Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du 2 décembre 2015 à 11h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • APE
  • actionnaire
  • bpifrance
  • capital
  • cession
  • dirigeant
  • portefeuille

La réunion

Source

La commission entend M. Martin Vial, directeur général de l'Agence des participations de l'État.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'Agence des participations de l'État (APE) a été créée en 2004 afin de professionnaliser la gestion de la fonction d'actionnaire de l'État et ainsi de mieux valoriser ses intérêts patrimoniaux dans les entreprises à participations publiques. La création, en 2010, de la fonction de commissaire aux participations de l'État a illustré la volonté de mettre l'accent sur la vision stratégique du développement industriel et économique des entreprises concernées. L'APE est placée sous la double tutelle du ministre des finances et des comptes publics et du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Nous faisons régulièrement le point avec les responsables de l'APE et nous avons ainsi reçu M. David Azéma le 6 mai 2014, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'entendre M. Régis Turrini, votre prédécesseur immédiat. Nous souhaitons vous entendre décrire la doctrine de l'Agence et donc la gestion du compte d'affectation spéciale. Ce compte, qui sert à doter en capital celles des entreprises dans lesquelles l'État a des participations et qui ont besoin de fonds propres, contribue aussi au désendettement de l'État. Je ne doute pas que les questions de mes collègues porteront aussi sur la gestion de certaines participations dont l'actualité fait des cas particuliers, qu'il s'agisse de Renault ou d'AREVA.

Permalien
Martin Vial, commissaire aux participations de l'état, directeur général de l'Agence des participations de l'état

Je vous remercie de me faire l'honneur, en m'accueillant parmi vous, de poursuivre une tradition d'échanges réguliers entre votre commission et l'Agence des participations de l'État. J'ai pris la responsabilité de l'Agence à la fin de l'été ; ma science est donc relativement récente, mais je souhaite partager avec vous mes convictions sur ce qui doit guider l'État actionnaire dans l'exercice de ses responsabilités et dans sa gestion. Je tiens d'abord à souligner que l'État actionnaire a beaucoup progressé depuis dix ans, qu'il dispose aujourd'hui de leviers puissants qui le rendent plus efficace et plus agile, qu'il a des devoirs particuliers et qu'il doit être exemplaire.

L'évolution de l'APE depuis sa création traduit les progrès et la plus grande maturité de l'État dans sa conception de son rôle d'actionnaire. Jusqu'à la création de l'Agence, en 2004, l'État agissait dans les entreprises à participation publique avec plusieurs « casquettes » : une responsabilité de tutelle sectorielle, une responsabilité de régulateur, l'exercice d'une tutelle financière incarnée par plusieurs directions du ministère des finances – et la tutelle était parfois double, pour les établissements de recherche par exemple. L'État était aussi client, fournisseur et préleveur d'impôts. Ces responsabilités et fonctions étant dispersées, il s'ensuivait un certain désordre tant dans les organes de gouvernance que dans les rapports entre les dirigeants des entreprises publiques et l'État. La création de l'APE, en 2004, visait à mettre de l'ordre pour rendre le rôle de l'État actionnaire plus efficace, plus lisible et plus transparent.

La création de ce service à compétence nationale a marqué une étape déterminante. Pour la première fois, il était reconnu à une administration un rôle d'actionnaire, c'est-à-dire de promoteur du patrimoine détenu par l'État dans des entreprises à participation publique. Pour la première fois, le rôle d'actionnaire de l'État était distingué de son rôle de régulateur et de tutelle sectorielle.

La deuxième étape, en 2010, a consisté à conférer une autonomie à l'APE, jusqu'alors rattachée à la direction du Trésor. Un commissaire aux participations de l'État a été nommé et l'APE a été rattachée directement au ministre chargé de l'économie. Cela a donné une pleine lisibilité à une Agence qui agissait désormais selon les seuls critères de l'État actionnaire, indépendamment des préoccupations légitimes du Trésor en matière financière et de régulation macro-économique. Ainsi, je rapporte directement au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

La troisième étape fut l'ordonnance du 20 août 2014, ratifiée par le législateur. Elle a donné à l'État actionnaire et à l'APE un cadre plus transparent et des outils plus efficaces pour assurer ses fonctions. Le cadre législatif et réglementaire a été adapté tant pour les règles d'opérations en capital que pour les règles de gouvernance. Ce nouveau cadre juridique a fait de l'État un actionnaire plus proche des autres actionnaires des entreprises dans lesquelles il a des participations. L'ordonnance a mis fin aux règles spéciales concernant la taille des conseils et la durée des mandats des entreprises à participation publique. Elle a clarifié le rôle des administrateurs représentant l'État, en distinguant le rôle de l'État actionnaire de ses autres fonctions, telles que l'État régulateur ou client. Elle a donné la possibilité à l'État de proposer des administrateurs issus d'un vivier élargi au monde économique, afin de pouvoir bénéficier de leur expérience et de sortir de la désignation exclusive de fonctionnaires. Elle a instauré une gouvernance de droit commun pour les sociétés à participation publique en simplifiant la représentation de l'État en leur sein par la nomination en assemblée générale et la désignation d'un représentant unique de l'État personne morale, issu en général de l'APE,. L'ordonnance a maintenu certaines spécificités relatives à la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des entreprises à participation publique et la protection des intérêts stratégiques de l'État, notamment dans les entreprises de la défense nationale, par le biais de l'action spécifique.

