Je salue aujourd’hui l’engagement inlassable dont il a fait preuve pour que nous aboutissions à un texte solide. Nous avons véritablement travaillé de concert, dans une confiance mutuelle qui nous a permis d’apporter, dans un laps de temps relativement bref eu égard à l’importance des enjeux, plusieurs solutions juridiques susceptibles de nous aider à lutter plus efficacement contre tous les types de phénomènes criminels et délinquants, dans les transports en commun. Cette proposition de loi concrétise ainsi une ambition forte portée depuis longtemps par le Gouvernement et par Gilles Savary.
Dès le 16 décembre 2014, le Comité national de la sécurité dans les transports en commun, le CNSTC, après un long travail en amont, a proposé un premier train de mesures contre la fraude, que reprend la proposition de loi. Celle-ci a donc largement bénéficié du dialogue que le Gouvernement a su renouer avec l’ensemble des transporteurs. Dès juin 2014, j’avais en effet souhaité réactiver le CNSTC, qui ne s’était réuni qu’une seule fois depuis sa création en 2008, en décembre 2011, et n’avait depuis lors plus jamais été sollicité.
En lien avec les opérateurs de transports, nous avons ainsi pu évaluer avec précision les besoins en matière de sécurité, avant d’identifier les évolutions juridiques qui apparaissaient nécessaires pour que l’action des forces de l’ordre et celle des services de sécurité internes, la SUGE pour la SNCF ; et le GPSR pour la RATP, puissent gagner en efficacité.
Par ailleurs, ce texte tient compte des évolutions que connaît la situation sécuritaire globale de notre pays. L’attentat évité dans le Thalys nous a rappelé les enjeux fondamentaux de sûreté propres aux transports collectifs, et plus particulièrement aux transports ferroviaires, en mettant en évidence des modes opératoires terroristes inédits sur notre sol.
Certes, cet événement nous a contraints à différer quelque peu l’examen de la proposition de loi pour y intégrer des mesures adaptées à la menace terroriste, mais je crois que personne, dans le contexte actuel, ne pourra nous en faire le reproche. Je remercie Gilles Savary d’avoir bien voulu accepter que nous prenions ce temps supplémentaire pour réfléchir et élaborer des mesures adaptées à cet enjeu. Dès le 19 octobre, le CNSTC a ainsi pu présenter les principales mesures contenues dans le texte de la proposition de loi.
Ce texte s’articule donc autour de deux axes majeurs : d’une part la lutte contre la fraude et d’autre part le renforcement de la lutte contre le risque terroriste et les atteintes graves à la sécurité publique dans les transports.
Concernant la lutte contre la fraude, trois mesures principales sont prévues.
Le texte propose d’abord, pour caractériser le délit de « fraude d’habitude », d’abaisser de dix à cinq le nombre nécessaire de contraventions reçues en cas de défaut de titre de transport valable. Cinq infractions suffiront donc désormais pour constituer le délit.
Il prévoit ensuite de permettre aux personnels des transporteurs de constater eux-mêmes les ventes à la sauvette dans les gares. Les agents de contrôle et de sécurité ferroviaire pourront donc constater un tel délit par procès-verbal.
Enfin, est reconnu un droit de communication entre les transporteurs et les administrations publiques – les administrations financières et les organismes de Sécurité sociale notamment – afin de faciliter la recherche et la vérification des état-civils et des adresses communiqués par les fraudeurs, et par là même d’améliorer le recouvrement des amendes.
Avec Gilles Savary, nous avons bien sûr veillé à ce que cette mesure soit préalablement soumise à l’avis du Conseil d’État. De surcroît, à la demande du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, le texte d’application sera, quant à lui, soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Nous entendons nous conformer au droit de la façon la plus stricte et la plus précautionneuse possible, afin que cette mesure nécessaire ne puisse souffrir aucune contestation.
Par ailleurs, les commissions des lois et du développement durable ont introduit des mesures supplémentaires qui renforcent encore davantage notre dispositif. Ainsi, obligation sera faite aux passagers, lorsqu’ils ne disposent pas d’un titre de transport valable ou qu’ils ne régularisent pas immédiatement leur situation, de présenter un document attestant de leur identité, sous peine de se voir éventuellement contraints de quitter les lieux où ils sont contrôlés.
En outre, une disposition supplémentaire, qui enrichit la palette des mesures auxquelles il sera dès lors possible de recourir lors d’un contrôle, prévoit que le manquement à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur le temps que celui-ci rende compte à un officier de police judiciaire, constitue un délit.
Enfin, le texte prévoit de créer un nouveau délit pour lutter contre les « mutuelles de fraudeurs » dont les incitations se multiplient sur Internet. Ces organisations voudraient imposer la gratuité des transports pour les usagers, en échange d’une cotisation mensuelle auprès d’une « mutuelle » qui prend en charge le paiement des amendes dressées en cas d’infraction. Désormais, une amende sanctionnera lourdement ces pratiques particulièrement pernicieuses et contraires au civisme le plus élémentaire.
L’ensemble de ces mesures vise donc à changer l’état d’esprit des voyageurs qui pratiquent la fraude dans les transports en commun, de façon régulière ou même épisodique.
J’en viens à présent aux mesures de sûreté prises pour lutter contre le risque terroriste et les atteintes les plus graves à la sécurité publique dans les transports. En la matière, nous renforçons considérablement nos dispositifs de lutte et de vigilance.
