Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 17 décembre 2015 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Nous procédons à l’examen en lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2015. Cet examen vient clore l’ensemble des discussions budgétaires entreprises depuis la fin du mois de septembre, le « marathon » dont parlait notre rapporteure générale.

Ce budget rectificatif pour 2015 contient une multitude de dispositions fiscales dont la cohérence et l’ambition posent question. Les mesures phares de ce texte concernent le financement des entreprises et la fiscalité énergétique.

S’agissant du financement des entreprises, nous l’avons dit et nous le répétons, ce n’est pas en multipliant les ajustements à des dispositifs fiscaux au bénéfice de quelques milliers de contribuables, en général aisés, que l’on apportera des solutions durables à nos entreprises. L’état des carnets de commandes et de l’investissement public, l’attitude des banques et l’inefficacité de l’action de la BCE sont les véritables obstacles au financement des entreprises.

En ce qui concerne la fiscalité écologique, nous considérons que notre fiscalité dans son ensemble devrait être mise au service de la transition énergétique, en encourageant les comportements propres et vertueux de nos concitoyens ainsi que des entreprises. Au lendemain de l’accord conclu dans le cadre de la COP21, la mise en place, par exemple, d’un livret d’épargne défiscalisé destiné à la transition énergétique ainsi qu’à l’amélioration de nos infrastructures participerait efficacement à la mobilisation de moyens financiers à la hauteur de l’enjeu climatique.

Quant aux grands équilibres budgétaires et financiers de ce projet de loi de finances rectificative, rien n’est en réalité véritablement « rectifié ». Il n’y a ainsi aucune remise en cause du plan de 50 milliards d’euros d’économies du pacte de responsabilité.

Bien entendu, comme nous l’avons déjà dit, le renforcement des services publics de sécurité annoncé dans le projet de loi de finances pour 2016 va dans le bon sens. Mais la réponse sécuritaire ne saurait être la seule à apporter aux difficultés que rencontrent nos concitoyens.

Le Gouvernement aurait pu s’inspirer de la décision que vient de prendre le gouvernement italien, qui a choisi d’accorder, pour chaque euro supplémentaire alloué au renforcement de la sécurité du pays, un euro supplémentaire au budget de la culture. L’Italie va ainsi mettre en place un vaste plan de rénovation urbaine, améliorer le système de bourses pour les étudiants, consolider le financement des associations et accorder un bon d’achat culturel aux jeunes. Pour financer ces dispositions, le gouvernement italien a décidé de reporter les allégements fiscaux qu’il entendait accorder aux entreprises. Voilà un exemple dont notre pays aurait pu s’inspirer, d’autant que des marges de manoeuvre financières existent, avec les 18 milliards d’euros annuels consacrés au crédit d’impôt compétitivité emploi.

Malheureusement, notre gouvernement continue de considérer que la baisse du chômage et la création d’emplois passent par des allégements fiscaux pour les entreprises et par un assouplissement de la législation du travail au profit de ces mêmes entreprises et au détriment de leurs salariés. Cette politique à sens unique a largement fait la preuve de son inefficacité, comme le confirment tous les indicateurs. Évidemment, elle ne fonctionnera pas davantage cette fois-ci.

En revanche, il serait immédiatement efficace de redonner des moyens à nos collectivités pour qu’elles puissent investir localement, dans les constructions, les services publics et la transition énergétique. En diminuant au contraire, comme vous le faites de manière constante, les dotations aux collectivités, vous mettez en péril l’investissement local, qui crée pourtant de l’activité et des emplois. Voilà qui viendrait par ailleurs assurer la cohésion du territoire et améliorer le tissu économique, social et écologique local, aujourd’hui en souffrance.

Pour redonner de l’espoir à nos concitoyens, notamment aux jeunes générations, il convient de définir un véritable projet politique autre que l’austérité généralisée et sans cesse répétée. Cela exige bien sûr du courage et un volontarisme puissant, notamment à l’égard des grandes entreprises.

De ce point de vue, d’ailleurs, nous ne pouvons que déplorer le rejet, dans des conditions non seulement rocambolesques mais surtout très préoccupantes pour le fonctionnement de notre démocratie, de l’amendement adopté en première lecture par notre assemblée visant à renforcer la transparence sur les activités des entreprises et leur recours aux paradis fiscaux. Permettez-moi de le redire ici, monsieur le secrétaire d’État.

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