La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi organique, s’arrêtant à l’amendement no 38 deuxième rectification portant article additionnel après l’article 6 bis.
La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement no 38 deuxième rectification.
L’histoire récente a montré que des dépenses engagées par un parti politique dans le cadre d’une campagne présidentielle pouvaient ne pas apparaître dans les comptes de campagne du candidat, déposés auprès de la commission compétente, parfois dans des proportions qui dépassent sensiblement les plafonds autorisés et l’entendement.
C’est pourquoi cet amendement, issu de l’une des propositions du rapport d’information que j’ai consacré au nom de la commission des finances à l’évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques, vise à exiger des partis qui engagent des dépenses dans le cadre d’une élection présidentielle qu’ils transmettent à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – la CNCCFP –, par l’intermédiaire de leur commissaire aux comptes et de leur trésorier, qui engageraient ainsi leur responsabilité, parallèlement au dépôt du compte de campagne des candidats, un état retraçant l’ensemble des dépenses engagées par leur parti dans le cadre de l’élection présidentielle. Cela permettrait à la CNCCFP de confronter les déclarations des partis aux comptes de campagne du candidat.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Cet amendement prévoit que le commissaire aux comptes d’un parti ayant financé les dépenses de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle devra transmettre aux mandataires du candidat une attestation de la réalité de la dépense, contresignée par le trésorier du parti puis adressée à la CNCCFP. L’objectif, me semble-t-il, est de mieux apprécier les dépenses des candidats prises en charge par les partis. Je le partage d’autant plus qu’il a présidé à l’adoption, en commission des lois, d’un amendement, déposé par Mme Pochon et devenu l’article 6 ter, qui instaure une annexe aux comptes de campagne, détaillant parti par parti les dépenses financées au profit d’un candidat à l’élection présidentielle. Ces dernières apparaissent aujourd’hui de manière globale.
L’article 6 ter me paraît en l’état suffisant. En outre le dispositif que vous nous proposez semble complexe : en quoi un commissaire aux comptes, qui peut certes attester de l’existence d’une dépense, pourrait-il en contrôler la réalité ? Que sait-il, par exemple, de l’évaluation d’une prestation de services ?
On m’objectera que l’amendement fait aussi intervenir le trésorier du parti, mais il présente de ce fait le risque d’une dilution des responsabilités entre le commissaire aux comptes, le trésorier du parti et le candidat à l’élection, dont il ne faudrait pas oublier qu’il demeure seul responsable de son compte de campagne devant la CNCCFP.
Pour toutes ces raisons, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
Le présent amendement vise à renforcer les contrôles sur les comptes des candidats à l’élection présidentielle, en confiant aux commissaires aux comptes la mission légale d’attester, à l’issue de l’élection présidentielle, la transmission aux mandataires financiers du candidat de toutes les dépenses imputables au compte de campagne. Cette attestation serait transmise à la CNCCFP et lui servirait à identifier un éventuel décalage entre les dépenses mentionnées dans le compte de campagne par le candidat et la réalité.
Cette mesure peut constituer un complément utile pour l’instruction finale des comptes de campagne des candidats. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Je m’oppose à cet amendement dont l’adoption reviendrait à supprimer l’article 6 ter, adopté par la commission et dont le rapporteur a indiqué qu’il satisfaisait le même objectif. Cet article vise en effet à agréger dans le compte de campagne du candidat l’intégralité des dépenses engagées par le parti qui le soutient, dépenses qui seront contrôlées par la CNCCFP et soumises au plafond, dont le dépassement entraîne d’ailleurs des sanctions financières. En outre, ces dépenses, rendues intégralement publiques, seront soumises aux observations des citoyens. Ce dispositif simple, efficace et transparent permettra d’éviter toute nouvelle affaire Bygmalion.
Cet amendement, au contraire, ne modifie pas fondamentalement la situation actuelle. En effet, le commissaire aux comptes n’a pas le pouvoir de certifier la totalité des dépenses engagées par le parti, mais uniquement celles qui auront été retenues, sélectionnées, et qui lui seront soumises. Au demeurant, l’absence de sanction en cas de déclaration incomplète fragilise le dispositif proposé. Enfin l’absence de publication de ces dépenses renforce encore le sentiment que les dépenses retenues ne seront que partielles.
Alors que nous avons voté tout à l’heure l’obligation de publier les parrainages, cet amendement ne permettrait pas de faire de même pour les dépenses des partis. Ce dispositif est opaque et insuffisant pour mettre un terme aux errements passés et ne répond pas au souhait de transparence de l’opinion publique. Le vote sur cet amendement n’est donc pas anodin.
L’amendement no 38 deuxième rectification n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement no 13 .
L’amendement no 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 6 ter, amendé, est adopté.
Article 6
Selon cette proposition de loi organique, il n’y a pas lieu de revenir sur l’interdiction de la publicité électorale dans les campagnes présidentielles. La création de cette interdiction en 1990 est concomitante à l’encadrement des dépenses électorales. Or la possibilité de campagnes publicitaires engendre des risques de dérives, dès lors que certains journaux importants appartiennent à des parlementaires ou que certains groupes d’afficheurs ont des liens avec telle ou telle collectivité locale. Elle serait enfin une source d’inégalité supplémentaire entre candidats. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 43 .
Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue. Une fois de plus – c’est la philosophie générale de toutes ces dispositions –, on cherche à favoriser les trois grands partis qui dominent la vie politique française, dressant ainsi le piège infernal du tripartisme.
Cette disposition remet en cause ce contre quoi nous avons lutté pendant longtemps. Ainsi, Philippe Seguin avait beaucoup milité pour cette interdiction car il s’opposait à ce que l’on donne un pouvoir aussi considérable à l’argent dans les campagnes électorales et que l’on favorise ceux qui en ont le plus.
L’avis de la commission est défavorable. Le droit en vigueur fait déjà de la France le pays d’Europe le plus strict en la matière. Un régime d’interdiction pouvait se comprendre lorsque les dépenses de campagne n’étaient pas plafonnées. Mais désormais les frais liés à l’achat d’espaces dans la presse ou à l’organisation d’une campagne d’affichage seraient intégrés aux comptes de campagne et soumis au plafond légal, respectant ainsi l’égalité des candidats.
J’ajoute que les restrictions actuelles n’ont plus grand sens depuis le développement des réseaux sociaux dont l’usage massif permet de dire à peu près ce que l’on veut.
Enfin, contrairement à ce que vous dites, madame la députée, cette interdiction ne date pas de 1990 mais de 1996 : elle n’est donc pas concomitante à l’encadrement des campagnes électorales. Depuis cette date, elle n’a cessé d’être durcie : en 1985, elle a été renforcée par l’interdiction de la publicité dans l’audiovisuel ; en 1990, sa durée a été portée à trois mois avant le scrutin, si bien qu’il serait impossible aujourd’hui de rééditer ce qui était permis à François Mitterrand, dont la Lettre à tous les Français avait été publiée en 1988 ; en 2011, l’interdiction a été prolongée jusqu’à six mois avant le scrutin.
Le Gouvernement s’interroge sur l’opportunité de la suppression de l’article 6 quater, qui met fin à l’interdiction d’engager des campagnes par voie de presse ou d’affichage dans les six mois avant l’élection présidentielle. Bien que respectueuses de l’égalité formelle entre les candidats, les dispositions de cet article sont susceptibles de créer d’importantes distorsions dans la période précédant les élections et au cours de la campagne. En effet, tous les candidats ne disposent pas des mêmes moyens financiers ; tous ne sont pas des personnalités sûres d’obtenir le nombre de parrainages nécessaires pour être candidat et tous ne pourront pas engager de telles opérations de communication en amont du scrutin. Il s’agirait également de personnalités soutenues par des partis politiques, aux moyens financiers solides. Aussi, un nombre très limité de candidats pourrait se permettre d’engager ces investissements de communication.
Je reconnais cependant que les arguments que le rapporteur vient de développer ont du poids. Je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
Nous avons débattu à l’instant de la transparence des dépenses : comment ces pages de publicité seront-elles facturées ? Comment en estimera-t-on le prix réel, lorsque l’on connaît les rabais dont ces encarts peuvent faire l’objet ? On sait aussi à qui les médias appartiennent dans notre pays, et que ces personnalités jouent un rôle très important puisque c’est le seul pays démocratique où il n’existe pas de séparation réelle.
Je demande donc aux parlementaires présents de bien réfléchir aux conséquences de cette disposition. Imaginez qu’un certain parti politique – je ne le nommerai pas – achète des espaces publicitaires pour mener une campagne de provocations. On imagine aussi le traitement des candidats qui en résulterait dans les pages éditoriales : nous connaissons tous le lien entre l’achat d’espaces par de grandes entreprises et la manière dont celles-ci sont traitées par ces mêmes journaux. Il n’y a qu’à voir la façon dont la loi bancaire a été soutenue dans notre pays.
En un mot, c’est une disposition extrêmement dangereuse. Comme le président de la commission l’a rappelé, cette interdiction existe depuis 1996 et, pour avoir travaillé avec Philippe Séguin, je me souviens de la volonté très forte avec laquelle il a lutté pour ce système, qui est l’honneur de notre démocratie et qui évite les dérives que l’on constate aux États-Unis et dans d’autres pays.
Aussi, j’implore l’Assemblée de bien réfléchir aux conséquences qu’aurait l’adoption de cette disposition.
S’agissant de l’inégalité que ces moyens de campagne pourraient introduire entre les candidats, l’explication de notre rapporteur a été limpide. Il n’est effectivement pas question d’augmenter le plafond des dépenses. Nous savons que ce plafond ne permet pas à des candidats qui mènent une campagne sur la durée – le délai d’un an a d’ailleurs été rétabli – de faire n’importe quoi.
Pour ce qui concerne le prix des encarts publicitaires, je rappelle que la loi relative à la transparence de la vie politique interdit tout ce qui s’apparente à un don en nature de personnes morales. En conséquence, les commissions chargées d’évaluer les comptes examinent si les tarifs pratiqués, que ce soit pour un encart publicitaire, une prestation d’impression ou tout autre prestation, sont ou non conformes aux prix du marché.
Je m’interroge enfin sur la raison pour laquelle des associations professionnelles, des syndicats ou telle ou telle pseudo-association auraient la liberté d’acheter des pages entières pour interpeller les candidats dans la presse durant les élections présidentielles, comme cela se produit de plus en plus souvent, alors que les candidats seraient les seuls à ne pas avoir le droit d’utiliser ces supports s’ils l’estiment nécessaire – ce qui reste à vérifier – ?
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 21 .
Nous arrivons, avec l’examen de cet article, à la question de l’horaire de fermeture des bureaux de vote qui a provoqué des débats animés en commission.
Aujourd’hui cette fermeture est échelonnée entre 18, 19 et 20 heures. Afin de lutter contre la diffusion prématurée de résultats électoraux à partir de l’étranger, voire de notre territoire, l’article 7 entend unifier ces horaires en prévoyant pour l’élection présidentielle une fermeture des bureaux de vote à 19 heures au plus tôt.
Mais cela ne résout pas vraiment la question. En premier lieu, la disposition vaudrait pour les élections présidentielles, et non pour les élections législatives, d’où un risque de confusion, pour des électeurs de bonne foi qui risqueraient de trouver porte close au premier tour des législatives.
En outre cela ne règle pas le problème de l’outre-mer, dont les résultats continueront de pouvoir être connus avant ceux de la métropole car il s’agit souvent d’un secret de polichinelle, avec toutes les extrapolations que cela permet.
Il nous semble donc nécessaire de supprimer cet article, ou à tout le moins – même si ce n’est pas l’objet de l’amendement – de nous rallier à un horaire unique pour l’ensemble des communes, qu’elles soient rurales ou urbaines, qui pourrait être 19 heures. Cela ne représenterait pas une grande complication en milieu rural et permettrait une participation conséquente en ville. Il y aurait là une porte de sortie intéressante. Mais à ce stade, nous proposons la suppression de cet article.
Cet amendement de suppression vise à maintenir un statu quo qui ne satisfait personne. La solution retenue à l’article 7 d’une fermeture des bureaux de vote à 19 heures ou à 20 heures profitera aux trois quarts du corps électoral. Elle est recommandée par la Commission nationale de contrôle de la campagne présidentielle, la Commission des sondages, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et le Conseil constitutionnel. L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Gouvernement est favorable au maintien du statu quo en matière d’horaires d’ouverture des bureaux de vote, pour prendre en considération la diversité du territoire. En 2012, les trois quarts des bureaux de vote ont fermé à 18 heures. Cela démontre l’intérêt de conserver la souplesse du système actuel, qui tient compte des habitudes et de la densité de la population. En outre, les municipalités rencontrent déjà d’importantes difficultés pour trouver des citoyens qui acceptent de tenir les bureaux de vote. Il n’est donc pas opportun de renforcer les contraintes inhérentes aux opérations électorales. Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable à cet amendement.
Je voudrais répondre au rapporteur et faire écho aux propos de notre collègue Gosselin. Il est vrai que nous parlons de l’élection présidentielle, mais convenez qu’il serait assez inconcevable de demander aux maires de fermer les bureaux de vote à des horaires variant en fonction de chaque élection, alors même que le déroulement des opérations est assez similaire. En outre cela ne serait guère lisible pour nos concitoyens.
Le préfet nous a demandé, à quelques semaines du premier tour des dernières élections régionales, – sans doute à la demande du ministère de l’intérieur – à quelle heure il convenait de les tenir. Il est vrai qu’en 1958 il n’y avait pas l’internet ! Dès les premières centaines de bulletins dépouillées par exemple à Tourcoing, les Lillois – dont les bureaux de vote ferment à 20 heures – connaissaient déjà les résultats, non pas grâce aux sondages, à Radio Londres ou à la Belgique, mais grâce à leurs voisins ! C’est assez incompréhensible.
Certes, c’est l’élection présidentielle qui nous intéresse aujourd’hui, mais l’interpellation de mon collègue Gosselin vaut pour les prochaines révisions du code électoral. Un même horaire de fermeture pour tous réduira la « triche » au minimum, sachant que les élections se jouent parfois à quelques centaines ou quelques milliers de voix – M. le ministre voit sans doute de quoi je veux parler.
Le rapporteur souligne dans son rapport qu’une proportion importante de la population est susceptible de voter entre 19 heures et 20 heures – environ 20 %. Or aujourd’hui, la fermeture des bureaux à 18 heures dans une grande partie des communes fait qu’au moment où ces électeurs vont voter, il leur est possible de connaître les simulations qui ont été faites à partir des premiers dépouillements. Repousser à 19 heures l’heure de fermeture des bureaux de vote qui ferment aujourd’hui à 18 heures présenterait l’avantage de rendre impossible la connaissance du résultat de l’élection avant même que tous les électeurs aient voté.
J’ajoute qu’aucun des nombreux maires de communes rurales que j’ai interrogés à ce sujet ne m’a dit que la fermeture des bureaux 19 heures lui poserait un problème.
Je voudrais préciser la philosophie de cette proposition. Il va de soi que le souci de simplification devrait conduire à choisir la même heure pour la totalité du territoire. Ce serait beaucoup plus simple.
Chacun conviendra que l’heure en question peut difficilement être 18 heures puisque actuellement un quart du corps électoral vote jusqu’à 20 heures. Inversement il serait compliqué d’aligner l’horaire de fermeture de tous les bureaux à 20 heures quand 74 % du corps électoral a déjà voté à 18 heures. J’ai interrogé à ce sujet les municipalités auxquelles nous pensons tous, c’est-à-dire celles dont les territoires connaissent une moindre vitalité que les grandes villes : elles nous ont répondu qu’un recul de deux heures de la fermeture des bureaux serait considérable.
Notre choix de 19 heures est donc un compromis. En effet, il semble difficile de priver les électeurs de la possibilité de voter jusqu’à 20 heures, alors que reporter l’heure de fermeture à 19 heures est une contrainte qui nous paraît supportable.
Maintenir la situation en l’état est à mon sens la pire des hypothèses. Dimanche dernier, nous connaissions tous les résultats des élections à partir du dépouillement des bureaux qui fermaient à 18 heures alors même que les bureaux n’étaient pas tous fermés. Quand dans certaines régions l’élection se joue à 4000 voix, maintenir le droit en l’état porterait demain atteinte à la sincérité du scrutin. C’est pourquoi la solution de 19 heures me paraît être la voie de la sagesse, même si par définition un compromis ne satisfait personne
J’entends vos arguments, mais les risques de dérive me semblent limités. Bien sûr les résultats circulent, mais c’est aussi le cas de ceux de l’outre-mer. On me dira que ce n’est pas la même chose, mais s’agissant de l’élection présidentielle, ils s’additionnent bien aux résultats de l’hexagone et on peut donc en tirer quelques indications.
Honnêtement, changer les heures de fermeture des bureaux de vote pour la seule élection présidentielle ne peut qu’être facteur d’incompréhensions. En avril et en mai 2017, certains bureaux de vote fermeront à 19 heures, pour l’essentiel en milieu rural, et à 20 heures pour un quart de la population. Cela est encore acceptable. Mais un mois plus tard, on reviendra au statu quo ante pour les élections législatives ! Il y a là un risque réelle de confusion. Je veux bien que l’élection présidentielle soit la reine des élections, mais il me semble que les élections législatives sont tout aussi importantes. Soit on fait entrer tout le monde dans le nouveau cadre, soit il faut en rester au statu quo.
La parole est à M. Patrick Bloche, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je crois qu’il faut rappeler l’objectif recherché à travers ces dispositions : ne pas perturber la sincérité du scrutin et limiter au maximum les risques de manipulation de l’opinion et par là même des électeurs tardifs.
Je ne nie pas que la fermeture des bureaux de vote à des horaires variables selon l’élection pose un vrai problème, monsieur Gosselin.
Mais c’est un problème annexe. Avouons que le risque de manipulation de l’opinion et des électeurs tardifs n’est pas le même pour une élection présidentielle que pour 577 élections législatives.
Les élections régionales qui viennent de se dérouler ont bien montré le risque du tripartisme si nous nous retrouvons avec trois candidats au coude à coude au premier tour de l’élection présidentielle. Nous avons vu dans le cadre de treize élections régionales quelles conséquences pouvaient avoir ces deux heures de décalage à l’heure d’internet et des réseaux sociaux : dans le cadre d’une élection présidentielle, c’est la garantie d’une manipulation pour essayer d’influencer le vote des électeurs votant entre 18 heures 30 ou 18 heures 45 et 20 heures, soit près d’un quart de l’électorat !
C’est dans le souci d’éviter ce risque de manipulation et de garantir la sincérité du scrutin qu’il est proposé de fixer une heure de fermeture unique, à 19 heures, avec une possibilité de dérogation à 20 heures pour les grandes villes. Ainsi, les estimations, les sondages à la sortie des urnes ou les résultats des premiers dépouillements seront connus seulement une dizaine de minutes avant 20 heures : la sincérité du scrutin sera respectée et nous éviterons ce risque de manipulation. Voilà l’objectif de cette disposition et c’est pourquoi elle est essentielle et qu’il m’apparaît indispensable de la conserver.
Permettez-moi une dernière observation, madame la présidente. Je conçois qu’il soit plus difficile d’organiser des scrutins électoraux dans les communes rurales que dans les grandes villes. Mais pour avoir fait la tournée des 61 bureaux de vote de ma circonscription urbaine deux dimanches de suite, il me semble que le plus difficile est de trouver des présidents de bureaux de vote et des assesseurs, qui doivent souvent être présents de 7 heures du matin à 23 heures, voire minuit lorsqu’il faut apporter les résultats en mairie. De ce point de vue, que la fermeture du bureau ait lieu à 18 heures ou à 19 heures change finalement peu de chose.
Si l’élection présidentielle est spécifique, c’est tout simplement parce que c’est le seul scrutin où tous les Français votent dans la même élection.
C’est pourquoi la diffusion de résultats relativement fiables avant la fin des opérations de vote pose un problème, d’autant plus quand on connaît les moyens déployés à l’occasion d’une élection présidentielle par les différents médias ou pseudo-médias.