En premier lieu, les agents de sécurité internes de la SNCF et de la RATP seront autorisés, au même titre que les agents de sécurité privée, à procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages, et, en cas de circonstances graves constatées par le préfet, à des palpations de sécurité. Bien évidemment, toute inspection de bagage comme toute palpation de sécurité ne pourra être réalisée qu’avec le consentement des intéressés.
Le dispositif prévu sera donc le même que celui qui existe déjà dans les grands magasins et que personne ne songe à contester. Nos concitoyens ont pleinement compris sa nécessité, et je suis convaincu qu’il en ira de même dans les transports collectifs. Toute personne qui refusera de se soumettre à ces contrôles sera empêchée d’accéder aux transports publics.
En contrepartie de cette extension des prérogatives des agents de la SUGE et du GPSR, la commission du développement durable a souhaité que les procédures de contrôle auxquelles ces derniers sont soumis soient nettement renforcées. Un amendement prévoit donc que le contenu de leur formation sera désormais défini conjointement par le ministère de l’intérieur et le ministère des transports. Par ailleurs, le contrôle des agents de la SUGE et du GPSR sera désormais effectué par les forces de l’ordre. Je veillerai, en tant que ministre de l’intérieur, à ce qu’il soit rigoureux.
Grâce à un amendement porté par Marie Le Vern et le groupe SRC, ces mêmes agents seront désormais sensibilisés, lors de leur formation, à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports en commun.
En second lieu, le texte prévoit d’élargir les possibilités, pour les agents de la SUGE et du GPSR, d’exercer leurs missions en tenue civile afin de renforcer l’efficacité des opérations de constatation d’infractions. Néanmoins, il reviendra aux préfets dans le département de désigner par arrêté les agents concernés, de fixer la durée de leur dispense d’uniforme, ou encore la catégorie de lieux où ils pourront intervenir en civil. Des instructions strictes seront délivrées pour encadrer l’application de cette mesure, car notre volonté n’est certainement pas de la généraliser.
Enfin, la proposition de loi prévoit que les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire, ainsi que certaines catégories d’agents de police judiciaire adjoints, soient désormais autorisés à procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages afin de prévenir toute atteinte grave à la sécurité des personnes ou des biens, notamment les actes terroristes, y compris sans l’accord des passagers concernés.
Je veux pour finir dire quelques mots de deux amendements qui ont été adoptés en commission et qui présentent une importance toute particulière.
Tout d’abord, le rapporteur Gilles Savary a souhaité, à juste titre, que la proposition de loi ne concerne pas seulement les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP, et par là même qu’elle ne concerne pas seulement l’Île-de-France. Il a ainsi proposé, proposition que le Gouvernement soutient, que soit introduite une obligation, pour tous les opérateurs de transports urbains, d’assurer la sûreté de leur réseau, où qu’il se trouve sur le territoire national. Il est en effet indispensable que tout usager des transports collectifs puisse bénéficier, dans l’ensemble du pays, de solides garanties de sûreté.
Par conséquent, les transporteurs devront, soit mettre en place un service de sécurité privée placé sous le contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, soit signer une convention avec les communes concernées pour que les polices municipales, qui sont en mesure de constater les infractions au code des transports, puissent assurer la sûreté des réseaux.
J’insiste sur ce point très important : cette proposition de loi ne regarde pas seulement les Franciliens, mais bien tous nos concitoyens, où qu’ils vivent sur notre territoire.
Enfin, une autre question, particulièrement délicate, devra être tranchée : celle du « criblage » des personnels de la SNCF et de la RATP. Un amendement prévoyant une telle mesure a été adopté en commission. Il prévoit que le recrutement ou l’affectation des personnels au sein de la SNCF et de la RATP peut être précédé d’enquêtes administratives destinées à vérifier que leur comportement n’est pas incompatible avec l’accomplissement de leur mission.
Le Gouvernement, vous le savez, est depuis longtemps sensible à ce sujet puisque nous avions envisagé, voici plusieurs mois, d’introduire une mesure équivalente dans le projet de loi relatif au renseignement, qui prévoyait qu’à l’occasion de grands événements, les personnels ayant accès à des lieux dits sensibles seraient criblés.
C’est donc un enjeu qui dépasse de loin les seuls opérateurs franciliens de transports publics. Il doit être traité avec rigueur et responsabilité. De même, une telle mesure de criblage ne saurait exonérer les entreprises concernées de leur devoir de vigilance lors du recrutement de leurs personnels et de gestion de leurs ressources humaines.
Pour sa part, le Gouvernement souhaite que le dispositif proposé soit précisé dans le cadre de la navette parlementaire. Puisque l’amendement adopté en commission des lois et repris par la commission du développement durable renvoie la définition de son contenu à un décret en Conseil d’État, nous aurons justement toute latitude pour réaliser ce travail de précision au cours de la navette. Je propose bien sûr aux rapporteurs de la proposition de loi de les informer régulièrement de l’évolution de nos réflexions en la matière. Je rappelle qu’une mission d’inspection, dont j’ai moi-même, avec la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, demandé la création après le drame survenu en juin dernier à Saint-Quentin-Fallavier, nous remettra dans les jours à venir un rapport dont j’espère qu’il nous proposera des solutions satisfaisantes permettant de garantir à la fois l’efficacité des mesures prises et la protection des libertés individuelles.
Le Gouvernement soutient donc pleinement la proposition de loi présentée par Gilles Savary et le groupe SRC, dans la mesure où elle nous permettra de renforcer la sécurité des usagers des transports publics sur l’ensemble du territoire national, dans un contexte de menace terroriste particulièrement élevée.