Madame la rapporteure générale, certaines dispositions de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques votée cet été visaient à répondre aux critiques relatives aux conditions de la cession de l'aéroport de Toulouse. Le Gouvernement et le législateur ont décidé que les critères de choix des futurs actionnaires des sociétés de gestion aéroportuaires devraient être non seulement financiers mais aussi plus significativement industriels, dans le respect de la réglementation européenne. Au passage, le législateur reprend la main dans ces privatisations. C'est pourquoi, s'il y a eu des imperfections dans le cas de la cession de l'aéroport de Toulouse, nous allons essayer de les corriger au moment de céder les participations de l'État dans les aéroports de Lyon et de Nice. Vous le savez, ces cessions feront l'objet d'une double concertation avec les collectivités locales et territoriales actuellement actionnaires de ces aéroports : sur le cahier des charges lui-même avant qu'il ne soit arrêté et sur les candidats qui se présenteront. Ainsi la procédure gagnera-t-elle en sécurité : les règles relatives au choix des acquéreurs potentiels prendront en compte l'intérêt industriel bien compris de ces plateformes et leurs besoins de développement, et le profil des investisseurs futurs devra correspondre à des critères qui ne seront pas uniquement financiers. Il a donc été tenu compte de l'expérience de la cession de l'aéroport de Toulouse. Vous invitez à un dialogue plus fréquent entre votre commission et l'APE ; je suis à votre complète disposition pour venir exposer devant vous les progrès qui auront été accomplis lors des cessions des aéroports de Lyon et de Nice, quand elles auront été menées à leur terme.
L'État participe au capital d'Air France-KLM pour 17,58 %. Il est donc actionnaire minoritaire, mais il joue son rôle et il est représenté au conseil d'administration, où nous avons formulé les observations relatives aux performances de l'entreprise sur lesquelles vous venez de vous exprimer. Nous avons dit la nécessité de redresser les résultats de la compagnie ; de sécuriser le bilan du groupe afin qu'il retrouve le chemin de la croissance ; de mettre en oeuvre une stratégie offensive d'alliances mondiales pour demeurer durablement dans le groupe des trois compagnies européennes de tête. Mais la compétition est très rude avec Lufthansa et IAG d'une part, avec les compagnies à bas coût, devenues très puissantes sur ce marché, d'autre part. Ces objectifs de développement ont été partagés avec le président d'Air France-KLM, dont le mandat a été renouvelé l'hiver dernier par les organes de gouvernance de l'entreprise. L'une des conditions du redressement est que le groupe retrouve sa compétitivité-coût. Cela passe par une négociation sociale visant à une participation équilibrée de l'ensemble des catégories de personnel à l'effort collectif, par le renforcement des capacités commerciales et par des alliances mondiales, tous objectifs fixés au président de l'entreprise.
M. le ministre de l'économie a rappelé récemment que l'État actionnaire – et donc l'APE – souhaite renforcer le dialogue avec les dirigeants du groupe Air France-KLM à travers les organes de gouvernance du groupe. Un comité ad hoc a été créé au sein du conseil d'administration ; nous y sommes présents, et nous entendons que s'instaure avec le dirigeant de l'entreprise un dialogue permanent sur tous les sujets stratégiques et d'actualité, sujets sociaux inclus. Nous considérons le groupe Air France comme une entreprise majeure de notre portefeuille et nous souhaitons évidemment le succès de l'entreprise.