La quatrième étape, quasiment concomitante, fut la formalisation d'une doctrine plus établie des interventions de l'État actionnaire, qui détient ou investit des participations dans des entreprises avec quatre objectifs.

Il intervient en capital dans des sociétés considérées comme stratégiques du point de vue de la souveraineté nationale ; c'est le cas de la défense nationale et du nucléaire.

L'État détient aussi des participations dans des entreprises qui ont contribué ou qui contribuent à des services publics d'intérêt national ou qui exercent des activités essentielles au bon fonctionnement de l'économie et de la société. C'est le cas pour La Poste, devenue société anonyme, et pour Orange ; nous sommes aussi actionnaire de référence chez Engie, anciennement GDF Suez, en raison de son poids dans le secteur de l'approvisionnement et de la distribution de gaz en France. Je pourrais aussi citer le groupe SNCF et la Régie autonome des transports parisiens (RATP), qui sont des entreprises publiques, et nul n'ignore l'importance que l'État accorde à ces entreprises essentielles au fonctionnement des transports nationaux ou en Île-de-France.

L'État intervient encore pour contribuer à la consolidation ou l'évolution stratégique de groupes importants pour notre économie. Je pense, ce disant, à l'intervention dans PSA Peugeot Citroën pour stabiliser l'actionnariat et permettre au groupe de reprendre des positions majeures sur le marché de l'automobile, et à l'alliance en cours d'achèvement dans le domaine de la défense entre la société française Nexter et l'entreprise allemande KMW, processus dans lequel l'État a pesé pour que le rapprochement se fasse dans les meilleures conditions.

L'État intervient enfin dans les cas critiques de risque systémique ; ce fut le cas pour Dexia.

Tels sont les objectifs qui fondent nos interventions. J'ajoute que l'État actionnaire doit être décomplexé, responsable et exemplaire. Par « décomplexé », je veux dire que lorsque l'État est l'actionnaire de référence, même minoritaire, il doit pouvoir exercer son rôle de façon active comme le fait tout actionnaire privé. « Responsable » signifie que l'État, lorsqu'il n'est pas le seul actionnaire d'une entreprise, doit respecter les intérêts des actionnaires minoritaires, les règles de gouvernance et les règles commerciales ; c'est une de nos préoccupations constantes. Il doit aussi être « exemplaire » car n'étant pas un actionnaire banal, il doit se comporter de façon plus rigoureuse que tout autre dans l'exercice de ses fonctions.

Beaucoup de progrès ont été accomplis en ces domaines depuis la création de l'Agence. Aujourd'hui, l'État dispose de leviers puissants et assure une gestion dynamique de son portefeuille. L'APE est l'un des plus importants gérants de participations publiques au monde. Nous gérons un portefeuille de 77 entreprises, représentant un montant de capitaux propres de quelque 110 milliards d'euros et plus de 145 milliards d'euros de chiffre d'affaires cumulé ; elles emploient environ 1,8 million de salariés et collaborateurs.

Pour exercer sa mission, l'APE dispose d'une équipe assez restreinte d'un peu plus de 50 personnes. Elle est organisée en directions sectorielles, avec des pôles d'expertise transversaux de haute compétence notamment dans les domaines juridique, d'audit et comptable.

En 2015, l'État a géré son portefeuille de participations de façon dynamique – et l'APE contribuera au désendettement, monsieur le président. Nous aurons réalisé 2,3 milliards d'euros de cessions et investi environ 1,2 milliard d'euros dans les entreprises du portefeuille. Les cessions ont concerné Safran, une grande partie de la participation de l'État dans l'aéroport de Toulouse et un bloc de participations dans Engie. À l'inverse, nous avons acquis au printemps des titres Renault et des titres Air France-KLM pour faire appliquer dans ces entreprises la loi sur les droits de vote double. Bien que l'exercice 2015 ne soit pas clos, je puis déjà vous dire que le solde des cessions et des acquisitions permettra non seulement d'assurer l'équilibre du compte d'affectation spéciale mais aussi de contribuer à l'effort de désendettement de l'État. À ce sujet, comme vous le savez, l'objectif de 4 milliards d'euros fixé dans le projet de loi de finances initiale a été ramené, sous réserve des conditions de marché, à 2 milliards d'euros. La cession intervenue hier d'un petit bloc d'actions de Safran contribuera à cet objectif.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, les prévisions de recettes, fixées à 5 milliards d'euros, sont inchangées mais la répartition interne a été revue, avec 3 milliards pour le programme 731 consacré aux investissements et 2 milliards pour le programme 732 relatif au désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État.

En investissement en fonds propres, l'APE intervient aux côtés d'autres acteurs publics puissants : Bpifrance – qui a un actif de 16 milliards d'euros –, la Caisse des dépôts, et le Commissariat général à l'investissement (CGI), chargé de la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir pour une enveloppe un peu inférieure à 6 milliards d'euros. Nous sommes en interaction permanente avec Bpifrance, dont l'APE détient 50 % du capital, aux côtés de la Caisse des dépôts ; cette relation triangulaire fonctionne très bien. Des progrès sont nécessaires dans la concertation entre l'APE et le CGI pour garantir la cohérence des interventions en fonds propres avec la doctrine globale des pouvoirs publics. Mais, globalement, la coopération avec les autres investisseurs publics fonctionne bien.