Vous avez invoqué les habitudes des électeurs. Il ne faudrait pas infantiliser nos compatriotes : ils s’informent des horaires d’ouverture des bureaux de vote et ont déjà connu des élections se terminant à des horaires particuliers – je vous rappelle qu’il fut une époque où les bureaux de vote étaient ouverts jusqu’à 22 heures pour les élections européennes – c’était d’ailleurs absurde à mon sens.
Le statu quo, comme l’a très justement dit Jean-Jacques Urvoas, est parfaitement intenable. Si tous les bureaux fermaient à la même heure, ce devrait être à 19 heures, mais on voit bien le problème que cela poserait dans les zones urbaines. Le pragmatisme impose donc le compromis d’une fermeture des bureaux de vote à 19 heures, assortie de dérogations à 20 heures, seul à même d’empêcher la diffusion d’estimations fiables. Cela me paraît être une solution de sagesse.
Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, si l’on veut réellement garantir la sincérité du scrutin, il faut imposer partout la même heure de fermeture. Ce que vous avez dit à propos de l’élection présidentielle, au motif qu’il s’agit d’une élection tout à fait particulière, vaut pour les référendums.
Il s’agit absolument du même cas de figure. D’ailleurs, on se souvient que, lors des élections européennes, le ministre de l’intérieur avait demandé aux préfets de s’efforcer de parvenir à une heure unique de fermeture. Cela s’est fait dans certains départements mais, globalement, ce fut un joyeux bazar.
Alors que, quelques semaines après l’élection présidentielle, se tiendront des élections tout aussi importantes pour la France, les horaires de fermeture des bureaux de vote ne seront pas les mêmes. Nous contestons cette différence de traitement et pour ma part, je soutiendrai les amendements qui tendront à instituer partout la même heure de fermeture.
L’amendement no 21 n’est pas adopté.
C’est pour cela que ça n’a pas marché !
Sourires.
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement no 18 , puisqu’ils ont un objectif commun : instaurer un horaire unique de fermeture des bureaux de vote. L’amendement no 17 propose une fermeture à 20 heures et l’amendement no 18 , une fermeture à 19 heures.
De fait, l’horaire unique nous semble être la voie de la sagesse pour éviter tous les inconvénients qui ont été rappelés et pour afficher une règle qui serait la même pour tous nos concitoyens. À partir de ce moment les habitudes changeraient rapidement : ceux qui votaient jusqu’à 18 heures s’accoutumeraient à voter jusqu’à 19 heures et ceux qui avaient l’habitude de voter jusqu’à 20 heures le feraient jusqu’à 19 heures, si on considère, comme nous, que cet horaire pourrait constituer un point d’équilibre.
Les débats que nous avons sur ce sujet m’amènent à me demander pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement identique no 50 .
Si vous le permettez, je présenterai également l’amendement no 51 , madame la présidente.
Notre pays se caractérise, à certains égards, par une forme d’archaïsme – ou peut-être sommes-nous un tantinet « vieille France » – ne serait-ce que s’agissant de la possibilité d’accorder des délégations de vote. Je crois que M. le ministre de l’intérieur pourrait être sensible au fait que les commissariats ne soient pas régulièrement envahis par un certain nombre de personnes qui mobilisent l’attention des fonctionnaires. Il y a peut-être une autre méthode à suivre ; il y a là matière à réflexion.
Par ailleurs, dans ma ville, on recourt au vote électronique, contrairement à l’usage du vote papier, traditionnel, qui prévaut en France. Pourtant, faut-il le rappeler, on est au XXIe siècle. C’est d’autant plus extraordinaire qu’un certain nombre de pays européens, avec lesquels nous organisons certaines élections en commun, recourent au vote électronique sur deux, trois, quatre ou cinq jours. À ma connaissance, cela ne donne lieu à aucune fraude.
Sur le principe, comme le disait Marc Dolez, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? On parlait d’équité et d’égalité : tout le monde, en France, doit pouvoir voter jusqu’à la même heure. On ne va pas rejouer les urbains à la campagne, à la façon de Tchekhov, on ne va pas couper le cerisier. Que ce soit 19 heures ou 20 heures, que tout le monde fasse la même chose. Si nous nous accordons sur 20 heures, on trouvera toujours un adjoint au maire bienveillant dans les communes de campagne qui acceptera de laisser le bureau ouvert jusqu’à cette heure, on trouvera toujours un fonctionnaire qui se rendra disponible jusqu’à la fermeture avec des représentants des partis politiques. L’essentiel est de fixer la même heure pour tout le monde. J’ai dit ce que je pensais de l’équité, qui me semble relever d’une philosophie plus germanique que française ; en revanche, l’égalité me semble un objectif magnifique.
Je l’ai présenté en même temps que l’amendement no 17 , madame la présidente.
Je l’ai présenté en même temps que l’amendement no 50 , madame la présidente.
L’article 7 est adopté.
Cet amendement vise à introduire dans la loi organique des précisions quant aux modalités de la diffusion de la propagande des candidats aux électeurs. Ces dispositions concernent strictement l’élection du Président de la République et ne saurait s’appliquer aux autres élections.
L’élection présidentielle, vous le savez, est le scrutin politique qui connaît les taux de participation les plus élevés. Elle fait l’objet d’une très large couverture médiatique dans l’ensemble des territoires de la République ainsi qu’à l’étranger. Les candidats bénéficient actuellement de la possibilité de faire adresser par l’État une profession de foi lors de chaque tour du scrutin.
Il est proposé de moderniser ce moyen traditionnel d’information en tenant compte, à la fois, des nouveaux modes d’information des électeurs, qui font de plus en plus appel à internet, ainsi que des contraintes environnementales et budgétaires de l’État. La mise en ligne des documents de propagande des candidats serait pleinement institutionnalisée par son inscription dans la loi organique, qui renvoie au pouvoir réglementaire pour l’organisation des opérations électorales et, notamment, pour les modalités de mise à disposition de la propagande.
Par ailleurs, la loi organique renvoie également au pouvoir réglementaire pour entourer cette procédure des garanties permettant d’éviter l’exclusion des publics les plus à l’écart des nouvelles technologies. Elle ne supprime ainsi pas totalement la prise en charge par l’État de la diffusion de documents de propagande imprimés : une version imprimée des professions de foi des candidats pourrait être disponible dans chaque mairie, ainsi que dans les ambassades et les postes consulaires pour les Français de l’étranger. De même, chaque électeur pourrait continuer à recevoir chez lui un courrier lui indiquant où trouver la propagande en ligne et sous format papier. En effet, le Gouvernement s’engage à maintenir des lieux d’accès à cette propagande sous format papier.
Afin de rechercher des autres leviers de transmission de l’information en direction des électeurs, le Gouvernement propose de mettre en place un groupe de travail au 1er janvier, qui permettra de réunir les parlementaires désireux de moderniser l’accès au suffrage.
J’ajoute que cette mesure s’inscrit dans le cadre de la revue des dépenses de l’État et permettrait une économie de cent millions d’euros par élection présidentielle.
L’amendement no 58 du Gouvernement a pour objet d’instituer la dématérialisation de la propagande pour l’élection présidentielle. Je note que c’est la seule élection pour laquelle la propagande papier n’est pas prévue par la loi mais par un simple décret. La propagande papier constitue une information indispensable aux électeurs, en particulier dans certaines zones rurales, car elle les met au courant de la date d’une élection, des noms des différents candidats et de leurs principales propositions.
La solution proposée, consistant à mettre en ligne les propositions de foi, est intéressante mais n’est pas tout à fait satisfaisante. En effet, les déclarations des candidats sont prévues pour être imprimées et ne sont pas nécessairement adaptées au format numérique. Par ailleurs, la plupart des candidats éditent déjà leurs propres sites internet, qui restent sous leur responsabilité.
C’est pourquoi le sous-amendement no 61 vise à ce que le site désigné par le ministère de l’intérieur puisse proposer des renvois vers les sites des candidats. Le sous-amendement no 62 , quant à lui, vise à maintenir l’envoi du courrier aux électeurs, afin que chacun reste informé de la tenue de l’élection et conserve la possibilité de connaître les principaux candidats. Ce sous-amendement présenterait également une utilité au regard de la bonne tenue des listes électorales. En effet, le retour, par la poste, des enveloppes de propagande qui ne sont pas parvenues à leur destinataire est pris en compte par les commissions administratives de révision des listes électorales.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements ?
Madame la présidente, il me semble que M. Coronado est seul signataire des sous-amendements.
En tout état de cause, les dispositions proposées à travers ces sous-amendements ne me paraissent pas relever du niveau législatif mais du pouvoir réglementaire.
Sur le fond, je ne suis pas convaincu par la pertinence du sous-amendement no 61 : les adresses des sites internet des candidats ne me semblent pas constituer une information si difficile à trouver pour les électeurs. Donc avis défavorable sur les sous-amendements et avis favorable à l’amendement du Gouvernement.
Je suis très étonné des arguments avancés à l’appui de cet amendement, qui est présenté avant tout comme une mesure d’économie. Certes 100 millions d’euros ce n’est pas rien, j’en conviens, surtout par ces temps budgétairement difficiles. Mais il s’agit de l’élection présidentielle, l’élection reine, la plus attendue. Il faut avoir conscience du fait que certaines personnes attendent fébrilement leur enveloppe, que des personnes âgées préparent leur bulletin, chez elles…
… grâce à ces documents de propagande électorale ou, pour employer un terme plus adapté, de ce matériel d’information. Il s’agit là d’une forme de rituel, de rite de citoyenneté. Recevoir dans sa boîte aux lettres un document à son nom, que l’on peut lire tranquillement, regarder, soupeser, ce n’est pas du tout la même chose que d’aller sur un site internet.
Par ailleurs se pose le problème de l’accès : tout le monde n’est pas doté d’un ordinateur, même si l’on sait que certains foyers sont suréquipés. Tout le monde ne bénéficie pas non plus d’un débit suffisant pour imprimer des documents comportant des photographies, qui constituent des fichiers assez lourds. Croit-on réellement que les gens vont aller à la mairie, à l’ambassade, ou au consulat pour récupérer les professions de foi des candidats ? C’est totalement méconnaître la réalité. Si l’on voulait démobiliser un certain nombre de nos concitoyens, on ne s’y prendrait pas autrement. Puisque vous proposez de réunir un groupe de travail au début de l’année prochaine, monsieur le ministre, je suggère de faire preuve de sagesse et d’attendre ses conclusions.
Par ailleurs, si l’on devait, à un moment ou à un autre – pourquoi pas, à l’heure du numérique ? – envisager la publication des professions de foi sous une forme dématérialisée, il faudrait instituer pendant une certaine un système mixte afin d’accompagner cette transition. À ce stade, je trouve que votre proposition est décourageante. Pourquoi, de surcroît, ne l’envisager que pour l’élection présidentielle ? Ce n’est pas cohérent : comme pour les horaires de fermeture, on saucissonne.
Monsieur le ministre, quasiment chaque année, vous voulez nous « refiler » cette suppression de l’envoi de la propagande électorale. C’est extrêmement grave. Au moment où notre démocratie est rongée par le cancer de l’abstention, au moment où tant de nos concitoyens sont écoeurés par la vie politique, vous entendez supprimer un lien fondamental avec les électeurs. Comment peut-on oser faire cela ?
La fracture numérique est une réalité. Des millions de nos concitoyens n’ont pas d’imprimante, pas d’accès à l’internet, ne savent même pas comment ça marche. Or, sciemment, sous prétexte de réaliser une économie – elle est incontestable mais la démocratie a un coût –, vous allez saboter ce lien très important.
De surcroît, beaucoup de nos concitoyens apportent – je le sais pour tenir un bureau de vote dans ma ville – le bulletin de vote qu’ils ont préparé à l’avance.
J’ajoute que cela introduirait une nouvelle inégalité entre les trois grands partis et tous les autres. En effet, et vous le savez très bien, les trois grands partis expédieront par la poste leur projet dans toutes les boîtes aux lettres de France – rendant d’ailleurs la mesure totalement contre-productive sur le plan écologique. Chacun d’eux va supporter des frais spécifiques pour faire distribuer ces documents par La Poste ou d’autres distributeurs, alors que le mérite du système actuel est de réaliser une économie d’échelle en permettant l’envoi dans la même enveloppe de l’ensemble des propagandes. Seul votre ministère va réaliser une économie.
Bien évidemment, conformément à la philosophie de l’ensemble de vos propositions, les autres partis seront rayés de la carte et vous obtiendrez le tripartisme dont vous rêvez. D’ailleurs, tout cela est fait pour que votre parti affronte le Front national au deuxième tour de l’élection présidentielle. C’est la seule philosophie qui inspire nos débats de ce soir : condamner les Français à ce piège terrible du tripartisme. Je répète une fois de plus que c’est une folie.
Je voudrais communiquer à la représentation nationale quelques éléments d’information sur la dématérialisation de la propagande électorale. Les deux seuls pays de l’Union européenne, sur vingt-huit, qui distribuent la propagande électorale sous une forme papier sont la France et le Royaume-Uni.
Me permettez-vous, monsieur Carvalho, d’aller au bout de mon raisonnement ? Si l’on ne peut pas déployer un raisonnement dans cet hémicycle – ce qui est peut-être votre conception de la démocratie –, je me rassois et je vous laisse vous exprimer. Il n’est pas interdit de se respecter.
C’est une vision de la démocratie qui, même sous le régime à parti unique de l’Union soviétique, fonctionnait parfaitement bien.
Il n’existe donc dans l’Union européenne que deux pays où la propagande électorale est distribuée sous format papier. Vous souhaiteriez que nous fassions 150 milliards d’euros d’économies, et je le comprends, mais chaque fois qu’on propose une économie, ce n’est jamais la bonne.
En outre, puisque vous proposez une période transitoire, je ne vois pas en quoi le fait de développer la communication numérique autour de la propagande électorale et de transmettre cette propagande à ceux qui n’y ont pas accès en liaison avec les mairies serait une forme d’altération de l’exercice démocratique et de la liberté du suffrage.
Par ailleurs, dans les bureaux de vote, il y aura bien entendu des bulletins de vote.
Les électeurs ne seront donc en aucun cas privés du contact physique avec le bulletin, puisqu’il semblerait, selon votre raisonnement, que l’envie de voter dépende de ce contact physique.
Il y a derrière tout cela beaucoup d’archaïsmes, d’habitudes et de refus de la modernité. Pour ma part, je ne pense pas du tout que ce soit la distribution des bulletins de vote ou des professions de foi dans les boîtes aux lettres qui nourrisse la vitalité démocratique, monsieur Dupont-Aignan.
Ce qui fait la vitalité démocratique, c’est la qualité et la dignité du débat, c’est la qualité des propositions des organisations politiques, c’est la capacité de ceux qui exercent une responsabilité politique à porter la parole politique à un niveau qui donne envie aux électeurs d’aller voter. Et vous pourrez distribuer toutes les propagandes électorales que vous voudrez dans les boîtes aux lettres des électeurs français, si le niveau du débat politique continue de baisser, vous aurez de plus en plus d’abstention. D’ailleurs, alors que la propagande électorale est aujourd’hui distribuée dans toutes les boîtes aux lettres, l’abstention augmente. Il n’y a donc pas de lien entre les deux.
Ce qui fait l’abstention, c’est l’abaissement du niveau du discours politique dans notre pays.
Ce sujet de la dématérialisation est compliqué, et il montre notre frilosité. Nous sommes tous partagés, tout en étant convaincus qu’il est nécessaire de réduire la consommation de papier…
On peut aussi songer à changer certaines choses dans notre pays, tant il est vrai que nous sommes tout de même un peuple d’habitudes. Je connais un grand nombre de foyers dans lesquels ces enveloppes ne sont jamais ouvertes.
L’élection présidentielle peut apparaître comme l’occasion de poser la question de la dématérialisation, et probablement la seule échéance pour laquelle on peut imaginer de tenter l’expérience. Nous avons déjà eu ce débat pour les élections départementales mais il nous a paru compliqué d’ajouter ce changement au changement institutionnel.
Que des Français ne connaissent pas l’identité des candidats à l’élection présidentielle serait tout de même assez surprenant, voire impossible. Cela étant dit, certaines questions ne sont pas résolues. On n’a pas, par exemple, trouvé d’autres moyens que le retour par la Poste des professions de foi pour permettre à la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale de savoir si les électeurs habitent toujours à l’adresse indiquée.
En outre, il est vrai que cette mesure suscite une grande hostilité dans nos territoires.
Enfin, aucune étude d’impact n’a été réalisée.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste est plutôt hostile à la dématérialisation, et je pense que chacun doit retrouver sa liberté de vote sur la question.
Je veux exprimer mon soutien à cet amendement car il me semble bien qu’à l’exclusion de M. le rapporteur, personne ne s’est encore exprimé dans ce sens, madame la présidente.
M. le ministre a tout dit : notre dispositif est quasiment unique au sein de l’Europe. Surtout, le niveau de l’abstention n’est en aucun cas corrélée au montant que nous dépensons – des centaines de millions d’euros – pour adresser aux électeurs et aux électrices les fameuses enveloppes. Incidemment, j’ai quelque doute sur la capacité pour un candidat, quel que soit son esprit de synthèse, à résumer en quatre pages son projet pour la France.
Je souscris donc complètement aux arguments de M. le ministre. Compte tenu de la visibilité de l’élection présidentielle et de l’appétence des Français pour cette élection, il me semble que c’est l’échéance qui convient pour tester un dispositif innovant et en tirer, à l’issue du prochain scrutin, les conclusions utiles.
J’aimerais revenir sur le problème des bulletins de vote, dont vous venez d’affirmer qu’ils resteront à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote, monsieur le ministre. Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, dimanche dernier et le précédent, jours de scrutin électoral, j’ai présidé un bureau de vote dans ma commune. Vous ne pouvez pas imaginer, ou peut-être l’imaginez-vous fort bien parce que vous l’avez constaté, l’appréhension de certaines personnes quant au fait d’aller voter. Ces personnes préparent leur vote et arrivent avec leur bulletin plié dans leur poche. Elles prennent leur enveloppe dans le bureau parce qu’elles n’en disposent pas à leur domicile, puis elles passent dans l’isoloir avant de déposer le tout dans l’urne. Pour ces dernières, le fait de recevoir le matériel électoral à domicile sous format papier est très important.
Ces personnes, souvent, n’ont pas accès à l’internet car il s’agit souvent de personnes âgées, mais pas seulement.
La distribution des documents électoraux sous format papier demeure donc très importante dans notre pays.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat devient intéressant, car il nous oblige à aller au fond des choses : c’est le moins que nous devons au peuple français, monsieur le ministre, après le très dur rappel à l’ordre qu’il nous a infligé à tous.
J’ai apprécié que vous ayez avoué vous être vous-mêmes beaucoup interrogés sur le bien-fondé de cette mesure, chers collègues. Vous avez cependant conclu qu’il fallait tout de même la laisser passer. Or, c’est précisément ce que nous faisons depuis des années : nous laissons tout passer ! Mais combien de temps nos électeurs continueront-ils à tout laisser passer ? Ils savent qu’il n’y a plus que trois partis politiques, dont un n’est d’ailleurs même pas reconnu, et que le reste n’existe pas. Ils ne le savent que trop.
Concernant les systèmes de vote sophistiqués, je crois me souvenir qu’aux États-Unis le système est si sophistiqué qu’il n’y a pas si longtemps il a fallu un mois pour savoir quel candidat avait été élu président.
En outre, si on ne peut pas, pendant les élections, retrouver un peu de ce qui a fondé la République, de ce qui nous a faits, en recevant chez soi ce le matériel électoral, alors où est le charme des élections ? Car c’est sur ces éléments qu’il se construit ! La France existe-t-elle encore, ou sommes-nous tous américanisés ? Sommes-nous tous complètement coupés de ce que la base nous a rappelé dimanche dernier ? Je ne peux pas le croire.
