Protéger les jeunes enfants des excès de la publicité est nécessaire et nous comprenons parfaitement les motivations des auteurs de cette proposition de loi.
En France, le taux d'équipement des foyers en postes de télévision est très élevé, puisqu'il est supérieur à 97 %, tandis que le taux d'écoute quotidienne des enfants de quatre à quatorze ans est d'environ deux heures par jour. La réalité est plus inquiétante encore, car parmi ces jeunes enfants, nombreux sont ceux qui sont livrés à eux-mêmes et regardent la télévision, seuls, dans leur chambre.
Cette surexposition à la télévision et à des programmes qui ne sont pas toujours adaptés à leur âge, outre qu'elle a indéniablement des effets sur le comportement de ces enfants, en fait des cibles privilégiées pour les publicitaires : les enfants, en effet, sont les consommateurs de demain qu'il faut fidéliser, les clients d'aujourd'hui lorsqu'ils ont un peu d'argent à dépenser, et surtout les prescripteurs des achats de la famille, car ils sont capables d'influencer les choix de leurs parents.
Le service public doit être vigilant, surveiller les contenus qu'il diffuse et limiter l'exposition des enfants à la publicité.
Pour autant, malgré l'objectif louable poursuivi, l'examen de cette proposition de loi ne peut se résumer à un débat pour ou contre la publicité dans les programmes pour la jeunesse de la télévision publique en faisant abstraction des enjeux financiers. Certes, le travail du Sénat a permis de reporter cette interdiction à 2018, pour la faire coïncider avec une réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Néanmoins, je m'interroge sur la pertinence de légiférer dès à présent. Ne serait-il pas préférable de mener une réflexion globale sur l'avenir de France Télévisions, plutôt que de se contenter d'une réforme de la redevance ? Les membres du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) sont attachés, comme chacun sur ces bancs, à l'audiovisuel public. Nous sommes porteurs pour lui d'exigences fortes, en ce qui concerne tant son indépendance et son pluralisme que la création ou la bonne gestion.
Aujourd'hui, le paysage audiovisuel du service public nous laisse quelque peu perplexes, et la cohérence du bouquet des chaînes du groupe nous semble perfectible. Comment ne pas être troublé par la similitude entre l'offre de France 2 et celle de TF1 ? Comment définir le périmètre et l'utilité de France 4 ? Quant à la chaîne France Ô, elle souffre d'un vrai problème d'identification, et ce au détriment des territoires ultramarins pourtant riches d'un patrimoine multiculturel. Sans parler du projet de chaîne d'information en continu qui ne fera que fragiliser un secteur déjà affaibli.
Outre le positionnement des chaînes du groupe et la définition de leurs programmes se pose également le problème connexe du financement. Le modèle économique actuel n'est pas viable dans la mesure où il est fondé sur une surévaluation quasi systématique des objectifs publicitaires de France Télévisions, et conduit de ce fait invariablement à une course à l'audience.
Depuis 2009, la situation de France Télévisions est d'autant plus paradoxale que les chaînes du groupe ne peuvent plus diffuser de messages publicitaires en soirée – à destination d'un public adulte et au moment où les spots publicitaires sont les plus rémunérateurs – mais en diffuse en journée, moment où les programmes sont notamment destinés aux jeunes téléspectateurs.
Nous ne sommes pas opposés à la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse, voire sur le service public en général, mais il faut inscrire cette démarche dans une réforme globale de l'audiovisuel public et réaffirmer la position particulière de France Télévisions.
Pour ces différentes raisons, il est inutile de légiférer dès à présent sur un tel sujet. Il convient plutôt, et urgemment, d'engager une réforme ambitieuse de l'audiovisuel public. C'est pourquoi le groupe de l'Union des démocrates et indépendants votera contre cette proposition de loi.