moins d’un mois et demi après, alors que nous serons aux beaux jours, ils devront s’acquitter de leur devoir avant dix-huit heures. Il est évident que des électeurs se présenteront de toute bonne foi à dix-huit heures trente pour voter. Or nous connaissons tous l’importance du premier tour et les incidences qu’il peut avoir sur la suite.

S’agissant de l’article 8, qui concerne les Français de l’étranger, la disposition adoptée en commission est préférable à la suppression, initialement proposée, de la possibilité d’être inscrit sur les deux listes à la fois.

La publicité intégrale de la liste des élus ayant présenté un candidat est souhaitable, dans un souci d’égalité, de responsabilité politique et de transparence : les élus doivent assumer leur choix devant les électeurs. En revanche, les modifications concernant les modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel risquent de désavantager les candidats qui ne disposent pas d’un fort appareil politique. Le candidat doit pouvoir recevoir lui-même les parrainages. La mesure que vous proposez apparaît comme une première étape de l’installation de ce tripartisme que nous dénonçons.

J’en viens à la mesure la plus contestable de la proposition de loi organique, par laquelle vous entendez mettre fin à la règle d’égalité du temps de parole pour la remplacer par un pseudo-principe d’équité pendant la période intermédiaire. Nous considérons cet article 4 comme une modification dangereuse et inacceptable.

Une telle réforme serait avant tout préjudiciable aux candidats issus de formations politiques minoritaires, déjà sous-représentées dans les médias. Les critères inscrits dans le texte sont difficilement quantifiables. Comment le CSA va-t-il considérer que le principe d’équité a bien été respecté ? Le premier critère, qui se fonde sur les résultats aux plus récentes élections, va inciter à la division des listes, quand le second, l’animation du débat électoral, manque clairement d’objectivité. Un moindre mal serait de tenir compte du nombre de parlementaires qui soutiennent un candidat, comme nous le proposons.

Enfin, nous aurons l’occasion de défendre plusieurs propositions au cours de la discussion des articles.

Premièrement, une expérimentation de la dématérialisation de la propagande électorale pour l’élection présidentielle de 2017. L’objectif serait avant tout de favoriser l’accès des jeunes à la propagande électorale et de les sensibiliser aux enjeux électoraux.

Plus largement, nous proposons d’interdire la mention, dans le titre de la liste inscrit sur les bulletins de vote, du nom d’une personne non candidate. À notre sens, cette pratique constitue une tromperie vis-à-vis des électeurs.

Nous souhaitons également aborder la question de l’appel s’agissant des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne. Les candidats devraient être informés au préalable de l’intention de la Commission de rejeter les comptes et devraient avoir la possibilité de s’expliquer et de faire démonstration de leur bonne foi.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : en l’état nous ne pouvons accepter de voter ces deux propositions de loi.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, les deux propositions de loi – l’une organique, l’autre simple – que nous allons examiner concernent la modernisation de l’élection présidentielle et l’on voit bien qu’elles intéressent, non pas un grand nombre de collègues, mais un certain nombre – peut-être ceux qui sont ou se sentent directement concernés, ou qui sont envoyés par des candidats potentiels…

Je le dis d’emblée, je suis favorable, avec plusieurs de mes collègues du groupe écologiste, au principe d’un toilettage des règles de l’élection présidentielle. Les dispositions en vigueur remontent en effet à une période où l’organisation de la vie politique, des médias, des sondages, était toute différente. Les règles applicables à l’élection présidentielle datant de plus de cinquante ans, il est tout à fait logique de procéder à leur actualisation.

Je souhaite aborder plus particulièrement deux points.

Tout d’abord la question des parrainages. Il s’agit d’une disposition centrale, dont dépend la possibilité d’être candidat à l’élection présidentielle. La loi actuelle prévoit cinq cents parrainages, mais cela n’a pas toujours été le cas : au tout début, il n’en fallait que cent.

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Peuvent faire acte de parrainage les maires, quelle que soit la taille de la commune, les conseiller départementaux et régionaux et les parlementaires, soit plusieurs dizaines de milliers d’élus, ce qui représente un potentiel important. Il faut cependant convenir que ce système fonctionne cahin-caha. On ne saurait affirmer qu’il ne fonctionne pas et qu’il a entravé le pluralisme politique, puisqu’il y a en général plus d’une dizaine de candidats à chaque élection présidentielle. Mais, à chaque fois, les parrainages donnent lieu à un mauvais feuilleton, de grands courants politiques, représentant plusieurs millions d’électeurs à plusieurs élections consécutives, affirmant avoir des difficultés à obtenir les cinq cents parrainages.

Disons-le : le Front national et son candidat, qu’il s’agisse de Jean-Marie ou de Marine Le Pen, expliquent à chaque élection aux Français qu’ils sont victimes d’un complot – ils affectionnent la phraséologie complotiste – visant à les empêcher d’être candidats. Ils ont pourtant pu l’être à chaque fois, sans que l’on sache si leurs accusations relèvent d’un cinéma préélectoral ou d’une réalité.

Dans le même temps, certains candidats semblent obtenir les cinq cents parrainages sans difficulté particulière alors qu’ils ne représentent aucun courant politique véritable, ou du moins qu’ils n’appartiennent à aucun parti politique comptant des élus parmi les maires, les conseillers départementaux et régionaux ou les parlementaires. On peut citer le cas de M. Cheminade, candidat à deux reprises. On a également vu des élections où trois candidats trotskistes se présentaient, chaque obédience trotskiste ayant obtenu les cinq cents parrainages.

Pour ma part, je considère que l’élection présidentielle, comme d’ailleurs toute élection, est une chose sérieuse. On ne devrait pas pouvoir la détourner ainsi de son objet. L’élection, par définition, vise à élire quelqu’un au terme d’un débat politique. Normalement, quand on se présente, c’est pour être élu !

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Je suis toujours un peu surpris d’entendre des candidats dire qu’ils ne se présentent pas pour être élus mais pour défendre des idées. Peut-être devraient-ils songer à faire autre chose dans la vie ! Les candidatures de témoignage ne sont pas le but d’une élection.

Cependant, quand bien même les candidats représenteraient un mouvement politique et un projet, nous avons à certaines élections, par exemple les européennes, quinze ou vingt listes, dont certaines n’impriment même pas de professions de foi et de bulletins de vote. Elles utilisent la campagne électorale comme une vitrine, les règles d’égalité ou d’équité des temps de parole leur servant à occuper l’espace médiatique sans que cela corresponde à aucune réalité politique.

Mettre de la transparence dans ce système, comme il est proposé dans les deux textes, est donc une bonne chose. Cela permettra d’en finir avec ce mauvais cinéma qui rabaisse le processus électoral.

J’aurais préféré, pour ma part, une réforme plus profonde, à savoir le parrainage citoyen. Cette idée n’est pas sortie uniquement de nos cerveaux créatifs puisque le regretté Guy Carcassonne l’avait étudiée. J’avais d’ailleurs travaillé avec lui, au cours de la précédente législature, pour préparer une proposition de loi organique destinée à appliquer l’initiative législative citoyenne, prévue par l’article 11 de la Constitution, et qui implique justement une collecte de signatures. Nous aurions pu, dans le même mouvement, imaginer un parrainage citoyen, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. C’est dommage, mais nous y reviendrons peut-être.

S’agissant de la règle d’égalité des temps de parole, là aussi, mettons fin aux faux débats ! Pourquoi imposer pendant cinq semaines une égalité stricte entre des candidats dont nous ne sommes pas sûrs qu’ils le resterons, c’est-à-dire qu’ils auront recueilli, après le processus de vérification, les 500 signatures ? Certains se sont élevés pour dire que le principe d’équité allait tuer le pluralisme et limiter les débats. C’est l’inverse, mes chers collègues ! Car l’égalité stricte conduit les médias à ne plus organiser de débats, précisément pour ne pas mettre sur le même plan des candidats qui représentent un vrai courant politique et ceux qui n’en représentent pas.

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J’ai cité des noms tout à l’heure, je considère que les choses sont claires.

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Je souscris, pour ma part, à ce principe.

Je souscris également, et je terminerai sur ce point, monsieur le président, à la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne, ce qui répond à la demande des instances chargées de contrôler les financements politiques, ainsi qu’à la disposition concernant les horaires des bureaux de vote.

J’émets en revanche une réserve, monsieur le ministre, à propos d’une proposition sur laquelle le Gouvernement revient à la charge depuis plusieurs élections, la dématérialisation des professions de foi. J’y suis pour ma part radicalement opposé. Vous allez sans doute avancer l’argument de l’économie de papier, voire de l’économie tout court, qui serait réelle,…

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…mais je considère que si un candidat a obtenu les parrainages et réussi à se présenter, lui laisser la possibilité d’adresser, sous forme de papier, une profession de foi aux 45 millions d’électeurs inscrits est le minimum que l’on puisse faire pour lui. Je pense d’ailleurs que pour que leur candidature soit valable, les candidats devraient avoir l’obligation de fournir un tel document.

Nous pourrions certes supprimer l’envoi des bulletins, qui ne servent à rien puisqu’on les retrouve sur les tables des bureaux de vote. Mais évitons de nous en remettre à une simple plate-forme internet : cela obligerait les citoyens à la consulter, or nous savons très bien qu’ils seront nombreux à ne pas le faire.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter le président de la commission des lois et le groupe socialiste de l’Assemblée nationale qui sont à l’origine de ces deux propositions de loi. C’est la preuve, s’il en était encore besoin, du dynamisme dont font preuve les parlementaires, eux aussi désireux de prendre en main la réforme de l’État.

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Si ces textes paraissent éloignés des préoccupations des Français, n’oublions pas que c’est de la Constitution et de l’efficacité du système électoral que dépend la légitimité démocratique de tout le droit de notre pays. Plus le régime des élections sera démocratique, plus l’État sera légitime et plus le droit des gouvernants sera juste et équilibré. Il y va, ici comme ailleurs, de la confiance que nos concitoyens accordent à notre régime politique.

Derrière l’apparence modeste de ces deux propositions de loi, l’une organique et l’autre ordinaire, se profile une véritable modernisation du régime applicable à l’élection du Président de la République. Certaines dispositions étaient réclamées de longue date par certains élus, le Conseil constitutionnel et de nombreux constitutionnalistes français. C’est une bonne chose que nous répondions à ces attentes afin de garantir que l’élection présidentielle, qui est l’un des moments clés de notre régime politique, corresponde le plus possible aux attentes des citoyennes et des citoyens.

Ces propositions s’inscrivent pleinement dans la politique de transparence publique menée par la majorité socialiste depuis l’année 2012. Elles marquent la recherche constante d’un véritable équilibre entre une meilleure représentation politique et le maintien de l’efficacité de l’action publique.

Ainsi, par exemple, la proposition de loi organique prévoit que les parrainages seront directement adressés par les élus au Conseil constitutionnel, évitant ainsi une pression inutile sur les parrains de la part des candidats.

Tous les parrainages seront désormais publiés, au lieu de 500 tirés au sort. La publication de tous les parrainages constitue une innovation sous la Ve République ; elle garantit, pour les électeurs, la transparence de la vie publique. Le choix des élus-parrains s’effectue sous le regard des citoyennes et des citoyens qui, dans une démocratie digne de ce nom, sont les véritables juges de l’action politique.

Cette évolution permet de responsabiliser tous les acteurs en soumettant leur choix au regard du public. Elle permet aussi de respecter le principe d’égalité entre les parrains, qu’un simple tirage au sort remettait en cause en raison de son caractère aléatoire et de la profonde opacité qui en résultait.

Un deuxième point important de la proposition de loi organique concerne l’accès au médias audiovisuels pendant la période, dite intermédiaire, qui court de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle, et vise à substituer le principe d’équité à la règle de l’égalité. Cette substitution était réclamée de longue date par le CSA, mais aussi préconisée par le Conseil constitutionnel et de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle. C’est la preuve que nos institutions s’écoutent mutuellement, s’agencent dans l’harmonie et profitent mutuellement de leur expertise pour améliorer toujours un peu plus le droit existant.

