Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame la rapporteure, je tiens, en tout premier lieu, à vous remercier pour la qualité de votre rapport dont je partage les constats et les préconisations. Je salue également l'excellent travail mené au Sénat par nos collègues André Gattolin et Corinne Bouchoux.

Comme vous le soulignez, il y a consensus aujourd'hui pour supprimer la publicité commerciale dans les programmes pour enfants. Les enfants constituent une cible de choix pour les publicitaires : ils représentent une clientèle susceptible d'être fidélisée dès le plus jeune âge et sont de véritables prescripteurs en matière d'achats familiaux, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires. Or la publicité pour les produits alimentaires concerne essentiellement des produits qui, trop gras, trop salés ou trop sucrés, sont rarement exemplaires en termes nutritionnels ou diététiques, et elle donne souvent envie de manger, même si l'on n'a pas faim, première étape vers des habitudes de grignotage, qui favorisent la malbouffe, l'obésité, voire la boulimie. Il y a là un facteur d'inégalité sociale, car ceux qui regardent le plus la télévision et qui sont le plus sujets à l'obésité sont issus des milieux défavorisés.

Autre problème soulevé dans le rapport : les enfants ne sont pas capables d'identifier ce qui relève de la publicité, de l'information ou de la fiction. Ils prennent au premier degré le monde tel qu'il leur est proposé par la publicité, et cette confusion est aggravée par l'apparition des personnages de dessins animés dans les messages publicitaires. Ce manque de discernement est également problématique du fait des valeurs promues à travers les publicités : individualisme, compétition, hypersexualisation, auxquelles s'ajoute une théâtralisation du comportement des enfants dans des messages publicitaires construits sur le triptyque « agresseur-victime-redresseur de torts », dans lequel l'enfant risque de se trouver enfermé.

La publicité au milieu des programmes induit également comme autre effet notoire un morcellement de l'attention, qui altère cette dernière, avec les conséquences que l'on connaît sur les résultats scolaires. Pourriez-vous, madame la rapporteure, nous en dire un peu plus sur ce phénomène, qui intéresse particulièrement cette commission, chargée des questions d'éducation ?

Enfin, le rapport met en avant un argument économique qui me semble intéressant, en soulignant que la publicité fait la promotion de produits de marques appartenant à des multinationales, au détriment des petites entreprises.

Pour toutes ces raisons, supprimer la publicité commerciale dans et autour des programmes jeunesse pour les enfants de moins de douze ans est donc une nécessité.

Si l'article 1er de cette proposition de loi va dans le bon sens en permettant d'avoir une meilleure vue sur les dispositifs d'autorégulation des chaînes publiques comme privées, le fait est que ces mécanismes ne suffisent pas. Il est temps de légiférer pour proposer aux enfants une offre audiovisuelle sans publicité, afin de les protéger et de leur proposer un cadre bienveillant. C'est une des missions de service public de France Télévisions.

Mais pourquoi se limiter au secteur public ? D'autres pays ont été plus ambitieux, par exemple la Suède ou le Québec. Les chaînes privées auraient d'ailleurs intérêt à adopter la même attitude, car la suppression de la publicité des programmes pour la jeunesse de France Télévisions devrait augmenter l'intérêt des parents pour ces programmes.

Enfin, la question de l'impact financier pour France Télévisions est cruciale. Dans le contexte actuel, et pour reprendre l'estimation la plus haute, les 20 millions d'euros de pertes que pourrait engendrer cette suppression de la publicité peuvent faire peur. Il faut néanmoins appréhender ce montant en regard du budget de France Télévisions, mais aussi en regard du montant de la contribution à l'audiovisuel public ou de la part de la taxe dite « Copé » sur les opérateurs de communications électroniques qui est fléchée vers le financement de France Télévisions. Pour compenser ces pertes, des pistes existent, et cette proposition de loi a la sagesse de prévoir un délai de deux ans, suffisant pour s'assurer que la suppression de la publicité ne pénalisera ni France Télévisions ni le financement de la fiction française.

Il est plus que temps de donner réellement les moyens au service public de l'audiovisuel de travailler dans de bonnes conditions et que celles-ci soient pérennes. D'où la nécessité de définir un nouveau modèle économique et financier. Mais cela, c'est une autre histoire.

Pour conclure, les écologistes soutiennent vivement cette proposition de loi qui a fait l'objet, au Sénat, d'un soutien transpartisan. Je ne peux qu'espérer qu'il en sera de même ici.

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