Enfin l'État doit être un actionnaire exemplaire dans l'application de la loi et la fidélité à son esprit. Cela vaut en matière de rémunération des dirigeants des entreprises à participation publique ; de diversité des membres des organes sociaux, en particulier pour le taux de féminisation ; de comportement fiscal. Toutes les entreprises publiques se conforment au décret du 26 juillet 2012 plafonnant la rémunération d'activité de leurs dirigeants. Dans les entreprises détenues minoritairement par l'État, nous avons conditionné nos votes à une baisse significative – de l'ordre de 30 % – de la rémunération des dirigeants et à l'absence de jetons de présence, de retraites « chapeau » et d'indemnités de rupture excédant un an. Nous avons émis un vote négatif lorsque les résolutions présentées à l'assemblée générale ne respectaient pas ces critères.

S'agissant de la diversification des profils des administrateurs et en particulier de la féminisation des conseils d'administration, même si ce mouvement de rééquilibrage n'est pas terminé, nous avons progressé. À l'été 2015, la proportion de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du périmètre de l'APE était de 27 % contre 16 % en 2012 ; en un peu plus de deux ans, l'augmentation est spectaculaire. Actuellement, 207 femmes siègent en qualité d'administratrices dans les conseils d'administration d'entreprises à participation publique. Nous visons à respecter l'obligation fixée par la loi du 27 janvier 2011 en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des organes dirigeants. La vague de nominations lors des assemblées générales de 2016 nous permettra d'augmenter encore la féminisation des conseils d'administration.

Dans le domaine fiscal, le Gouvernement s'est mobilisé pour remédier aux stratégies d'optimisation fiscale des entreprises et des groupes internationaux. Le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique ont saisi, début 2015, tous les dirigeants des entreprises à participation publique afin qu'ils mettent en oeuvre les actions nécessaires pour se conformer aux principes édictés. Les administrateurs de l'État se sont exprimés en ce sens au sein des conseils d'administration. C'est un travail de longue haleine et l'APE veut contribuer, dans ce portefeuille de 77 entreprises à participation publique, à la lutte contre des pratiques qui distraient des recettes fiscales des ressources de l'État.

En conclusion, le rôle de l'État actionnaire est complexe car il doit être plus exigeant avec lui-même que tout autre actionnaire, s'assurer de la bonne performance de sa gestion et prendre en considération des critères de performance qui ne sont pas strictement financiers mais aussi de performance sociale et sociétale et de responsabilité environnementale. La professionnalisation continue de l'APE doit permettre de s'assurer de la performance économique et financière des participations de l'État mais aussi de la performance globale des entreprises en portefeuille. Des progrès ont été accomplis ces dernières années mais nous devons poursuivre nos efforts d'amélioration. L'État étant un actionnaire de long terme, notre responsabilité principale est que les décisions concernant les entreprises du portefeuille traduisent la vision de long terme qu'incarne l'APE. C'est ma préoccupation quotidienne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je pense comme vous, monsieur le commissaire, que l'État doit jouer son rôle d'actionnaire de manière décomplexée et responsable, mais je ne suis pas certaine que cette doctrine soit toujours appliquée avec une parfaite sincérité.

Ainsi du contrat régissant la privatisation de l'aéroport de Toulouse, que j'ai lu, comme mes prérogatives m'y autorisent ; je ne suis pas sûre qu'il puisse être qualifié de « responsable ».

D'autre part, comment s'explique le maintien à la tête du groupe Air France-KLM d'un homme qui, depuis qu'il a été nommé à la tête de l'entreprise en 2011, a affiché, exercice après exercice, des résultats nets négatifs, assortis des mouvements sociaux que nous savons ? Un conseil d'administration normal aurait mis un terme au mandat de M. de Juniac ; quelle est la position de l'APE à ce sujet ? Quelles instructions avez-vous donné à votre représentant au conseil d'administration du groupe ? Pourquoi ce qui s'applique dans toute entreprise « responsable et décomplexée » ne s'appliquerait pas en ce cas ?

Vous avez aussi indiqué que des instructions ont été données pour éviter que les entreprises dans lesquelles l'État a des participations se livrent à une optimisation fiscale abusive. À ce sujet, pouvez-vous nous assurer que le contrat de cession de l'aéroport de Toulouse protège notre patrimoine et permet d'éviter de manière certaine que des recettes taxables produites en France par des actifs français échappent au budget national ? Quelle appréciation portez-vous sur ces questions ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans mon rapport spécial, qui reprenait d'ailleurs des travaux antérieurs, j'avais, dès 2012, appelé de mes voeux la définition d'une nouvelle doctrine de l'État actionnaire lui permettant de remplir son rôle et de tenir son rang, et élaboré des préconisations en ce sens. Je me suis efforcé, dans mes deux derniers rapports spéciaux, d'évaluer la nouvelle doctrine. La gestion du portefeuille des participations financières de l'État, qui vise à la fois au désendettement et au réinvestissement, est effectivement active et dynamique. Pourriez-vous nous dire quand pour la première fois une partie des produits de cession sera affectée au désendettement ?

