Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le coût annuel de la fraude dans les transports publics en France est estimé à 500 millions d’euros. Pour bien mesurer l’ampleur de cette somme, il faut se dire qu’elle correspond à la moitié des investissements réalisés par le Syndicat des transports d’Île-de-France en 2015 pour moderniser les transports dans la région capitale.
Lutter contre la fraude est donc un impératif économique : c’est se donner les moyens de financer les investissements nécessaires pour offrir des transports de qualité à nos concitoyens – surtout quand on sait qu’en Île-de-France, la baisse du prix du passe Navigo prive le STIF de 400 millions d’euros par an, somme qu’il pourrait investir !
Lutter contre la fraude est aussi un impératif démocratique et social. On ne doit plus accepter qu’autant de personnes se dispensent de participer au financement d’un service public dont ils sont, en tant qu’usagers, les premiers bénéficiaires. Le financement des transports publics en France n’est assuré qu’à 17 % par les tickets payés par les voyageurs – 26 % en Île-de-France. Le reste est malheureusement à la charge des entreprises et des collectivités publiques – ce qui alourdit, in fine, la dette.
Cela signifie que tout manque à gagner est mécaniquement reporté sur le pouvoir d’achat des salariés, via la taxe sur les salaires ou des impôts supplémentaires, ou se traduit directement par une diminution des investissements. La fraude est donc le symbole même de l’injustice, car ce sont les usagers et les contribuables qui payent pour les fraudeurs !
La réglementation actuelle suscite un sentiment d’impunité chez les fraudeurs, et d’exaspération chez les usagers honnêtes. D’après la SNCF, moins de 10 % des amendes sont payées.
En comparaison, le taux de recouvrement des amendes de stationnement est de 50 %, et celui des amendes générées par les radars automatiques de 70 %. Ce décalage s’explique par une raison simple : chaque véhicule est identifié par sa plaque d’immatriculation. Ce n’est pas le cas dans les transports en commun, où les usagers ne sont pas tenus de porter une pièce d’identité sur eux. Résultat : les fraudeurs donnent des adresses fantaisistes et on ne les retrouve pas.
Nous avons donc réclamé, en commission, que soit instaurée l’obligation de porter une carte nationale d’identité lorsque l’on utilise les transports. Il faut bien avoir une pièce d’identité pour prendre l’avion, et son permis de conduire et sa carte grise lorsque l’on conduit sa voiture. En quoi serait-il choquant d’avoir sa pièce d’identité dans le métro, dans le bus ou dans le train ?
Cet amendement a été rejeté au motif que seuls les agents de police peuvent contrôler l’identité des personnes et que l’obligation du port de la carte d’identité doit être d’ordre général, donc faire l’objet d’un texte plus large.
Nous avons toutefois pu faire adopter en commission un amendement qui oblige tout voyageur ne possédant pas de titre de transport valable à être en possession d’un document qui atteste son identité. J’y ajoute la création d’un délit de fuite lorsque le fraudeur, qui refuse de présenter ses papiers, ne se tient pas à la disposition des agents de contrôle le temps que ces derniers préviennent les agents de police habilités à effectuer un contrôle d’identité. Enfin, deux mois d’emprisonnement pourront désormais être requis en cas de déclaration de fausse identité.
Le dispositif de lutte contre la fraude, ainsi renforcé, satisfait en partie nos demandes même si nous regrettons que la majorité ne soit pas allée plus loin, notamment en matière de « délit d’habitude ». En ce domaine je propose de sanctionner pénalement un voyageur au bout de trois récidives et non de cinq.