Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 15 décembre 2015 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

Afin de réaliser le présent rapport, la délégation a procédé à huit auditions et j'ai notamment effectué deux déplacements.

Nous avons alors pu constater l'importance de l'orientation professionnelle : 45 % des élèves de terminale S sont des filles – qui, je le rappelle, réussissent mieux au baccalauréat que les garçons –, lesquelles ne sont plus que 11 % dans les filières informatiques, ce qui représente une considérable déperdition.C'est un enjeu pour l'emploi puisque le secteur numérique est composé de 28 % de femmes – avec seulement 15 % de femmes créatrices d'entreprises dans ce secteur –, et en particulier pour les mutations d'emplois, ceux occupés par des femmes étant davantage susceptibles d'être touchés par la croissance du numérique, qu'il s'agisse du développement des caisses automatiques ou des métiers d'accueil …

J'en viens à la cyberviolence, qui affecte un collégien sur cinq, ce qui est considérable. En outre, 18 % des femmes auraient subi des formes graves de violence sur internet dès l'âge de quinze ans – et ce phénomène touche toute l'Europe. La loi doit rendre plus efficace la poursuite des auteurs de ces violences afin non seulement qu'elles cessent mais qu'elles soient réparées.

J'ai effectué des déplacements dans deux écoles formant au numérique – École 42 et Simplon – impressionnantes par leur nouveauté, par les différentes méthodes pédagogiques qui y sont appliquées, par leur capacité à faire réussir aussi bien des « bacs moins cinq » que des « bacs plus cinq » – recrutés sans concours ni examens. Il faudrait que les cellules d'orientation soient au fait de toutes les possibilités offertes par le numérique afin que les jeunes ne soient pas freinés dans leur volonté d'intégrer cette filière : ces écoles, j'y insiste, ne sont pas des lieux où un niveau particulier, où un diplôme particulier est exigé – chacun peut y trouver sa chance pour peu qu'il réunisse certaines capacités et de la motivation.

Le numérique peut et doit changer la forme de la pédagogie, les relations entre professeurs et élèves, l'apprentissage… On pourra, je l'espère, parler bientôt d'une révolution pédagogique grâce à la révolution numérique. Reste à souhaiter que l'éducation nationale se saisisse vraiment de la question et ne se contente pas de la simple distribution d'ordinateurs.

Le rapport est suivi de dix-huit recommandations, et ces travaux approfondis sont imputables notamment à la qualité des interventions des personnes auditionnées, qu'elles aient représenté des associations, des entreprises, qu'il se soit agi d'avocats, d'une enseignante, d'une inspectrice générale de l'éducation nationale, etc. Ce rapport présente des éléments d'analyse détaillés sur différents sujets, alors que nous ne disposions que de peu de matière au départ.

À cet égard, l'absence d'éléments relatifs à l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'étude d'impact concernant le projet de loi pour une République numérique constitue à mes yeux une erreur importante. Je me souviens qu'en 2010 nous avions travaillé, Mme Zimmermann et moi-même, dans le cadre de la délégation, à la rédaction d'un amendement prévoyant que l'égalité entre les femmes et les hommes ferait précisément partie des études d'impact. Or la majorité de l'époque a décidé de fondre cet amendement avec d'autres, la disposition que nous défendions disparaissant au passage.

Quatre priorités se dégagent de ce rapport. La première consiste à faire de la révolution numérique une opportunité pour les femmes et un levier pour la formation et l'emploi. La deuxième a trait au développement de nouvelles formes de militantisme pour l'égalité entre les femmes et les hommes – cyberféminisme, open data… Troisièmement, il s'agit de garantir les droits et libertés des femmes à l'ère du numérique. Elles ne doivent pas à nouveau, dans la sphère numérique, être victimes de violences plus que les hommes. Toutes les formes nouvelles de violences faites aux filles et aux femmes doivent être prévenues et sanctionnées. Il convient en particulier de nommer correctement ces violences et qu'on ne se contente pas de reprendre le vocabulaire anglo-saxon qui peut être trompeur : ainsi, quand on parle de happy slapping on désigne le vidéolynchage et non quelque phénomène « joyeux ». Il faut qu'on se rende bien compte que ces violences peuvent démolir une personne.

Le projet de loi devrait être examiné en commission le 13 janvier prochain et en séance publique à partir du 19 janvier.

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