Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 15 décembre 2015 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure :

La résolution que nous allons examiner a été adoptée à l'unanimité par la commission des Affaires européennes. Sur le fond, il s'agit de nous prononcer sur le programme européen de sécurité, à la suite des terribles attentats du 13 novembre 2015.

Ce programme européen de sécurité constitue la contribution de la Commission européenne à la définition de la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne pour la période 2015-2020, qui succède à la stratégie de sécurité intérieure 2010-2014, dont le bilan est mitigé.

Dans ce nouveau programme, la Commission européenne arrête cinq grands objectifs : le respect des droits fondamentaux, la transparence et le contrôle démocratique, l'amélioration de l'utilisation des instruments juridiques en vigueur, l'accroissement de la coopération entre les agences de l'Union et avec les États membres, le renforcement de la prise en considération de la sécurité de l'Union dans ses relations avec les États tiers. Elle retient également trois axes d'action dans lesquels l'Union européenne peut apporter une valeur ajoutée en matière de sécurité : l'échange d'informations entre les services répressifs nationaux et les agences de l'Union, la coopération policière, et le soutien à la formation et à l'innovation. Elle définit, enfin, trois domaines d'action prioritaires : le terrorisme et la radicalisation, la criminalité organisée, et la cybercriminalité.

Le programme européen de sécurité a été présenté le 28 avril dernier par la Commission et fait l'objet d'une mise en oeuvre accélérée depuis la mi-novembre, notamment sous la pression des conseils Justice et Affaires intérieures des 20 novembre et 4 décembre 2015.

Des avancées notables ont ainsi été réalisées.

Le 2 décembre dernier, la Commission européenne a présenté un plan d'action contre le trafic d'armes à feu et d'explosifs dont l'objectif est d'améliorer la détection et la saisie des armes à feu, explosifs et précurseurs d'explosifs utilisés à des fins criminelles, ainsi que les enquêtes en la matière. Il complète le règlement d'exécution sur des normes communes en matière de neutralisation adopté le 18 novembre 2015

Ce même 2 décembre 2015, la Commission européenne a présenté une proposition de directive relative à la lutte contre le terrorisme dans l'objectif de créer trois nouvelles infractions en matière de terrorisme : le financement et l'organisation de voyages de combattants terroristes étrangers, l'entraînement à des fins terroristes, et la collecte et la fourniture de fonds destinés à commettre des actions terroristes. Cette proposition de directive permettra d'intégrer au droit de l'Union les obligations résultant de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les combattants terroristes étrangers, ainsi que celles issues du protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et les recommandations du groupe d'action financière sur le financement du terrorisme. La proposition de directive tend également à durcir les dispositions relatives au recrutement et à la diffusion de la propagande terroriste. Enfin, elle prévoit un accès immédiat des victimes du terrorisme à des services d'aide physique et psychosociale.

Ces nouvelles propositions de la Commission européenne ont été complétées aujourd'hui même par la proposition de mettre en place un système européen de garde-frontières et de garde-côtes qui prévoit notamment la possibilité d'intervenir à une frontière extérieure de l'Union sans l'avis de l'État membre concerné. De plus, une proposition sur les frontières intelligentes arrivera prochainement. Cette actualité nous amène à présenter un certain nombre d'amendements à la proposition de résolution adoptée par la commission des Affaires européennes, afin de prendre en compte ces évolutions.

Au-delà de ces propositions, il convient de souligner les accords trouvés récemment entre le Conseil et le Parlement européen sur deux textes importants en matière de sécurité.

Le premier, trouvé le 26 novembre dernier, a pour objet de renforcer le mandat d'Europol, qui pourra ainsi plus facilement créer des unités spécialisées pour réagir sans délai aux menaces terroristes et aux autres formes de criminalité grave et organisée, et de faciliter les échanges d'informations avec les États membres.

Le second compromis, trouvé le 2 décembre et fruit de plus de quatre années et demie de négociations, concerne la proposition de directive relative à la mise en place d'un système européen de collecte et de traitement des données des dossiers passagers (PNR). L'accord prévoit que les données ne peuvent être traitées que pour la prévention et la détection d'infractions graves, ainsi que la réalisation d'enquêtes et de poursuites en la matière. Une liste d'infractions a été établie, incluant notamment la traite d'êtres humains, la participation à une organisation criminelle, la cybercriminalité, la pédopornographie et le trafic d'armes. Les données collectées seront conservées sous une forme non masquée pendant six mois, et ensuite sous une forme masquée, mais qui restera accessible aux autorités en cas de demandes spécifiques, pour une durée de quatre ans et demi. Les ministres se sont par ailleurs engagés, dans une déclaration politique, à appliquer la directive aux vols intra-européens et ont affirmé que les vols charters seraient concernés par la future directive.