L'État n'a aucune raison d'être « complexé » : aucune nation au monde ne s'interroge sur la légitimité de la puissance publique à intervenir sur les orientations ou la structuration de son économie et de son appareil industriel dès lors qu'il s'agit d'investissements d'avenir, d'activités de souveraineté ou d'activités essentielles au fonctionnement de son économie.

L'élargissement du vivier d'administrateurs représentant l'État au sein des entreprises dont il est actionnaire, recommandé de longue date par notre Assemblée, a-t-il eu lieu ? Qu'en est-il des outils qui favorisent l'investissement de long terme – les droits de vote double ? L'État, n'étant pas un actionnaire comme les autres, a, vous l'avez justement dit, le devoir d'être exemplaire, qu'il s'agisse de la rémunération des dirigeants des entreprises concernées, de la parité – y compris dans les instances dirigeantes –, d'encouragement au dialogue social ou de lutte contre l'optimisation fiscale abusive. En ces différents domaines, des progrès notables ont été réalisés mais l'effort doit être maintenu et amplifié.

L'intervention de l'État se fait par l'entremise de différents acteurs : l'APE bien sûr, mais aussi Bpifrance, le CGI et la Caisse des dépôts et consignations. Vous avez indiqué que la coordination entre l'APE et le CGI est bonne – à quelque chose près. Ce « quelque chose » dit l'importance du Comité stratégique de l'État actionnaire ; quelle appréciation portez-vous sur l'apport de cet organe ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une grande ambivalence demeure quant à la notion d'État actionnaire, qui doit concilier son rôle de stratège et la recherche de la meilleure rémunération possible des participations publiques. J'ai présenté en 2012, avec mon collègue Camille de Rocca Serra, un rapport d'information relatif à la situation financière et aux perspectives d'EDF et d'AREVA, et cette année, avec Hervé Mariton, un rapport d'information sur les perspectives de développement d'AREVA et l'avenir de la filière nucléaire. Ce dossier montre quel investisseur peu avisé a été l'APE – et le rapport de 2012 eût-il été lu que l'entreprise aurait peut-être échappé aux difficultés qui l'ont frappée en 2015.

Puisque nous sommes dans la période de l'Avent, j'accepte l'augure d'une Agence nouvelle, telle que vous nous l'avez décrite, mais comment peut-on être omniscient au point de juger de tout, dans tous les secteurs, sans difficulté ? Des personnes issues des mêmes grandes écoles, du même sérail, peuvent-elles avoir suffisamment d'esprit critique pour garantir que les entreprises dans lesquelles l'État a des participations sont gérées avec tout le bon sens requis ? Ce problème de fond nous a incités, Hervé Mariton et moi-même, à préconiser une réflexion sur la gouvernance de l'APE que je souhaite plus poussée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je prolongerai l'interrogation de Marc Goua en vous demandant, monsieur le commissaire, quel rôle a joué l'APE dans le sinistre industriel d'AREVA – qui va coûter 15 milliards d'euros aux contribuables – et qui, lors de la restructuration du groupe, assumera les pertes sur les réacteurs EPR en cours de construction.

D'autre part, ne faut-il pas faire le ménage dans les 77 participations de l'État gérées par l'APE ? En quoi sa participation dans Renault est-elle une mission de service public ? On peut comprendre une participation temporaire dans PSA, que l'on revendra, mais celle-là ? De même, pourquoi l'État conserve-t-il dans Engie une participation qui a pour seul motif que cette société résulte d'une fusion qui impliquait GDF ? Lorsque Total a absorbé Elf, l'État en est sorti. De même, où est le service public dans Orange ? Et que dire de la SNCF, société anonyme transformée en trois établissements publics ? Où est le service public dans la SNCF, mis à part le réseau de banlieue et les TER, qui représentent une part très minoritaire de l'activité du groupe ? Avez-vous demandé à la SNCF de vendre toutes ses participations dans le secteur routier, elle qui, avec Geodis, est le premier transporteur routier de France ?

Vous nous avez dit mener une gestion active des participations de l'État. Mais si j'étais chargé de gérer 110 milliards d'euros d'actifs et que ma gestion se traduisait par des mouvements annuels de 2 milliards d'euros, on m'accuserait d'assoupissement. Une gestion active ne se traduit pas par la rotation du portefeuille tous les cinquante ans ! L'APE ne gère même pas en bon père de famille : elle est conservatrice et « fait avec ce qu'elle a », sans plus.

Il en résulte que l'Agence, sans ressources faute de gestion dynamique, dote les entreprises en difficulté, mais non celles qui fonctionnent bien. Quelle est la politique de distribution des dividendes ? Au moins convient-il de laisser leurs bénéfices à celles des entreprises en portefeuille qui réussissent, pour leur permettre de réinvestir.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces questions montrent que l'APE doit se prêter à des échanges plus réguliers avec notre commission. Pouvez-vous prendre l'engagement qu'aujourd'hui aucune des entreprises du périmètre de l'Agence ne procède à des montages visant l'optimisation fiscale ou n'a de filiale conçue à cet effet, notamment au sein de l'Union européenne ? La vérification de l'existence de rescrits au Luxembourg et aux Pays-Bas permettrait de le savoir aisément – et je pense que la question est ouverte pour Orange.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle qu'elle soit, la réponse que fera M. Vial aura ses limites, comme le montrera le bref exemple suivant. La RATP est en pleine optimisation fiscale : elle qui, jusqu'à présent, ne payait pas l'impôt sur les sociétés, a décidé de le faire à partir de l'année prochaine pour bénéficier du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pouvez-vous nous dire, monsieur le commissaire, si femmes et hommes figurent à parité au nombre des représentants de l'APE siégeant au sein des conseils d'administration des entreprises qui entrent dans son périmètre d'intervention ?