Notre collègue Patrick Bloche a développé ce point de la manière la plus claire, je n’y reviendrai donc pas. J’ai toutefois retenu de son brillant exposé que l’équité était en réalité le moyen de proposer aux citoyens des débats et des confrontations de nature à dynamiser la campagne, et donc à développer leur intérêt pour la vie politique.

Enfin, je me félicite qu’à l’article 1er de la proposition de loi ordinaire, notre collègue René Dosière propose de clarifier les compétences de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle en précisant que celle-ci peut recourir à des experts pour « évaluer l’exactitude du coût des services de prestations retracés dans les comptes de campagne ».

Le recours à ces experts ne doit pas être, pour la Commission, un moyen de se défausser de sa responsabilité ou de ne pas assumer ses compétences. Il ne sera légitime qu’à la condition de rendre son contrôle plus efficace. C’est pourquoi il faudra impérativement préciser jusqu’où l’expertise peut aller, quelle est sa valeur et sa responsabilité. La notion d’expert et d’expertise n’étant pas une catégorie juridique, il conviendra que la Commission s’assure de l’impartialité et de l’indépendance de l’expert.

Un dernier point de la loi organique fera certainement débat : la réduction d’un an à six mois de la période de prise en compte des dépenses électorales. Appliquée à toutes les élections, cette disposition – qui, rappelons-le, résulte d’une suggestion de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – aurait pour effet, dans un but de simplification, d’éviter l’examen des dépenses électorales dans les douze mois précédant l’élection, une opération peu fréquente, mais difficile à réaliser et donc source d’erreurs d’appréciation.

Telles sont les observations que je souhaitais faire sur ces textes, tout en remerciant à nouveau le rapporteur pour son travail.

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Considérant ce qu’elles apporteront en termes de transparence, de simplification et d’adaptation, et en soulignant leur caractère non partisan, je voterai ces deux propositions de loi.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde savait que ce débat aurait lieu. Mais après le séisme politique que nous venons de vivre au cours des deux dernières semaines, je pensais, après avoir suivi toutes les émissions de télévision et lu tous les journaux, que, comme je l’avais fait lors de mon tour de France, nous avions pris la mesure de la gravité du signal qui nous a été envoyé par nos compatriotes. Je les imagine volontiers, aujourd’hui, se disant que leurs élus, comme ils l’ont tous promis, sont en train de tirer les leçons de ces scrutins, qu’ils travaillent d’arrache-pied pour réindustrialiser la France, relancer l’agriculture, redonner du travail à nos petits commerçants et à nos PME – bref, remettre ce pays en route. Eh bien non, ce n’est pas précisément ce que nous sommes en train de faire.

Ce dont ce pays a le plus besoin, monsieur le ministre, c’est qu’on l’écoute, qu’on lui consacre du temps. Or je ne vois vraiment pas ce qui, dans ces textes, permettrait de le faire.

Je pense tout d’abord à la publication, deux fois par semaine, des parrainages : c’est une mission quasiment impossible qui est assignée aux maires au moment où ils sont précisément les plus affaiblis, où ils sont menacés de disparition – je parle des maires des communes les moins importantes, celles comptant moins de 1 000, voire 5 000 habitants. Ces élus seront fragilisés par une telle disposition.

Chaque candidat devra publier deux fois par semaine la liste de ses parrainages.

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Or un parrainage n’a rien à voir avec un appui. Ayant moi-même la chance et l’honneur d’être maire depuis trente-huit ans, j’ai eu le privilège de parrainer des candidats dont certains étaient très éloignés de ma sensibilité politique. Je l’ai fait car j’avais l’intime conviction que leurs interventions seraient utiles pour notre pays et je m’en suis félicité.

Le système actuel n’a jamais provoqué « d’embouteillages », puisque, l’un de nos collègues le rappelait à l’instant, nous avons rarement connu plus de dix candidats à une élection présidentielle – et c’est tant mieux.

Quant au temps de parole que vous prévoyez, il est proprement inadapté – j’aurais pu employer un autre mot mais nous devons garder une certaine dignité dans nos propos. Vous ne pouvez pas demander aux candidats, en cinq semaines, et peut-être moins encore, de faire valoir la diversité du peuple français, que ni la Constituante ni aucune des cinq Républiques n’a jamais remis en cause !

Enfin, pourquoi donner au CSA, au nom de cette oligarchie qui ne dit pas son nom, l’immense pouvoir de se prononcer en fonction de critères tels que la capacité d’un candidat à animer une campagne, ou sa représentativité, sachant que les résultats des sondages, notre collègue Lagarde l’a démontré tout à l’heure, peuvent être extrêmement fluctuants ? Mais surtout, pourquoi laisser le Conseil s’acquitter de cette tâche sans aucun contrôle ?

Je veux bien que M. Balladur et M. Attali, qui sont des aigris, déçus de tout, soient prêts, avec quelques-uns de leurs amis, à remettre en cause la démocratie et la République dans notre pays, mais je suis obligé de dire que s’il est une institution qui fonctionne et qui a redonné à la France sa vigueur et sa confiance en elle, c’est bien l’élection présidentielle. La bâillonner, aujourd’hui, de cette manière, monsieur le ministre, n’est pas à la hauteur de la réponse que nous devons apporter !

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Vous savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, parce que vous êtes ministre de l’intérieur – j’apprécie l’action que vous menez, qui fait de vous l’un des hommes les plus aimés des Français – que le signal qui nous a été envoyé est gravissime. Réduire la capacité des Français à s’exprimer à l’occasion de cette élection qui est aujourd’hui la fierté de notre pays et que tout le monde nous envie est un très mauvais coup !

Après avoir multiplié les listes bloquées sur le territoire, ne bâillonnez pas l’expression du peuple français au moment de l’élection présidentielle. Je vous en supplie, parce que vous êtes un homme d’État, le ministre de l’intérieur d’un pays en crise et en grande difficulté.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commence par rassurer M. de Rugy et quelques autres : bien que corrézienne, je ne m’exprime pas en tant que candidate éventuelle,

sourires

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mais bien au contraire parce que ce projet de loi, au-delà des articles qu’il contient et qui viennent d’être abondamment débattus, nous propose une réflexion beaucoup plus large.

Vouloir réadapter ou moderniser les règles applicables à l’élection présidentielle, c’est certes poser la question du rôle de cette élection, mais en même temps de toutes les élections. En votant cette loi, nous ne nous contentons pas de remettre quelques articles au goût du jour, c’est le sens même de la démocratie que nous interpellons, c’est la raison d’être de la République que nous invoquons et c’est le droit, le devoir de vote, qui nous rappelle à l’ordre.

Plus que jamais après les deux dimanches électoraux que nous venons de vivre, nous nous devons de réaffirmer que si voter c’est se souvenir de nos pères morts, c’est aussi parler à nos fils un langage qu’ils entendent.

Notre système électoral est-il toujours adapté aux attentes des citoyens en ce début de XXIe siècle, siècle de l’image et de la fugacité, où écrans et médias ont supplanté le verbe et envahi à tel point nos vies et nos espaces mentaux qu’il incombe au législateur de veiller à ce que ces médias puissent exercer leur rôle d’informateurs sans pour autant devenir des maîtres à penser, ou pire, des maîtres à voter ? Pour autant, si la transparence est nécessaire, préservons-nous d’en faire une religion qui risquerait de devenir aussi stérilisante et aussi sclérosante que le sont tant d’autres.

Si ce texte doit nous permettre de tendre vers une équité doublée d’une égalité de temps de parole et de présence dans les médias, si complexe qu’elle soit à mettre en place, il va aussi nous falloir nous pencher sur un autre problème : celui des spots de campagne. Ils sont tellement normés, tellement soporifiques, que si, à l’avenir, il n’est pas laissé un peu de place à l’invention ou à la création, ils deviendront des repoussoirs qui feront fuir tout un chacun, tout particulièrement les jeunes citoyens biberonnés à une communication en perpétuel mouvement.

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Aussi, entre le show hollywoodien à l’américaine et l’austérité bergmanienne que nous pratiquons, il va nous falloir inventer une nouvelle vague de communication électorale à la française.

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Il va nous falloir aussi, pour permettre à chacun de passer du temps du zapping au temps du débat, aider les médias d’information à supplanter les réseaux sociaux, dernier espace où les citoyens choisissent de s’exprimer, à défaut de le faire dans les urnes.

Le législateur va devoir s’appuyer sur l’école, sur le monde culturel, sur les médias, pour que soit donnée à chacun la possibilité d’apprendre à lire les images, à décrypter les messages, à analyser les discours afin de ne pas être manipulé par des propos démagogiques. Nous devons aider médias et écoles à offrir à l’électeur le choix de passer de l’écume des vagues au temps de la réflexion.

C’est donc un travail de fond qui nous incombe, quand seule une moitié des Français gardent présent à l’esprit que les valeurs de la République, loin d’être acquises à jamais, sont à préserver d’élection en élection.

Aussi, bien que nous ne puissions que soutenir ce texte, élément d’une longue série, qui adapte les règles de parrainage, précise les comptes de campagne, harmonise les horaires de fermeture des bureaux de vote, retravaille l’accès aux médias, tous points que M. Urvoas a parfaitement détaillés, on peut cependant l’améliorer grâce à certains amendements, comme celui de M. Bloche. On peut aussi en ajouter un autre afin d’autoriser l’électeur à s’inscrire jusqu’au dernier moment ou presque. L’expérience menée cette année en ce sens a été très positive, car elle correspond aux rythmes de vie actuels.

Ainsi, de texte en texte, il nous faut confirmer que le rôle du législateur est bien d’écrire des lois qui renforcent la démocratie, redonnent l’envie et le goût d’être des citoyens fiers de leur vote, permettent que les Français n’aient plus à subir le joug des partis totalitaires, n’oublient plus que rien n’est plus fragile que l’article 1er de la Constitution, et que la France reste le pays des droits de l’homme et de la femme, pour que vive la République et que demeurent liberté, égalité et fraternité. C’est à cette exigence que doit répondre le projet de loi.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la démocratie est un des biens les plus précieux de notre république et de l’ensemble de la nation française.

Souvent critiquée, sujet d’ironie, objet de quolibets dans l’hexagone, elle nous est enviée dans bien des endroits du monde par une grande partie de l’humanité, ce dont beaucoup d’entre nous n’ont pas toujours conscience. Elle fait aussi l’objet de menaces de la part de ceux qui la considèrent comme un obstacle à leur fanatisme et, d’une autre manière, de la part de ceux dont toute l’histoire atteste qu’ils ne l’ont jamais aimée. Après l’avoir utilisée pour accéder au pouvoir, ceux-là se sont toujours empressés de la mettre entre parenthèses, pour le plus grand malheur des peuples.

Pour précieuse qu’elle soit, notre démocratie ne peut prétendre être parfaite. En prendre soin, c’est donc avoir l’ambition et la préoccupation de l’adapter sans cesse aux exigences de son temps. Tel est l’unique objet de ces deux textes relatifs à l’élection présidentielle qui – quoi que nous puissions, les uns et les autres, en penser – est devenue l’élection la plus déterminante de nos institutions, celle à laquelle nos compatriotes accordent le plus de sens et d’intérêt.

Le droit électoral est une matière hautement inflammable dans les hémicycles. Le sujet excite toujours les passions. Il invite à la défiance des oppositions à l’endroit des majorités, quand il devrait et pourrait mériter la sérénité et le rassemblement.

Pour nous y inciter, l’auteur de ces propositions, notre rapporteur Jean-Jacques Urvoas, a fait le choix responsable de s’en tenir à traduire en règles nouvelles les seules recommandations formulées de longue date, de manière officielle et le plus souvent convergente, par tous les juridictions, organismes et autorités ayant un rôle institutionnel dans l’organisation ou le contrôle du déroulement de l’élection présidentielle.