Des avancées notables ont donc été réalisées depuis l'adoption par la commission des Affaires européennes, le 1er décembre dernier, de la présente proposition de résolution européenne.

Avant d'évoquer très rapidement mes propositions d'amendements, qui tiennent compte des évolutions intervenues, je souhaiterais présenter brièvement l'esprit de cette résolution.

Sur la méthode tout d'abord, il s'agit d'apporter notre soutien au principe d'une intervention de l'Union en appui des actions mises en oeuvre en matière de sécurité par les États membres, ainsi qu'aux objectifs, axes et champs d'action retenus par la Commission européenne dans le programme européen de sécurité, tout en demandant les informations nécessaires à un suivi régulier, de la part des parlements nationaux, de la mise en oeuvre du programme.

Il s'agit également d'insister sur la nécessité d'une meilleure articulation entre le programme européen de sécurité et d'autres plans d'action de l'Union comme celui relatif au trafic de migrants, mais également entre politique intérieure et extérieure de sécurité.

Sur le fond, il est demandé une meilleure collaboration entre les agences de l'Union, entre les États membres et entre les échelons nationaux et européen. L'accent est également porté sur la mise en place d'un dispositif européen de garde-frontières ainsi que sur une conception ambitieuse du parquet européen, qui apparaît comme le parent pauvre du programme européen de sécurité.

Au-delà des amendements rédactionnels et de mise en cohérence, je vous propose donc aujourd'hui quelques modifications destinées à tenir compte des dernières évolutions.

Il s'agit notamment de prendre en considération les dernières propositions de textes formulées – c'est l'objet de l'amendement CL5 qui inclut dans les visas les propositions de la Commission européenne du 2 décembre 2015 sur la directive relative au terrorisme et la communication sur le trafic d'armes à feu ; de saluer l'accord trouvé sur le PNR et d'encourager à une adoption définitive et à une transposition rapide de la proposition de directive relative au PNR (amendement CL16) et, enfin, d'apporter notre appui à la demande formulée par la France et soutenue par le Conseil d'une révision ciblée du code frontières Schengen et d'une amélioration du système d'information Schengen (amendement CL12).

De façon plus globale, je souhaite ici vous faire part de trois observations partagées par l'ensemble des collègues de la commission des Affaires européennes, toutes tendances et opinions confondues.

Tout d'abord, l'adoption de mesures au plus haut niveau ne vaut que si leur déclinaison sur le terrain est effective, ce qui suppose un suivi dans le temps, à échéances régulières, avec la capacité d'adapter les dispositifs pour les rendre opérationnels et efficaces. Cet « après adoption » – si vous permettez l'expression – doit aussi faire partie des compétences exercées par notre assemblée.

Ensuite, si la modernité se fonde sur une spécialisation des fonctions, des acteurs et des systèmes, gage d'efficacité a priori, la véritable efficacité suppose une collaboration institutionnelle, relationnelle et une coopération réelle qui, seules, sont en mesure de rendre efficaces les dispositifs. À un fonctionnement en tuyaux d'orgue doit se substituer un fonctionnement et un esprit harmoniques, au sens où les parties concourent à former une unité, un équilibre entre le niveau national et européen et une aisance dans la lutte contre le terrorisme et le crime.

Enfin, la commission des Affaires européennes a beaucoup travaillé, proposé et alerté sur un grand nombre de sujets qui sont aujourd'hui des priorités. La gestion commune des frontières, le passenger name record (PNR) et la nécessité d'une meilleure coordination de la lutte contre les trafics criminels font partie des sujets que nous avons traités, appelant au renforcement des moyens partagés et communs dans l'Union.

Nos résolutions sur le parquet européen, notre appel à renforcer les moyens dédiés aux opérations de contrôle de l'immigration irrégulière au moment où la Commission européenne entendait les diminuer, et notre appui à des moyens nouveaux comme la création d'un corps de garde-frontières constituent autant de points positifs et constructifs d'une politique de sécurité commune que nous soutenons depuis plusieurs années.

Nous ne pouvons que nous féliciter que le bien-fondé de nos orientations raisonnées, cherchant toujours l'équilibre entre les besoins de la force publique et la nécessité des droits et des libertés des citoyens, soit en quelque sorte admis.

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