Confirmez-vous que l'APE a voté systématiquement contre l'attribution de retraites « chapeau », de stock-options ou de tout mécanisme de rétribution particulier destiné à des dirigeants d'entreprises dans lesquels l'État a des participations ? Vous n'avez dit mot de la politique de l'État en matière de dividendes ; quel pourcentage du bénéfice de ces entreprises publiques récupère-t-il ?

En raison de la multitude de leurs filiales, certaines des entreprises que l'APE a en portefeuille figurent parmi les plus grandes bénéficiaires du crédit d'impôt recherche (CIR) ; combien, parmi elles, ont des centres de recherche à l'étranger ? La question, posée plusieurs fois en séance publique, est restée sans réponse. Pourtant, l'Agence, administratrice de ces entreprises, sait d'évidence si les investissements qui font l'objet d'un crédit d'impôt recherche ont été réalisés à l'étranger et dans quelles proportions ; nous devrions donc obtenir cette information.

Enfin, les investissements consacrés aux renouvellements d'infrastructures de l'ensemble que constituent Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF ont chuté de plus de 25 % entre 1995 et 2010. Pourquoi l'APE ne s'est-elle pas opposée à cet effondrement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez, monsieur le commissaire, insisté sur les principes qui animent votre action ; l'exemplarité et l'éthique doivent en effet primer. Mais comment la stratégie de l'APE est-elle définie, et comment l'État coordonne-t-il ses stratégies ? L'examen de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », a donné lieu à un débat sur l'ouverture du capital du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB). En 2012, le LFB a été accompagné par le CGI pour 28,5 millions d'euros dans le cadre des projets de recherche et développement structurant pour la compétitivité ; il l'a aussi été par le Comité stratégique santé. De l'aveu du président du Laboratoire, l'ouverture du capital a pour objectif l'appel à des capitaux privés. Je récuse cette option ; le don du sang doit rester une activité éthique, et il faut, par les participations de l'État, préserver le statut du LFB. Comment les différents acteurs peuvent-ils accompagner le besoins de développement du laboratoire ? À quoi ont servi les 28,5 millions d'euros versés ? Pourquoi est-ce Bpifrance qui est intervenue dans l'augmentation de capital et non l'APE ? Tout cela est opaque, tant pour les donneurs de sang que pour les parlementaires, qui veulent comprendre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'écouterai avec attention, monsieur le commissaire, vos réponses relatives à l'optimisation fiscale.

Je m'interroge sur les relations entre l'APE et Bpifrance. Dans la communication en Conseil des ministres du 15 janvier 2014, le Gouvernement a annoncé la nouvelle stratégie de l'État actionnaire, précisant que l'État intervient directement par le biais de l'APE et indirectement par celui de Bpifrance, organes dont les doctrines d'investissement sont complémentaires. Se produit-il que les deux opérateurs s'opposent ? Si tel est le cas, comment se règlent les divergences ? Plus largement, comment la gestion stratégique des investissements est-elle coordonnée quand les deux opérateurs détiennent des participations dans une même entreprise – Orange, par exemple ?

Vous nous avez dit aussi que l'APE peut intervenir en « sauvetage », dans le cadre défini par le droit européen, lorsque la défaillance d'une entreprise présenterait un risque systémique ; combien d'opérations de ce type envisagez-vous dans un avenir proche, et pour quel montant ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le commissaire, avez-vous la liberté, au nom de l'APE, investisseur de long terme, de faire au Gouvernement des suggestions en matière d'acquisitions et de cessions ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'Agence était chargée d'organiser la cession de 5 milliards d'euros de participations en 2015 ; où en êtes-vous ?

Dans votre portefeuille de 110 milliards d'euros, la part d'EDF est de 36 milliards. Pouvez-vous nous en dire plus sur le secteur de l'énergie, qui est en pleine évolution, sinon révolution, avec la prise de participation d'EDF au capital d'AREVA et le risque de démantèlement de la filière nucléaire française ?

Permalien
Martin Vial, commissaire aux participations de l'état, directeur général de l'Agence des participations de l'état

Madame la rapporteure générale, certaines dispositions de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques votée cet été visaient à répondre aux critiques relatives aux conditions de la cession de l'aéroport de Toulouse. Le Gouvernement et le législateur ont décidé que les critères de choix des futurs actionnaires des sociétés de gestion aéroportuaires devraient être non seulement financiers mais aussi plus significativement industriels, dans le respect de la réglementation européenne. Au passage, le législateur reprend la main dans ces privatisations. C'est pourquoi, s'il y a eu des imperfections dans le cas de la cession de l'aéroport de Toulouse, nous allons essayer de les corriger au moment de céder les participations de l'État dans les aéroports de Lyon et de Nice. Vous le savez, ces cessions feront l'objet d'une double concertation avec les collectivités locales et territoriales actuellement actionnaires de ces aéroports : sur le cahier des charges lui-même avant qu'il ne soit arrêté et sur les candidats qui se présenteront. Ainsi la procédure gagnera-t-elle en sécurité : les règles relatives au choix des acquéreurs potentiels prendront en compte l'intérêt industriel bien compris de ces plateformes et leurs besoins de développement, et le profil des investisseurs futurs devra correspondre à des critères qui ne seront pas uniquement financiers. Il a donc été tenu compte de l'expérience de la cession de l'aéroport de Toulouse. Vous invitez à un dialogue plus fréquent entre votre commission et l'APE ; je suis à votre complète disposition pour venir exposer devant vous les progrès qui auront été accomplis lors des cessions des aéroports de Lyon et de Nice, quand elles auront été menées à leur terme.

L'État participe au capital d'Air France-KLM pour 17,58 %. Il est donc actionnaire minoritaire, mais il joue son rôle et il est représenté au conseil d'administration, où nous avons formulé les observations relatives aux performances de l'entreprise sur lesquelles vous venez de vous exprimer. Nous avons dit la nécessité de redresser les résultats de la compagnie ; de sécuriser le bilan du groupe afin qu'il retrouve le chemin de la croissance ; de mettre en oeuvre une stratégie offensive d'alliances mondiales pour demeurer durablement dans le groupe des trois compagnies européennes de tête. Mais la compétition est très rude avec Lufthansa et IAG d'une part, avec les compagnies à bas coût, devenues très puissantes sur ce marché, d'autre part. Ces objectifs de développement ont été partagés avec le président d'Air France-KLM, dont le mandat a été renouvelé l'hiver dernier par les organes de gouvernance de l'entreprise. L'une des conditions du redressement est que le groupe retrouve sa compétitivité-coût. Cela passe par une négociation sociale visant à une participation équilibrée de l'ensemble des catégories de personnel à l'effort collectif, par le renforcement des capacités commerciales et par des alliances mondiales, tous objectifs fixés au président de l'entreprise.

M. le ministre de l'économie a rappelé récemment que l'État actionnaire – et donc l'APE – souhaite renforcer le dialogue avec les dirigeants du groupe Air France-KLM à travers les organes de gouvernance du groupe. Un comité ad hoc a été créé au sein du conseil d'administration ; nous y sommes présents, et nous entendons que s'instaure avec le dirigeant de l'entreprise un dialogue permanent sur tous les sujets stratégiques et d'actualité, sujets sociaux inclus. Nous considérons le groupe Air France comme une entreprise majeure de notre portefeuille et nous souhaitons évidemment le succès de l'entreprise.

Mme Berger et plusieurs intervenants ont évoqué la lutte contre l'optimisation fiscale. Je rappelle que toutes les entreprises du portefeuille de l'APE, qu'elles soient cotées ou qu'elles ne le soient pas, publient des données sur leur présence à l'étranger. Cette exigence nouvelle contribue à la transparence. Puis-je certifier que toutes les entreprises du portefeuille de l'APE ont fermé l'ensemble de leurs filiales situées dans des paradis fiscaux ? Nous avons lancé la démarche et demandé à de grandes entreprises – dont je ne peux citer les noms car certaines sont cotées – qu'elles s'engagent à respecter les demandes exprimées par le Gouvernement et rapatrient celles de leurs activités dont on peut légitimement considérer qu'elles sont des opérations d'optimisation fiscale abusives à l'étranger. Donc, nous agissons : le processus est engagé, mais il prend un peu de temps car ces sociétés ne peuvent mettre la clef sur la porte du jour au lendemain. Sous réserve de l'accord du ministre des finances et des comptes publics, je vous ferai rapport en 2016 sur les efforts accomplis dans ce domaine par les entreprises du portefeuille ; je souhaite en effet ne pas devancer les communications que les entreprises cotées doivent faire aux marchés. Je partage la préoccupation que vous avez exprimée et c'est une de nos missions que d'y apporter réponse. Quand nous serons en mesure de faire le bilan des progrès accomplis, sans doute l'année prochaine, nous pourrons montrer la contribution de l'État à l'exigence d'exemplarité en cette matière.

Cette année, monsieur Bachelay, la cession de titres Safran contribuera largement au désendettement de l'État. En 2015, nous aurons réalisé environ 2,3 milliards d'euros en cessions et 1,3 milliard d'euros en emplois. En 2014, l'APE a contribué au désendettement à hauteur de 1,5 milliard d'euros. C'est une novation, mais je souligne que notre contribution au désendettement dépend de l'état des marchés.

M. de Courson juge que notre gestion manque de dynamisme. Je ferai valoir que, dans notre portefeuille de 110 milliards d'euros, 40 milliards correspondent à des entreprises ou des établissements publics pour lesquels, sauf dispositions législatives expresses, nous ne pouvons faire de cessions. D'autre part, même pour les entreprises cotées, des contraintes législatives s'imposent à nous : ainsi, notre participation dans le capital d'Aéroports de Paris ne peut-elle être inférieure à 50 %, ni à 70 % pour EDF. Il existe une certaine marge, je le reconnais, mais nous avons aussi des contraintes implicites car, sous un certain niveau de participation, l'État ne pourra plus peser sur la stratégie de l'entreprise.

Pourquoi ne pas procéder à davantage de cessions, pourquoi ne pas être plus sélectif ? J'ai rappelé la doctrine qui sous-tend les interventions de l'État : elles n'ont pas pour seule considération l'intérêt souverain du pays, elles visent aussi à accompagner des activités déterminantes pour la croissance économique. Pour les entreprises que vous avez citées, je renvoie aux décisions du Gouvernement ; elles ne m'appartiennent pas. J'observe simplement que l'État est un actionnaire historique de Renault, et qu'il exerce à ce titre une responsabilité singulière. Dans Engie, l'État est actionnaire de référence minoritaire ; cela correspond à la doctrine actuelle pour une entreprise qui contribue au bon fonctionnement de notre économie et qui permet l'accès de tous au gaz. À ce sujet, je renvoie une fois encore aux débats au sein du Parlement et avec le Gouvernement.

Le Comité stratégique de l'État actionnaire rassemblera les principaux acteurs publics sous l'égide des deux ministres de tutelle. Mon expérience personnelle de l'entreprise, publique et privée, me donne à penser que le rôle de cette instance devrait être renforcé, et j'entends votre observation comme signifiant que l'APE doit, sous l'autorité des ministres, être le vecteur d'une coopération stratégique renforcée entre les acteurs des participations de l'État. Déjà, le directeur général de la Caisse des dépôts et moi-même sommes convenus d'une coordination stratégique plus poussée pour ce qui concerne la stratégie et l'avenir de Bpifrance, notre filiale commune.

M. Goua et M. de Courson m'ont interrogé sur le rôle de l'État dans AREVA. Votre rapport d'information, monsieur Goua, est très explicite. Mon antépénultième prédécesseur s'en est expliqué et je ne reviendrai pas sur ses déclarations. Parler, comme je l'ai fait, d'un État responsable, dans les entreprises dont il est actionnaire, particulièrement dans une entreprise telle qu'AREVA, où c'est exprimer que son rôle dans les organes sociaux doit être plus affirmé. Car, vous l'avez souligné dans votre rapport, des dysfonctionnements ont conduit à des décisions qui n'ont pas été soumises aux organes sociaux, si bien qu'elles ont été insuffisamment instruites par les actionnaires, singulièrement l'État. C'est l'une des voies de progrès que j'évoquais. Nous devons, en particulier quand il s'agit d'entreprises aussi déterminantes que celles du secteur nucléaire, être exigeants à l'égard des dirigeants et des organes sociaux et instruire les grands projets qui peuvent définir la trajectoire financière et le bilan de l'entreprise. C'est l'une des leçons à tirer de la situation d'AREVA, et cela fait partie de mes préoccupations.

L'APE vise un taux de retour correct de son portefeuille. En 2016, le rendement global – l'addition de la plus-value potentielle sur l'année et des dividendes versés – sera un peu supérieur à 6 %. Nous tablons, pour 2015, sur l'encaissement de 3,7 milliards d'euros de dividendes ; nos prévisions pour 2016, inscrites en loi de finances, sont de 3,2 milliards d'euros. Nous menons une politique de dividendes avisée : elle tend à ce que les entreprises en portefeuille affichent un taux de rendement stable dans le temps, tout en prenant en considération leur capacité de paiement des dividendes. Ainsi, l'État souscrira au paiement en titres de l'acompte de dividende sur les résultats de 2015 versé par EDF, laissant à l'entreprise la trésorerie correspondante, ce qui contribuera au financement de son programme d'investissements.

En matière de parité, peut-être, madame Berger, jugerez-vous à moitié vide le verre que j'ai tendance à considérer à moitié plein : la proportion de femmes représentant l'État au conseil d'administration des entreprises au portefeuille de l'APE était de 31,4 % l'été dernier. Je vous l'ai dit, la proportion globale de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du périmètre de l'APE est de 27 % ; nous sommes donc au-dessus du taux moyen, mais j'ai conscience que des progrès sont encore nécessaires. Sachez que, pour représenter l'État, nous recherchons presque systématiquement des femmes qui, dans l'esprit de l'ordonnance de 2014, ont une expérience des grandes entreprises. Ce rééquilibrage est progressif. Je suis néanmoins très optimiste ; je pense que, d'ici deux ou trois ans, la parité sera totale et que les renouvellements des conseils d'administration se feront paritairement de manière naturelle. Nous sommes encore en phase de progression, et nous faisons tous nos efforts pour être exemplaires.

Nous avons systématiquement voté contre les dispositions contraires aux directives gouvernementales relatives aux retraites « chapeau » et au régime d'indemnités de sortie. Cela nous vaut parfois des débats compliqués, mais nous assurons et assumons cette position au sein des conseils d'administration où nous siégeons.

Je ne suis pas en mesure de répondre avec la précision requise à la question portant sur les bénéficiaires du crédit d'impôt recherche ; je le ferai ultérieurement, par écrit. Il est exact que certaines des entreprises de notre portefeuille, qui sont des très grands groupes internationaux dans le domaine de la défense et des télécommunications, ont des centres de recherche situés à l'étranger et sont bénéficiaires de ce crédit.

Vous avez évoqué l'évolution des investissements de la SNCF au cours des quinze dernières années. Il faut reconnaître que l'équation financière de l'entreprise est extrêmement préoccupante. L'évolution de la dette cumulée du groupe conduit à sélectionner rigoureusement les nouveaux projets d'infrastructures. L'État actionnaire souhaite dorénavant que la dette n'évolue pas aussi vite que pendant les dix années précédentes.

Le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies est une entreprise très dynamique, une des plus brillantes de notre portefeuille dans son secteur. C'est un actif majeur pour la santé et pour l'industrie de la santé. Le Laboratoire, en pleine croissance, doit investir pour faire fructifier les recherches qu'il a menées avec succès ces dernières années. L'APE, avec Bpifrance, doit pouvoir accompagner le développement du LFB dans des formes d'évolution de sa structure financière. N'ayez pas d'inquiétude sur notre volonté d'accompagner ce développement ; nous devons simplement avoir les meilleurs instruments et cadres possibles pour le permettre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Puis-je rappeler qu'il s'agit de trouver entre 20 et 30 millions d'euros ? Je n'ose imaginer que l'APE ne dispose pas de ce montant. Comment imaginer privatiser le LFB ? Non seulement, vous l'avez dit, c'est un fleuron industriel, mais il y a aussi là une question éthique. Je ne peux concevoir que nous bradions à la fois un actif public et nos idéaux pour une somme dérisoire au regard des montants dont la commission des finances est amenée à débattre par ailleurs et au regard, aussi, de tout ce qui a été fait pour l'Établissement français du sang. Je ne peux entendre ce discours – dont je sais qu'il n'est pas le vôtre à titre personnel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le président du Laboratoire m'a dit avoir programmé l'ouverture du capital à Predica. J'aurais préféré que l'on confie le LFB à l'APE.

Permalien
Martin Vial, commissaire aux participations de l'état, directeur général de l'Agence des participations de l'état

L'État n'est pas inactif : nous avons souscrit à l'augmentation du capital du LFB de 230 millions qui sera libérée en plusieurs tranches jusqu'en 2018 – la première tranche de l'augmentation de capital souscrite en 2015 représente 60 millions d'euros. Il ne s'agit donc pas de brader ni d'abandonner le Laboratoire, mais l'entreprise a des besoins d'investissement importants. Ils ont été pris en compte par l'État et par l'APE.

M. Giraud m'a interrogé sur les relations entre l'Agence et Bpifrance. Nos doctrines sont complémentaires. L'APE agit comme actionnaire de long terme en prenant d'importantes participations, plus particulièrement dans des entreprises ayant un intérêt stratégique souverain ou lorsque des opérations visent à consolider certains secteurs économiques. Bpifrance prend des participations nouvelles dans des entreprises de taille intermédiaire et des PME, et la rotation de son portefeuille sera plus rapide ; elle contribue aussi à doter en fonds propres des entreprises aux côtés d'autres investisseurs. Cette répartition des rôles fait qu'il n'y a pas de zones de frottement. Dans les cas, tels celui d'Orange, où l'APE et Bpifrance ont toutes deux une participation, la stratégie de l'actionnaire est déterminée par l'APE et les choses se passent très bien. Pour ce qui est de la coordination des investissements, l'APE est actionnaire à 50 % de Bpifrance. Je suis membre du conseil d'administration de BPI SA, la holding de tête, et l'un de mes collaborateurs, administrateur de BPI Participations, siège à tous les comités d'investissement. En liaison avec la Caisse des dépôts, avec laquelle la collaboration est excellente, nous participons aux décisions relatives à l'ensemble du portefeuille de BPI Participations.

Je suis, monsieur Rodet, placé sous l'autorité de deux ministres, mais l'APE n'est pas seulement un exécutant, elle contribue à la stratégie de l'État actionnaire. Je l'ai dit dans mon propos introductif, l'État peut avoir d'autres préoccupations, telles que la régulation, les finances publiques, l'équilibre des marchés. Il nous appartient de présenter au Gouvernement des propositions relatives à la stratégie des entreprises que nous avons en portefeuille, propositions qui vont bien au-delà du prochain exercice comptable. Nous le faisons très régulièrement, dans un dialogue avec les dirigeants des entreprises en portefeuille, pour prendre en compte leur intérêt de long terme et viser une croissance rentable. Cette capacité de suggestion est entière et, fort d'une longue expérience de chef d'entreprise d'une part et d'administrateur dans le secteur public d'autre part, je m'attache à contribuer à cette vision de long terme.

Pour ce qui est enfin du rôle d'EDF dans la filière nucléaire, monsieur Fauré, les décisions ont été annoncées avant l'été. Dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, EDF fera évoluer son parc nucléaire et investira dans les énergies renouvelables. Cela crée des contraintes en matière d'investissements futurs. Une fois AREVA NP racheté, EDF aura le leadership dans la construction de centrales.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le commissaire, je vous remercie pour la qualité de votre intervention et de vos réponses.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 2 décembre 2015 à 11 heures 15

Présents. - M. Guillaume Bachelay, Mme Karine Berger, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, Mme Arlette Grosskost, M. Razzy Hammadi, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Michel Pajon, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Alain Rodet, M. Michel Vergnier

Excusés. - M. Éric Alauzet, M. Dominique Baert, M. Xavier Bertrand, M. Pascal Cherki, M. Henri Emmanuelli, M. Christian Estrosi, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Jérôme Lambert, M. Patrick Lebreton, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Camille de Rocca Serra, M. Pascal Terrasse, M. Laurent Wauquiez