Tel est le cas, en premier lieu, de la modernisation des modalités de présentation des candidats. Je veux parler des fameux 500 parrainages. Les dispositions proposées me semblent conformes à l’exigence de clarté et de transparence que nous nous efforçons de faire progresser partout dans notre vie publique, depuis le début de la législature.

Dès lors que l’acte de parrainage est clairement dissocié de l’expression d’un suffrage – ce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel a confirmé encore récemment –, l’opacité qui subsiste autour des parrainages accordés par les élus habilités n’a pas lieu d’être. Cette prérogative est une responsabilité importante, qui doit pouvoir être exercée sous le regard des citoyens. Quand on a l’honneur d’être investi d’une telle responsabilité, on se doit d’assumer ses choix.

En outre, la publicité intégrale de la liste des élus ayant présenté un candidat permettra d’en finir définitivement avec ces parties de poker menteur dont certains aspirants candidats se sont fait les spécialistes, soit pour obtenir un instant de notoriété médiatique, soit pour saturer l’actualité, durant quelques semaines, de leur positionnement victimaire.

La modification des règles d’accès aux médias audiovisuels pour une comptabilisation plus équitable, techniquement plus simple et plus pertinente du temps d’audience de chacun des candidats, est aussi le fruit des constats du passé.

Tous les professionnels convergent pour considérer que les règles actuelles conduisent à des situations ubuesques – elles ont été rappelées –, quand elles ne dissuadent pas totalement d’organiser des débats, pourtant utiles à la bonne information de nos concitoyens.

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Vouloir ne rien changer, ce serait nier cette responsabilité, s’en tenir à la défense catégorielle et illusoire de sa petite boutique, ne pas contribuer à l’intelligibilité nécessaire des légitimes débats.

Les propositions contenues dans le texte me semblent réalistes, de bon sens et conformes aux attentes de nos compatriotes.

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Enfin, la proposition consistant à reporter d’une heure la fermeture des premiers bureaux de vote me semble, elle aussi, frappée au coin du bon sens. L’objectif est clair : en terminer avec l’annonce de résultats, alors même que de nombreux Français, notamment dans les grandes villes, continuent de voter.

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Il serait illusoire d’imaginer que les interdictions actuelles, ou d’autres interdictions renforcées, pourraient endiguer le phénomène de divulgation anticipée des résultats de l’unique scrutin qui concerne les mêmes candidats sur l’ensemble du territoire national. La proposition qui nous est faite rend pragmatiquement impossible l’élaboration d’une estimation fiable avant vingt heures. C’est, semble-t-il, la solution la plus opérante.

Voilà pourquoi, en harmonie avec Élisabeth Pochon et avec les autres collègues de mon groupe qui se sont exprimés, je soutiens pleinement les deux textes soumis à notre vote.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi organique.

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La parole est à M. Christian Hutin, inscrit sur l’article.

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Au-delà de l’article 1er, qui ne pose pas de problème majeur, je voudrais relever une inexactitude dans le discours du ministre.

Monsieur le ministre, tant dans l’exercice de vos fonctions, que je loue et soutiens, que dans vos discours, vous commettez très peu d’erreurs, et je tiens à vous dire tout le respect que j’ai pour le travail que vous effectuez au ministère de l’intérieur. Cependant, vous avez commis une inexactitude : l’ensemble du groupe socialiste, républicain et citoyen ne soutient pas ce texte. En effet, en tant que membre du Mouvement républicain et citoyen, je ne peux le soutenir.

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Le Mouvement républicain et citoyen a décidé, lors de son dernier congrès, de présenter un candidat à l’élection présidentielle. Il est bien évident que ce qui arrive aujourd’hui fait problème, car cela donne un handicap supplémentaire aux petits partis. Or les Français demandent de l’offre politique, le dernier week-end électoral l’a montré, et le souverainisme de gauche existe – il est même important. Ce texte est par conséquent ennuyeux, et je le combattrai. Je voulais le préciser avant de commencer l’examen du premier article.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 2.

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Cet amendement vise à inclure les vice-présidents de conseils consulaires dans la liste des personnes pouvant présenter un candidat à l’élection présidentielle.

Je rappelle que la loi du 22 juillet 2013 a institué pour les Français de l’étranger une représentation équivalente à celle des conseils municipaux et départementaux, avec un maillage local. D’autre part, j’ai évoqué tout à l’heure une citoyenneté en devenir, ou du moins qui s’affirme, à l’étranger.

Or, actuellement, les vice-présidents de conseils consulaires ne peuvent présenter de parrainage, bien qu’ils soient élus par leurs pairs. Comme le soulignent les sénateurs Frassa et Leconte dans leur rapport sur le bilan de l’application de la loi de 2013, ils se trouvent dans une situation paradoxale, puisque leur fonction fait partie de celles pour lesquelles le cumul avec un mandat parlementaire sera interdit à partir de 2017 – par suite d’une décision de la commission des lois présidée par notre rapporteur –, ce qui l’assimile à une fonction exécutive locale, bien qu’en réalité, cela ne soit pas le cas.

Voilà pourquoi le présent amendement tend à ajouter cette fonction parmi celles qui sont habilitées à effectuer un parrainage. Cela me semble parfaitement justifié !

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La quasi-totalité des amendements déposés en séance ont déjà été examinés en commission. Mes collègues ne seront donc pas surpris du caractère laconique de mes explications : je ne vais pas refaire les démonstrations que j’ai déjà faites.

« Oh, que c’est dommage ! » sur de nombreux bancs.

Sourires.

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Sergio Coronado sait donc que mon avis est défavorable, dans la mesure où il s’agit, non pas d’organismes de décision, mais d’organismes consultatifs. Le fait que le mandat de vice-président de conseil consulaire soit incompatible avec une fonction parlementaire – ce qui relève d’une loi organique – ne suffit pas à le faire entrer dans la catégorie des parrains, sinon il en serait de même pour les vice-présidents d’établissement public de coopération intercommunale ou de syndicats mixtes, ainsi que pour les adjoints au maire !

Je rappelle par ailleurs que les élus des Français de l’étranger peuvent déjà parrainer des candidats à la présidentielle ; c’est notamment le cas des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Avis défavorable, donc.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Même avis.

L’amendement no 2 n’est pas adopté.

L’article 1er est adopté.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est d’abord à M. Christian Hutin.

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La proposition de loi organique donne au parrain la responsabilité directe de transmettre la présentation du candidat au Conseil constitutionnel ; mais le candidat lui-même, quand sera-t-il informé ? Il nous semblerait légitime que cela soit immédiat, surtout pour les petits candidats qui souhaitent connaître le nombre exact de parrainages dont ils bénéficient.

Il serait illogique que le système ne fonctionne pas dans les deux sens. Je trouve plutôt positif que le parrain soit identifié et qu’il envoie directement sa présentation au Conseil constitutionnel : cela évitera bien des problèmes ; mais si les candidats, en particulier les plus petits, ne sont pas informés des parrainages dont ils bénéficient, cela sera une nouvelle source d’inégalités.

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Les candidats qui peuvent compter sur 5 000 parrainages se moquent de savoir qu’ils en ont obtenu un de plus. En revanche, si un candidat n’en comptabilise que 480 ou 485, il serait légitime qu’il soit informé immédiatement de tout nouvel envoi, surtout dans les derniers jours. Cela n’est pas prévu par le texte de loi.

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Il est vrai que le système actuel n’est pas totalement satisfaisant, et l’on peut se féliciter de la modernisation proposée en commission des lois, qui prévoit l’envoi numérique, et pas seulement papier, des formulaires de parrainage.

Reste que la publication, deux fois par semaine, du nom et de la qualité des parrains par le Conseil constitutionnel pose le problème de la maîtrise de l’information. Je sais bien que dans un certain nombre de cas, il y a eu des pressions et de l’agitation médiatique, mais il me semble que l’on inverse là le processus, puisque c’est l’élu parrain qui va devenir le maître du jeu et que le candidat ne saura qu’au moment de la publication, avec un décalage de vingt-quatre à soixante-douze heures, ce qu’il en sera réellement. On peut même craindre, pourquoi pas, l’envoi de parrainages à l’insu du candidat, afin de susciter des candidatures particulières, cela pouvant être accompagné de toutes sortes de mises en scène.

Je crains donc qu’en définitive, on n’améliore pas véritablement la situation !

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Cette séance est surréaliste ! Sous prétexte de modernisation et autres grands mots, on assiste, à la veille des congés d’hiver, au verrouillage scandaleux, insolent, indécent, de l’élection présidentielle par le Gouvernement. Il s’agit pourtant du dernier espace de liberté démocratique.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. J’ai entendu à la tribune des propos incroyables. Tout va très mal – oh, il ne s’agit pas du chômage, de l’absence d’augmentation du SMIC ou du mode de scrutin pour les élections régionales, non, il s’agit de l’élection présidentielle ! C’est pourtant l’élection qui suscite le plus de participation, celle qui, avec les municipales, intéresse les Français ; mais il faut que vous vous penchiez dessus, pour exclure, empêcher le débat et verrouiller l’élection – de deux façons : d’abord en limitant le nombre de candidats, puis en muselant ceux qui auront pu passer la barre des 500 parrainages par la remise en cause de l’égalité du temps de parole.

Je sais, pour avoir déjà participé à cette élection, que ce n’est pas en deux semaines que l’on peut convaincre : c’est en cinq semaines – mais nous en reparlerons à l’article 4.

Revenons plutôt sur la question des parrainages. Vous n’imaginez pas le parcours du combattant que cela représente que d’arriver à convaincre des maires de vous accorder leur parrainage. Je vous en parle de connaissance de cause : je l’ai vécu. Si vous permettez aux maires de se contenter d’envoyer un formulaire au Conseil constitutionnel, vous mettrez les candidats dans une situation impossible.

Monsieur le ministre, je vous connais et je sais votre sincérité, quels que soient nos désaccords ; mais vous n’imaginez pas les conséquences d’une telle disposition, qui risque d’aboutir à une élection présidentielle à trois ou quatre candidats. Vous prétendez moderniser l’élection présidentielle, mais vous ne réussirez qu’à la bloquer. Il faudra à la dernière minute trouver des maires pour parrainer des candidats, car la conjonction de l’envoi direct du formulaire et de la publication des noms des parrains deux fois par semaine va susciter la mise en cause des maires qui souhaiteront parrainer tel ou tel candidat par les grands élus, le système des agglomérations et, plus largement, la manière dont fonctionne notre système local.

Résultat : vous allez casser bras et jambes à des candidats qui représentent certains courants d’opinion – et je ne parle pas de moi –, pour vous retrouver en définitive avec trois ou quatre candidats seulement. On sera dans une situation impensable pour une démocratie, et vous en subirez les conséquences, car vous allez instituer par force un tripartisme et faire d’un certain parti la seule alternative politique.

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Sur l’amendement no 14, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement.

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Avec cet amendement, nous proposons de maintenir la possibilité pour le candidat de remettre directement au Conseil constitutionnel les parrainages dont il dispose. En effet, nous jugeons absolument indispensable de lui permettre de les comptabiliser. La publication deux fois par semaine des noms des parrains par le Conseil constitutionnel ne constitue en aucun cas une réponse adaptée à cette question et risque, comme cela vient d’être souligné, d’être la porte ouverte aux pressions sur les parrains potentiels.

En raison de l’importance de cet amendement, nous avons fait une demande de scrutin public.

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Avis défavorable, bien évidemment. Je peux comprendre l’argumentation développée par Marc Dolez, mais celui-ci sait pertinemment que l’article reprend une recommandation faite par le Conseil constitutionnel en 2012, et dont je livre le contenu à l’Assemblée : « Le Conseil constitutionnel souhaite que le législateur organique […] spécifie que l’envoi postal du formulaire adressé au Conseil constitutionnel devra être assuré par l’élu qui présente un candidat et que ce formulaire devra parvenir au Conseil dans l’enveloppe postale prévue à cet effet. »

Je rappelle que le parrainage est un des rares moyens de s’assurer du caractère personnel et volontaire de la démarche.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Tout d’abord, je rappelle à M. Nicolas Dupont-Aignan qu’il n’y a, de ma part, aucune dérobade, puisque je considère que cette proposition de loi est bonne. Il s’agit d’un texte d’origine parlementaire, pas d’origine gouvernementale.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le Gouvernement soutient donc un texte dont il n’est pas l’auteur, pour des raisons que je veux rappeler.

