Ce débat est très important, car il s’agit d’un des points sensibles de ce texte, point sur lequel nous étions en désaccord avec M. le rapporteur en commission, désaccord qui s’est réduit après l’adoption de plusieurs de ses amendements. Nous n’avons cependant pas très bien compris la subtile différence entre le port obligatoire de la carte d’identité, mesure proposée par Valérie Pécresse et que j’avais défendue, et celle de votre amendement, monsieur le rapporteur.
Permettez-moi d’ailleurs, en préambule, de vous rappeler qu’il n’y a pas de réseaux locaux, monsieur le rapporteur ; il y a des réseaux de transports. La France, ce n’est pas Paris et tout autour le désert. Voilà plusieurs fois que je vous surprends – le président de la commission pourrait en témoigner – en flagrant délit de parisianisme, ce qui est très surprenant de votre part. Dans un pays qui n’est plus très jacobin, ou qui du moins a adopté plusieurs lois de décentralisation, il me paraît plus juste de parler des régions que de la province. La sémantique a son importance.
Autre sujet, monsieur le secrétaire d’État : si nous sommes bien d’accord sur le fait qu’il s’agit de lutter contre la fraude, je ne vous suis pas tout à fait au sujet de la LOPPSI 2. Certes, des dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel, car un policier municipal ne peut contrôler l’identité d’un citoyen. Cependant, il peut le faire en cas de flagrant délit. À cet égard, dans la Métropole européenne de Lille, où je suis vice-président en charge des transports publics, de la sécurité et du contrôle d’accès dans les transports publics – ce sont les joies du cumul, monsieur le président –, nous avons le même problème de fraude qu’à l’échelle nationale ; 14 % des procès-verbaux dressés sont recouvrés. Certes, certains passagers ont des faux documents d’identité, mais rendre obligatoire le port de la carte d’identité nous permettrait de recouvrir une partie des procès-verbaux non payés.
Jusqu’à présent, lorsqu’un contrôleur demandait à un passager sans ticket de métro un papier d’identité en l’absence de policier municipal, à la sortie Tourcoing Centre, par exemple, monsieur le secrétaire d’État, si cette personne refusait de le donner, il ne se passait rien. Avec la mesure de M. Savary, le contrôleur pourra signifier verbalement au passager de rester où il se trouve, mais il ne pourra pas le retenir physiquement, car il n’y a pas toujours des policiers municipaux ou nationaux à proximité des stations de transports et des gares. Indépendamment de ce sujet, je mets aujourd’hui à disposition ma police municipale pour que le policier puisse demander son identité au passager qui n’a pas de ticket de métro à présenter au contrôleur et, en cas de non-coopération, l’amener de force au commissariat de la police nationale. Que de temps perdu pour recouvrir un procès-verbal !
Si on rendait obligatoire le port de la pièce d’identité, on faciliterait le travail des polices municipale et nationale dans les opérations de contrôle en commun. C’était l’objet de mon intervention en discussion générale. Nous voyons tous des opérations de ce type quand nous prenons le train, l’Eurostar ou le Thalys, lequel passe d’ailleurs par Lille Europe, monsieur le rapporteur, ce qui montre que les réseaux locaux peuvent parfois être internationaux.
Il me paraît très important d’ajouter qu’il s’agit également d’une question de sécurité, monsieur le rapporteur, même s’il n’est pas question de lutte contre le terrorisme. Lorsque les agents de la police municipale et de la police nationale de ma ville procèdent à des contrôles en commun, des contrôles d’identité dans les transports avec le personnel de Transpole, la société qui exploite notre réseau, ils tombent chaque fois sur des personnes placées sous main de justice, des personnes qui auraient dû se trouver dans des maisons d’arrêt ou des personnes présentes illégalement sur le territoire français.
Enfin, les transports en commun sont un mode particulier d’utilisation du domaine public, et il ne s’agit pas d’imposer le port d’une pièce d’identité partout et pour tous. Le recouvrement d’un procès-verbal requiert un document d’identité.
Je conclurai mon intervention par un exemple absurde, car vous n’avez pas su me répondre en commission, monsieur le rapporteur. Dans un supermarché, un client qui souhaite payer par chèque peut se voir demander une pièce d’identité, et il doit la présenter à la caissière, qui est tout sauf un officier de police judiciaire, un policier municipal ou un contrôleur. La coutume veut en effet qu’on accepte de présenter ce document pour garantir un paiement. À défaut, le chèque n’est pas accepté, et le service non accessible. Pourquoi ce qui est valable dans un supermarché ne le serait-t-il pas dans un réseau de transports en commun ?