Mme Berger et plusieurs intervenants ont évoqué la lutte contre l'optimisation fiscale. Je rappelle que toutes les entreprises du portefeuille de l'APE, qu'elles soient cotées ou qu'elles ne le soient pas, publient des données sur leur présence à l'étranger. Cette exigence nouvelle contribue à la transparence. Puis-je certifier que toutes les entreprises du portefeuille de l'APE ont fermé l'ensemble de leurs filiales situées dans des paradis fiscaux ? Nous avons lancé la démarche et demandé à de grandes entreprises – dont je ne peux citer les noms car certaines sont cotées – qu'elles s'engagent à respecter les demandes exprimées par le Gouvernement et rapatrient celles de leurs activités dont on peut légitimement considérer qu'elles sont des opérations d'optimisation fiscale abusives à l'étranger. Donc, nous agissons : le processus est engagé, mais il prend un peu de temps car ces sociétés ne peuvent mettre la clef sur la porte du jour au lendemain. Sous réserve de l'accord du ministre des finances et des comptes publics, je vous ferai rapport en 2016 sur les efforts accomplis dans ce domaine par les entreprises du portefeuille ; je souhaite en effet ne pas devancer les communications que les entreprises cotées doivent faire aux marchés. Je partage la préoccupation que vous avez exprimée et c'est une de nos missions que d'y apporter réponse. Quand nous serons en mesure de faire le bilan des progrès accomplis, sans doute l'année prochaine, nous pourrons montrer la contribution de l'État à l'exigence d'exemplarité en cette matière.
Cette année, monsieur Bachelay, la cession de titres Safran contribuera largement au désendettement de l'État. En 2015, nous aurons réalisé environ 2,3 milliards d'euros en cessions et 1,3 milliard d'euros en emplois. En 2014, l'APE a contribué au désendettement à hauteur de 1,5 milliard d'euros. C'est une novation, mais je souligne que notre contribution au désendettement dépend de l'état des marchés.
M. de Courson juge que notre gestion manque de dynamisme. Je ferai valoir que, dans notre portefeuille de 110 milliards d'euros, 40 milliards correspondent à des entreprises ou des établissements publics pour lesquels, sauf dispositions législatives expresses, nous ne pouvons faire de cessions. D'autre part, même pour les entreprises cotées, des contraintes législatives s'imposent à nous : ainsi, notre participation dans le capital d'Aéroports de Paris ne peut-elle être inférieure à 50 %, ni à 70 % pour EDF. Il existe une certaine marge, je le reconnais, mais nous avons aussi des contraintes implicites car, sous un certain niveau de participation, l'État ne pourra plus peser sur la stratégie de l'entreprise.
Pourquoi ne pas procéder à davantage de cessions, pourquoi ne pas être plus sélectif ? J'ai rappelé la doctrine qui sous-tend les interventions de l'État : elles n'ont pas pour seule considération l'intérêt souverain du pays, elles visent aussi à accompagner des activités déterminantes pour la croissance économique. Pour les entreprises que vous avez citées, je renvoie aux décisions du Gouvernement ; elles ne m'appartiennent pas. J'observe simplement que l'État est un actionnaire historique de Renault, et qu'il exerce à ce titre une responsabilité singulière. Dans Engie, l'État est actionnaire de référence minoritaire ; cela correspond à la doctrine actuelle pour une entreprise qui contribue au bon fonctionnement de notre économie et qui permet l'accès de tous au gaz. À ce sujet, je renvoie une fois encore aux débats au sein du Parlement et avec le Gouvernement.
Le Comité stratégique de l'État actionnaire rassemblera les principaux acteurs publics sous l'égide des deux ministres de tutelle. Mon expérience personnelle de l'entreprise, publique et privée, me donne à penser que le rôle de cette instance devrait être renforcé, et j'entends votre observation comme signifiant que l'APE doit, sous l'autorité des ministres, être le vecteur d'une coopération stratégique renforcée entre les acteurs des participations de l'État. Déjà, le directeur général de la Caisse des dépôts et moi-même sommes convenus d'une coordination stratégique plus poussée pour ce qui concerne la stratégie et l'avenir de Bpifrance, notre filiale commune.