Je vous le demande, monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui avez la capacité de vous adresser à M. le Premier ministre et à M. le Président de la République, qui vous écoutent, dites-leur de ne pas faire cela.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan. Je vous prierai d’être bref, cher collègue.
J’ajouterai très rapidement un dernier point, madame la présidente. La lecture du matériel électoral est un moment de réflexion. Alors que l’heure est au zapping perpétuel, je peux vous assurer que des millions de nos concitoyens lisent ligne à ligne l’ensemble des professions de foi.
En cela les candidats sont absolument égaux : qu’ils soient puissants, riches, petits, sans argent, ils peuvent envoyer dans la même enveloppe leur projet. Ce serait une erreur majeure de supprimer l’envoi de propagande électorale. Et je peux vous assurer que le parti qui le fera sera très contesté dans les urnes par tous ceux qui ne la verront pas arriver. Vous commettez une très grave erreur. Dans la crise politique que nous vivons, ce n’est pas le moment de supprimer l’égalité entre les partis dans la communication d’un document qui est le préalable à la réflexion de chaque citoyen. Vous allez supprimer cette réflexion, accentuer le zapping déjà omniprésent et renforcer les trois principaux partis.
L’amendement no 58 n’est pas adopté.
Nous en venons aux amendements à l’article 8.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 20 .
L’amendement no 20 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 12 .
L’amendement no 12 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 9 .
Il convient d’être très précis. Nous souhaitons absolument que l’intéressé soit informé de sa radiation ; ce principe me paraît difficilement contournable.
Je comprends votre argumentation, monsieur Gosselin, mais dans la mesure où l’article prévoit que l’intéressé peut s’opposer à sa radiation, il est superflu de prévoir expressément qu’une notification préalable lui sera adressée.
Il peut s’opposer à cette décision à condition d’en avoir été informé !
L’article 8 de la proposition de loi organique n’est que le décalque inversé de l’article 4 de la loi organique du 31 janvier 1976, qui se borne à prévoir qu’ « est inscrit sur la liste électorale consulaire […] tout Français inscrit au registre des Français établis hors de France de la circonscription consulaire, sauf opposition de sa part. » L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement no 9 est retiré.
La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement no 33 .
Nous demandons au travers de cet amendement que les conséquences du présent article fassent l’objet d’un rapport, dans la mesure où il répond à une demande du Conseil constitutionnel visant à réduire les cas de double inscription sur les listes électorales.
En réalité, il n’y a pas de double inscription, puisque les Français doivent choisir leur bureau de vote pour les élections nationales et les élections locales. Il n’est de fait pas possible de voter deux fois ; c’est d’ailleurs passible de sanctions pénales. Cet article prévoit de priver de leur droit de vote les personnes qui ne renouvelleraient pas leur inscription sur le registre des Français établis hors de France. Il serait donc intéressant de pouvoir vérifier que cette mesure a bien permis de répondre à la demande du Conseil constitutionnel.
J’aurais été surpris qu’aucune demande de rapport ne soit formulée au cours de cette discussion ! À cette demande constante, j’oppose la réponse constante de la commission des lois : nous ne votons jamais de demande de rapport adressée au Gouvernement. Avis défavorable.
L’amendement no 33 n’est pas adopté.
L’article 8, amendé, est adopté.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, aurait-on pu imaginer un seul instant qu’un gouvernement socialiste, certes lâché pour la circonstance par le front de gauche et les Verts, attente à la représentation du peuple français par tous les courants d’opinion ? Moi, je ne l’aurais pas pu, ni vous non plus, monsieur le ministre de l’intérieur, car vous n’êtes pas un vrai socialiste !
Rires sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
On vous a obligé à placer ce texte sur le devant de la scène et je ne comprends pas que vous ayez accepté de le faire ! Ce texte n’est pas de votre niveau ! On ne peut pas réduire le pays des droits de l’homme, celui du premier peuple à s’être déclaré souverain, à ce texte de loi qui n’est pas à la hauteur de la situation. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de dire à M. le Premier ministre et à M. le Président de la République que ce n’est surtout pas la réponse à apporter aux Français ! J’en ai fini, madame la présidente, mais je reviendrai dans un instant.
L’article 9 est adopté.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, la plupart des partis d’Europe sont menacés de disparition. La France, pour l’instant, tient encore bon, comme l’a montré le second tour. Touchons du bois ! Un sursaut républicain a eu lieu et je suis de ceux qui s’en félicitent. Mais combien de temps cela tiendra-t-il si nous continuons à nous comporter comme nous le faisons actuellement ? Nous connaîtrons vite le destin que connaissent d’autres pays européens aussi avancés et respectables que nous en matière de démocratie. J’ai évoqué tout à l’heure le Pasok. Son patron, qui a été Premier ministre, était inconsolable devant ce qui lui arrivait. Il m’a dit : « C’est arrivé parce que j’ai refusé d’écouter ». Voilà la situation dans laquelle nous sommes !
L’article 10 est adopté.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, la nature ayant horreur du vide, après avoir vécu une période dont j’espère qu’elle restera pacifique, même si hélas ! rien ne l’indique aujourd’hui, nous allons connaître une période dans laquelle les défunts partis n’exerceront plus la moindre influence. Les hauts fonctionnaires et les banquiers finiront donc d’accaparer le peu de pouvoir qui nous reste encore ! Nous avons déjà vécu cela par le passé et savons tous comment cela se passera. Je raconterai la suite de l’histoire un peu plus tard, madame la présidente.
L’article 11 est adopté.
Vous êtes non-inscrit, monsieur Lassalle. Je ne peux donc pas vous donner la parole dans le cadre d’explications de vote qui prévoient un orateur par groupe. Par définition, le groupe des non-inscrits n’en est pas un, excusez-moi de vous le rappeler.
Vous êtes député et pouvez prendre la parole sur les articles mais vous ne pouvez pas vous inscrire…
Exclamations.
Restons calmes, monsieur Lassalle. Vous venez de vous exprimer. Je vous renvoie à l’article 54 alinéa 3 de notre règlement.
La proposition de loi organique est adoptée.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas et plusieurs de leurs collègues, de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (nos 3214, 3320, 3313).
Ce texte a fait l’objet d’une présentation et d’une discussion générale commune avec la proposition de loi organique.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Deux orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Patrice Verchère.
Cet article vise à réduire d’un an à six mois la période de comptabilisation des dépenses électorales pour toutes les élections. Cette modification sera appliquée à toutes les élections locales et nationales, ce qui est une bonne chose. Cette préconisation émane d’ailleurs directement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous ne pouvons donc qu’être satisfaits de cet article. Cependant, force est de constater que la Commission et les candidats aux diverses élections locales et nationales ont soulevé d’autres problèmes qui ne sont pas encore réglés en dépit de leur importance.
Il en va ainsi du visa des comptes de campagne établi par un expert-comptable. En effet, pour les petits candidats ayant peu de moyens, le visa des comptes de campagne par un expert-comptable représente une dépense importante, parfois même supérieure aux dépenses de la campagne. C’est pourquoi l’omission du visa de l’expert-comptable est selon la Commission l’une des principales causes de rejet des comptes de campagne. La Commission suggère donc que le législateur tienne compte du coût que représentent les honoraires de l’expert-comptable pour certains candidats et dispense de cette obligation les candidats n’ayant pas droit au remboursement forfaitaire de l’État.
Il en va ainsi également des risques liés au paiement direct des dépenses par les candidats. En effet, l’interdiction faite aux candidats d’effectuer un paiement direct sans passer par leur mandataire est à l’origine de nombreuses difficultés, reconnues par la Commission elle-même. Celle-ci a ainsi constaté qu’un candidat est souvent obligé de s’acquitter de certaines dépenses sur place, par exemple le coût des consommations dans un café lors d’une réunion électorale. Or il ne peut pas toujours être accompagné de son mandataire financier muni du carnet de chèques. Afin de remédier à cette difficulté, la Commission suggère de procéder à des paiements par carte bancaire. J’ajouterai que l’on pourrait faciliter, en cas de sommes d’un montant dérisoire, le paiement en liquide directement par le candidat.
Il en va ainsi également de la nécessaire instauration de modalités d’appel pour les candidats. En effet, les candidats devraient pouvoir interjeter appel contre les avis de la Commission avant leur transmission au Conseil constitutionnel afin qu’ils puissent s’expliquer ou se justifier.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, constitue une occasion manquée de régler les problèmes soulevés par la Commission des comptes de campagne et des financements politiques et par de nombreux candidats, ce que nous regrettons.
Je tâcherai de sortir notre collègue de la mêlée en peu de mots.
C’est un véritable cadeau de Noël qui est arrivé en catimini pour les trois partis qui dirigeront probablement demain.
Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a clairement déclaré dimanche soir qu’il y avait désormais trois partis en France. Mais il n’y a pas que trois partis en France, il y en a d’autres !
…l’un ne veut pas de ce cadeau, l’autre n’en a plus besoin et le troisième fait ce qu’il faut pour que ça se passe normalement. Je le dis très franchement, on ne peut pas gouverner la France comme cela. On ne gouverne pas la France avec des demi-mesures. Il faut de la suite dans les idées et de la force. Cette manière de faire à propos de l’élection présidentielle n’est pas admissible. Je le dis aussi très sincèrement et très gentiment à mes camarades socialistes : nous avons été alliés et nous le sommes lors de certaines élections, mais il ne faut pas mépriser les petits partis qui ont historiquement des idées distinctes. Les élections présidentielles ont une histoire et il ne faudrait pas qu’elle se répète. Il est très difficile pour nous d’accepter d’être ainsi laminés nuitamment.
L’amendement no 10 est un amendement de suppression. La parole est à M. Colas pour le soutenir.
L’amendement no 10 est retiré.
L’article 1erA réduit à six mois au lieu d’un an la période durant laquelle sont comptabilisées les recettes et les dépenses électorales ayant vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle et de toutes les autres élections. La proposition de loi organique que nous venons de voter prévoit une seule exception, l’élection présidentielle.
Dans son rapport d’activité publié en mars 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques indique que les mises en cause récurrentes d’élus ont pour origine, entre autres, la longueur de la période de douze mois pendant laquelle les dépenses électorales doivent être recensées afin d’assurer l’exhaustivité des comptes de campagne.
La Commission suggère d’étudier la possibilité de raccourcir cette période de six ou huit mois. Cet argument nous semble légitime. Toutefois, comme l’a indiqué le Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, si les dépenses se concentrent dans les six mois précédant le scrutin, tel n’est pas le cas des recettes.
C’est pourquoi cet amendement de repli propose de retenir pour les recettes la durée d’un an, ce qui permettrait également d’intégrer aux comptes de campagne les dépenses engagées postérieurement à l’élection pour le dépôt du compte.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Afin de définir la période couverte par les comptes de campagne, cet amendement propose de différencier recettes et dépenses électorales. Les recettes continueraient à être comptabilisées pendant l’année précédant l’élection, comme c’est le cas aujourd’hui, et les dépenses ne seraient prises en compte qu’au cours des six derniers mois. Il me semble préférable de nous doter d’une règle simple. La législation électorale est suffisamment complexe pour que nous n’y ajoutions pas notre pierre. Je ne suis d’ailleurs pas certain que nous ayons contribué ce soir à la rendre un peu plus claire. L’avis de la commission est donc défavorable.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.
L’amendement no 1 est retiré.
L’article 1er A est adopté.
L’article 1er prévoit de renforcer le rôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en lui permettant de recruter des experts. Cet amendement apporte un certain nombre de précisions afin de rendre ce recours efficace et efficient. Sa rédaction couvre à la fois le contrôle des comptes de campagne et celui des comptes des partis politiques.
L’amendement no 3 , accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement, est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
L’article 2 est adopté.
Article 2
Cet article introduit par la commission étend les dispositions pénales du code électoral au vote électronique par machine à voter ou en ligne. Cet amendement propose d’aller plus loin en interdisant le vote par machine à voter. Le rapport des sénateurs Alain Anziani et Antoine Lefèvre publié l’an dernier est très critique à leur endroit. Outre des difficultés d’usage et un coût élevé, les sénateurs ont relevé un défaut d’assurance technique empêchant de garantir la sincérité du scrutin en cas, entre autres, de dysfonctionnements de la machine ou d’actes de malveillance. Il est alors impossible pour l’électeur de vérifier son vote. En outre, le secret du vote n’est pas garanti par les machines à voter.
Cette absence de fiabilité du vote électronique a amené l’Irlande à renoncer à l’utilisation des machines à voter depuis 2009. Un moratoire sur les machines à voter a également été mis en place en France depuis 2007. Le nombre de communes qui en font usage ne cesse de diminuer depuis lors, passant de 83 en 2007 à 64 en 2012. Nous proposons d’aller plus loin et d’interdire le recours à ces machines en abrogeant les dispositions du code électoral concernées.
Cet amendement vise à supprimer les machines à voter électroniques. Vous avez très justement rappelé, chère collègue, que nous avons introduit l’article 2 bis en commission des lois sur proposition de votre groupe afin de préciser les infractions pénales en matière électorale applicables au vote électronique, notion qui englobe les machines à voter et le vote en ligne.
Si nous adoptons votre amendement, l’article 2 bis s’appliquera au seul vote en ligne et deviendra alors un cavalier législatif puisque ce vote n’est pas admis à l’élection présidentielle, même pour ceux de nos compatriotes votant à l’étranger.
Au-delà de l’argument juridique, je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure de trancher au détour d’un amendement la question de savoir s’il faut ou non supprimer les machines à voter électroniques. Le rapport du Sénat que vous avez évoqué invite à la prudence et au maintien du moratoire actuel et non à la suppression. L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement no 2 est retiré.
L’article 2 bis est adopté.
Article 2
L’article 2 ter est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux et Gilles Savary, et plusieurs de leurs collègues, relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports collectifs de voyageurs (nos 3109 rectifié, 3314, 3307).
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, cette proposition de loi préparée à la demande de la SNCF et de la RATP pour endiguer la fraude dans les transports publics et l’actualité tragique du terrorisme se sont télescopées. Le 21 août 2015, dans le Thalys Amsterdam-Paris, un attentat au fusil d’assaut aurait pu faire un massacre s’il n’avait été déjoué par d’improbables actes d’héroïsme individuels. La réplique monstrueuse du 13 novembre, dans les rues de Paris, nous a donné la mesure de ce à quoi nous avions échappé dans le Thalys.
L’attentat du Thalys n’est ni le premier ni surtout le plus dramatique des coups portés contre les transports terrestres : on se rappelle l’attentat au gaz sarin commis dans le métro de Tokyo le 20 mars 1995, l’attentat commis à la station Saint-Michel du RER B à Paris la même année, celui de Londres où quatre explosions ont touché les transports publics en 2005, ceux du métro de Moscou en 2013, et surtout celui de la gare d’Atocha à Madrid en 2004, qui a fait 191 morts et 1 400 blessés.
Mais il survient dans un contexte de « guerre terroriste » systématique, qui accroît considérablement notre exposition au risque, en particulier dans les transports collectifs, du fait de leur spectaculaire démocratisation dans nos sociétés et, désormais, dans les pays émergents.
Ce sont les avions, en raison de l’absence d’échappatoire et du nombre de victimes potentielles à la portée d’un seul attentat, qui ont été les premiers modes de transports visés par le terrorisme. Le choc effroyable des attentats des tours jumelles de Manhattan, le 11 septembre 2001, a fait prendre conscience que le terrorisme international avait changé d’échelle. En réponse à cette agression sans précédent, les États-Unis, et à leur suite, l’organisation de l’aviation civile internationale – OACI – et l’Union européenne ont mis en place, à marche forcée, un ensemble très complet de règles et de mesures contraignantes en matière de sûreté aérienne, qui s’imposent désormais universellement aux États.
Elles concernent l’habilitation de toutes les catégories de personnels qui travaillent dans les emprises aéroportuaires, les compagnies aériennes et leurs fournisseurs de services, ainsi que le contrôle des personnels, des passagers et de leurs bagages, de cabine comme de soute. Ces mesures de filtrage systématique ont connu un déploiement mondial qui a considérablement sécurisé le transport aérien.
Malgré cela, le crash volontaire, provoqué par son pilote, de l’avion de la Germanwings a Barcelonnette le 24 mars 2015, comme la destruction, par bombe embarquée, du charter affrété pour des touristes russes au départ de Charm el-Cheikh le 31 octobre 2015, nous ont tragiquement rappelé que le risque zéro reste inaccessible.
Cependant, malgré les nombreux attentats qui les ont endeuillés, les transports collectifs terrestres n’ont pas accédé au même niveau de prévention systématique des risques terroristes. La raison principale ne tient pas tant à l’indifférence des pouvoirs publics et de la communauté internationale qu’aux redoutables problèmes de mise en oeuvre qu’ils posent. Il s’agit de modes de transports de masse, essentiels à la vie quotidienne, dont les nombreuses ruptures de charge et correspondances et le cadencement rapide, notamment aux heures de pointe, exigent rapidité et fluidité.
Il est donc illusoire de penser transposer à l’identique les protocoles de sûreté aérienne aux transports ferroviaires ou aux bus urbains, même s’il est permis de s’en inspirer utilement, au cas par cas pour les trains à grande vitesse, notamment internationaux.
À titre d’exemple, nos 14000 trains quotidiens, dont plus de 5 000 dans la seule Île-de-France, transportent annuellement 2,5 milliards de voyageurs individuels, contre 140 millions pour l’ensemble de nos aéroports ! La seule gare du Nord enregistre 201 millions de passagers, et la gare Saint-Lazare plus de cent millions ! Le métro parisien transporte 650 000 personnes à l’heure de pointe, deux fois par jour, et la gare du Nord en accueille jusqu’à un million les jours de grande affluence.
Pour autant, nous ne partons pas de rien, notamment en France : le service national de la police des transports compte 2 000 agents, déployés dans tout le pays. En Île-de-France, 1 137 agents d’une sous-direction spécialisée de la préfecture de police leur apportent leur concours. La Surveillance générale – SUGE – de la SNCF dispose de 2 800 agents, et le Groupe de protection et de sécurisation des réseaux – GPSR – de la RATP en déploie 1 250 dans le métro et le réseau des bus et des tramways.
Des caméras de vidéo surveillance sont installées dans toutes les gares de France de plus de 30 000 passagers, ainsi que sur l’ensemble des quais des RER et du métro, avec 510 caméras pour la seule gare du Nord. Les nouvelles rames TER Régiolis et Régio 2N sont équipées de caméras embarquées dans les wagons de passagers.
Un centre de contrôle associant la SNCF, la RATP et la police des transports surveille 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 l’ensemble du réseau francilien, avec une capacité d’intervention quasi immédiate sur tout le réseau. Et partout en France, la police de l’air et des frontières, la gendarmerie et des unités de police ou des douanes peuvent les renforcer à tout moment !
Il n’en reste pas moins que les menaces qui pèsent sur nos transports quotidiens nécessitent aujourd’hui de combler des insuffisances de protection qui sont raisonnablement à notre portée.
Il ne s’agit pas, j’y insiste, de nourrir l’illusion politique du risque zéro par d’inutiles surenchères sécuritaires. Créerions-nous des citadelles au prix de renoncements à nos libertés essentielles que les terroristes frapperaient à côté. Mais à l’inverse, on voit bien que le durcissement de nos dispositifs de protection et de défense, qu’ils soient exceptionnels comme l’état d’urgence, ou de droit commun comme Vigipirate ou la sûreté aérienne, nous expose infiniment moins que les populations des États désorganisés.
Ce que propose ce texte, c’est précisément de durcir, comme disent les militaires, notre dispositif de protection dans les transports terrestres. Pour cela, il faut agir simultanément sur deux registres : celui du renforcement des moyens légaux à la disposition des agents de sûreté des autorités organisatrices et des exploitants ; celui des moyens humains et matériels à déployer sur le terrain.