Vous présentez comme une mauvaise manière politique, destinée à étouffer le débat démocratique, la transcription dans des textes de loi d’éléments préconisés par le Conseil constitutionnel lui-même.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le Conseil constitutionnel, en exprimant le souhait d’introduire dans la législation les mesures que Jean-Jacques Urvoas a reprises dans ses propositions de loi, n’avait pas les arrière-pensées que vous lui prêtez ! Vous en conviendrez avec moi : le Conseil ne raisonne pas à partir des considérations que vous prêtez aux auteurs d’une proposition de loi qui, je le répète, ne fait que reprendre ses préconisations.

Deuxièmement, selon vous, il ne faut pas que les dispositions de ces propositions de loi altèrent le caractère démocratique de l’élection présidentielle, ni que l’on empêche d’être candidats ceux pour qui il est difficile d’obtenir des parrainages. Je partage assez cet avis ; mais en quoi le fait que les parrains d’un candidat à l’élection présidentielle doivent envoyer directement le parrainage au Conseil constitutionnel altère-t-il la démocratie ? Vous dites qu’à cause de cette disposition, moins de parrains seraient disposés à soutenir des candidats : quelle est la logique de ce raisonnement ?

Vous avez eu la gentillesse, monsieur le député Dupont-Aignan, de ne pas mettre en doute ma sincérité ; vous avez eu raison de ne pas le faire, car il n’y a aucune part de calcul dans cette affaire. Prenons un exemple. Imaginons un élu de la Manche, ou de tout autre département, qui déciderait de parrainer Nicolas Dupont-Aignan à l’élection présidentielle. Je ne comprends pas en quoi le fait que cet élu doive transmettre son parrainage directement au Conseil constitutionnel serait, pour lui, une entrave. Je ne comprends pas pourquoi vous dites que cela altérerait le caractère démocratique du scrutin. Bref, je ne comprends votre raisonnement !

C’est pourquoi, moi aussi, je suis défavorable à cet amendement.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, la période pendant laquelle les candidats à l’élection présidentielle peuvent recueillir des parrainages est très courte. Dans le système actuel, après que les maires ont rempli le formulaire officiel, les candidats, pour les avoir eux-mêmes récoltés, peuvent savoir exactement le nombre de parrainages dont ils disposent. En disposant que ces formulaires doivent être envoyés par l’élu au Conseil constitutionnel, vous empêchez les candidats de connaître exactement le nombre de parrainages dont ils disposent, et vous leur compliquez énormément la tâche.

De surcroît, vous savez très bien qu’il s’écoulera un certain laps de temps entre le moment où un élu promettra son parrainage à un candidat, et le moment où il enverra le formulaire officiel. Au cours de ce laps de temps, l’incertitude sera beaucoup plus grande que dans le système actuel, où l’équipe du candidat récolte elle-même les candidatures. Prenons un exemple, pour ne pas parler de moi : avec le système que vous proposez, François Bayrou n’aurait pas été candidat en 2002.

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Avec le système que vous proposez, beaucoup de personnalités qui ont enrichi le débat politique, la vie politique française elle-même, n’auraient pas pu être candidats. Vous me répondrez que, puisque le Conseil constitutionnel devra publier au moins deux fois par semaine les parrainages, les candidats en connaîtront le nombre. Mais le fait même que les parrainages soient publiés dissuadera les maires d’en envoyer. J’ai rencontré des centaines de maires pendant la pré-campagne présidentielle de 2012 ; beaucoup d’entre eux m’ont dit : « Heureusement qu’on ne connaît les parrainages qu’après coup, car sinon, vous n’imaginez pas les pressions ! On nous menacerait de supprimer telle ou telle subvention, on ferait pression sur nous ! » Vous n’imaginez pas, monsieur le ministre de l’intérieur, les pressions qui sont exercées, dans notre pays, sur les élus, par les grands appareils partisans.

En vérité, avec le système que vous proposez, deux partis contrôleront l’ensemble des parrainages, et donc le nombre de candidats à la présidentielle. Quant au candidat du troisième parti, celui que vous voulez bloquer, il aura de toutes façons assez de parrainages, compte tenu des résultats des élections régionales. Dans le tripartisme que vous instituez, ce sont les deux plus grands partis – Parti socialiste et Les Républicains – qui choisiront les autres candidats aux élections présidentielles.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur Dupont-Aignan, je voudrais vous rassurer : le Conseil constitutionnel rendra publiques les informations relatives aux parrainages obtenus par les candidats. Puisque dans ces matières, le compte rendu des débats fait foi, je n’hésite pas à dire que je suis convaincu que le Conseil constitutionnel communiquera aux candidats les informations qu’ils sollicitent à propos de leurs parrainages, aussi souvent qu’ils le souhaitent. Votre première objection ne tient donc pas.

Vous avez développé un deuxième argument : il existerait un système de partis très structuré et tout à fait oppresseur, qui exercerait des pressions sur les élus pour les dissuader de parrainer tel ou tel candidat n’appartenant pas à ce système. Mais s’il était si solide que vous le dites, alors les partis en question auraient moins de difficultés à obtenir les suffrages qu’ils appellent de leurs voeux lors des élections ! Pour ma part, je constate un phénomène différent de celui que vous avez décrit : une division profonde de la vie politique française, un affaiblissement des structures politiques traditionnelles, et un éloignement des élus locaux par rapport à ces structures. Nous devrions d’ailleurs tous nous interroger sur les raisons de ce phénomène !

Quoi qu’il en soit, je constate que les élus locaux se sentent plus libres vis-à-vis des consignes qui leur sont données, a fortiori lorsqu’elles sont oppressives, comme celles que vous imaginez. Mon analyse de la situation diffère donc de la vôtre.

Monsieur Dupont-Aignan, vous êtes attaché à la tradition gaulliste, et donc à ce que les institutions fonctionnent bien. Vous ne pouvez donc pas préconiser le retour aux principes de la IVe République, selon lesquels il faudrait autant de partis qu’il y a de sensibilités, car cela ne serait pas très bon pour la stabilité des institutions.

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Je répondrai à votre deuxième intervention, monsieur le ministre. Vous avez rappelé que vous êtes attaché à l’esprit de la Ve République ; par parenthèse, ce n’est pas mon cas. Dans cet esprit, l’élection présidentielle est conçue comme la rencontre d’un homme, ou d’une femme, avec le peuple français. Pour cela, il ne doit pas y avoir de filtre, et il ne faut pas tenir compte des partis politiques, ni des sondages, etc. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces différents éléments dans la suite de notre discussion.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, en vérité, le principal argument que vous nous opposez, c’est que ces dispositions correspondent à des recommandations du Conseil constitutionnel. Quel argument ! Nous ne sommes pas obligés de traduire dans la loi les recommandations du Conseil constitutionnel !

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Nous avons toute la liberté d’appréciation nécessaire !

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Si vous considérez que dans ce Parlement, il faut automatiquement traduire les recommandations du Conseil constitutionnel ainsi que les directives européennes, alors je ne sais pas ce qu’il nous reste comme liberté !

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Nous avons présenté un amendement de repli, qui est très similaire à celui qui a été présenté. Je ne comprends pas ce qu’il y a de gênant à ce que les candidats recueillent eux-mêmes les parrainages et les remettent au Conseil constitutionnel. Je ne vois pas en quoi cela pose problème, mais je sais que cela permet à certains « petits » candidats, entre guillemets, de se présenter à l’élection présidentielle.

Cette élection est un moment très important pour notre pays. Nous sentons, après les dernières élections régionales, que nos compatriotes sont très déboussolés ; je ne pense pas qu’en réduisant le nombre de candidats à l’élection présidentielle, on arrange les choses. Monsieur le ministre, je ne mets pas en doute votre sincérité, je ne vous prête pas d’arrière-pensées. Mais en fin de compte, c’est bien ce qui arrivera.

Je partage l’avis de notre collègue Marc Dolez. Si nous devons uniquement être au service du Conseil constitutionnel, alors nous n’avons plus qu’à rentrer chez nous.

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Très bien ! On leur enverra des cartes postales !

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Attendons les recommandations du Conseil constitutionnel, après quoi il n’y aura pas besoin de plus de quatre députés en séance pour les approuver ! Les recommandations du Conseil constitutionnel ne peuvent constituer un argument. Il y a beaucoup d’arguments possibles, mais celui-ci n’est pas recevable.

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Mais nous ne nous mettons pas au service du Conseil constitutionnel !

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Écoutez : le Conseil constitutionnel a fait des recommandations, nous les transcrivons dans la loi ; si vous n’appelez pas ça se mettre à son service…

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Attendez, monsieur le président, je n’ai pas tout à fait terminé. Je voudrais profiter de cette prise de parole pour défendre mon amendement, ce qui nous fera gagner du temps.

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Je regrette, mon cher collègue, nous débattons de l’amendement no 14, et vous avez épuisé votre temps de parole !

Je donne la parole, très brièvement, à M. Nicolas Dupont-Aignan.

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Nous connaissons bien votre tolérance, monsieur le rapporteur !

Si vous me permettez, monsieur le ministre de l’intérieur, je vous ferai remarquer que vous confondez les partis politiques et les candidats à l’élection présidentielle ; or, comme l’a rappelé M. Dolez, ce n’est pas du tout la même chose.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 34 Nombre de suffrages exprimés: 27 Majorité absolue: 14 Pour l’adoption: 5 contre: 22 (L’amendement no 14 n’est pas adopté.)

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La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 19.

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Cet amendement a un objet similaire à l’amendement précédent. Nous proposons de rétablir la possibilité d’un dépôt direct devant le Conseil constitutionnel. Je suis désolée, mais le simple confort du Conseil constitutionnel, qui ne veut pas d’équipe de campagne à ses portes, ne justifie pas une limitation du nombre de présentations.

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Une fois de plus, dans cette affaire, ce sont les petits candidats qui sont visés.

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Une fois de plus, ce sont les trois grands partis que l’on veut privilégier, point à la ligne ! Cet article prévoit ainsi que dorénavant, hors outre-mer, les présentations devront être adressées au Conseil constitutionnel, et non aux préfectures, par l’auteur de la présentation lui-même, et non par une équipe de campagne, par voie électronique ou postale, au moyen de l’enveloppe envoyée à cet effet aux élus, et non sous la forme d’une télécopie, d’un courriel ou d’une remise directe auprès du Conseil constitutionnel.

Cette réforme va donc durcir les conditions de présentation des parrainages et réduire leur nombre. Or depuis 2002, le nombre de candidats ne cesse de diminuer : seize candidats au premier tour en 2002, douze en 2007, et dix en 2012. Cela témoigne d’une réticence accrue des élus à parrainer un candidat. Nous avons l’impression que l’on cherche à promouvoir un système à l’américaine amélioré, avec une troisième candidature issue d’un parti qui n’est, par ailleurs, pas forcément le plus fréquentable.

Il nous semble donc plus démocratique de rétablir la possibilité d’un dépôt direct auprès du Conseil constitutionnel. Nous comprenons notre Constitution dans un sens un peu moins présidentiel que vous !

L’amendement no 19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement no 40.

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Je serai bref, car je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés. Cette proposition de loi dispose que les auteurs des parrainages doivent les adresser au Conseil constitutionnel ; cet amendement vise à préciser que le candidat conserve la possibilité de les adresser lui-même. Je rappelle qu’il s’agit de permettre aux petits candidats d’obtenir les parrainages nécessaires, dans des conditions normales.

L’amendement no 40, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 59.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Cet amendement vise à renvoyer au pouvoir réglementaire la définition de la date et des conditions dans lesquelles il sera possible de présenter des parrainages à l’élection présidentielle par voie électronique. En effet, le parrainage par voie électronique d’un candidat nécessite que l’élu habilité se connecte sur un site internet dédié, sur lequel il s’identifierait selon une procédure sécurisée en renseignant plusieurs informations nominatives et relatives à son mandat, ainsi que le numéro de son formulaire. Cela suppose d’ailleurs un fichier parfaitement à jour des élus habilités à présenter un candidat à la présidence de la République.