M. Goua et M. de Courson m'ont interrogé sur le rôle de l'État dans AREVA. Votre rapport d'information, monsieur Goua, est très explicite. Mon antépénultième prédécesseur s'en est expliqué et je ne reviendrai pas sur ses déclarations. Parler, comme je l'ai fait, d'un État responsable, dans les entreprises dont il est actionnaire, particulièrement dans une entreprise telle qu'AREVA, où c'est exprimer que son rôle dans les organes sociaux doit être plus affirmé. Car, vous l'avez souligné dans votre rapport, des dysfonctionnements ont conduit à des décisions qui n'ont pas été soumises aux organes sociaux, si bien qu'elles ont été insuffisamment instruites par les actionnaires, singulièrement l'État. C'est l'une des voies de progrès que j'évoquais. Nous devons, en particulier quand il s'agit d'entreprises aussi déterminantes que celles du secteur nucléaire, être exigeants à l'égard des dirigeants et des organes sociaux et instruire les grands projets qui peuvent définir la trajectoire financière et le bilan de l'entreprise. C'est l'une des leçons à tirer de la situation d'AREVA, et cela fait partie de mes préoccupations.
L'APE vise un taux de retour correct de son portefeuille. En 2016, le rendement global – l'addition de la plus-value potentielle sur l'année et des dividendes versés – sera un peu supérieur à 6 %. Nous tablons, pour 2015, sur l'encaissement de 3,7 milliards d'euros de dividendes ; nos prévisions pour 2016, inscrites en loi de finances, sont de 3,2 milliards d'euros. Nous menons une politique de dividendes avisée : elle tend à ce que les entreprises en portefeuille affichent un taux de rendement stable dans le temps, tout en prenant en considération leur capacité de paiement des dividendes. Ainsi, l'État souscrira au paiement en titres de l'acompte de dividende sur les résultats de 2015 versé par EDF, laissant à l'entreprise la trésorerie correspondante, ce qui contribuera au financement de son programme d'investissements.
En matière de parité, peut-être, madame Berger, jugerez-vous à moitié vide le verre que j'ai tendance à considérer à moitié plein : la proportion de femmes représentant l'État au conseil d'administration des entreprises au portefeuille de l'APE était de 31,4 % l'été dernier. Je vous l'ai dit, la proportion globale de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du périmètre de l'APE est de 27 % ; nous sommes donc au-dessus du taux moyen, mais j'ai conscience que des progrès sont encore nécessaires. Sachez que, pour représenter l'État, nous recherchons presque systématiquement des femmes qui, dans l'esprit de l'ordonnance de 2014, ont une expérience des grandes entreprises. Ce rééquilibrage est progressif. Je suis néanmoins très optimiste ; je pense que, d'ici deux ou trois ans, la parité sera totale et que les renouvellements des conseils d'administration se feront paritairement de manière naturelle. Nous sommes encore en phase de progression, et nous faisons tous nos efforts pour être exemplaires.
Nous avons systématiquement voté contre les dispositions contraires aux directives gouvernementales relatives aux retraites « chapeau » et au régime d'indemnités de sortie. Cela nous vaut parfois des débats compliqués, mais nous assurons et assumons cette position au sein des conseils d'administration où nous siégeons.
Je ne suis pas en mesure de répondre avec la précision requise à la question portant sur les bénéficiaires du crédit d'impôt recherche ; je le ferai ultérieurement, par écrit. Il est exact que certaines des entreprises de notre portefeuille, qui sont des très grands groupes internationaux dans le domaine de la défense et des télécommunications, ont des centres de recherche situés à l'étranger et sont bénéficiaires de ce crédit.
Vous avez évoqué l'évolution des investissements de la SNCF au cours des quinze dernières années. Il faut reconnaître que l'équation financière de l'entreprise est extrêmement préoccupante. L'évolution de la dette cumulée du groupe conduit à sélectionner rigoureusement les nouveaux projets d'infrastructures. L'État actionnaire souhaite dorénavant que la dette n'évolue pas aussi vite que pendant les dix années précédentes.
Le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies est une entreprise très dynamique, une des plus brillantes de notre portefeuille dans son secteur. C'est un actif majeur pour la santé et pour l'industrie de la santé. Le Laboratoire, en pleine croissance, doit investir pour faire fructifier les recherches qu'il a menées avec succès ces dernières années. L'APE, avec Bpifrance, doit pouvoir accompagner le développement du LFB dans des formes d'évolution de sa structure financière. N'ayez pas d'inquiétude sur notre volonté d'accompagner ce développement ; nous devons simplement avoir les meilleurs instruments et cadres possibles pour le permettre.