Le texte qui est soumis à nos débats ce soir, initialement de neuf articles, en compte désormais quatorze, après le travail particulièrement constructif des deux commissions : celle des lois, saisie pour avis, et dont le rapporteur, Sébastien Pietrasanta, est un expert dans ce domaine et celle de la commission des transports et du développement durable.
Il comporte trois titres. Le premier, qui est devenu le principal, vise à lutter contre les atteintes à la sécurité publique et à prévenir les risques terroristes. Il autorise les agents de sûreté de la SUGE et du GPSR à effectuer des fouilles, des inspections visuelles et des palpations de sécurité aléatoires et à refuser l’accès aux trains aux voyageurs qui n’y consentiraient pas. Il autorise ces agents à effectuer leurs missions en civil et en armes dans des lieux ciblés, dont les véhicules de transport, sous contrôle du procureur de la République.
Il donne la faculté à tous les agents de police judiciaire – gendarmes, policiers, douaniers – de participer à la police des transports, en cas de nécessité, et en tout lieu du territoire national.
Il introduit des peines d’interdiction de séjour dans les gares et dans les trains. Il permet des enquêtes administratives en plus de celles déjà prévues par le régime actuel d’habilitation pour le recrutement et l’affectation des agents de sûreté. La formation et le contrôle de ceux-ci sont placés sous l’autorité de la police et de la gendarmerie.
Enfin, il exige la présentation d’un document d’identité en cas de fraude, à défaut de quoi il crée une contravention pour incapacité à justifier de son identité.
Le titre 2 étend les prérogatives de la police des transports, notamment dans la lutte contre la fraude. La fraude à la SNCF et à la RATP ne représente plus seulement un manque à gagner considérable, évalué à 500 millions d’euros par an ; elle devient un phénomène de société, indépendant de la solvabilité des usagers, puisque 500 millions d’euros sont dépensés chaque année pour financer des tarifs sociaux et des gratuités de service public, ciblés sur une grande diversité de publics fragiles. Alors que la sûreté va exiger des dépenses et des investissements nouveaux, il serait particulièrement injuste qu’elle protège tout le monde, mais ne soit financée que par ceux qui consentent à payer le prix des transports.
C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi amendée introduit quatre grandes dispositions visant à améliorer le recouvrement des amendes d’infraction : l’une pour lutter contre la vente à la sauvette de faux billets ; une autre pour ramener le délit de fraude d’habitude de dix occurrences annuelles à cinq ; une autre encore pour lutter contre la fraude collectivement organisée. L’article 9 crée une plate-forme d’interrogation sous contrôle de la CNIL, permettant aux exploitants de poursuivre le recouvrement de leurs amendes d’infractions.
Enfin, un titre 3 a été introduit à l’initiative de Marie Le Vern pour lutter contre le harcèlement sexiste dans les transports collectifs.
Je voudrais insister sur trois dispositions majeures, introduites lors des débats en commission. À l’initiative de Sébastien Pietrasanta, ce texte propose la création d’un délit de soustraction à un relevé d’identité, qui ne permettra plus aucune échappatoire à un contrôle ou à une vérification d’identité. C’est l’avancée majeure de l’article 8 bis.
En second lieu, des dispositions ont été introduites à l’initiative de divers groupes politiques pour étendre aux réseaux locaux et régionaux de province les prérogatives de police des transports, notamment par une extension des missions des polices municipales.
Enfin, à mon initiative, le texte demande au Gouvernement un rapport de préfiguration d’une taxe de sûreté intermodale, prélevée sur le prix du billet, afin de financer les investissements matériels et humains de sûreté dans les réseaux. Pour être effective, l’augmentation de notre niveau de sûreté dans les transports demandera des investissements humains et matériels. Il s’agirait là de transposer aux transports terrestres un mécanisme de financement équitable et neutre du point de vue la concurrence intermodale, qui a montré son efficacité dans l’aérien.
Ce texte très attendu obéit à une exigence et à une ambition. L’exigence est de s’inscrire dans les valeurs de la République, et notamment de n’introduire aucune confusion, aucune tentation d’empiétement entre les prérogatives des agents de sûreté et celles des agents de la police et de la gendarmerie. Il y va du respect des droits fondamentaux des personnes, du respect scrupuleux des libertés publiques et du respect de la liberté de circulation des biens et des personnes, dont nos transports publics sont l’instrument essentiel.
L’ambition de ce texte est de constituer une sorte d’avant-garde à une prise de conscience de l’Union européenne, et pourquoi pas de la communauté internationale, en faveur de la définition d’un cadre législatif international et d’un plan d’action ambitieux en matière de politique de sûreté et de prévention des actes terroristes dans les transports terrestres. C’est dans cette perspective que la commission des affaires européennes a adressé hier une communication en ce sens à la Commission européenne.
C’est tout à l’honneur de l’Assemblée nationale que de faire une fois encore oeuvre pionnière dans un domaine aussi important et sensible pour nos concitoyens. Je ne doute pas, chers collègues, que nos débats, comme ceux du Sénat, enrichiront encore substantiellement ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, chaque jour, sur l’ensemble du territoire national, des millions de Français et de visiteurs étrangers empruntent les transports en commun. Ces derniers constituent un élément central dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qui les utilisent pour leurs déplacements privés ou professionnels. Qu’il s’agisse du bus, du métro, du tramway ou encore du train, ils sont à la fois une condition de notre liberté de circulation, un facteur de développement et de dynamisme économiques, enfin un atout pour notre industrie touristique.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement fera toujours preuve de la plus grande détermination pour garantir partout en France la sécurité des transports publics. Chaque Français doit en effet pouvoir jouir de ce droit fondamental lors de ses déplacements. Je pense notamment aux 8,3 millions de Franciliens qui utilisent chaque jour les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail le matin, puis pour rentrer chez eux le soir. Le nombre de ces trajets a augmenté de 20 % en dix ans, tandis que celui des déplacements automobiles stagnait.
Il est de notre responsabilité de faire en sorte que nos concitoyens qui utilisent les transports en commun puissent le faire en toute tranquillité, sans craindre d’être victimes de la délinquance ou a fortiori d’une entreprise terroriste.
Comme vous le savez, les transports publics peuvent constituer une cible pour les terroristes. En raison de leur caractère confiné et du grand nombre de passagers qui les empruntent, ils représentent des espaces malheureusement propices à la commission d’attentats de masse.
Le 21 août dernier, un carnage a ainsi pu être évité de justesse dans le train Thalys reliant Amsterdam à Paris, grâce à l’héroïsme dont ont fait preuve plusieurs passagers et personnels. Malheureusement, par le passé, d’autres attentats se sont révélés particulièrement meurtriers : à la station Saint-Michel du RER B en juillet 1995, à la gare d’Atocha, à Madrid, en mars 2004, dans le métro et dans un bus londoniens en juillet 2005, aux stations de métro Loubianka et Park Koultoury à Moscou, en mars 2010. L’expérience nous enseigne que les transports sont vulnérables et que nous devons tenter de les protéger de la façon la plus efficace.
Cependant, si la prévention des attaques terroristes est notre priorité, nous devons continuer à mener une lutte inflexible contre les agressions et les violences du quotidien. En effet, le nombre d’agressions commises aussi bien contre les voyageurs que contre les personnels a nettement augmenté. Des décisions s’imposent pour inverser cette tendance en luttant sans relâche contre toutes les formes de délinquance susceptibles d’empoisonner la vie des voyageurs. Nous devons empêcher de nuire les personnes qui se rendent coupables, dans les transports, de vols ou d’agressions de toutes sortes. Je pense notamment aux bandes qui pratiquent le racket sur certaines rames du RER.
C’est aussi sans relâche que nous devons lutter contre les violences sexistes dont bien des femmes sont victimes dans les transports en commun. À cet égard, une récente étude réalisée par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a montré que la totalité des femmes interrogées avaient déjà été harcelées au moins une fois sur les lignes du réseau francilien.
C’est sans relâche enfin que nous devons lutter contre la fraude et poursuivre les fraudeurs de toutes sortes, qui pénalisent gravement les transporteurs et contribuent à nourrir le sentiment d’insécurité et d’injustice parmi les usagers des transports en commun.
Alors que ce phénomène de fraude dite d’habitude ou de comportement, qui relève d’un choix délibéré et pleinement assumé par le fraudeur, est en forte augmentation depuis quelques années, notre droit manque d’outils pour l’entraver. La Cour des comptes a pourtant évalué son coût pour les transporteurs à plus de 500 millions d’euros par an. Rien que pour la SNCF, le manque à gagner s’élève à 300 millions d’euros par an, alors que celle-ci ne recouvre qu’un très faible pourcentage des amendes infligées aux resquilleurs – 9 % seulement en 2013. Pour la RATP, la fraude coûte environ cent millions d’euros, tout comme pour les entreprises de transport public en province.
Le Gouvernement soutient donc pleinement la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, présentée par le rapporteur Gilles Savary et l’ensemble du groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés.
Rappelons à cet égard que ce texte est d’abord le résultat de nombreux échanges particulièrement riches et fructueux, conduits durant plusieurs mois entre l’État, les représentants des transporteurs et le député Gilles Savary, reconnu au sein de cette Assemblée pour sa connaissance des questions ferroviaires.
Je salue aujourd’hui l’engagement inlassable dont il a fait preuve pour que nous aboutissions à un texte solide. Nous avons véritablement travaillé de concert, dans une confiance mutuelle qui nous a permis d’apporter, dans un laps de temps relativement bref eu égard à l’importance des enjeux, plusieurs solutions juridiques susceptibles de nous aider à lutter plus efficacement contre tous les types de phénomènes criminels et délinquants, dans les transports en commun. Cette proposition de loi concrétise ainsi une ambition forte portée depuis longtemps par le Gouvernement et par Gilles Savary.
Dès le 16 décembre 2014, le Comité national de la sécurité dans les transports en commun, le CNSTC, après un long travail en amont, a proposé un premier train de mesures contre la fraude, que reprend la proposition de loi. Celle-ci a donc largement bénéficié du dialogue que le Gouvernement a su renouer avec l’ensemble des transporteurs. Dès juin 2014, j’avais en effet souhaité réactiver le CNSTC, qui ne s’était réuni qu’une seule fois depuis sa création en 2008, en décembre 2011, et n’avait depuis lors plus jamais été sollicité.
En lien avec les opérateurs de transports, nous avons ainsi pu évaluer avec précision les besoins en matière de sécurité, avant d’identifier les évolutions juridiques qui apparaissaient nécessaires pour que l’action des forces de l’ordre et celle des services de sécurité internes, la SUGE pour la SNCF ; et le GPSR pour la RATP, puissent gagner en efficacité.
Par ailleurs, ce texte tient compte des évolutions que connaît la situation sécuritaire globale de notre pays. L’attentat évité dans le Thalys nous a rappelé les enjeux fondamentaux de sûreté propres aux transports collectifs, et plus particulièrement aux transports ferroviaires, en mettant en évidence des modes opératoires terroristes inédits sur notre sol.
Certes, cet événement nous a contraints à différer quelque peu l’examen de la proposition de loi pour y intégrer des mesures adaptées à la menace terroriste, mais je crois que personne, dans le contexte actuel, ne pourra nous en faire le reproche. Je remercie Gilles Savary d’avoir bien voulu accepter que nous prenions ce temps supplémentaire pour réfléchir et élaborer des mesures adaptées à cet enjeu. Dès le 19 octobre, le CNSTC a ainsi pu présenter les principales mesures contenues dans le texte de la proposition de loi.
Ce texte s’articule donc autour de deux axes majeurs : d’une part la lutte contre la fraude et d’autre part le renforcement de la lutte contre le risque terroriste et les atteintes graves à la sécurité publique dans les transports.
Concernant la lutte contre la fraude, trois mesures principales sont prévues.
Le texte propose d’abord, pour caractériser le délit de « fraude d’habitude », d’abaisser de dix à cinq le nombre nécessaire de contraventions reçues en cas de défaut de titre de transport valable. Cinq infractions suffiront donc désormais pour constituer le délit.
Il prévoit ensuite de permettre aux personnels des transporteurs de constater eux-mêmes les ventes à la sauvette dans les gares. Les agents de contrôle et de sécurité ferroviaire pourront donc constater un tel délit par procès-verbal.
Enfin, est reconnu un droit de communication entre les transporteurs et les administrations publiques – les administrations financières et les organismes de Sécurité sociale notamment – afin de faciliter la recherche et la vérification des état-civils et des adresses communiqués par les fraudeurs, et par là même d’améliorer le recouvrement des amendes.
Avec Gilles Savary, nous avons bien sûr veillé à ce que cette mesure soit préalablement soumise à l’avis du Conseil d’État. De surcroît, à la demande du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, le texte d’application sera, quant à lui, soumis à l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Nous entendons nous conformer au droit de la façon la plus stricte et la plus précautionneuse possible, afin que cette mesure nécessaire ne puisse souffrir aucune contestation.
Par ailleurs, les commissions des lois et du développement durable ont introduit des mesures supplémentaires qui renforcent encore davantage notre dispositif. Ainsi, obligation sera faite aux passagers, lorsqu’ils ne disposent pas d’un titre de transport valable ou qu’ils ne régularisent pas immédiatement leur situation, de présenter un document attestant de leur identité, sous peine de se voir éventuellement contraints de quitter les lieux où ils sont contrôlés.
En outre, une disposition supplémentaire, qui enrichit la palette des mesures auxquelles il sera dès lors possible de recourir lors d’un contrôle, prévoit que le manquement à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur le temps que celui-ci rende compte à un officier de police judiciaire, constitue un délit.
Enfin, le texte prévoit de créer un nouveau délit pour lutter contre les « mutuelles de fraudeurs » dont les incitations se multiplient sur Internet. Ces organisations voudraient imposer la gratuité des transports pour les usagers, en échange d’une cotisation mensuelle auprès d’une « mutuelle » qui prend en charge le paiement des amendes dressées en cas d’infraction. Désormais, une amende sanctionnera lourdement ces pratiques particulièrement pernicieuses et contraires au civisme le plus élémentaire.
L’ensemble de ces mesures vise donc à changer l’état d’esprit des voyageurs qui pratiquent la fraude dans les transports en commun, de façon régulière ou même épisodique.
J’en viens à présent aux mesures de sûreté prises pour lutter contre le risque terroriste et les atteintes les plus graves à la sécurité publique dans les transports. En la matière, nous renforçons considérablement nos dispositifs de lutte et de vigilance.
En premier lieu, les agents de sécurité internes de la SNCF et de la RATP seront autorisés, au même titre que les agents de sécurité privée, à procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages, et, en cas de circonstances graves constatées par le préfet, à des palpations de sécurité. Bien évidemment, toute inspection de bagage comme toute palpation de sécurité ne pourra être réalisée qu’avec le consentement des intéressés.
Le dispositif prévu sera donc le même que celui qui existe déjà dans les grands magasins et que personne ne songe à contester. Nos concitoyens ont pleinement compris sa nécessité, et je suis convaincu qu’il en ira de même dans les transports collectifs. Toute personne qui refusera de se soumettre à ces contrôles sera empêchée d’accéder aux transports publics.
En contrepartie de cette extension des prérogatives des agents de la SUGE et du GPSR, la commission du développement durable a souhaité que les procédures de contrôle auxquelles ces derniers sont soumis soient nettement renforcées. Un amendement prévoit donc que le contenu de leur formation sera désormais défini conjointement par le ministère de l’intérieur et le ministère des transports. Par ailleurs, le contrôle des agents de la SUGE et du GPSR sera désormais effectué par les forces de l’ordre. Je veillerai, en tant que ministre de l’intérieur, à ce qu’il soit rigoureux.
Grâce à un amendement porté par Marie Le Vern et le groupe SRC, ces mêmes agents seront désormais sensibilisés, lors de leur formation, à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports en commun.
En second lieu, le texte prévoit d’élargir les possibilités, pour les agents de la SUGE et du GPSR, d’exercer leurs missions en tenue civile afin de renforcer l’efficacité des opérations de constatation d’infractions. Néanmoins, il reviendra aux préfets dans le département de désigner par arrêté les agents concernés, de fixer la durée de leur dispense d’uniforme, ou encore la catégorie de lieux où ils pourront intervenir en civil. Des instructions strictes seront délivrées pour encadrer l’application de cette mesure, car notre volonté n’est certainement pas de la généraliser.
Enfin, la proposition de loi prévoit que les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire, ainsi que certaines catégories d’agents de police judiciaire adjoints, soient désormais autorisés à procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages afin de prévenir toute atteinte grave à la sécurité des personnes ou des biens, notamment les actes terroristes, y compris sans l’accord des passagers concernés.
Je veux pour finir dire quelques mots de deux amendements qui ont été adoptés en commission et qui présentent une importance toute particulière.
Tout d’abord, le rapporteur Gilles Savary a souhaité, à juste titre, que la proposition de loi ne concerne pas seulement les services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP, et par là même qu’elle ne concerne pas seulement l’Île-de-France. Il a ainsi proposé, proposition que le Gouvernement soutient, que soit introduite une obligation, pour tous les opérateurs de transports urbains, d’assurer la sûreté de leur réseau, où qu’il se trouve sur le territoire national. Il est en effet indispensable que tout usager des transports collectifs puisse bénéficier, dans l’ensemble du pays, de solides garanties de sûreté.
Par conséquent, les transporteurs devront, soit mettre en place un service de sécurité privée placé sous le contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, soit signer une convention avec les communes concernées pour que les polices municipales, qui sont en mesure de constater les infractions au code des transports, puissent assurer la sûreté des réseaux.
J’insiste sur ce point très important : cette proposition de loi ne regarde pas seulement les Franciliens, mais bien tous nos concitoyens, où qu’ils vivent sur notre territoire.
Enfin, une autre question, particulièrement délicate, devra être tranchée : celle du « criblage » des personnels de la SNCF et de la RATP. Un amendement prévoyant une telle mesure a été adopté en commission. Il prévoit que le recrutement ou l’affectation des personnels au sein de la SNCF et de la RATP peut être précédé d’enquêtes administratives destinées à vérifier que leur comportement n’est pas incompatible avec l’accomplissement de leur mission.
Le Gouvernement, vous le savez, est depuis longtemps sensible à ce sujet puisque nous avions envisagé, voici plusieurs mois, d’introduire une mesure équivalente dans le projet de loi relatif au renseignement, qui prévoyait qu’à l’occasion de grands événements, les personnels ayant accès à des lieux dits sensibles seraient criblés.
C’est donc un enjeu qui dépasse de loin les seuls opérateurs franciliens de transports publics. Il doit être traité avec rigueur et responsabilité. De même, une telle mesure de criblage ne saurait exonérer les entreprises concernées de leur devoir de vigilance lors du recrutement de leurs personnels et de gestion de leurs ressources humaines.
Pour sa part, le Gouvernement souhaite que le dispositif proposé soit précisé dans le cadre de la navette parlementaire. Puisque l’amendement adopté en commission des lois et repris par la commission du développement durable renvoie la définition de son contenu à un décret en Conseil d’État, nous aurons justement toute latitude pour réaliser ce travail de précision au cours de la navette. Je propose bien sûr aux rapporteurs de la proposition de loi de les informer régulièrement de l’évolution de nos réflexions en la matière. Je rappelle qu’une mission d’inspection, dont j’ai moi-même, avec la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, demandé la création après le drame survenu en juin dernier à Saint-Quentin-Fallavier, nous remettra dans les jours à venir un rapport dont j’espère qu’il nous proposera des solutions satisfaisantes permettant de garantir à la fois l’efficacité des mesures prises et la protection des libertés individuelles.
Le Gouvernement soutient donc pleinement la proposition de loi présentée par Gilles Savary et le groupe SRC, dans la mesure où elle nous permettra de renforcer la sécurité des usagers des transports publics sur l’ensemble du territoire national, dans un contexte de menace terroriste particulièrement élevée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qu’examine aujourd’hui l’Assemblée nationale a été conçue au cours des derniers mois. D’abord élaborée pour répondre aux difficultés rencontrées au quotidien par les contrôleurs et les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP, elle a évolué lorsque le terrorisme a, par deux fois, montré sa face hideuse sur le sol français : d’abord en août, lors de l’attaque du Thalys déjouée par quelques héros, ensuite le mois dernier, avec les événements tragiques que nous avons tous en mémoire.