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J’ai une question à poser à M. le ministre. Le délai prévu par l’amendement est très long ; je m’interroge donc sur la nécessité de cette mesure sur la dématérialisation des parrainages. Il semble que nous n’y soyons pas prêts, puisque l’entrée en vigueur est renvoyée à 2020. Mais en légiférant pour un avenir aussi lointain, nous frôlons la figure de style !

Tout une série de travaux ont été réalisés dans ce domaine. Notre collègue Élisabeth Pochon, ici présente, a rendu un rapport d’information avec M. Warsmann sur les modalités d’inscription sur les listes électorales ; j’espère qu’il se traduira par une proposition de loi.

Le Gouvernement nous dit qu’il ne peut, à l’heure actuelle, procéder à la dématérialisation de la procédure de parrainage. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait aller plus avant, dans le cadre de cette proposition de loi, sur cette importante question. De plus, concernant la dématérialisation, nous devons faire des propositions cohérentes, ce qui ne semble pas être le cas : on a l’impression que vous tâtonnez !

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Dans la perspective des modifications des règles électorales, monsieur Coronado, notre mission d’information avait pu constater que 90 % des échanges entre les mairies et l’INSEE s’effectuent par des voies non dématérialisées, et il faut entre deux ans et demi et trois ans pour y remédier.

Au vu des différents éléments et de la couverture numérique, il me paraît donc raisonnable de prévoir un délai judicieux pour atteindre l’objectif d’une dématérialisation totale.

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Je veux essayer de comprendre. Ce matin, Mme la secrétaire d’État chargée du numérique nous vantait l’intérêt de la rapidité pour le vote d’un texte qui doit donner naissance à la République numérique.

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Avec le présent amendement, il est question de décaler de cinq ans l’application d’un texte. Je veux bien entendre les arguments techniques, mais l’on pourrait tout à fait envisager une mise en oeuvre au 1er janvier 2018. Le texte s’appliquerait ainsi, non à la prochaine présidentielle de 2017, mais à toute échéance avant 2022 – une vacance du pouvoir ou une démission sont toujours possibles. Mieux vaut donc prévoir une application aussi rapide que possible : la date du 1er janvier 2018 me semble préférable, et en tout cas plus conforme aux arguments développés ce matin au sujet de la République numérique. J’ai du mal à comprendre l’écart entre les discours du matin et ceux de l’après-midi…

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Pour mettre en place une plate-forme numérique qui s’adressera à 36 000 personnes, il faut donc cinq ans ? C’est inquiétant…

L’amendement no 59 est adopté.

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La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement no 47.

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Je serai bref, m’étant déjà exprimé sur le sujet. Après que les parrains ont envoyé leur acte de présentation au Conseil constitutionnel, les candidats ne le reçoivent pas immédiatement, et n’en sont pas même informés, si bien qu’ils disposent de très peu de temps, M. Dupont-Aignan l’a dit, pour légitimer leur candidature. Pour avoir participé à la campagne de Jean-Pierre Chevènement, je sais à quel point est essentielle, pour le candidat, la notification des réceptions de présentation. Tel n’est pas le cas : la logique du système ne s’applique que dans un seul sens.

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Je suis, comme la commission, tout à fait favorable à une information sur les parrainages tout au long de la période de recueil des 500 signatures, mais je ne vois pas pourquoi l’information devrait être réservée au seul candidat. Mieux vaut informer l’ensemble des électeurs, dans un souci de clarté et de transparence. C’est précisément ce que prévoit l’article 3, auquel les auteurs de cet amendement sont pourtant opposés. Avis défavorable.

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Même avis.

L’amendement no 47 n’est pas adopté.

L’article 2, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Christian Hutin, premier inscrit sur l’article.

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Nous abordons une question importante, qui touche à l’élection présidentielle sous la Ve République. L’article 3, en réalité, substitue au système à deux tours un système à trois tours. Le premier tour opérera une sélection des candidats en fonction de leur poids : certains d’entre eux seront importants, d’autres moins, voire beaucoup moins. C’est le nombre de parrainages qui, dans ce premier tour, déterminera la discrimination entre les candidats et l’élimination de certains d’entre eux. Le deuxième tour, lui, se fera entre soi, et le troisième tour, entre deux. C’est pourquoi je défendrai un amendement tendant à la suppression de cet article.

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Je ne serai pas long non plus, puisque l’on en revient toujours à la même discussion surréaliste. Pourquoi la majorité entend-elle supprimer un système simple, qui fonctionne, si ce n’est parce qu’elle a une arrière-pensée ?

Pourquoi les candidats ne pourraient-ils simplifier la vie des maires en recueillant le parrainage de leurs mains pour le remettre ensuite au Conseil constitutionnel ? Cela fonctionne ainsi depuis toutes les élections présidentielles, et je n’ai pas le souvenir que le Conseil constitutionnel ait vécu un enfer pour autant, loin de là.

D’où vient donc, si ce n’est du désir de rester entre vous, cette nouvelle disposition qui restreindra considérablement le nombre de candidats au premier tour de l’élection présidentielle ?

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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 41 et 45, tendant à la suppression de l’article.

Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 41.

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L’amendement concerne le problème que je viens d’évoquer : je serai donc bref. J’aimerais savoir ce que cache cet article qui est un véritable scandale. Puisque nous ne pouvons le combattre dans cette enceinte, il faudra le faire à l’extérieur. Il montrera en tout cas aux Français que vous avez une drôle de conception de la démocratie, et que vous entendez verrouiller plus encore les scrutins, alors même que le peuple français proteste à chacun d’entre eux. Ce que vous êtes en train de faire est donc très grave.

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La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement no 45.

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Je n’allongerai pas le débat non plus. Le principe du respect des petits partis, le principe de Madison selon lequel la faction majoritaire ne doit pas décider pour les autres, impose la suppression de cet article. Dans le premier tour dont je parlais, une décision issue d’une forme de tripartisme permettra d’éliminer des candidats dans l’idée ou le sentiment même des électeurs, dès avant la tenue de l’élection. C’est là un problème grave, que nous devons mettre sur la table.

L’assèchement de l’offre politique est l’une des raisons du vote de dimanche dernier. Gauche et droite peuvent bien entendu se retrouver sur des idées communes, sur l’Europe par exemple, mais le système envisagé est tout à fait inadmissible. Je le répète, le premier tour signifiera l’élimination par la discrimination, le deuxième, l’entre soi, et le troisième, l’entre deux.

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Défavorable.

Je veux rappeler ce qu’est l’article 3, car les propos précédents n’ont absolument rien à voir avec lui. Cet article a pour objet de rendre public le nom des parrains, rien de plus.

« Eh oui ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Exactement ! Si ce n’est pas de la démocratie, cela !

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On n’est pas obligé de suivre l’avis du Conseil constitutionnel, a observé Marc Dolez : nous sommes d’accord, bien entendu ; mais l’on n’est pas non plus obligé de l’ignorer. Convenons donc que nos positions sont aussi respectables l’une que l’autre.

Aujourd’hui, toute candidature est conditionnée à l’obtention de 500 signatures. Ainsi, les parrains ignorent si leur nom sera rendu public, comme il doit l’être s’ils ne sont que 500. S’ils sont 1 000, chacun a une chance sur deux que son nom reste ignoré. En 2007, Jean-Claude Colliard avait calculé qu’un parrain de José Bové avait 99 % de chances – ou de risques, comme il l’écrivait en l’occurrence – de voir son nom publié, contre 14 % pour un parrain de Ségolène Royal et 14,4 % pour un parrain de Nicolas Sarkozy.

Bref, l’article 3 tend à instaurer un principe d’égalité. Un parrainage n’est pas un suffrage, chacun le sait : seul le vote est secret. Le parrainage, lui, est un acte de responsabilité politique. Aussi la commission des lois a-t-elle jugé normal de rendre publique la totalité de la liste des parrains.

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Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen

Et elle a bien fait !

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je rejoins tout à fait la position exprimée par le président Urvoas. Rendre publics les noms des parrains des candidats à l’élection présidentielle est un acte démocratique, car tout parrainage peut se faire dans la transparence et être politiquement assumé sans que cela nuise en quoi que ce soit à l’exercice démocratique du suffrage. Avis défavorable, donc.

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Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 45.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 26 Nombre de suffrages exprimés: 25 Majorité absolue: 13 Pour l’adoption: 5 contre: 20 (Les amendements identiques nos 41 et 45 ne sont pas adoptés.)

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La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement no 46.

L’amendement no 46, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement no 26.

L’amendement no 26, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 5.

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Cet amendement n’est pas de même nature que les précédents. On peut être un parlementaire issu d’une formation minoritaire et considérer, au rebours des auteurs des amendements précédent, que la transparence justifie la publicité intégrale des parrainages, lesquels constituent des engagements forts, de la part des élus, pour permettre à des candidats à la présidence de la République de concourir au suffrage universel. Je n’avais donc pas d’objection sur cet article, que j’ai voté en commission.

En revanche, les craintes qui se sont exprimées sur les pressions que peuvent subir les élus sont légitimes ; d’où le présent amendement qui prévoit que, « une fois publiée, une présentation ne peut être retirée ».

Autrement dit, une fois le parrainage validé par le Conseil constitutionnel et publié, on ne pourrait plus le retirer : cela éviterait à des pressions malvenues de prospérer.

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Tout à fait favorable. Aux termes d’un décret du 8 mars 2001, « en aucun cas, les présentations ne peuvent faire l’objet d’un retrait après leur envoi ou leur dépôt ». L’amendement élève donc la disposition au niveau organique.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Même avis.

L’amendement no 5 est adopté.

L’article 3, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, inscrit sur l’article.

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Je suis navré pour le président de la commission des lois, qui aura à m’entendre deux minutes supplémentaires…

Une fois que les candidats auront franchi une barre que vous hissez aussi haut que possible pour vous retrouver entre vous,…

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La barre, ce sont les 500 parrainages : où est le problème ?

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…il faut évidemment les faire taire ; d’où l’idée de réduire à deux semaines la période au cours de laquelle est imposée l’égalité des temps de parole.

Je veux insister sur deux points. En premier lieu, il existe un vrai problème, M. le rapporteur pour avis l’a dit, s’agissant de l’égalité des temps de parole, dont ne veulent pas les principaux médias car elle les gêne. C’est curieux car, dans tous les pays dont la démocratie fonctionne – États-Unis et Angleterre, entre autres –, cette égalité est profondément acceptée par les candidats. Des débats sont même organisés entre huit ou dix candidats, dont certains inconnus du grand public et d’autres très connus. M. Cameron, par exemple, a débattu, lors des élections en Grande-Bretagne, avec le représentant d’un parti du Pays de Galles qui avait obtenu 0,1 % des voix, sans que cela ne choque personne.

Pourquoi la démocratie médiatique, si je puis dire, fonctionne-t-elle dans certains pays et pas dans le nôtre ? Pourquoi l’Assemblée nationale devrait-elle céder à la pression de certains éditorialistes qui veulent fermer le jeu politique ? Pourquoi la loi ne pourrait-elle, comme c’est le cas dans beaucoup de pays – la Grèce et le Brésil, entre autres –, imposer une période pour la tenue de débats publics, pendant les cinq semaines qui précèdent l’élection présidentielle ? J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens : elle prévoyait la fixation de quotas de diffusion de débats publics à certaines heures, et offrait ainsi à nos concitoyens des plages horaires pour ces débats.

