Intervention de Jean-Noël Carpentier

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Carpentier :

Je félicite, à mon tour, M. Molac pour le travail qu'il a accompli, visiblement avec le coeur, mais aussi avec la raison. Des millions de Français suivent attentivement notre débat ce matin et nous suivront également au mois de janvier dans l'hémicycle. C'est pourquoi cette discussion doit dépasser les simples logiques partisanes.

En 1999, la France signait la Charte européenne des langues régionales. Depuis, nous avançons trop lentement vers la reconnaissance de ces langues. Ce n'est qu'en janvier 2015 que l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi constitutionnelle autorisant la ratification de cette charte. Malheureusement, en octobre dernier, le Sénat a repoussé une proposition similaire du Gouvernement. C'est d'autant plus dommage que vingt-cinq pays du Conseil de l'Europe l'ont déjà ratifiée, parmi lesquels l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni. En France, nous nous heurtons depuis longtemps à des blocages incompréhensibles pour ne pas dire rétrogrades. C'est paradoxal quand on sait que la France est l'un des pays d'Europe qui possèdent une grande diversité de langues régionales.

L'UNESCO, que chacun reconnaît comme une institution très sérieuse, considère depuis longtemps les langues régionales comme une richesse à protéger. La France est d'ailleurs signataire, depuis 2006, d'une convention internationale pour leur sauvegarde, signée par 163 pays à travers le monde. Pourquoi soutenir la diversité linguistique dans les instances internationales et ne pas l'appliquer en droit dans notre pays ?

En vertu de la Constitution, la France est une République indivisible et sa langue est le français. Ces deux principes n'interdisent absolument pas d'accorder une place aux langues régionales. D'ailleurs, sous la précédente majorité, la reconnaissance des langues régionales comme appartenant au patrimoine national a été insérée dans le texte constitutionnel. Il faut dorénavant conforter cette reconnaissance.

Le bilinguisme n'est pas l'ennemi de la République. Et si, bien sûr, il nous faut rester vigilants quant à certains débordements, nous devons nous garder de tomber dans des caricatures trop faciles propres à ceux qui ne voient dans les défenseurs des langues régionales que des sécessionnistes de la République. La réalité est plus simple, plus pragmatique et plus apaisée : tous les spécialistes conviennent que maîtriser une langue régionale en plus de la langue officielle est un atout qui n'affaiblit ni la citoyenneté ni la pratique du français. La République française n'a rien à craindre ; la langue française non plus, bien au contraire. Dans les régions où ces langues existent, ces dernières procurent indéniablement un bagage culturel supplémentaire à nos compatriotes. C'est une ouverture d'esprit, une manière d'exprimer aussi sa citoyenneté dans la République.

Cette proposition de loi ne remet nullement en cause le français ni les principes de notre République. Elle va globalement dans le bon sens, même si notre groupe formule quelques réserves sur ses articles 2 et 3 en ce qu'ils reviennent sur les équilibres historiques posés par les lois Falloux et Goblet. Nous invitons donc le rapporteur à y apporter des modifications garantissant en particulier leur pleine sécurité juridique, sans vouloir pour autant aller jusqu'à leur suppression.

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