Nous savons que les transports publics sont pour nos ennemis une cible privilégiée, comme on l’a déjà vu il y a dix ans à Madrid et à Londres, et même il y a vingt ans à la station Saint-Michel. Face à la menace, le Gouvernement fait tout ce qui est possible – vous, monsieur le ministre de l’Intérieur, faites tout ce qui est possible. Nous vous devons, en tant que parlementaires, de voter des lois qui soutiennent votre action. Nous le devons aussi aux personnels de sécurité, forces de l’ordre, agents de sûreté, qui travaillent chaque jour à la sécurité des Français. Nous le devons enfin à nos concitoyens, qui ont besoin de protection pour continuer à mener une vie normale.
C’est donc un double objectif qui est désormais poursuivi, mêlant la prévention du terrorisme à la lutte contre les incivilités. Le rapporteur Gilles Savary a choisi d’adapter le titre de la proposition de loi à ce nouveau contexte pour le rendre plus explicite, et je crois qu’il a bien fait.
La commission des lois s’est saisie pour avis de la totalité de cette proposition de loi, qui comprend de nombreuses dispositions relatives à la sécurité intérieure et à la procédure pénale. Je ne vous surprendrai pas en indiquant d’ores et déjà qu’elle a délivré un avis favorable.
Nous nous sommes attachés à concilier la légitime demande de sécurité supplémentaire des Français et la préservation des droits et libertés des personnes. Ainsi, il n’a pas été question de remettre en cause la préservation du droit à la vie privée, ni de confier à d’autres qu’aux forces de police et de gendarmerie des pouvoirs de contrainte. De même, nous sommes partis du principe que les Français qui prennent le train, le RER, le métro ou le bus pour aller travailler ne peuvent pas se soumettre matin et soir à des procédures de contrôle intense inspirées du transport aérien : ce serait tout à la fois irréaliste et inopportun.
La commission des lois a discuté trente-sept amendements, dans un dialogue constructif où, comme les circonstances l’exigent, majorité et opposition ont pris toute leur part. Douze amendements ont été adoptés. Je n’aurai guère l’occasion de les défendre au cours de la séance publique puisqu’ils ont convaincu la commission du développement durable, qui les a intégrés au texte en discussion. Je remercie le président et le rapporteur de la commission au fond pour la qualité de nos échanges et de nos débats.
Je me bornerai donc à présenter, ici, les quatre avancées dont la commission des lois est à l’origine et qui me semblent les plus importantes.
En premier lieu, dans le cadre de la lutte contre la fraude, un amendement devenu l’article 8 bis précise que le manquement à l’obligation de demeurer à la disposition du contrôleur pendant qu’il rend compte à un officier de police judiciaire constitue désormais un délit. Les contrôleurs se plaignent amèrement de ne pas disposer des moyens de retenir un contrevenant le temps d’exposer la situation à un officier de police judiciaire, seul à même de décider un contrôle d’identité. Ce dispositif permet de ne pas créer une nouvelle forme de rétention administrative, que le juge constitutionnel n’accepterait d’ailleurs pas en répression d’une simple contravention, mais de parvenir à un résultat équivalent : le fuyard commettant un délit flagrant, des mesures coercitives pourront être mises en oeuvre à son encontre dans l’attente de l’arrivée des forces de police.
En second lieu, nous proposons de mettre un terme aux « mutuelles de fraudeurs » en faisant de leur activité un délit sur le modèle de ce que prévoit la loi sur la liberté de la presse. Certains, en effet, construisent des systèmes d’assurance qui jouent sur les probabilités de contrôle et qui remboursent leurs amendes, ce qui leur permet de voyager gratis ou presque. Le dispositif proposé à l’article 8 ter sanctionne l’organisation d’une mutuelle, c’est-à-dire le fait de lancer une souscription pour acquitter une amende future, de six mois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Je gage que nous dissuaderons ainsi certaines vocations.
En troisième lieu, le président de la commission des lois a tenu à préciser explicitement, à l’article 9, l’application des dispositions de la loi Informatique et libertés. Je sais que cette préoccupation est partagée sur plusieurs bancs. Le renvoi opéré garantit la consultation de la CNIL sur les mesures réglementaires d’application, le pouvoir de contrôle et de sanction de cette même CNIL, et l’application des règles classiques de protection des données personnelles.
Je conclus avec ce qui me semble la mesure la plus importante et la plus attendue en termes de prévention des actions terroristes. À mon initiative, par le biais d’un amendement que j’ai défendu avec le soutien du rapporteur Gilles Savary, l’article 3 bis prévoit un mécanisme de criblage pour que la SNCF et la RATP puissent solliciter des enquêtes administratives, dans le cadre existant de l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, afin de mieux contrôler certains personnels recrutés ou affectés sur des fonctions sensibles. Les événements récents ont souligné la nécessité de ce mécanisme. Je sais que ce dispositif répond pour partie à des préoccupations de l’opposition,…
…qui a fait connaître ses suggestions d’amélioration devant les deux commissions. Nous divergeons essentiellement sur le périmètre de ce contrôle. Faut-il assujettir la totalité des 300 000 personnes du groupe SNCF et de la RATP à cette procédure, au risque d’engorger les services de renseignement dont chacun constate par ailleurs qu’ils sont de plus en plus sollicités, ou se limiter aux postes sensibles dans lesquels une action violente aurait le plus de conséquences ? Je penche pour la seconde option, mais plusieurs amendements permettront d’approfondir la discussion.
Mes chers collègues, la commission des lois se félicite du travail accompli à l’occasion de cette proposition de loi. Je ne doute pas que l’examen en séance publique permettra d’améliorer encore ses dispositions, pour renforcer la sécurité et mieux préserver la liberté. Nous poursuivons les mêmes objectifs ; je suis persuadé que nous parviendrons, à l’issue des débats, aux mêmes conclusions : il faut adopter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen de ce texte revêt une dimension toute particulière alors que notre pays a été la cible, il y a maintenant un mois, d’attaques terroristes sans précédent. Ces attaques ont laissé à nos concitoyens un douloureux sentiment de peur, mais aussi d’incompréhension.
Cette proposition de loi a été déposée quelques jours avant les tragiques attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis. Initialement destinée à combattre la fraude, elle avait déjà été élargie à la lutte contre les actes terroristes après l’attentat manqué, en août dernier, dans le Thalys.
Ce texte part d’un constat unanimement partagé sur ces bancs : le manque criant de sécurité dans nos transports publics. Si la proposition de loi portée par notre collègue Gilles Savary – dont nous tenons à saluer le travail rigoureux – peut sembler superficielle au regard des enjeux, elle nous paraît, pour autant, absolument nécessaire. Nécessaire, car nous devons désormais tenir un discours ferme et mettre en place des actions concrètes pour lutter contre les nombreux dangers qui menacent la tranquillité des voyageurs.
Nous devons également tout mettre en oeuvre pour lutter contre les incivilités, le harcèlement, les agressions, mais aussi la fraude, qui rythment le quotidien des passagers et du personnel, de plus en plus désemparé.
Les récentes attaques terroristes nous ont rappelé combien les transports publics étaient des lieux vulnérables.
En outre, face à la recrudescence des infractions, il est urgent d’agir pour préserver des voyageurs qui subissent déjà les affres quotidiennes des transports publics : retards, annulations, rames bondées aux heures de pointe, etc.
Les mesures contenues dans cette proposition de loi procèdent d’un réel bon sens. Ainsi, la partie consacrée à la lutte contre la fraude recueille, dans sa grande majorité, l’adhésion du groupe UDI.
Nous nous réjouissons par exemple de la création d’un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations publiques. Un tel droit permettra, enfin, de vérifier le nom et l’adresse d’un contrevenant. Il n’est plus possible, aujourd’hui, de laisser des fraudeurs impunis, surtout lorsque l’on connaît le coût que représentent de tels comportements pour la société. Selon la Cour des comptes, la fraude représenterait, en moyenne, une perte de 5 % des recettes commerciales, un chiffre pouvant parfois atteindre 10 %. Alors que la SNCF et la RATP connaissent des situations financières particulièrement difficiles, elles ne peuvent plus se permettre de perdre des centaines de millions d’euros chaque année.
Trop souvent encore, les fraudeurs se permettent de faire de fausses déclarations sur leur identité ou sur leur adresse afin d’échapper à toute contravention. Il était donc indispensable de sanctionner plus sévèrement ces comportements, ce que fait très justement la proposition de loi.
Nous nous réjouissons également de l’adoption d’une mesure qui oblige le fraudeur à être porteur d’un document d’identité lorsqu’il n’est pas en mesure de régler l’amende. Si cette mesure fait a priori consensus, nous nous étonnons néanmoins qu’elle ne soit pas étendue à tous les voyageurs. Pourquoi, en effet, ne pas demander directement à chaque usager d’être muni d’un document d’identité ? La fraude est malheureusement devenue un phénomène parfaitement institutionnalisé, comme en attestent non seulement l’émergence de véritables « mutuelles » pour prendre en charge les contraventions, mais aussi le développement d’applications qui permettent de signaler la présence des contrôleurs dans les transports.
Plus généralement, le groupe UDI ne peut que souscrire à la mise en place de sanctions plus fermes à l’encontre des fraudeurs. Nous déplorons cependant que le rapporteur ait retiré son amendement tendant à permettre aux agents de sécurité de retenir le contrevenant pendant une période d’une heure maximum.
En ce qui concerne le volet consacré à la fraude, vous l’aurez compris, le groupe UDI est plutôt satisfait du texte qui nous est présenté.
Nous souhaiterions néanmoins rappeler que, si nous demandons aux voyageurs d’être exemplaires, il faut également que la SNCF, la RATP et tous les autres services de transports soient exemplaires quant à la qualité des services apportés. En effet, les annulations et les retards réguliers peuvent parfois pousser les voyageurs à la fraude. Un système de dédommagement plus efficace pourrait être envisagé pour éviter de tels comportements.
Nous restons, en revanche, plus réservés sur la partie concernant la lutte contre les actes terroristes et, plus généralement, la lutte contre les atteintes à la sécurité publique.
Récemment, l’attaque manquée dans le Thalys nous a fait prendre conscience de l’enjeu majeur que représente la sécurité dans les transports. En réaction à ce drame, M. Guillaume Pepy avait annoncé la création d’un numéro vert permettant aux passagers – je cite – de « signaler quelque chose d’anormal, voire d’inquiétant, en gare ou en train ». Le groupe UDI se réjouit de voir que les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP pourront désormais procéder à l’inspection visuelle des bagages. Alors qu’ils sont régulièrement confrontés à des comportements pour le moins répréhensibles, leur champ d’action ne leur permettait pas d’agir utilement pour la sécurité des voyageurs.
En commission du développement durable, le groupe UDI s’est interrogé sur la pertinence de n’autoriser la fouille des bagages et les palpations de sécurité que lorsque l’intéressé donnait son consentement. Si nous comprenons les réticences qui peuvent exister à l’idée de confier de nouvelles prérogatives aux agents, nous continuons de nous interroger sur la portée effective de ces mesures. Cette incompréhension est d’autant plus grande que la police et la gendarmerie pourront désormais superviser les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP pour éviter tout abus.
En commission, le rapporteur a tout de même su évoluer sur ce point, en permettant au moins aux forces de l’ordre et aux agents de sécurité de fouiller, sans son consentement, les bagages d’un voyageur qui ne disposerait pas d’un titre de transport valide. Cette avancée importante devrait permettre des contrôles plus approfondis.
Nous pensons cependant que le texte ne va pas assez loin. Si nous comprenons qu’il n’est actuellement pas envisageable, du point de vue logistique, de procéder aux mêmes contrôles que dans les avions, il nous semble primordial de trouver des pistes pour améliorer le contrôle d’identité et des bagages avant de monter dans un train, et à terme, dans un bus. Après les attentats particulièrement meurtriers de Madrid, l’Espagne a réussi le pari d’instaurer ces contrôles pour les trains longue distance. Quelle alternative pouvons-nous trouver dans nos gares ? Ces contrôles existent déjà pour l’Eurostar. Nous renouvelons donc notre souhait de les instaurer, a minima, pour le Thalys.
Et si nous approuvons la possibilité laissée aux agents de la surveillance générale de la SNCF et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux de la RATP d’être dispensés du port de la tenue réglementaire, nous nous étonnons de voir que le texte ne fait pas mention de la vidéosurveillance. L’installation de caméras vidéo dans les rames de métro ou de RER pourrait permettre de repérer plus facilement, et surtout plus rapidement, les comportements suspects.
Car les transports ne sont pas seulement des lieux vulnérables aux attaques terroristes, ils sont également le théâtre d’agressions physiques régulières et d’un harcèlement absolument insupportable. À ce sujet, nous ne pouvons que saluer l’ajout d’un titre consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports. Les agents doivent absolument être formés à ce genre de situations. Plus généralement, ils doivent être mieux formés aux différents risques qui existent dans les transports.
L’actualité récente nous a notamment appris que de nombreux employés de la RATP faisaient l’objet d’une fiche S. Il est indispensable d’instaurer un contrôle plus pointu sur des employés qui ont quotidiennement la vie de plusieurs milliers de personnes entre leurs mains.
Si cette proposition de loi est loin d’être parfaite, elle a cependant le mérite d’apporter des solutions à un problème majeur, celui de la sécurité dans les transports. C’est un problème subi quotidiennement par des millions de Français, un problème qui engendre du stress, de l’anxiété, de la peur. Nous devons proposer des solutions concrètes, à l’image de ce qui est présenté dans ce texte. Le groupe UDI votera donc en faveur de cette proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je salue l’initiative de notre collègue Gilles Savary qui a travaillé à la rédaction de cette proposition de loi, d’abord relative à la lutte contre la fraude dans les transports en commun avant d’être élargie aux questions de sécurité et de prévention du terrorisme.
Je voudrais dire d’emblée qu’en tant que député écologiste, mais également en tant qu’ancien responsable des transports dans une importante collectivité, la communauté urbaine de Nantes, que quelqu’un qui souhaite le développement des transports en commun et de leur usage, ce qui est le cas de tout écologiste, ne peut être que très attentif aux questions de sécurité et de fraude.
Lorsque j’ai pris mes fonctions à Nantes, il s’est produit un fait divers comme il s’en produit parfois, malheureusement, dans les transports en commun. Cela s’est passé la nuit et les personnes qui se trouvaient dans le tramway n’ont pas réagi – certains diraient par indifférence, mais sans doute tout simplement par peur, parce qu’elles étaient hébétées par ce déchaînement de violence. Dans les jours, les semaines, voire les mois qui ont suivi ce fait divers, la fréquentation nocturne des transports en commun sur le réseau nantais s’est effondrée, simplement parce que les gens avaient le sentiment que leur sécurité n’était plus garantie. Avec Jean-Marc Ayrault, qui était à l’époque président de la Communauté urbaine de Nantes, nous avons pris diverses mesures afin de sécuriser les transports, de nuit comme de jour.
Parmi ces mesures, il y a la vidéosurveillance. Nous avons ainsi généralisé, sans que cela suscite la moindre polémique, la vidéosurveillance dans l’ensemble des tramways et des bus de l’agglomération nantaise. Certains nous ont affirmé que cela allait déplacer le problème, mais en réalité cela a entraîné une très forte baisse des actes d’agressivité, de violence et de délinquance dans les transports en commun. Certains faits se sont tout de même produits, mais la vidéosurveillance a permis d’en élucider un grand nombre ou de remonter jusqu’à leurs auteurs.
Il est important, lorsque l’on veut développer l’usage des transports en commun, de faire en sorte, même s’ils ne peuvent être totalement sanctuarisés, qu’ils soient au moins sécurisés.
Pour ce qui est de la fraude, le problème est un peu le même. Pour les réseaux de transports urbains, la fraude est d’abord une perte de recettes. Il ne faut pas oublier qu’un réseau de transports urbains étant très subventionné, toute perte de recettes pose un problème économique aux collectivités qui en sont les autorités organisatrices.
En outre, la fraude provoque un sentiment d’injustice. C’est encore plus vrai dans les trains du réseau ferré national. Les usagers qui paient leur billet sont souvent choqués de n’avoir pas été contrôlés car ils ont le sentiment qu’on peut voyager en train sans payer et que dans cette affaire celui qui paie est un peu le « pigeon ». La fraude dans les transports en commun est donc une véritable plaie.
Naturellement, des mesures de renforcement des contrôles ont été prises. Mais lorsqu’on entend les chiffres que vous avez cités concernant les pertes de recettes de la SNCF ou d’un grand réseau comme la RATP, on comprend la nécessité d’agir contre le très faible taux de recouvrement des amendes, c’est-à-dire l’absence d’efficacité de la lutte. La fraude est donc un enjeu majeur.
Vous avez cité en commission, monsieur le rapporteur, des chiffres très intéressants. Je veux les rappeler car tout le monde n’en a peut-être pas conscience. On parle de la sécurité du transport aérien, or il représente 140 millions de voyages par an, en France, contre 2,5 milliards de voyages pour le transport ferroviaire. Le train représente donc un enjeu beaucoup plus important que l’avion, ce dont, au passage, je me félicite… Sept millions d’usagers prennent le train chaque jour en France ! C’est un enjeu extrêmement important et la sécurité dans les transports est fondamentale.
Vous avez également rappelé, monsieur le ministre, l’importance de la sécurité des femmes : près de 100 % des femmes interrogées en Île-de-France ont dit avoir été victimes de harcèlement ou d’agression dans le réseau de transports en commun.
Nous avons naturellement évoqué tout à l’heure l’attaque heureusement déjouée grâce au courage et à la bravoure de quelques passagers du Thalys. Il semble qu’une expérimentation concernant la présence de portiques sera prochainement conduite. Je voudrais dire à cette occasion, et je crois que le rapporteur partage ce point de vue, qu’il faut être réaliste : on ne pourra pas généraliser les portiques pour tous les trains de France, pas même pour tous les TGV de France, disons-le clairement, car cela restreindrait considérablement l’usage du train. Il faudrait d’abord transformer lourdement les gares, les quais, l’accès aux trains, et demander aux passagers d’arriver une heure ou une demi-heure en avance, comme c’est le cas pour prendre l’avion, ce qui pénaliserait considérablement le train.
La proposition de loi prévoit donc d’autres mesures de sécurité, comme la multiplication des contrôles aléatoires et des fouilles. Il est normal de fouiller les bagages et d’effectuer des palpations par rapport au risque que représente la présence d’armes dans un train. Je salue cette démarche, plus pragmatique que l’illusion qu’est la généralisation des portiques qui, à première vue, peut paraître intéressante mais ne résoudrait pas le problème.
En ce qui concerne la fraude, le texte prévoit que les contrôles et le recouvrement des amendes soient effectifs, car il s’agit, là aussi, de pertes de recettes et du sentiment d’injustice qu’ont les usagers des transports en commun.
Pour toutes ces raisons, je soutiens pleinement votre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme notre excellent rapporteur au fond le signale dans son rapport, cette proposition de loi, dont il est le géniteur et l’auteur principal, a connu un parcours un peu chaotique. Son objet premier était de lutter contre la fraude dans les transports en commun, phénomène qui coûte cher, très cher, trop cher – 300 millions d’euros par an à la SNCF, 100 millions d’euros par an à la RATP et 100 millions d’euros par an aux autres opérateurs – et qui, par le sentiment d’impunité qu’il donne aux fraudeurs, accroît la sensation d’insécurité des voyageurs qui, eux, paient leur billet.