Deuxième point : vous vous gargarisez de la règle de l’équité, mais la substitution de l’équité à l’égalité montre à quel point la République est malade – au reste, le domaine politique n’est pas le seul concerné par cette substitution : la preuve, l’électorat populaire fuit votre parti. On parle d’équité, disais-je, pour ne plus parler d’égalité ; et l’équité se fonde sur des sondages souvent manipulés, ou en tout cas très erronés, et sur le score des élections précédentes : cela revient à fossiliser la vie politique, à retarder l’émergence de nouveaux courants politiques, donc, in fine, à renforcer l’abstention, devenue le premier parti de France. Ce faisant l’élection présidentielle, qui a jusqu’à présent échappé à cette fatalité, sera logée à la même enseigne que les autres élections : en restreignant le champ politique, en supprimant le temps de parole qui devrait être dévolu à de nouveaux courants, vous favoriserez le dégoût de la politique…

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…et ferez d’un certain parti, à votre grand regret, la seule alternative à votre politique.

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La décision du Gouvernement d’engager la procédure accélérée sur ces propositions de loi n’est pas très heureuse.

Philippe Gosselin a tout à l’heure, avec raison, relevé toutes les élections dont la majorité actuelle a déjà changé les règles, sans d’ailleurs obtenir plus de succès.

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C’est normal : ce n’était pas l’objectif !

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Procéder à la sauvette à une telle modernisation n’est pas acceptable s’agissant d’une élection aussi importante que l’élection présidentielle.

L’article 4, qui concerne la période dite intermédiaire, suscite de nombreuses inquiétudes. Il est indéniable qu’en 2012, le respect d’une stricte égalité des temps de parole pendant cette période a eu pour effet de réduire l’exposition médiatique des candidats. Mais, et ce n’est pas faire offense au CSA que de l’affirmer, la notion d’équité sera au moins aussi compliquée à appréhender. Préciser, à l’alinéa 7, que le principe d’équité sera « assuré dans des conditions de programmation comparables » n’enlèvera rien à la difficulté de l’exercice. La notion d’égalité était, elle, incontestable.

On peut s’interroger : cette proposition de loi ne va-t-elle pas favoriser les grands partis et peut-être même le Président de la République sortant, si il devait être candidat ? Au cours de la période intermédiaire, le contrôle exercé actuellement par le CSA s’effectue en effet a posteriori. En commission des affaires culturelles et de l’éducation, j’avais déposé un amendement visant à instaurer une logique d’orientation a priori, de façon à donner aux médias audiovisuels des indications sur le temps de parole à accorder à chaque candidat. Il n’a malheureusement pas été adopté.

Certes, les recommandations formulées par le Conseil constitutionnel pourraient nous rassembler, mais le dispositif est contraignant, difficilement applicable et donc peu satisfaisant. Je voterai donc contre cet article.

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Je suis saisi de trois amendements identiques de suppression de l’article 4, nos 1, 23 et 42.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 1.

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Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il s’agit du point d’achoppement le plus important de cette proposition de loi. Il contredit en effet les déclarations du président de la commission des lois lorsqu’il dit rechercher un large consensus sur la modernisation des règles relatives à l’élection présidentielle.

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Faut-il le rappeler, nous débattons de ces textes très peu de temps avant la prochaine échéance : si la navette va à son terme, nous serons en mesure d’adopter ces propositions de loi au mois de février, c’est-à-dire à quelques mois de l’ouverture de l’élection présidentielle. Je trouve ce calendrier hasardeux.

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Les différents orateurs qui s’expriment dans cet hémicycle formulent des critiques dont il faut, à mon sens, tenir compte.

Ainsi le principe d’égalité du citoyen devant l’élection devrait nous conduire à respecter, pendant cette période relativement courte, l’égalité des candidats quant à l’exposition médiatique, qui garantit le pluralisme.

J’entends ici ou là, et cela a notamment été le cas lors du débat en commission, qu’il serait nécessaire d’éviter les candidatures et donc les prises de parole farfelues. Mais qui décide qu’une candidature est farfelue ? Lorsque, adolescent, je commençais à m’intéresser à la politique, je me souviens que l’on qualifiait ainsi celle des écologistes – parti auquel j’appartiens désormais – : Antoine Waechter, qui faisait campagne en 1988, était présenté par la plupart des médias comme une sorte de zozo, comme un clown destiné à amuser la galerie et évidemment pas à diriger un jour les affaires de notre pays.

Je crois en réalité qu’une telle attitude ne facilite qu’une chose : la normalisation de l’imaginaire de nos médias qui s’accommoderaient volontiers de n’inviter que les ministres en place – ou les candidats appelés, en cas d’alternance, à les remplacer – et de ne jamais s’intéresser, contrairement aux électeurs, aux forces politiques émergentes, au pluralisme, à l’offre et à la diversité politiques.

Je crois, en réalité, que vous ne rendez pas vraiment service à la démocratie en substituant le principe d’équité au principe d’égalité. D’une certaine façon, et cela a été dit, les recommandations du CSA et des grandes chaînes de télévision ne sont que de convenance.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement de suppression no 23.

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L’article précédent, auquel nous nous sommes opposés, durcissait la procédure de présentation des candidats. Et ici, on nous explique que, bien qu’ils aient tous recueillis 500 signatures, il y aura désormais deux sortes de candidats . Cela est tout de même très curieux.

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En substituant le principe d’équité au principe d’égalité, on laisse aux chaînes de télévision le soin d’estimer qu’un candidat est plus médiatique qu’un autre.

Nous vivons un moment démocratique où nos concitoyens aspirent incontestablement à un certain renouvellement, à des idées nouvelles. Ils ne voteront peut-être pas pour les gens qui les défendent, mais ils sont très contents de les entendre.

Ce sujet est tout de même très délicat. Un candidat ayant obtenu 500 signatures, quand bien même il ne représente pas un grand parti, mérite de disposer du même temps de parole que tous les autres, d’autant que sa présence représente une ouverture, qu’elle peut être l’occasion de prendre connaissance de nouvelles idées. Notre démocratie ne peut qu’en ressortir vivifiée.

Le groupe de l’UDI juge cet article très dangereux et en demande donc la suppression.

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La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement de suppression no 42.

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Nous en avons déjà abondamment parlé : 5 semaines sur 260 ! Et cela vous est insupportable ! Mais vous rendez-vous compte de ce que pensent nos concitoyens ? Et vous osez tenter ce coup de force quelques jours après des élections régionales qui ont montré une colère sans précédent du peuple français et ont abouti à des arrangements particulièrement dangereux pour l’avenir !

Il faut être complètement sourd et aveugle pour oser, dans notre pays, supprimer de cette façon le temps de parole de personnalités qui auront obtenu la confiance de 500 maires pour se présenter à l’élection présidentielle. Il faut ne pas avoir conscience de la colère du peuple français. Je suis stupéfait de l’arrogance, de l’insolence et de l’inconscience dont fait preuve le groupe majoritaire. Il ferait mieux d’entendre l’ensemble des représentants des groupes présents qui le mettent en garde contre cette volonté de tuer le débat et d’affaiblir notre démocratie.

En affaiblissant l’élection présidentielle, vous êtes en train d’abîmer l’une des dernières soupapes qui permet à la démocratie française de vivre et d’éviter que le peuple ne finisse dans la rue. Je vous mets en garde : c’est une pure folie !

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Quel est l’avis de la commission sur trois amendements identiques de suppression de l’article 4, nos 1, 23 et 42 ?

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Je voudrais ramener ce débat à la réalité et rappeler un certain nombre de principes. Tout d’abord, l’un des principes de notre démocratie, le pluralisme, est garanti par le Conseil constitutionnel, qui a rendu de multiples décisions en ce sens : personne n’a donc d’inquiétude à avoir à ce sujet.

Pourquoi discutons-nous de cette période intermédiaire ? Parce qu’elle est récente : jusqu’en 2007, elle n’existait pas. En 2006, en effet, le législateur a décidé d’avancer la période pendant laquelle il était possible de donner son parrainage : sa durée est ainsi passée d’une quinzaine de jours à trente-sept jours.

On a donc ouvert une période – dont la durée n’a d’ailleurs pas cessé de s’allonger depuis 2007 – au cours de laquelle les médias se voient contraints d’appliquer une règle impossible à respecter, mêlant égalité et équité.

Or on ne peut que faire le constat d’une hypocrisie la plus absolue : les candidats ayant une visibilité assurée sont reçus à des heures de grande écoute, et, pour respecter l’égalité de temps de parole de façon fictive, on fait parler à trois heures du matin les candidats réputés moins importants pour le débat public.

La situation a empiré en 2012 : les journaux, radios et télévisions ont réduit le temps consacré au débat politique. Si nous ne faisons rien, il diminuera encore au cours des prochaines élections.

Je vous renvoie à la page 15 du rapport que j’ai déposé : les chaînes généralistes, par exemple – TF1, France 2, France 3, Canal plus et M6 –, ont, pendant la période intermédiaire, consacré, en 2007, 25 heures aux candidats à l’élection présidentielle, et seulement 12 heures en 2012, soit 50 % de moins. Les chaînes d’information continue leur ont, quant à elles, consacré 152 heures en 2007, contre 143 en 2012, soit une baisse de 6 %. Les radios généralistes – Europe 1, RTL, RMC, France Info et France Inter – ont, dans le même temps, pratiqué dans leurs grilles de programmes une diminution similaire.

Au total, la baisse est, en cinq ans, massive. Les chaînes et leurs médiateurs ont d’ailleurs signé une déclaration commune affirmant que les règles qu’elles devaient respecter étaient tout simplement impossibles à appliquer, et qu’il valait donc mieux s’en remettre, sous le contrôle du CSA, au principe d’équité pour la répartition des temps de parole.

On peut certes juger discutables les règles définies par le Conseil ; Patrick Bloche en a dit deux mots tout à l’heure. Je rappelle néanmoins que ses décisions ont été contestées devant le Conseil d’État, qui a, à deux reprise – par un arrêt du 7 mars 2007, à la demande de Mme Lepage, et par un autre du 15 mars 2012, à la demande de M. Bourson –, estimé qu’elles étaient fondées.

En conséquence, la commission maintient sa rédaction et donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.

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Pour compléter les propos que vient de tenir le rapporteur au fond de la commission des lois, je souhaite évoquer le débat que nous avons eu en commission des affaires culturelles et de l’éducation sur ces amendements de suppression, car il était d’une autre nature que celui que nous avons dans l’hémicycle.

En effet, aucun des membres de la commission n’a contesté l’application du principe d’équité au cours de la période intermédiaire. S’il y a eu discussion – Frédéric Reiss peux en témoigner car il y a pris part –, elle a plutôt porté sur la précision de ce que nous avons appelé les conditions de programmation comparables. Nous y reviendrons.

En l’occurrence, c’est la vitalité du débat démocratique dans les médias qui est en jeu. Nous devrions être collectivement interpellés par ce que M. le rapporteur vient de rappeler à l’instant : en cinq ans, entre 2007 et 2012, du fait de l’allongement de la période intermédiaire, ainsi que du nombre de candidats – au moins égal, sinon supérieur à dix –, le temps consacré par les médias durant cette période aux débats relatifs à l’élection présidentielle a été divisé par deux. Par deux !

Il s’agit de redonner de la vitalité à notre démocratie. Nous n’agissons pas uniquement en raison des recommandations du CSA, du Conseil constitutionnel et de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale : nous en sommes en rien missionnés par ces institutions, pas plus que par les chaînes de télévision. Nous essayons simplement d’écrire la loi pour que le dispositif fonctionne.

À l’arrivée, tous les candidats bénéficieront de l’application du principe d’équité pendant la période intermédiaire, d’autant qu’elle se fera dans des conditions de programmation comparables. Ce système leur sera évidemment d’autant plus profitable que le temps consacré à l’élection présidentielle aura retrouvé un niveau souhaitable.

Enfin, il a été beaucoup question des critères, et pas seulement de ceux figurant à l’article 4. Le CSA a déjà établi – il l’a fait pour la dernière fois avant la dernière élection présidentielle, dans une recommandation de novembre 2011 – un certain nombre de critères destinés à appliquer le principe d’équité : l’organisation de réunions publiques, la participation à des débats, l’utilisation de tous moyens de communication permettant de porter à la connaissance du public les éléments d’un programme politique et, évidemment, les résultats obtenus par le candidat concerné ou les formations politiques qui le soutiennent aux plus récentes élections ainsi que les indications fournies par les enquêtes d’opinion.

Avons-le : une telle multiplicité de critères n’aura pas pour effet de pénaliser les petits candidats mais, au contraire, peut-être, elle permettra de leur donner une plus grande exposition au cours de la période intermédiaire.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Même avis.

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Le président de la commission des lois a posé un vrai problème : la réduction, compte tenu des règles en vigueur, du nombre d’heures consacrées aux débats politiques pendant la période intermédiaire précédant l’élection présidentielle. Mais revient-il à la représentation nationale de suivre la volonté des médias de restreindre l’offre politique ? Ne doit-elle pas plutôt adopter les dispositions à même de favoriser une démocratie réelle et apaisée et de permettre qu’un véritable débat ait lieu à l’occasion de cette élection centrale ? Telle est la question.

Vous ne pourrez pas nous convaincre que l’équité et l’égalité se valent. Ce n’est pas le cas, puisque le principe d’équité s’applique dans les autres élections, avec le résultat que l’on sait.

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On ne va tout de même pas revenir à l’ORTF !

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Je vais vous en donner un exemple : dans une région, un candidat de mon parti a été crédité de 0 % d’intentions de vote par un sondage d’opinion réalisé auprès de 400 personnes et dont les résultats ont fait la une d’un journal local. Or le sondeur reconnaît lui-même que, compte tenu de l’échantillon choisi, la marge d’erreur est de 10 %. Mon candidat a pourtant, sur cette base, été interdit de débat sur France 3.

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Or il a finalement obtenu près de 6 % des voix. Est-ce là les effets de l’équité et ce que vous souhaitez pour notre démocratie ? Et après, vous étonnerez que les Français ne croient plus ni au système médiatique ni au système politique, le premier étant au moins aussi déconsidéré que le second.

Quand un peuple n’a plus confiance ni dans le système médiatique ni dans le système politique, c’est dangereux. Je vous recommande donc de prendre garde à cette mesure, qui ne fait que répondre à la volonté d’une majorité de médias de restreindre le jeu politique, au risque, encore une fois, de déstabiliser toute notre société politique.

Les amendements identiques nos 1, 23 et 42 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de quatre amendements, nos 16, 48, 15 et 29, pouvant être soumis à une discussion commune.

Sur l’amendement no 16, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir cet amendement.

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Le problème vient surtout de l’existence désormais d’une période dite intermédiaire.

En 2012, il y avait vingt jours, je crois, entre la publication de la liste des candidats et le début de la campagne officielle, qui ne dure que deux semaines avant le scrutin. Or qui peut imaginer que, pour l’ensemble de nos concitoyens, la campagne officielle ne commence pas avec la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel ? Personne ! Par conséquent, il me semble tout à fait logique d’étendre à ce qu’on appelle la période « intermédiaire » – je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure formule – les règles de la campagne officielle.

Chacun sait bien – il suffit d’analyser les différentes élections présidentielles depuis 1965 – que la période allant de la cinquième à la deuxième semaine avant le scrutin est décisive pour les citoyens, qui se forgent alors une opinion sur l’offre politique qui leur est présentée. C’est à ce moment-là que se fait la cristallisation des votes.

Nous sommes donc tout à fait opposés à la solution qui nous est proposée et nous souhaitons que, dès la publication de la liste des candidatures, il y ait une égalité des temps de parole.

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La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement no 48.

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Je présenterai en même temps les amendements nos 48 et 49.

Une fois passé ce que j’ai appelé le « premier tour » de l’élection présidentielle, voilà qu’intervient un élément jusque là ignoré dans l’esprit de la République, l’équité.

L’équité, cela n’a jamais fait partie philosophiquement de la République.

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L’équité, ce n’est pas la République. Historiquement, l’équité a même une valeur particulière.

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Elle signifie : « Chacun son dû. » Cela n’a rien à voir avec la République et c’est gravissime. Sur un scrutin présidentiel, parler d’équité, c’est dramatique – et, pour ceux qui connaissent l’histoire, ce n’est pas rien.

La devise de la République française, c’est « liberté, égalité, fraternité ». Le principe d’équité, c’est à chacun son dû, mais qui va décider qui a droit à quoi ? L’équité, c’est délier le juge de l’obligation de statuer en droit, on lui demande de juger en conscience, mais qui va juger en conscience en politique ?

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Sur le plan philosophique, c’est absolument dramatique.

L’amendement no 49 tire les conséquences de ce que je viens de dire. L’amendement no 48 va plus loin puisque, à rebours de ce que proposent les auteurs de la proposition de loi, je propose d’étendre l’application du principe d’égalité de temps de parole à la période dite intermédiaire.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 15.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement no 29.

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Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

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Sans surprise, la commission est défavorable à ces amendements.

J’ai un point d’accord avec Marc Dolez. Je pense que la justification des trois périodes est assez incertaine et qu’il faudrait fixer une règle. Je préfère moi m’en tenir au fait qu’il y a la campagne officielle, pendant laquelle il y aura une égalité absolue, et la période intermédiaire et la période qui la précède, pendant lesquelles ce sera l’équité. J’ai donc un point d’accord sur le principe, un désaccord sur l’interprétation.

Je rappelle tout de même, parce qu’il ne faudrait pas magnifier la situation actuelle, qu’en 2012, la commission nationale de contrôle de la campagne – structure qui n’existe que pour l’élection présidentielle et qui est présidée par le Premier président de la Cour de cassation, le vice-président du Conseil d’État et le Premier président de la Cour des comptes, qui analysent à chaque élection l’application de nos règles – a estimé que l’égalité des temps de parole, obligation que nous proposons de faire évoluer, était plus théorique qu’effective.

Nous supprimons donc l’hypocrisie et nous en venons à la réalité, celle de l’équité du temps de parole.

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Puisque l’on n’y arrive pas, on change la loi !

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Défavorable.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 30 Nombre de suffrages exprimés: 30 Majorité absolue: 16 Pour l’adoption: 11 contre: 19 (L’amendement no 16 n’est pas adopté.)

Les amendements nos 48, 15 et 29, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Vous avez déjà défendu l’amendement no 49, monsieur Hutin.

L’amendement no 49, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

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La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement no 28.

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Je vais présenter en même temps les amendements nos 28, 27 et 24, qui visent à modifier les différents critères dont le CSA doit tenir compte pour contrôler le respect du principe d’équité.

L’amendement no 28 tend ainsi à supprimer de ces critères les résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats. Il y a en effet un vrai risque de renforcer les grands partis politiques, ce que nous dénonçons. Les différents partis risquent aussi de présenter des candidats aux différentes élections pour obtenir des résultats et, ensuite, du temps de parole. Ce critère nous paraît donc inutile, voire dangereux.

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Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

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La philosophie est la même, le groupe UDI propose de supprimer deux des trois critères sur lesquels doit s’appuyer le CSA. Si nous le suivions, nous risquerions de nous exposer au grief d’incompétence négative. Il y a un moment où le législateur doit fixer des règles. L’autre solution serait de donner au CSA la totalité du pouvoir ; ce ne serait pas choquant pour une autorité administrative, mais telle n’est pas la philosophie qui préside à la loi de 1986.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

Les amendements nos 28, 27 et 24, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement no 11.

L’amendement no 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L’article 4, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 10.

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Nous venons d’évoquer assez longuement la difficulté d’appliquer l’article 4 et, en dépit de la pertinence des arguments de M. Dupont-Aignan, de M. Dolez et de M. Hutin, nous n’avons pas satisfaction.

Je défends donc un amendement de repli, qui tend à permettre au Parlement d’auditionner une fois par an le CSA, qui sera au coeur du dispositif. Son président serait ainsi reçu par les commissions des lois et les commissions des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire, qui pourraient, le cas échéant, lui adresser un avis. Cela permettrait au moins au législateur d’assurer le suivi des recommandations prises par le CSA en application de la loi de 1986 sur la liberté de communication, ce qui nous paraît important.

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M. Urvoas m’a proposé de donner mon avis, il y a de grandes chances que nous ayons le même.

Pourquoi proposer une disposition législative alors que les commissions des affaires culturelles comme les commissions des lois des deux assemblées peuvent auditionner le président du CSA à tout moment ? Il n’y a pas besoin de le préciser dans la loi.

Nous pouvons également adresser des suggestions au CSA si nous le souhaitons – le CSA nous en adresse d’ailleurs également. Là encore, une telle disposition n’a vraiment pas besoin d’être inscrit dans la loi, encore moins dans une loi organique.

Je rappelle enfin que nous avons au moins une occasion par an d’interroger le président du CSA, y compris sur ses recommandations relatives aux élections, puisque celui-ci a l’obligation de présenter le rapport annuel d’activité du Conseil devant notre commission.

Je vous suggère donc, monsieur Gosselin, de retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

La disposition proposée ici entre dans les attributions de contrôle du Parlement et ne semble pas devoir interférer dans le déroulement de la campagne présidentielle. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement no 10 n’est pas adopté.

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La parole est à M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article 5.

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Ce changement, je l’ai dit tout à l’heure, je ne le sens vraiment pas. J’ai encore réfléchi à ce que j’ai déclaré tout à l’heure, monsieur le ministre. Je sais que vous connaissez l’état de notre pays, les fragilités que l’on a constatées dans le Nord, en Lorraine, en PACA, mais aussi dans bien d’autres endroits de France qui, pour l’instant, ne disent rien, et je suis intimement convaincu qu’il ne faut pas donner le sentiment que nous rétrécissons la possibilité pour le peuple français de choisir.

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Vous avez vu à quel point, et c’est dramatique, les partis politiques de notre pays sont vilipendés et combien ils inspirent peu confiance.

Lorsque j’ai fait le tour de l’Europe, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec le président du parti socialiste grec quelques semaines avant l’arrivée au pouvoir de Tsipras. Il pleurait de voir l’état de son parti, le plus ancien parti européen démocratique. Il se demandait comment cela pouvait se produire, mais cela risque d’arriver partout.

La meilleure manière de faire rempart à cela, c’est de permettre à d’autres voix de prendre part au débat public. Je pense que le changement de monde l’impose.

C’est la raison pour laquelle, une fois de plus, je vous conjure, vous qui connaissez bien ce pays, qui avez suffisamment d’influence auprès de M. Valls et de M. Hollande, de leur dire que, vraiment, ce n’est pas bienvenu.

L’article 5 est adopté.

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Mes chers collègues, il reste vingt-neuf amendements sur ce texte et sept amendements sur la proposition de loi ordinaire. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je suggère de prolonger la séance le temps nécessaire pour parvenir au terme de leur examen. Je vous invite donc à la brièveté.

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La commission a supprimé l’article 6.

La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement no 56.

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Cet amendement vise à rétablir l’article 6, qui a été supprimé par la commission des lois, afin de maintenir à douze mois le délai d’intégration des dépenses et des recettes dans les comptes de campagne des candidats aux élections présidentielles. C’était, à l’origine, un amendement de repli, puisque j’ai déposé sur la proposition de loi ordinaire un amendement visant à rétablir le délai de douze mois pour l’ensemble des élections. Toutefois, l’organisation de notre séance fait que cet amendement-ci est discuté en premier.

S’il y a une élection pour laquelle je considère que le maintien de la période des douze mois est essentiel, c’est bien l’élection présidentielle, et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est que nous avons constaté, notamment lors de la dernière élection présidentielle, la tendance inflationniste des dépenses électorales. Or, ce qui a fait, à mon sens, la qualité de notre droit et qui éloigne les candidates, les candidats et les élus des enjeux financiers, c’est la relative modération dans la dépense à laquelle il appelle.

Par ailleurs, un phénomène nouveau est en train d’émerger, qui prendra de plus en plus d’importance dans notre vie démocratique : c’est l’organisation des élections primaires ouvertes. Or, ramener le délai d’intégration des dépenses et des recettes de campagne à six mois, c’est faire totalement échapper au contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques l’organisation de ces primaires. Si l’on se réfère au calendrier électoral de 2017, toutes les dépenses engagées dans le cadre des primaires avant le mois d’octobre 2016 ne seraient pas intégrées dans les comptes de campagne. Nous pourrions assister à un certain nombre de dérives.

Je crois profondément que, si nous n’y prenons pas garde, le prochain scandale politico-financier sera lié au financement des élections primaires. Nous pouvons agir pour une fois en anticipant et non pas seulement en réagissant. J’appelle vivement à maintenir à douze mois ce délai d’imputation des dépenses et des recettes aux comptes de campagne.

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Je voudrais donner des éclairages de méthode à l’Assemblée. L’amendement de notre collègue Colas propose de revenir à un délai d’une année. Si c’est le choix de l’Assemblée, je l’invite à ne pas voter cet amendement, mais celui de la loi ordinaire, qui concerne toutes les élections. La rédaction de celui-ci me paraît moins performante. J’y suis donc opposé, car il ne reprend pas les termes initiaux de la proposition de loi et ne correspond pas non plus à la décision de la commission des lois.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le Gouvernement est favorable à l’esprit de l’amendement. Il convient de revenir à une durée d’un an, pour des raisons de rigueur, de transparence et pour d’autres qui tiennent au fait que c’est la durée qui permet d’assurer le contrôle le plus efficace des dépenses des candidats. Mais on ne peut pas le faire pour une élection et pas pour les autres. C’est la raison pour laquelle je rejoins le point de vue du président Urvoas : il convient de retirer cet amendement et réintroduire dans la loi ordinaire une disposition qui couvrira l’ensemble des élections, en leur appliquant la même durée de comptabilisation des dépenses électorales.

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Cette question de la durée de prise en compte des dépenses de campagne a animé les débats de notre commission. Le rapporteur, se fondant sur une recommandation de la Commission nationale des comptes de campagne, avait proposé six mois. Au cours de l’enchaînement de la discussion de la loi organique puis de la loi ordinaire, en commission, un amendement du groupe socialiste a adopté la durée d’un an. Par la suite, lors de l’examen de la loi ordinaire, nous avons accepté un amendement du groupe Les Républicains fixant un délai de six mois pour toutes les élections.

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À l’occasion de ces discussions, j’avais exprimé mon point de vue, à savoir que, s’il me semble qu’une durée de six mois se justifie pour toutes les campagnes électorales, parce que jamais une campagne municipale, départementale, régionale ni législative ne dure au-delà de six mois, en revanche, pour l’élection présidentielle, et particulièrement avec la mise en oeuvre généralisée des primaires, un délai d’un an se justifie. Je me satisferais donc parfaitement de cet amendement de notre collègue Colas qui spécifie une durée d’un an pour l’élection présidentielle. Je proposerai, lors de l’examen de la loi ordinaire, de ne pas toucher à ce qui a été décidé par ailleurs en commission des lois sur les autres élections.

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Une fois n’est pas coutume, je suis tout à fait d’accord avec les deux intervenants précédents, M. Colas et M. Popelin. Il faut absolument revenir à la durée d’un an pour l’élection présidentielle, sous réserve d’une inflation des dépenses et d’une dissimulation de la préparation financière de la campagne. En revanche, pour les autres élections, six mois est un bon compromis.

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C’était un peu le sens des amendements que nous avons déposés au nom du groupe écologiste. J’avais soulevé la question en commission. La réduction à six mois ne me paraît pas totalement incongrue, même si je diverge un peu sur l’analyse faite par le ministre. Lorsque la Commission a été auditionnée, elle n’a pas dit qu’un an lui permettait de garantir une meilleure surveillance des dépenses, mais, au contraire, qu’elle a beaucoup de mal à aller chercher l’intégralité et la généalogie des dépenses sur une période aussi longue. La question est donc moins celle de la durée que des moyens alloués à la Commission pour mener à bien son travail.

Dans ce cadre, nous avions déposé des amendements concernant les primaires, parce qu’il nous semblait hasardeux, voire irresponsable, de réduire la période de prise en compte des comptes de campagne à six mois, en laissant de côté l’organisation des primaires qui peuvent être une occasion – même s’il ne faut pas être pessimiste – de dérapage. Nous sommes tous, dans cette assemblée, extrêmement attachés au strict contrôle de ces dépenses. Au vu du débat, je serais plutôt tenté de me rallier à la position exprimée par mon collègue Popelin, soit à un délai d’un an pour l’élection présidentielle, à cause des primaires, et de six mois pour les autres élections.

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Vous maintenez donc votre amendement, monsieur Colas ?

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Je le maintiens, parce qu’au regard des débats je n’ai aucune certitude que l’amendement évoqué par le ministre sera adopté.

L’amendement no 56 est adopté et l’article 6 est ainsi rétabli.

Article 6

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Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 7, 44 et 55, visant à la suppression de l’article.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 7.

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Nous comprenons l’état d’esprit, assez intéressant, dans lequel cet article a été ajouté en commission. Il s’agit de pouvoir éviter les dérapages grâce à un contrôle régulier de la Commission nationale. En réalité, cet article rend possible la publication de données qui seraient fausses, puisque le contrôle final par la Commission n’aura lieu qu’a posteriori. Aucune sanction n’a été prévue pour un tel cas.

Par ailleurs, cette publication mensuelle risque de trahir, d’une certaine façon, l’état de la campagne, en révélant que des candidats, grâce à des débuts modestes financièrement, auraient gardé des ressources pour insuffler plus de tonus à leur fin de campagne. Il serait donc sage de ne pas donner suite à cet article 6 bis.

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La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement no 44.

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La suppression de cet article est d’autant plus nécessaire que nous avons, à l’instant, maintenu à douze mois le délai d’imputation des dépenses et des recettes. Je comprends et partage l’état d’esprit dans lequel cet article a été ajouté par la commission des lois. Pour autant, il n’a pas été, à ma connaissance, discuté avec la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Dans le feu d’une campagne électorale présidentielle, il pourrait être source d’erreurs. Je fais miens les arguments développés par M. Gosselin.

Loin de satisfaire son objectif, qui est d’aller vers plus de transparence et de contrôle citoyen, il pourrait susciter des incompréhensions, des doutes voire des contentieux. Cela dit, je soutiens cet amendement de suppression en cohérence avec l’amendement no 38 que je défendrai tout à l’heure qui vise à créer un dispositif permettant à la Commission nationale des comptes de campagne de disposer, en engageant la responsabilité des trésoriers des partis, d’un état de l’ensemble des dépenses et des recettes engagées par les partis qui ont concouru à la campagne d’un candidat ou d’une candidate à l’élection présidentielle.

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La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement no 55.

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Je me permets de donner un avis en tant que législateur, mais aussi en tant qu’ancien praticien du financement d’une campagne présidentielle. Je salue l’objectif louable de transparence de ce nouvel article introduit par le rapporteur. Les modalités de transmission et de publication mensuelles des dépenses de campagne des candidats aux élections présidentielles peuvent néanmoins poser de sérieuses difficultés. Elles en poseront, d’abord, à la Commission nationale des comptes de campagne, qui risque de ne pas disposer des moyens humains et matériels suffisants pour assurer cette obligation.

Elles en poseront, ensuite, pour interpréter la date à laquelle les candidats devront transmettre les documents. Si l’obligation ne s’impose qu’à partir du moment où un candidat est officiellement déclaré, date qui est la seule vérifiable, les dépenses de campagne qu’il aura pu faire avant l’officialisation de sa candidature ne feront donc pas l’objet de cette transmission mensuelle, ce qui imposera une différence de traitement entre les candidats. Enfin, elles posent la question des contraintes qu’elles peuvent faire peser sur les équipes de campagne des candidats. Par exemple, si elle est stratégique, la publicité des dépenses de campagne peut porter préjudice aux candidats.

Cela représente aussi une contrainte pratique et matérielle importante, surtout pour les comptes de campagne présidentielle qui représentent un volume de documents comptables très importants, de plusieurs dizaines de cartons, et des sommes significatives, entre 8 et 20 millions d’euros, dans un laps de temps extrêmement réduit sur l’ensemble du territoire. Peu d’entreprises ou de prestataires pourraient produire tous les mois un compte de résultats détaillant, dépense par dépense, les informations demandées dans la proposition de loi. Même si la disposition semble louable, cela imposerait de composer des équipes ad hoc pléthoriques, ce qui entraînerait des coûts comptables significatifs qu’il faudrait intégrer dans les comptes de campagne.

Dans ces conditions, le travail de recueil proposé ne peut se faire dans des délais aussi courts. Cette proposition n’est donc malheureusement pas réaliste.

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Sans surprise, la commission a donné un avis défavorable, dans la mesure où les amendements proposent de revenir sur l’adoption d’un amendement que j’avais déposé. Il prévoyait qu’une fois par mois, chaque candidat informe la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection, à compter du moment où la période de comptabilisation commence à courir. Le but était que la Commission nationale publie ces informations sur son site internet, sans les contrôler, le contrôle restant a posteriori, une fois le compte de campagne déposé.

Cet amendement a été suggéré par celui qui est devenu le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Jean-Louis Nadal, qui avait rédigé un rapport pour le compte du Président de la République. Il souhaitait faciliter le contrôle de la Commission nationale, en la tenant régulièrement informée, au fil de la campagne, des dépenses des candidats, alors qu’elle doit aujourd’hui s’en remettre à la presse ou à ce que veulent bien lui dire les équipes de campagne. Le but de l’amendement était d’améliorer la transparence financière de la campagne et de favoriser une forme de « veille citoyenne », pour reprendre l’expression de Jean-Louis Nadal.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je suis désolé de ne pas être en accord avec le rapporteur, mais le Gouvernement est favorable à ces amendements pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le Gouvernement confirme qu’il partage l’objectif d’amélioration de la transparence du financement de la campagne électorale de la présidentielle, que sous-tend l’article 6 bis adopté par la commission des lois.

Toutefois, l’obligation de transmission à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à fins de publication, de l’état des dépenses des candidats à une périodicité mensuelle pose plusieurs difficultés d’ordre juridique et pratique. En effet, l’article dispose que cette obligation serait applicable à compter du douzième mois qui précède le premier jour du mois du scrutin. Or, si le compte de campagne d’un candidat doit retracer les recettes et les dépenses engagées au cours de la période de douze mois, l’établissement du compte ne devient obligatoire que quand la candidature est enregistrée officiellement : ce n’est qu’à compter de la date à laquelle le Conseil constitutionnel arrête la liste des candidats, au plus tard le quatrième vendredi qui précède le premier tour de scrutin, que ceux-ci acquièrent juridiquement cette qualité et se trouveraient alors assujettis à l’obligation mensuelle de transmission de l’état des dépenses à la Commission nationale. Dans la pratique, les dispositions de cet article sont donc inapplicables.

Par ailleurs, elles sont dépourvues de sanction puisque c’est le compte de campagne regroupant l’ensemble des dépenses et des recettes qui fait l’objet du contrôle de la Commission nationale.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable aux amendements de suppression.

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Notre commission a suivi la proposition absolument louable du rapporteur parce que tout ce qui vise à la transparence, surtout compte tenu des esprits soupçonneux qui nous environne tous, ne peut être que bénéfique.

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On est tous d’accord là-dessus, mais ce n’est pas ici le problème !

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Néanmoins, peut-être que les moyens envisagés en commission pour y parvenir sont parfois quelque peu disproportionnés. Je propose donc de donner une suite favorable au choix de moyens plus ajustés et en tous les cas plus pragmatiques.

Les amendements identiques nos 7, 44 et 55 sont adoptés et l’article 6 bis est supprimé.

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J’ai été trop ambitieux en envisageant que l’examen des articles pourrait être achevé au cours de cette séance. Nous ne ferions pas du bon travail, vous en êtes certainement tous d’accord. Nous allons donc respecter nos horaires habituels.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi ordinaire portant modernisation des règles applicables à l’élection résidentielle ;

Proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly