Je commencerai par rappeler, après notre président, que les parlementaires des deux chambres ont été guidés par des ambitions communes ; la preuve en est que plusieurs dispositions du texte ont été adoptées dans des termes identiques.
Il s'agit tout d'abord de l'article 1er bis, qui vise à améliorer la formation des professionnels engagés dans la prévention de la prostitution et l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.
L'article 8 ensuite, qui étend le bénéfice de l'allocation de logement temporaire (ALT) aux associations agréées pour l'accompagnement des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle.
L'article 9, qui étend aux victimes de la prostitution et du proxénétisme l'accueil – déjà offert aux victimes de la traite – en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) dans des conditions sécurisantes.
L'article 11, qui autorise les associations dont l'objet statutaire est la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme ou l'action sociale en faveur des personnes prostituées à exercer les droits reconnus à la partie civile à l'occasion d'un procès pénal.
L'article 13, qui supprime de notre corpus pénal le délit de racolage public.
J'aimerais m'attarder un instant sur cette disposition essentielle grâce à laquelle, pour la première fois dans notre pays, les personnes prostituées cessent d'être pénalisées dans le cadre de leur activité. Ainsi, nous mettons enfin notre droit en cohérence avec les principes défendus de longue date par la France : la prostitution est une violence faite aux femmes et les personnes prostituées sont victimes de cette violence, et non coupables. C'est un progrès pour toutes les femmes. Avec l'inversion de la charge pénale et la responsabilisation des clients – à condition que nous réintroduisions cette disposition dans le texte, mais je ne doute pas que nous le ferons –, nous affirmons enfin que la prostitution existe parce que les hommes choisissent en conscience d'acheter un acte sexuel.
Les deux chambres ont également adopté conforme l'article 14 ter, qui définit le cadre dans lequel doit s'inscrire la politique de réduction des risques sanitaires, sociaux et psychologiques liés à la prostitution.
Il en a été de même pour les articles 15 et 15 bis, qui enrichissent le contenu de l'information et de l'éducation à la sexualité dispensées aux élèves et font une place à l'information sur les « réalités de la prostitution » et sur les « dangers de la marchandisation du corps ».
Assemblée nationale et Sénat ont aussi adopté conforme l'article 4, qui crée un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, dont les recettes annuelles devraient s'élever, conformément à l'engagement du Gouvernement, à 20 millions d'euros.
Je me félicite de toutes ces avancées, fruit du travail des deux chambres.
Les sénateurs ont toutefois modifié plusieurs dispositions de la proposition de loi en deuxième lecture.
Ils ont complété l'article 1er, qui vise à renforcer la lutte, sur Internet, contre les réseaux d'exploitation sexuelle.
Ils ont en partie réécrit l'article 1er ter, qui accorde une protection renforcée aux personnes prostituées victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui aident l'autorité judiciaire, par leurs témoignages, à démanteler les réseaux.
Ils ont apporté quelques modifications, d'ampleur sans doute moindre, à l'article 3, qui trace les contours du parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, à l'article 6, destiné à faciliter l'admission au séjour des personnes étrangères victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme, et à l'article 18, consacré au rapport sur l'application de la loi que le Gouvernement devra remettre au Parlement.
Mais surtout, les sénateurs ont supprimé les articles 9 bis, 16 et 17, comme ils l'avaient d'ailleurs fait en première lecture.
L'article 9 bis aggravait les peines encourues par les personnes reconnues coupables de certaines infractions commises à l'encontre d'une personne prostituée dans l'exercice de son activité.
L'article 16, pièce maîtresse du volet de la proposition de loi consacré à la responsabilisation du client, créait une infraction de recours à l'achat d'actes sexuels, punie d'une amende contraventionnelle de cinquième classe, c'est-à-dire de 1 500 euros, et, en cas de récidive, d'une amende délictuelle de 3 750 euros.
Enfin, l'article 17, qui fait partie du même volet, instaurait une peine complémentaire : l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels.
Étant donné les divergences subsistant sur ces points après deux lectures dans chaque assemblée, une commission mixte paritaire s'est réunie le 18 novembre dernier, mais ne nous a pas permis de nous mettre d'accord sur la question fondamentale du statut que la loi doit reconnaître aux personnes prostituées, d'une part, et aux clients de la prostitution, d'autre part.
Je le regrette naturellement. Je souhaite néanmoins, comme notre président, que la proposition de loi – qui est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée le 27 janvier prochain – puisse être définitivement adoptée dans les meilleurs délais afin de s'appliquer rapidement. Il est urgent, en effet, de garantir aux personnes prostituées la protection dont elles ont besoin et de se donner les moyens de les accompagner dans leur projet de rupture avec l'activité prostitutionnelle.