À la demande des principaux opérateurs, ce texte avait pour ambition, d’une part, de renforcer les attributions des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP afin qu’ils puissent constater, par procès-verbal, le délit de vente à la sauvette lorsqu’il est commis sur le domaine public des gares ; d’autre part, d’abaisser de dix à cinq le nombre d’infractions caractérisant le délit d’habitude, ce qui aura pour conséquence de faire passer le nombre de contrevenants tombant sous le coup de cette infraction de 22 000 à 52 800 ; enfin, d’instaurer un droit de communication entre les exploitants de transports publics et les administrations publiques – le rôle de la CNIL est, à cet égard, opportunément précisé – afin d’améliorer le trop faible taux de recouvrement des PV – car, comme tout le monde le sait et comme font 42 % des fraudeurs de la SNCF, il suffit de présenter une pièce d’identité dont l’adresse n’est plus la bonne pour échapper au paiement du PV.
Le volet consacré à la lutte contre la fraude s’est enrichi en commission : un délit de soustraction à l’obligation de rester à disposition des agents de contrôle a été créé, à l’initiative du rapporteur pour avis, transformant ainsi la fuite du fraudeur en flagrant délit de même qu’un dispositif permettant de sanctionner les souscriptions ayant pour objet de financer le paiement des amendes.
À la réflexion, un dispositif similaire aurait pu être incorporé aux propositions de loi relatives à l’élection présidentielle qui viennent d’être examinées lorsque le compte de campagne d’un candidat a été rejeté par le Conseil constitutionnel, mais cela aurait pu être perçu par certains de nos collègues comme une provocation…
La commission du développement durable a clarifié la rédaction de l’article 529-4 du code de procédure pénale. J’émets toutefois des doutes sur le mécanisme de transaction pénale permettant, lorsqu’elle est honorée, souvent sur le champ, d’éteindre l’action publique.
Cette pratique constitue souvent une pression pour payer le PV et les conditions de son établissement empêchent le plus souvent le voyageur appréhendé de formuler des observations sur les conditions dans lesquelles le PV a été dressé. De plus, les frais de dossier sont souvent ridiculement élevés et leur remise, après contestation, s’apparente à une sorte de « solde » sur le montant dû. Comme, de surcroît, la procédure de recouvrement est maintenant améliorée dans le sens d’une plus grande efficacité, j’estime que, même ainsi précisé, le mécanisme de la transaction pénale reste ambigu, à défaut d’être parfaitement justifié.
D’autres amendements ont été adoptés par notre commission saisie au fond. Ils ont différents objets : faciliter le prêt de personnel entre les différentes entités de la SNCF ; étendre les pouvoirs des polices municipales dans la perspective d’une collaboration de celles-ci à la police des transports ; permettre aux agents des douanes d’accéder librement aux trains en circulation sur le territoire français ; permettre aux agents des services de sécurité des exploitants d’empêcher physiquement l’accès de voyageurs récalcitrants aux véhicules, alors que le code des transports leur permet déjà de les en faire descendre ; punir de deux mois d’emprisonnement les fraudes à l’identité en matière de transports ; punir de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende l’incitation à la fraude dans les transports par la création de collectifs de fraudeurs.
Ces dispositions n’appellent pas de ma part de commentaire particulier, sauf à émettre le souhait que le statut équilibré des polices municipales ne se trouve pas altéré par le nouvel article 12 et que les agents municipaux ne soient pas amenés à suppléer leurs collègues compétents en matière de transports.
Je relève avec intérêt qu’un volet relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, constitué par l’article 14, a été adopté. La lutte contre les violences sexistes constitue désormais un objectif explicitement mentionné dans le code des transports. Cette forme spécifique de délinquance implique une formation adéquate des agents des services de transports, au-delà de la sensibilisation des usagers.
J’en viens maintenant au contenu du principal titre de cette proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les attentats graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs. Ces dispositions trouvent leur origine et, ce faisant, leur justification, dans l’attentat déjoué à bord du Thalys le 21 août dernier. Cette tentative est venue nous rappeler que beaucoup d’attentats, notamment dans les pays occidentaux, ont pour cible les transports en commun, utilisés tous les jours par des millions de voyageurs et dont les caractéristiques – densité, confinement – les rendent particulièrement vulnérables.
Pourtant, d’énormes moyens sont déployés pour assurer la sûreté des voyageurs : plus de 2 600 agents des différents services de la police nationale, de la police aux frontières, en particulier la police ferroviaire, de la gendarmerie nationale, des douanes, des polices municipales, et 1 200 agents de la sous-direction régionale de la police des transports pour l’Île-de-France, 2 800 agents de la sûreté générale, le service de la SNCF, 1 250 agents du groupe de protection et de sécurisation des réseaux de la RATP. Sans compter les agences de sécurité privées contrôlées par le Conseil national des activités privées et de sécurité.
L’objectif principal de ce texte est d’accroître le champ d’action de l’ensemble de ces agents, de rénover le régime juridique de leur cadre d’activités. Il est également d’affecter, en tant qu’auxiliaires de police à part entière, soumis à la fois au code des transports et au code de la sécurité intérieure, l’ensemble des personnels de sécurité des opérateurs de transports pour leur permettre d’assurer une surveillance suffisamment poussée et d’agir dans le cadre du flagrant délit, tout en leur donnant les moyens de développer la prévention des actes de délinquance les plus graves grâce à la fouille corporelle et celle des bagages.
Il faut noter la suppression de l’habilitation et de l’agrément préfectoraux, qui étaient exigibles en matière de palpation de sécurité. Cette suppression n’est pas contestable en soi, mais elle pourrait être perçue comme un affaiblissement des garanties offertes aux voyageurs, alors que celles-ci existent préalablement et postérieurement au recrutement et à l’affectation des agents de sécurité, et qu’elles sont d’ailleurs renforcées par l’article 3 bis, dont l’initiative revient au rapporteur pour avis.
L’article 1er de la proposition de loi procède à une extension bienvenue des compétences des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP. Un amendement du rapporteur permet, en outre, de renforcer leurs prérogatives. Par ailleurs, les contrôleurs pourront désormais procéder à l’inspection visuelle des bagages à bord des trains, la fouille étant réservée aux agents de la sécurité ainsi que, désormais, à ceux de la sûreté générale et du groupe de protection de la RATP.
Je note également que l’article 3 élargit les possibilités accordées aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP d’agir en civil, alors que la règle, certes assouplie en 2007, est le port d’une tenue. Même si la dispense d’uniforme restera dérogatoire, cet article aura au moins le mérite, si l’on peut dire, de mettre le droit en conformité avec la réalité, car de nombreux agents, notamment de la RATP, officient déjà, et en toute illégalité, en civil. Un amendement de la commission des lois est opportunément venu conditionner l’action en civil de ces personnels à un arrêté préfectoral préalable, qui préciserait à quelles dates et dans quels lieux la dispense de tenue serait autorisée.
Symétriquement au renforcement de leurs capacités et de leurs attributions, l’article 2 vient compléter le statut des agents des services internes de sécurité des opérateurs, en les plaçant sous le contrôle des forces de l’ordre.
Notre rapporteur pour avis a également fait adopter un amendement permettant d’étendre la peine d’interdiction de séjour à des véhicules, arrêts et stations de transports publics de voyageurs, ce dispositif étant censé offrir une meilleure protection aux victimes en tentant d’éviter la récidive. Il est vrai que certaines stations de métro parisiennes voient défiler imperturbablement les mêmes délinquants, qui semblent y avoir leurs habitudes.
Je terminerai mon propos en commentant l’article 6 de la proposition de loi, tendant à permettre aux officiers et agents de police judiciaire d’inspecter et de fouiller des bagages, dans les mêmes formes que celles qui régissent le contrôle des véhicules.
Un amendement du rapporteur concernant les contrôles de police administrative a supprimé l’obligation d’une autorisation préalable du procureur de la République, requise en cas de refus ou d’absence du propriétaire. Outre les observations d’ordre juridique, cette autorisation se heurtait à des considérations purement matérielles : le maintien de son obligation aurait enlevé à cette faculté tout intérêt, en la rendant inapplicable.
Pour conclure, en félicitant notre rapporteur Gilles Savary pour son remarquable travail, je précise qu’au nom des membres du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je voterai la proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes conviés ce soir, plusieurs semaines après le délai initialement prévu, à examiner le texte de la proposition de loi de nos collègues Bruno Le Roux et Gilles Savary relative à la sécurité et à la lutte contre la fraude dans les transports publics.
Ce texte prône des ajustements législatifs, réglementaires et contractuels relativement ciblés, qui se fondent à la fois sur la déclaration de Paris du 29 août 2015, issue de la réunion européenne sur la sécurité dans les transports ferroviaires frontaliers, et sur les propositions de la SNCF, de la RATP et de l’Union des transports publics et ferroviaires en matière de lutte contre la fraude.
Certaines propositions ne sont pas neuves : elles avaient déjà été approuvées par le ministre de l’intérieur, il y a un an, lors d’un Comité national de la sécurité dans les transports en commun.
Le texte en discussion se situe à bien des égards dans la continuité des aménagements intervenus depuis la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure. Lors de la discussion de cette loi, des interrogations avaient été formulées sur la légitimité des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à exercer, notamment vis-à-vis des usagers, des missions à la limite des prérogatives des forces de l’ordre.
Actuellement, aux quelque 2 600 agents des forces de l’ordre mobilisés pour sécuriser les transports publics, s’ajoutent des agents agréés et assermentés des entreprises de transport. Travaillent aujourd’hui 2 800 agents sous statut SNCF et près de 1 600 agents au sein de la RATP.
Leurs compétences n’ont cessé de s’élargir. Ainsi, l’activité principale de la surveillance générale, la SUGE, service interne de sécurité de la SNCF, était encore orientée au début des années quatre-vingt-dix vers la gestion des problèmes internes ou créés par les usagers indélicats. Au fil du temps, la multiplication des incivilités et des violences contre les personnes ont conduit à une réorientation de ses missions. Actuellement, 80 % de ses effectifs sont consacrés à la lutte contre les atteintes aux personnes.
Ses personnels ont désormais des compétences étendues. Ils ont été habilités à procéder aux relevés d’identité avec une compétence nationale, puis autorisés à détenir des armes de catégorie B et D. Ils ont acquis en 2007 la possibilité de travailler sur la voie publique. Ils peuvent aujourd’hui relever par procès-verbal les infractions à la police des transports, exiger une pièce d’identité auprès des contrevenants, procéder à l’interpellation d’auteurs de crimes et délits, procéder à leur menottage, réaliser des palpations sommaires, saisir des marchandises mises en vente sans autorisation, réaliser des injonctions de descendre des trains ou de sortir des emprises.
La proposition de loi poursuit cette évolution. Elle tend à autoriser les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à procéder, avec le consentement des passagers, à l’inspection visuelle des bagages, le cas échéant à leur fouille et, lorsque les circonstances le commandent, à des palpations de sécurité. Toute personne refusant de se soumettre à ces contrôles sera empêchée d’accéder aux transports en commun. Par ailleurs, la possibilité pour ces agents d’être dispensés du port de la tenue sera élargie pour faciliter la détection des infractions.
À ces mesures s’ajoutent des dispositions qui intéressent plus spécifiquement les officiers et agents de police judiciaire, qui pourront désormais procéder à l’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille sans l’accord des passagers pour les inspections visuelles, et sans la commission préalable d’un délit pour ce qui concerne les fouilles.
S’agissant de la lutte contre la fraude, la proposition de loi reprend largement les propositions des opérateurs pour réduire la facture annuelle, plus que conséquente, de la fraude. Il s’agit notamment d’instaurer un droit de communication entre les exploitants et les administrations publiques afin de faciliter la vérification des adresses des contrevenants, donc d’améliorer le taux de recouvrement des amendes.
L’autre mesure importante porte sur le délit de fraude d’habitude sanctionné de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende : le seuil actuellement fixé à dix contraventions passera à cinq sur une période inférieure ou égale à douze mois.
Indépendamment des appréciations que chacun peut porter sur le bien-fondé du renforcement des mesures de sécurité dans les gares et les transports publics de voyageurs, le texte soulève pour nous des interrogations sur les modalités de délégation des missions régaliennes de sécurité.
À l’heure actuelle, les personnels de sécurité de la SNCF et de la RATP disposent d’une délégation des missions de sécurité, en vertu des dispositions de la loi relative à la sécurité intérieure.
Cette exception leur a été accordée en raison de leur qualité d’entreprises publiques, investies de missions de service public et dont le personnel relève d’un statut particulier. Or nous assistons depuis quelques années à une banalisation des transferts de compétences et à un glissement progressif vers un régime de prestation marchande des services de sécurité.
Par la voie d’amendement, la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a rendu obligatoire pour les services de sécurité de la SNCF, désormais logés dans l’EPIC de tête, d’effectuer des prestations au bénéfice d’opérateurs concurrents de la SNCF. Un pas a ainsi été franchi vers la filialisation de cette activité.
Ces remarques nous invitent à accueillir certaines mesures du texte avec circonspection. Nous nous interrogeons en particulier sur certaines dispositions introduites en commission, comme l’extension de la liste des agents pouvant constater des infractions au code des transports aux agents assermentés missionnés de l’exploitant du service de transport, qui vise à permettre à ces derniers de recourir à des sous-traitants.
Les mêmes remarques s’imposent en ce qui concerne l’extension à la province de la possibilité pour les réseaux de se doter de services de sûreté. Si la mesure représente une avancée en matière de recours à des sociétés privées, la question du statut des agents effectuant ces missions doit, selon nous, être posée.
Déléguer une partie de l’exercice de compétences régaliennes n’est pas un acte anodin et ne peut être réduit à des considérations d’efficacité économique et de libre marché.
Nous ne saurions donc nous situer dans une logique de banalisation de ces transferts de compétences.
Le glissement, qui semble s’opérer peu à peu de services de sécurité, qui tirent leur légitimité du statut quasi public de leurs agents, vers un régime de prestation marchande, au-delà du cadre de l’entreprise publique, soulève de sérieuses interrogations sur la garantie des libertés publiques et la responsabilité de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs régaliens.
En tout état de cause, nous proposerons un amendement visant à inscrire dans la loi l’impossibilité de filialiser, donc de privatiser les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, et l’impossibilité de confier les missions de ces services à des prestataires privés.
Cette préoccupation, essentielle à nos yeux, rejoint la proposition de notre rapporteur de permettre aux polices municipales de prendre la compétence des services de sûreté des réseaux urbains de province. La situation des agents des entreprises investies de mission de service public peut être, en effet, rapprochée de celle des polices municipales, qui constituent un autre exemple de dévolution légitime d’une partie des attributions des forces publiques de sécurité nationale.
Ces observations étant faites, et malgré les réserves que nous inspirent certaines de ses dispositions, nous voterons la proposition de loi.
J’aimerais encore ajouter un mot. Monsieur le ministre, pourriez-vous lâcher une seconde votre iPad, même si cela semble bien difficile ? J’étais lundi dernier en Belgique. J’ai passé trois fois la frontière. Je n’ai vu ni un gendarme ni un policier. Avant de venir à l’Assemblée nationale mardi soir, entre vingt-deux heures et minuit, je suis passé par Senlis, commune que vous connaissez bien. Il n’y avait ni un gendarme ni un policier.
Vous avez annoncé tout à l’heure que vous ne relâcheriez pas la pression. Il me semble que nous constatons l’inverse.
La parole est à Mme Marie Le Vern, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, chaque jour, 10 millions de nos concitoyens empruntent les transports publics de voyageurs pour leurs loisirs ou, le plus souvent, pour se rendre à leur travail, ce qui représente l’expression quotidienne et concrète du droit à la mobilité, lequel est un des piliers de notre République.
Nous le savons, ce droit est menacé. En responsabilité, il est de notre devoir d’apporter les réponses appropriées.
Ce droit est menacé parce que les usagers sont une cible pour les terroristes. Nous avons vécu cet été la tentative avortée du Thalys. La France a été touchée au coeur par les terribles attentats qui ont frappé Paris.
Ces drames nous disent l’urgence d’agir. Mais, malgré cette urgence, la représentation nationale a le devoir de légiférer dans l’apaisement. Ne tombons pas dans le piège tendu par les terroristes, lesquels espèrent que la colère et l’indignation légitimes qui emportent la nation s’exprimeront chez certains, y compris dans nos rangs, par des amalgames injustes et des passions fratricides.
J’ajoute que la sécurité est un ressenti, un sentiment qui relève de la crainte, de la psychologie, du vécu de chacun. Il faut donc traiter ce sujet honnêtement en excluant l’exploitation démagogique, tentante pour certains, mais qui ne serait pas digne des enjeux.
Évitons par conséquent l’amalgame entre terroriste et fraudeur. Cet impératif doit appeler toute notre vigilance : ne jetons pas inutilement la suspicion sur certains. C’est la condition pour que notre travail législatif soit équilibré, respectueux de l’état de droit et des principes fondamentaux de notre justice. C’est aussi la condition du caractère républicain de la proposition de loi.
Les atteintes à la sécurité prennent des visages différents, appellent des dispositifs variés et une réponse politique proportionnée.
Le droit à la mobilité est aussi menacé par un fléau : les incivilités quotidiennes, au premier rang desquelles figurent la fraude et les harcèlements. Aujourd’hui, en France, nos concitoyens, mais aussi des touristes, hésitent à emprunter les transports en commun parce qu’ils craignent d’être exposés à des usagers malveillants.
La sécurité des voyageurs est un continuum, et notre réponse face aux enjeux qu’elle représente ne peut faire l’impasse sur aucune menace. La sécurité de nos concitoyens ne se morcelle pas.
Le texte rédigé par Gilles Savary est une réponse politique globale et adaptée aux menaces qui pèsent sur notre droit à la mobilité. Le groupe socialiste soutient les dispositifs proposés ; il a d’ailleurs contribué à enrichir le texte en commission et continuera à le faire dans la discussion à venir.
Nous sommes notamment parvenus à trouver un modus operandi sur le port d’un document d’identité dans les transports. Il n’était pas envisageable, juridiquement, de contraindre chaque voyageur d’être porteur d’un document d’identité parce que ce n’est pas une obligation dans notre pays. Nous avons donc adopté deux mesures complémentaires.
Celle issue des travaux de la commission des lois permettra la pénalisation d’un contrevenant qui chercherait à se soustraire à l’agent de contrôle, dans l’attente de l’arrivée d’un agent de police judiciaire, seul habilité à contrôler son identité. Il existait autour de cette situation un flou juridique qui empêchait les personnels des sociétés de transports d’incarner une autorité suffisante pour qui connaissait bien la loi.
L’autre mesure du groupe socialiste rend obligatoire la justification de son identité au moyen d’un document, en l’absence de titre de transport et faute d’une régularisation immédiate. Désormais, un fraudeur pris en défaut aura le choix entre s’acquitter immédiatement de l’amende forfaitaire ou bien justifier son identité en vue de régulariser ultérieurement sa situation. S’il s’y refuse, il s’exposera non seulement à une contravention de troisième classe pour non-présentation du titre d’identité, mais aussi à un contrôle en bonne et due forme par un agent de police judiciaire.
Il ne sera bientôt plus possible de frauder dans les transports au grand jour, en profitant des silences de la loi, au nez et à la barbe des usagers honnêtes et des agents de contrôle que ces pratiques inquiètent et révoltent.
Cet arsenal, associé au droit de communication prévu à l’article 9 de la proposition de loi, permettra aux transporteurs d’augmenter leur taux de recouvrement des amendes, estimé aujourd’hui à 14 % pour la RATP et à 10 % pour la SNCF. Le manque à gagner pour les sociétés et les autorités organisatrices de transport ne peut plus être ignoré, dès lors que l’on ambitionne de réaliser l’ensemble des investissements nécessaires à la mise en sécurité des lieux et véhicules de transports publics, comme l’installation de portiques à l’entrée des trains. Le chiffre de 300 millions d’euros par an a été évoqué à plusieurs reprises ; c’est l’équivalent de dix rames de TGV, de trente trains régionaux ou de centaines de kilomètres de voies rénovées.
Il y a donc plusieurs enjeux citoyens, républicains dans cette proposition de loi : celui d’assurer la sécurité dans les transports publics ; celui de s’assurer que chacun s’acquitte du prix juste, toujours adapté grâce aux politiques tarifaires ; celui de poursuivre la modernisation et la sécurisation du réseau.
Je défendrai, au nom du groupe socialiste, un amendement visant à allonger la durée légale de recouvrement des procès-verbaux dressés par les transporteurs, en la portant de deux à quatre mois. Là encore, c’est l’ouverture du droit de communication qui, en laissant entrevoir une politique de recoupement très efficace des coordonnées des fraudeurs, justifie que l’on laisse plus de temps aux transporteurs pour la phase transactionnelle.
Le travail en commission a aussi permis de focaliser l’attention sur un enjeu majeur de la politique de sûreté dans les transports : les violences sexuelles et les harcèlements sexistes, dont sont victimes majoritairement les femmes – mais je n’oublie pas que des hommes, souvent en raison de leur orientation sexuelle, en subissent aussi les effets.
Le groupe socialiste a déposé et fait adopter deux amendements tendant à préciser la responsabilité des autorités organisatrices de transports en matière de lutte contre ce fléau. Les AOT devront notamment publier annuellement un compte rendu de leurs actions dans ce domaine, qu’il s’agisse de répression, de pédagogie ou de recensement. Cela permettra de mettre en lumière une réalité peu connue de nos concitoyens, mais vécue par nombre de voyageurs. La publication de ces informations provoquera, je l’espère, un électrochoc salutaire, qui devrait contribuer à réduire la tolérance sociale. Dans le même article, il est précisé que la formation des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP devra intégrer la réponse à ce type spécifique de violences, afin que les agents soient capables de le faire de manière adaptée et efficace.
Je sais que des efforts conséquents ont été engagés par les transporteurs dans ce domaine. Ces nouvelles mesures ne visent donc pas à les contraindre à s’engager dans cette voie malgré eux ; bien au contraire, il s’agit d’encourager leurs démarches et de les accompagner en leur donnant une valeur législative.
Je veux saluer l’action du Gouvernement, qui a su se saisir du sujet en suivant de près les recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ; vous-même, monsieur le ministre de l’intérieur, mais aussi le secrétaire d’État chargé des transports et, bien entendu, la secrétaire d’État chargée des droits des femmes avez engagé un plan ambitieux pour lutter contre l’insécurité et les harcèlements que subissent les femmes dans les transports publics. Je citerai quelques-unes des actions nécessaires : l’alerte par SMS, une campagne de sensibilisation d’envergure dans les stations de métro et les gares cet automne ou encore l’expérimentation de l’arrêt à la demande dans les bus de nuit.
Le groupe écologiste a lui aussi fait des propositions en la matière, dont certaines me paraissent pertinentes – nous aurons l’occasion d’en débattre. Je me réjouis que ce sujet ait pu être traité dans le cadre de la présente proposition de loi ; ne pas le faire aurait été une occasion ratée.
Le groupe SRC soutiendra bien évidemment ce texte et sa philosophie. Je remercie le rapporteur Gilles Savary pour son travail. Cette loi est, je le crois, à la hauteur des enjeux. Elle devra, dès sa promulgation, faire l’objet d’une vaste campagne d’information auprès des voyageurs et du public.
Les transports publics sont une des fiertés de la France. Ils contribuent au bien-être de nombreux usagers. Ils constituent une vitrine technologique, une source d’emplois et de richesse. Ils sont aussi un formidable atout pour atteindre les objectifs de la COP21, en renforçant la lutte contre les pollutions. Ils doivent aussi contribuer au mieux vivre ensemble. C’est ce que notre proposition de loi devrait permettre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais tout d’abord remercier Gilles Savary pour son écoute attentive, même s’il n’a pas toujours été favorable aux amendements de l’opposition, laquelle a pourtant pris une part active au travail en commission. Pour montrer notre bonne volonté, nous avons décidé d’écourter la discussion en renonçant à défendre une motion de renvoi en commission. La suite de la discussion nous dira si nous pouvons voter la proposition de loi ; pour l’heure, nous privilégions une abstention constructive.
Cette proposition de loi très attendue – je ne reviendrai pas sur les vicissitudes qui en ont provoqué le report – comporte trois thèmes.
Le premier est le terrorisme. Bien évidemment, nous vous soutenons dans vos démarches, même si nous regrettons que vous n’ayez pas adopté l’amendement présenté par Mme Pécresse sur les « fiches S » et la transmission d’informations par le préfet à la plupart des AOT et aux présidents de la SNCF et de la RATP. On a certes retenu un mécanisme de criblage ; toutefois, monsieur le rapporteur, nos débats nous conduiront certainement à nous demander quoi faire si un employé de la SNCF ou de la RATP a été criblé ; en effet, ces entreprises, tout comme les AOT, n’auraient pas aujourd’hui la possibilité de le licencier, puisque le criblage ne signifie pas qu’il y a eu radicalisation ou passage à l’acte. Or, même si nous ne sommes pas dans Minority Report, nous devons avoir conscience qu’un conducteur de TGV ou un aiguilleur peut être mieux armé que celui qui tient en main un pistolet.
Deuxième thème : la sécurisation. Les propos pleins de bon sens de notre collègue de Rugy nous ont satisfaits. La sécurisation permet bien évidemment d’accroître les recettes des exploitants des transports en commun ; si les gens, notamment les publics sensibles, s’y sentent mieux, ils pourront y circuler tôt le matin ou tard le soir ; cela concerne non seulement les femmes – nous souscrivons aux amendements de nos collègues –, mais aussi les jeunes et les personnes qui cherchent un emploi dans les quartiers prioritaires de politique de la ville. Tout cela permettra de réduire le nombre de véhicules polluants et d’améliorer les transports.
Nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur, des avancées sur les polices municipales et la sécurité, au sens large, dans les transports en commun. Toutefois, nous avons été quelque peu surpris par l’argumentation développée par M. le ministre – surtout s’agissant d’un ministre venant de province ! Nous demandons en effet, via les amendements que j’ai déposés, que les AOT bénéficient du même régime que la RATP et la SNCF à Paris, de manière qu’à Lille par exemple, l’on puisse disposer de l’équivalent de la Surveillance générale – la SUGE. Certes, M. le rapporteur a fait quelques avancées, et nous l’en remercions, mais il nous a aussi expliqué que cela nous coûterait plus cher ; nous considérons pour notre part qu’il s’agit d’une étrange atteinte à la province de la part d’un ministre venant de Cherbourg et d’un rapporteur député de la Gironde. Mais peut-être nous expliquerez-vous comment les AOT pourront, elles aussi, bénéficier d’une sécurisation au nom, non pas d’agents de sécurité privés, mais de sociétés comme Keolis ou Transdev.
Enfin, le troisième thème, qui nous paraît le plus essentiel, est la fraude. Nous n’avons toujours pas compris pourquoi vous avez refusé l’amendement que nous avions déposé avec Mme Pécresse sur la présentation obligatoire d’une pièce d’identité pour finalement en accepter un autre qui prévoit l’obligation de présenter un document attestant de son identité. La subtilité dépasse les capacités de compréhension de l’opposition !
Quoi qu’il en soit, nous nous réjouissons que la présentation d’un tel document soit rendue obligatoire, même si, nous l’avons bien compris, il existe un risque de censure de la part du Conseil constitutionnel et si l’opposition ne prend pas les contrôleurs et les agents de sûreté pour des policiers nationaux – ce qu’il importe de souligner, monsieur le ministre. En revanche, s’il est vrai qu’il peut exister de fausses pièces d’identité, de nombreuses personnes refusent tout bonnement de montrer les leurs aux contrôleurs. Il faudrait des contrôles en commun avec des policiers nationaux ou municipaux pour les y obliger : ce serait du temps perdu pour les forces de l’ordre, au moment même où le ministre cherche en accroître le nombre pour les affecter à des tâches plus « utiles ». Résultat : si une personne fraude dans le métro, à Tourcoing par exemple, et refuse de présenter sa pièce d’identité au contrôleur, il faudra attendre qu’un policier national ou municipal se rende sur place et que le fraudeur patiente sagement une heure dans le métro sur le coup de vingt-trois heures ! Et si cet individu persiste dans son refus, il faudra bien deux ou trois policiers pour l’emmener au commissariat et contrôler son identité – ce qui prendra quatre heures. Tout cela pour dresser un procès-verbal, dont on sait que seulement 14 % sont payés : quelle déperdition de forces !
Nous souhaitons aussi, de même que le rapporteur, qu’il y ait des évolutions dans le domaine fiscal ; sans doute faudra-t-il que Bercy y mette un peu plus du sien pour le recouvrement des amendes. Il faudrait en outre une évolution du contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, sur ces questions ; mais je crois qu’un amendement a été adopté en ce sens et je remercie le rapporteur d’y avoir donné un avis favorable, afin que les AOT puissent lutter contre les fraudeurs et recouvrer les amendes sans que la CNIL ne joue en sens contraire.
Je terminerai, madame la présidente, en disant que les amendements portant sur ce que l’on appelle les « mutuelles de fraudeurs » sont très importants. Il me semble cependant que la fraude – dont le coût a été évoqué : 500 millions d’euros – représente surtout une forme d’insécurité. Tous les fraudeurs ne sont pas délinquants, mais il est assez rare que les délinquants qui utilisent les transports en commun, notamment en province, disposent d’un abonnement en bonne et due forme !
Il est donc très important que le Gouvernement accepte les évolutions proposées non seulement par M. le rapporteur, mais aussi par l’opposition. Nous espérons que le débat qui aura lieu tout à l’heure et demain nous permettra d’avancer encore plus, afin de voter votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à mon tour de dire que nous sommes réunis ce soir pour étudier une proposition qui a changé de nature depuis son dépôt, dans un contexte lourd, marqué par les massacres de masse du 13 novembre dernier. Personne ne peut les chasser de ses pensées ; personne ne peut oublier l’attentat contre Charlie Hebdo, non plus que les différents massacres qui ont eu lieu récemment en Tunisie, ou la tentative d’attentat qui a eu lieu dans le Thalys.
Nous savons tous cependant qu’on ne fait pas de bonne loi dans l’urgence ni la peur. Je sais aussi que nous sommes tous attachés à garantir nos principes démocratiques. Il s’agit donc de discerner ce qui relève de la lutte contre le terrorisme de ce qui relève de la lutte contre la fraude. Comme on le constate, malheureusement, pour un certain nombre de perquisitions administratives récentes, le mélange des genres recèle de grands périls.
Il est question, dans cette proposition de loi, de la sécurité des voyageurs dans les transports terrestres. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, au cours des années passées, les villes de Madrid et Londres – pour ne prendre que ces deux exemples – ont payé un lourd tribut au terrorisme. Il faut donc, évidemment, assurer la sécurité des voyageurs et du personnel de ces transports. Il faut toutefois se garder des abus, car le nombre de personnes transportées est énorme !
Nous devons veiller en permanence à préserver à la fois la sécurité et les droits et libertés de nos concitoyens ; pour cela, il faut s’assurer que nul ne soit victime de discrimination. Nous en sommes tous conscients, il me semble : la question des transports terrestres est complexe, diffuse ; on peut l’aborder de multiples manières, mais toutes sont difficiles.
Ce texte a évolué en commission. La constitutionnalité et la proportionnalité de certaines dispositions introduites à cette occasion sont contestables. Je me permets de féliciter M. le rapporteur d’avoir pris le temps de la réflexion, et d’avoir déposé des amendements visant à en retirer certaines – je pense notamment, à cet égard, à l’autorisation, pour les agents des services de sécurité de la RAPT et de la SNCF, de procéder à des fouilles et à des palpations.
D’autres mesures de ce texte posent des questions difficiles, car les agents et les cheminots risquent de se trouver investis de missions de sécurité qu’ils ne sont pas formés à assurer. De fait, est-il souhaitable de transformer des personnels des transports en commun en quasi-agents de police judiciaire, sans la formation ni les exigences déontologiques correspondantes ? Le Défenseur des droits a d’ailleurs souligné la nécessité de renforcer les règles déontologiques, compte tenu du renforcement important des prérogatives des agents, prévues notamment à l’article 1er.
C’est pourquoi les députés écologistes – en tout cas certains d’entre eux – ont déposé plusieurs amendements, notamment pour établir un code de déontologie applicable aux agents des services de sécurité internes à la SNCF et à la RATP, et pour renforcer leur formation, tant initiale que continue. Je suis heureuse que la commission du développement durable se soit déclarée favorable à ces amendements.
Je précise également qu’il y a des cas de radicalisation de certains agents. C’est vrai à la RATP ; c’est vrai aussi dans ma ville, Clermont-Ferrand, où la compagnie de transports en commun T2C a dû faire face à la radicalisation de certains agents. Nous voyons bien que cette question est complexe !
Une autre question se pose : celle de la traçabilité des contrôles. Le Défenseur des droits s’est en effet interrogé sur ce point. Dès lors que de nouveaux types de contrôle, de palpation ou de fouille sont autorisés, il semble nécessaire d’en assurer la traçabilité. La question des contrôles au faciès reste très sensible.
D’autres mesures restent, à ce stade, contestables ; je crains ainsi que les billets nominatifs visent plus à lutter contre la revente de billets dits Prem’s qu’à combattre le terrorisme. De même, la sous-traitance en matière de contrôle des titres de transport mériterait d’être plus sévèrement encadrée. Enfin, la nouvelle obligation de présenter un titre d’identité en cas de fraude, le défaut de pièce d’identité étant puni d’une contravention de troisième classe, me semble être un changement important. Puisque M. le rapporteur a déposé une proposition de résolution européenne, je rappelle que dans certains États européens, par exemple le Royaume-Uni, il n’existe pas de carte d’identité. Il faudrait donc examiner comment harmoniser cela au niveau européen.
Nous défendrons d’autres amendements visant à lutter contre le harcèlement sexiste dans les transports en commun, y compris à propos de la formation des agents. Après des années de déni, nous saluons le volontarisme du Gouvernement, qui a présenté un plan sur ce sujet, pour faire suite aux préconisations du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le rapport de cette instance, publié en avril 2015, souligne en effet que 100 % des utilisatrices des transports en commun ont vécu au moins une situation de harcèlement sexiste ou d’agression sexuelle.
Des amendements de nos collègues socialistes sur cette question ont été adoptés en commission, mais il me semble nécessaire d’aller au-delà : il convient de mettre à la disposition des usagers une plate-forme de signalement qui permettrait non seulement de déposer une plainte en cas d’infraction ou de harcèlement, mais aussi d’identifier les éventuelles liaisons de transports à risque, afin d’adapter les dispositifs de sûreté. Nous souhaitons également généraliser les arrêts à la demande dans les bus de nuit.
Reste la question du financement des opérations proposées. Une augmentation, même minime, du prix des billets, risque de détourner des transports ferroviaires les personnes qui ont des revenus modestes, et qui se sentent déjà discriminées. Il faut donc, à ce sujet, être très prudent, ou trouver une autre manière d’augmenter les impôts.
Vous voyez, mes chers collègues, que nous portons un regard à la fois critique et constructif sur ce texte, qui comporte un arsenal de mesures peut-être trop touffu et trop sécuritaire. Certaines dispositions nous semblent faire peser un risque sur les libertés publiques ; d’autres seront bienvenues pour rendre les transports plus sûrs pour tous, et pour lutter contre la fraude. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs. Notre rapporteur, Gilles Savary, qui est spécialiste des questions ferroviaires, y travaille depuis de nombreux mois. Je le salue pour son travail approfondi et méticuleux qui a permis d’aboutir à un texte équilibré, garant des droits des usagers de transports publics.
Contrairement à ce que sa date de passage dans cet hémicycle pourrait laisser supposer, ce texte n’a pas été écrit dans l’urgence, en réaction aux terribles attentats qui ont frappé notre pays le 13 novembre dernier. Non, il est le fruit d’un long travail fait d’auditions et de déplacements sur le terrain, et qui était dans un premier temps centré sur la fraude.
Les acteurs et les observateurs des politiques publiques de la mobilité le savent depuis longtemps : le coût annuel de la fraude dans les transports publics est considérable. Ce coût atteint 300 millions d’euros pour la SNCF, 180 millions d’euros pour la RATP : cela fait près de 500 millions d’euros retirés chaque année à notre système de transports. La fraude pèse sur le résultat des entreprises ; c’est autant de millions d’euros en moins pour l’entretien et la maintenance des réseaux, alors que les besoins d’investissements sont criants.
Cette fraude, inacceptable quand il s’agit de jeunes gens peu respectueux des règles, devient intolérable quand elle est pratiquée par des cols blancs, qui désormais s’organisent même en mutuelles sur Internet ! Pour certains fraudeurs, il peut s’agir d’un moyen de manifester leur mécontentement face à la dégradation des services ferroviaires, mais en privant les opérateurs de ces recettes, ces usagers les privent par là même d’une partie des investissements indispensables à la régénération des réseaux et donc à l’amélioration des services dont ils bénéficient.
Cette situation cause de surcroît de très fortes tensions, non seulement avec les contrôleurs, souvent agressés, mais également avec les usagers en règle, qui comprennent mal l’impuissance de l’opérateur à sanctionner ceux qui ne le sont pas. Le législateur doit donc combattre ces dérives avec mesure et fermeté.
La proposition de loi que nous examinons ce soir propose notamment de réduire de dix à cinq par an le nombre d’infractions qui caractérise le délit d’habitude, puni par la loi. Il instaure également un droit de communication entre les opérateurs et les administrations publiques afin de recouvrer plus efficacement les amendes, ce qui est bien loin d’être le cas aujourd’hui.
Après l’attentat perpétré le 21 août dernier dans le Thalys, ce dispositif de lutte contre la fraude a été complété par un important volet sur la sécurité des voyageurs. Dans une société où le civisme serait universellement partagé, dans un monde en paix, où personne ne menacerait la sécurité de la population, ce volet n’aurait pas de raison d’être. Mais cette année, les actes terroristes ont malheureusement frappé notre pays, comme bien d’autres dans le monde. Nos concitoyens attendent que l’État les préserve d’autres menaces, qu’il protège leur vie et celle de leurs enfants.
La tentative d’attentat du Thalys, les terribles attentats de la gare d’Atocha à Madrid et de la station Saint-Michel en 1995 l’ont montré : les gares, les transports en commun, constituent des cibles de premier choix pour le terrorisme. La concentration, dans un lieu contraint, d’une foule importante, leur garantit un impact spectaculaire, un effet de terreur.
D’importants moyens humains sont déjà consacrés à la sûreté dans les transports, ainsi qu’un arsenal de vidéosurveillance. Il convient désormais de faciliter l’action de ces agents sur le terrain, pour améliorer leur efficacité, tout en maintenant une frontière claire entre sécurité publique et sécurité privée, c’est-à-dire entre les forces relevant de la puissance publique et celles relevant des entreprises de transport.
J’ai bien pris note des objections du Défenseur des droits ; je les respecte. Il a notamment soulevé la question de la proportionnalité de ces dispositifs au regard des libertés, et les risques d’incidents liés aux contrôles et palpations.
La commission du développement durable et la commission des lois avaient anticipé ces exigences. Elles ont ainsi amélioré le texte sur plusieurs points. Un bilan national annuel des contrôles et des actes de supervision des services de sûreté par les forces de police et de gendarmerie sera adressé au Défenseur des droits. L’action en civil d’agents de sûreté sera conditionnée à un arrêté préfectoral préalable. La réalisation d’enquêtes administratives par la SNCF et la RATP sera autorisée lors de recrutements, d’affectations, et même pour les personnels en place lorsqu’ils sont affectés à des postes à risque, tels que l’aiguillage, la conduite, ou la sécurité des systèmes d’information.
Enfin, les agents seront mieux formés et les autorités organisatrices de transports seront responsabilisées pour lutter contre les violences et le harcèlement sexistes, qui sont malheureusement très fréquents dans les transports publics.
Cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, a fait l’objet de nombreuses concertations, impliquant jusqu’au Conseil d’État. Vous avez trouvé un équilibre entre la nécessité de lutter contre un phénomène d’ampleur et très coûteux pour notre système de transports, la fraude, et celle de garantir à nos concitoyens à la fois la sécurité et le respect absolu de leur liberté de circuler. C’est pourquoi vous trouverez sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen de nombreux parlementaires qui vous apporteront leur soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le coût annuel de la fraude dans les transports publics en France est estimé à 500 millions d’euros. Pour bien mesurer l’ampleur de cette somme, il faut se dire qu’elle correspond à la moitié des investissements réalisés par le Syndicat des transports d’Île-de-France en 2015 pour moderniser les transports dans la région capitale.
Lutter contre la fraude est donc un impératif économique : c’est se donner les moyens de financer les investissements nécessaires pour offrir des transports de qualité à nos concitoyens – surtout quand on sait qu’en Île-de-France, la baisse du prix du passe Navigo prive le STIF de 400 millions d’euros par an, somme qu’il pourrait investir !
Lutter contre la fraude est aussi un impératif démocratique et social. On ne doit plus accepter qu’autant de personnes se dispensent de participer au financement d’un service public dont ils sont, en tant qu’usagers, les premiers bénéficiaires. Le financement des transports publics en France n’est assuré qu’à 17 % par les tickets payés par les voyageurs – 26 % en Île-de-France. Le reste est malheureusement à la charge des entreprises et des collectivités publiques – ce qui alourdit, in fine, la dette.
Cela signifie que tout manque à gagner est mécaniquement reporté sur le pouvoir d’achat des salariés, via la taxe sur les salaires ou des impôts supplémentaires, ou se traduit directement par une diminution des investissements. La fraude est donc le symbole même de l’injustice, car ce sont les usagers et les contribuables qui payent pour les fraudeurs !
La réglementation actuelle suscite un sentiment d’impunité chez les fraudeurs, et d’exaspération chez les usagers honnêtes. D’après la SNCF, moins de 10 % des amendes sont payées.
En comparaison, le taux de recouvrement des amendes de stationnement est de 50 %, et celui des amendes générées par les radars automatiques de 70 %. Ce décalage s’explique par une raison simple : chaque véhicule est identifié par sa plaque d’immatriculation. Ce n’est pas le cas dans les transports en commun, où les usagers ne sont pas tenus de porter une pièce d’identité sur eux. Résultat : les fraudeurs donnent des adresses fantaisistes et on ne les retrouve pas.
Nous avons donc réclamé, en commission, que soit instaurée l’obligation de porter une carte nationale d’identité lorsque l’on utilise les transports. Il faut bien avoir une pièce d’identité pour prendre l’avion, et son permis de conduire et sa carte grise lorsque l’on conduit sa voiture. En quoi serait-il choquant d’avoir sa pièce d’identité dans le métro, dans le bus ou dans le train ?
Cet amendement a été rejeté au motif que seuls les agents de police peuvent contrôler l’identité des personnes et que l’obligation du port de la carte d’identité doit être d’ordre général, donc faire l’objet d’un texte plus large.
Nous avons toutefois pu faire adopter en commission un amendement qui oblige tout voyageur ne possédant pas de titre de transport valable à être en possession d’un document qui atteste son identité. J’y ajoute la création d’un délit de fuite lorsque le fraudeur, qui refuse de présenter ses papiers, ne se tient pas à la disposition des agents de contrôle le temps que ces derniers préviennent les agents de police habilités à effectuer un contrôle d’identité. Enfin, deux mois d’emprisonnement pourront désormais être requis en cas de déclaration de fausse identité.
Le dispositif de lutte contre la fraude, ainsi renforcé, satisfait en partie nos demandes même si nous regrettons que la majorité ne soit pas allée plus loin, notamment en matière de « délit d’habitude ». En ce domaine je propose de sanctionner pénalement un voyageur au bout de trois récidives et non de cinq.
Utiliser les transports trois fois par an sans payer ne relève pas du hasard, d’autant que l’on sait les contrôles aléatoires. La mesure que je propose est donc un signal fort contre la fraude.
En donnant la possibilité aux réseaux de province de se doter d’unités de surveillance, on leur permettrait de bénéficier d’un même niveau de sûreté qu’à Paris. Ces transports en commun rythment la vie d’un grand nombre de nos concitoyens, tout particulièrement en Île-de-France. Assurer leur sécurité est donc l’une de nos priorités.
L’attentat déjoué dans le Thalys, le 21 août dernier, a ainsi démontré la nécessité d’adopter des mesures supplémentaires pour garantir notre sécurité collective, avec une équation difficile à résoudre : comment être moins vulnérables devant le risque terroriste tout en garantissant la fluidité du trafic ? Les contrôles doivent être intensifiés pour réduire la menace.
De ce point de vue, les pouvoirs des agents des services internes de sûreté vont être renforcés. Ces agents pourront ainsi procéder à l’inspection visuelle des bagages à main et à leur fouille, et interdire l’accès au train si la personne refuse de se soumettre à cette fouille. Mais faut-il élargir ces pouvoirs aux contrôleurs et vérificateurs de titres des opérateurs de transport, objet de l’article 1er bis ? Je pense, monsieur le ministre, qu’à ce stade il serait raisonnable de prendre en compte les inquiétudes de l’Union des transports publics et ferroviaires, l’UTP, et de l’ensemble des opérateurs de transport, pour les écarter de cette proposition.
En revanche, il faut aller plus loin en supprimant l’exigence d’un consentement de la personne pour procéder à la fouille des bagages à main et de l’accord du conducteur pour la visite des véhicules sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.
Par ailleurs, les enquêtes administratives sur les employés des autorités organisatrices de transport sont désormais possibles, mais le partage d’informations avec les services de renseignement, notamment pour les individus « fichés S », n’a pas été accepté du fait, selon le rapporteur, de l’opposition du ministère de l’intérieur et des services eux-mêmes.
Il est pourtant urgent que les employeurs publics et ceux des secteurs dits « sensibles » puissent avoir accès à la liste de leurs salariés « à risque ». Le système proposé existe déjà dans certains domaines : dans les centrales nucléaires, par exemple, on n’embauche personne sans avoir pris l’avis du représentant de l’État.
En conclusion, je considère que les dispositions du présent texte demeurent insuffisantes, car les améliorations apportées concernent surtout la lutte contre les fraudeurs. De ce point de vue, la modification du titre – lequel évoque désormais des mesures « contre les actes terroristes dans les transports » – ne me semble pas justifiée.
Pour terminer, je saluerai le travail et la très grande compétence de M. le rapporteur. Cette proposition de loi va dans le bon sens : m’y opposer me semblerait donc injustifié.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays est en guerre contre le terrorisme et il nous revient, en tant que législateur, de forger un véritable bouclier de sécurité face à la persistance de la menace. En Île-de-France, ce sont plus de 7 millions de voyageurs qui utilisent chaque jour les transports en commun. Ils constituent une cible, nous le savons : l’histoire récente l’a hélas montré à plusieurs reprises.
Même si l’objet initial de cette proposition de loi – qui, en cela, s’inspirait largement de propositions de Valérie Pécresse –, était la lutte contre la fraude, son volet antiterroriste méritait d’être renforcé au lendemain des terribles attentats du 13 novembre dernier.
L’urgence sécuritaire vous a aussi inspiré des propositions de bon sens, que nous formulons depuis longtemps. Il en est ainsi de l’élargissement des pouvoirs de fouilles et de palpation aux agents des transports – même s’il faut encore lever, selon nous, la condition du consentement de l’intéressé –, de leur habilitation à exercer en civil, même s’il faudrait aussi les autoriser à porter leur arme en dehors de leur service et renforcer cet armement, au vu de certains délits comme la vente à la sauvette – puisque celle-ci est désormais un délit, à la faveur d’une disposition que j’avais fait introduire dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 » – ou de l’usurpation d’identité.
Il en va de même du durcissement de la lutte contre la fraude par l’échange d’informations administratives et de la sanction des mutuelles de fraudeurs, même si, sur ce point, le texte issu de la commission punit simultanément de deux mois et de cinq ans de prison le même délit.
Surtout, vous auriez dû saisir l’occasion qui vous était offerte pour prendre davantage en considération la lutte antiterroriste. De fait, les propositions annoncées par le Président de la République au lendemain des attentats exigeront sans doute plusieurs lois encore pour trouver leur concrétisation. Or les amendements de l’opposition sont souvent rejetés, avant d’être repris au compte-gouttes par le Gouvernement dans un texte ultérieur, même si, monsieur le rapporteur, des efforts ont été consentis.
Depuis des années, nous proposons en vain de doter la police et la gendarmerie d’un cadre rénové de légitime défense, de déchoir de la nationalité les terroristes, de faire du renseignement pénitentiaire un vrai service spécialisé, de renforcer l’isolement physique et électronique des détenus radicalisés, de créer un délit de consultation des sites djihadistes et de placer en stages de dé-radicalisation les jeunes qui les fréquentent. Je pense que vous y viendrez, même si c’est un autre sujet.
En commission, nous vous avons proposé de renforcer la coopération entre forces de l’ordre et sécurité privée, suivant en cela une recommandation du rapport Blazy. C’est d’ailleurs le sens des mesures décidées par le Gouvernement pour l’état d’urgence ; elles autorisent les policiers municipaux à prêter main-forte aux forces de sécurité nationale pour la sécurisation des transports – vous avez même étendu cette possibilité aux AOT – et habilitent les policiers et les gendarmes à porter leur arme en dehors de leur service.
Nous vous proposons de conserver cette possibilité une fois levé l’état d’urgence, non seulement pour les policiers et gendarmes, mais aussi pour les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP habilités à porter une arme à feu – actuellement au nombre de 3 737 –, afin d’améliorer la sécurisation passive des lieux publics et de nous prémunir au mieux d’attentats comme celui du Thalys. Chacun doit également être en mesure de justifier son identité et de se prêter aux contrôles de ses bagages.
Bien que la majorité ait préféré ses amendements aux nôtres, il faudra autoriser les agents de sécurité des transports à contrôler l’identité et à fouiller les bagages des passagers en supprimant la condition de consentement, et à expulser les passagers qui refuseraient.
La multiplication des colis suspects appelle aussi à clarifier le partage des compétences entre la police et les agents des transports, afin d’éviter des événements comme la grève « monstre » du RER A.
J’en profite, même si c’est un autre sujet, pour appeler de nouveau le Gouvernement à mener à bien la réforme de la protection de l’identité que j’avais engagée – la future loi constitutionnelle permettant de résoudre le risque de censure –, comme vous comptez sans doute le faire pour la déchéance de nationalité. Cette réforme est en effet indispensable pour déceler les usurpations d’identité.
Quant au criblage des personnels des sociétés de transport affectés à des postes sensibles, il est insuffisant de se limiter aux nouveaux recrutements et aux affectations, comme le propose le rapporteur : il convient d’étendre la disposition à tous les agents déjà en poste.
Sur ce texte utile et urgent, nous avons encore des propositions, que nous espérons voir retenues. Notre vote, vous l’aurez compris, dépendra de votre capacité à construire le dialogue républicain auquel vous vous référez ; mais quelle que soit votre posture ce soir, si vous ne remédiez pas au désarmement pénal en restaurant des mesures telles que les peines plancher, en étendant la rétention de sûreté aux terroristes, en instaurant un régime d’isolement carcéral des radicalisés prosélytes et en abrogeant la libération automatique aux deux tiers de la peine – mesure qui conduira à relâcher, dans les deux ou trois ans qui viennent, quelque 200 terroristes dans la nature –, la République ne sera peut-être pas en mesure de gagner, comme nous le souhaitons tous, la guerre contre le terrorisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Beaucoup de choses ont été dites, qui méritent sans doute des approfondissements : nous y reviendrons en débattant des amendements. Je veux seulement, à ce stade, apporter quelques précisions sur la position du Gouvernement et rappeler un certain nombre de vérités.
Tout d’abord, si nous proposons aujourd’hui ces mesures sur les transports en commun, c’est, chacun en conviendra, parce qu’elles n’ont pas été prises jusqu’à présent. Pourtant, des dispositions législatives auraient pu voir le jour, mais il n’en a rien été pour la bonne et simple raison que le Comité national de sécurité dans les transports en commun, créé en 2011, ne s’est jamais réuni.
Le présent texte n’arrive pas en raison de la crise terroriste, les dispositions proposées ayant été préparées par ce comité national bien avant celle-ci, en très étroite liaison avec les opérateurs de transport et les parlementaires, au terme d’un travail de près de dix-huit mois. Le texte qui en résulte, je le dis à l’attention de Mme Auroi, n’est donc absolument pas un texte de circonstance.
L’opposition a fait des propositions auxquelles j’attache beaucoup de prix, car la lutte antiterroriste justifie un travail commun. Dans la loi du 13 novembre 2014 comme dans celle relative au renseignement, nous avons d’ailleurs accepté des amendements de l’opposition, et il n’y a aucune volonté du Gouvernement de ne pas le faire de nouveau en cette occasion.
Je profite de cette observation pour faire une mise au point. S’agissant d’Internet, nous avons repris à notre compte 90 % de la proposition de loi de M. Larrivé ; la seule mesure que nous n’ayons pas reprise, relative à la consultation des sites – on y a fait référence tout à l’heure –, avait été jugée inconstitutionnelle par le Conseil d’État, saisi dans le cadre de la loi sur la pédopornographie. En d’autres termes, les seules dispositions de l’opposition que nous n’avons pas reprises sont des dispositions que nous estimons incompatibles avec notre loi fondamentale, et qui seraient à ce titre censurée par le Conseil constitutionnel s’il était saisi, y compris dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Le même Conseil constitutionnel s’est aussi prononcé sur ce que vous proposez au sujet des contrôles d’identité. Ainsi, la proposition de Mme Pécresse d’autoriser les agents de la SUGE et du GPSR à procéder à des contrôles généraux, sans objet particulier – et rendant donc obligatoire la détention d’un titre d’identité –, tombe sous le coup de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel avait censuré une telle mesure pour les policiers municipaux,…
…au motif qu’elle demeurait l’apanage exclusif des policiers nationaux et des gendarmes.
Donc les dispositions que vous proposez ne sont pas envisageables pour des raisons constitutionnelles. Si nous voulions les adopter, il faudrait procéder à une révision constitutionnelle : cet amendement n’est donc pas recevable car il est contraire à la Constitution.
Je m’empresse de dire à l’opposition que tous les amendements qu’elle a déposés et qui étaient susceptibles d’être retenus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme l’ont été, comme en témoignent les débats relatifs à la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme comme ceux relatifs à la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
Les seules dispositions que n’avons pas retenues sont celles qui ne sont pas constitutionnelles. S’agissant des deux sujets que vous avez évoqués, le Conseil d’État s’est prononcé sur la loi relative à la pédopornographie, sur la possibilité d’instaurer une obligation de détention d’un titre d’identité ainsi que sur les contrôles généraux d’identité concernant les policiers municipaux et ce de façon extrêmement nette. De ce point de vue, sa jurisprudence est incontestable.
Je voudrais insister sur quelques autres points : d’abord, on ne mélange bien entendu pas les fraudeurs et les terroristes. Mais il serait tout de même fort dommage qu’à l’occasion d’une proposition de loi relative à la sécurité dans les transports en commun, on ne s’autorise pas à traiter de la fraude et du terrorisme, dès lors qu’il s’agit de deux sujets d’actualité.
Nous avons tout intérêt à en débattre ensemble : on ne présente en effet pas une proposition ou un projet de loi ayant trait à la sécurité dans les transports en commun tous les jours. À partir du moment où un texte vient en discussion, autant en profiter pour y insérer des dispositions relatives à tous les sujets qui doivent être traités.
M. Carvalho s’est inquiété du fait que j’avais, lors de son intervention, le nez plongé dans des notes stockées dans mon I-Pad. Mais on peut à la fois lire des notes et écouter avec attention le député de son département natal.
Sourires.
Si Napoléon en possédait un, alors beaucoup de choses nous ont échappé.
Sourires.
Quoi qu’il en soit, lorsque vous évoquez le manque de policiers ou de gendarmes aux frontières, ou à Senlis, il faut que vous ayez en tête que la France en compte, au total, 257 000. Or il existe, par ailleurs, plus de 1 200 points de contact le long de notre frontière septentrionale.
Mais cette autoroute est également longue de plusieurs centaines de kilomètres ! Si vous ne mesurez la présence des forces de l’ordre qu’à l’aune de celle des policiers et des gendarmes à chaque point de passage de cette frontière septentrionale, ou tout au long de l’autoroute A1, vous serez éternellement insatisfait.
En effet, avec au total 257 000 policiers et gendarmes, dont 120 000 sont affectés à la lutte contre le terrorisme, nous ne sommes pas en situation de poster deux policiers ou deux gendarmes devant les 77 000 écoles de France, sur l’ensemble des axes routiers ou des points de contrôles aux frontières.
La vérité m’oblige à le dire. Je ne suis d’ailleurs pas certain qu’un tel déploiement de forces garantirait l’efficacité des forces de l’ordre : il faut simplement qu’elles se trouvent là où cela est nécessaire, et qu’un travail de renseignement réalisé en amont leur permette d’atteindre leurs objectifs.
Pour autant, monsieur Carvalho, vous savez très bien que, parce que nous avons conscience du fait que la ressource humaine est un gage d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme, nous aurons, d’ici la fin du quinquennat, créé 10 000 emplois au sein des forces de police et de gendarmerie, dont une partie dans les services de renseignement.
En effet, la création de près de 1 500 emplois a été décidée dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, dont près de 1 100 au sein de ces mêmes services. Les agents concernés seront affectés à des missions de renseignement territorial ou intérieur, ou à la préfecture de police de Paris.
Les 5 000 emplois supplémentaires dont la création a été décidée par le Président de la République manifestent également notre volonté d’envoyer des policiers et des gendarmes partout où cela s’avère nécessaire afin d’accroître l’efficacité de la lutte contre le terrorisme.
Enfin, je veux revenir sur le criblage. Madame Valérie Lacroute, vous avez insisté sur le fait que les fiches « S » devaient être communiquées aux employeurs. Nous ne le ferons jamais, car procéder ainsi reviendrait à tuer le renseignement en France.
La fiche « S » est une source d’information qui a une dimension de classification et qui contient des éléments de nature secrète qui n’ont, bien entendu, pas vocation à être rendus publics. Et contrairement à ce que vous avez dit, même dans les centrales nucléaires, les employeurs n’ont pas connaissance des fiches « S » portant sur leurs salariés, ni de leur contenu.
Nous procédons en réalité à un criblage des salariés amenés à pénétrer dans les centrales nucléaires. J’ai d’ailleurs proposé, concernant la SNCF et la RATP, que nous puissions utiliser le fichier mis en place au moment de la création de l’état-major opérationnel de prévention du terrorisme, l’EMOP, pour procéder au signalement de salariés de ces entreprises.
C’est la bonne méthode, car les entreprises de transport comptent des dizaines de milliers de salariés. Le criblage est actuellement réalisé par les services des préfectures. Si nous devions cribler des dizaines ou des centaines de milliers de professionnels à risque, je vous laisse imaginer quel déploiement de fonctionnaires et de bureaucratie cela impliquerait !
En revanche, nous disposons d’un outil, qui est le fichier de données à caractère personnel dénommé FSPRT, à partir duquel nous pouvons opérer un signalement auprès des employeurs et faire en sorte qu’aucune personne dont nous serions amenés à apprendre la radicalisation ne puisse nuire dans les entreprises pour lesquelles elle pourrait représenter un risque.
Cette méthode répond à votre préoccupation et nous permet d’éviter l’embolie bureaucratique dont je viens de parler.
Tels sont les éléments que je souhaitais donner en réponse à la discussion générale. Bien entendu, je ne doute pas que le débat sur les amendements permettra d’aller au fond de l’ensemble de ces sujets.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion de la relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers,
Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2016,
Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2015,
Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de modernisation de notre système de santé,
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 17 novembre 2015, à minuit cinquante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly