Cet accord entre la France et la Suisse du 25 juin 2014 vise à améliorer la coopération fiscale entre les deux pays et à normaliser les relations notamment sur la question du secret bancaire.
Il est le fruit de l'évolution du contexte fiscal international à partir de 2009. D'abord, la crise financière de 2008 a mis en cause les paradis fiscaux. Ensuite, c'est au même moment que le Congrès américain et l'administration Obama ont tiré les conséquences de l'affaire UBS, avec la violation délibérée par cette banque du droit américain, y compris par le démarchage illégal de clients américains sur le territoire des Etats-Unis. C'est aussi à peu près en même temps qu'ont éclaté en Europe, et notamment en France, deux affaires similaires : l'affaire HSBC et l'affaire UBS. Sous l'impulsion notamment des Etats-Unis, lesquels ont adopté dès 2010 leur propre législation, la loi FATCA, pour organiser la coopération des banques du monde entier avec leur administration fiscale, mais aussi sous l'impulsion de la France, le G20 a imposé à partir de 2009 la coopération fiscale et la levée du secret bancaire aux Etats et territoires qui, comme la Suisse, y étaient réticents.
Ces derniers y ont été contraints sous la menace de figurer sinon sur la liste des pays non coopératifs, c'est-à-dire des paradis fiscaux. Cela joue sur le mécanisme dit du risque de réputation, d'origine anglo-saxonne.
Deux obligations successives ont ainsi été créées.
D'abord, à partir de 2009, les pays ont eu l'obligation de conclure un nombre minimum de conventions fiscales de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales avec une clause dite d'échange d'informations sur demande les obligeant à répondre aux demandes des administrations étrangères sur des cas précis, sans pouvoir invoquer le secret bancaire. Le modèle à suivre a été celui établi par l'OCDE dans le cadre de son modèle de convention fiscale.
Ensuite, à partir de 2013, a été exigée la mise en place à l'horizon 2017 ou 2018, de l'échange automatique d'informations entre pays.
L'accord qui est aujourd'hui soumis pour examen à la commission des affaires étrangères ne concerne que l'échange d'informations sur demande. La Suisse mettra en oeuvre l'échange automatique avec deux autres supports juridiques, l'un de l'Union européenne, l'autre du Conseil de l'Europe et de l'OCDE.
Pour tenter d'éviter de figurer sur la liste de l'OCDE des pays et territoires non coopératifs, des paradis fiscaux, la Suisse a donc conclu en 2009 un avenant avec la France pour mettre aux normes ses relations fiscales en matière d'échange d'informations sur demande. Elle l'a cependant fait d'une manière assez retenue, en imposant notamment en février 2010 un échange de lettres sur les informations bancaires. Dans l'ensemble, un formalisme a été imposé dans les demandes d'une manière que l'on peut qualifier de bloquante.
En 2012, l'OCDE a modifié le commentaire de ses règles internes pour autoriser les demandes dites groupées relatives à un groupe des contribuables se trouvant dans la même situation, et faire échec aux pays qui comme la Suisse ne répondaient, éventuellement, qu'aux seules demandes individuelles.
Un nouvel accord a donc été conclu avec la France afin de procéder à une actualisation, et effacer aussi l'échange de lettres de 2010.
Sa teneur a été annexée au projet de nouvelle convention fiscale bilatérale sur les droits de succession pour remplacer, à la demande de la France, la vieille convention de 1953 trop défavorable à la France en raison notamment de l'imposition en Suisse des parts de SCI sur les biens immobiliers situés en France, lorsque le défunt réside en Suisse. Cette nouvelle convention a cependant fait l'objet d'un refus de ratification du Parlement suisse. Il a donc fallu trouver un autre vecteur pour l'actualisation des règles de coopération fiscale en matière d'échange d'informations sur demande.
C'est cet accord spécifique, et donc très limité, signé le 25 juin 2014 à Berne.
Il vise à modifier le protocole annexé à la convention franco-suisse de 1966 sur les impôts sur le revenu et la fortune, protocole qui explicite les modalités de mise en oeuvre de l'article 28. Ce dernier s'applique explicitement à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales pour tous les impôts et qui a donc une portée plus générale que le titre de la convention qui lui sert de support.
Trois modifications sont prévues :
- d'abord, l'accord assouplit les modalités d'identification des personnes sur lesquelles portent les demandes individuelles d'information, et introduit la possibilité de demandes groupées, portant sur un certain nombre de contribuables se trouvant dans la même situation ;
- ensuite, il simplifie l'accès aux informations bancaires en cessant d'exiger les coordonnées précises de l'établissement concerné ;
- enfin, une clause générale indique que les dispositions du protocole franco-suisse sur l'échange d'informations doivent être interprétées de manière à ne pas faire obstacle à l'échange effectif de renseignements.
C'est un texte qui intéresse la France car il va permettre d'exercer dans de meilleures conditions le contrôle fiscal international.
Son efficacité sera d'autant plus grande que le nombre de comptes illégaux en Suisse a fortement décru.
La simple perspective de l'amélioration de la coopération fiscale a fait que le nombre des comptes non déclarés à l'étranger, et en particulier en Suisse, a fortement décru.
Même après la mise en place effective de l'échange automatique, l'échange de renseignements sur demande restera nécessaire pour les cas de fraudes complexes, avec interposition de structures écrans ou autres.
Le dispositif de l'accord du 25 juin 2014 est également demandé par la Suisse.
En effet, ce pays a fait l'objet en 2011 d'un rapport d'évaluation négatif. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations à des fins fiscales a donc jugé que le cadre législatif et conventionnel n'y était pas suffisant pour le faire passer dans la deuxième phase de l'évaluation, celle qui lui aurait permis de sortir de la liste des pays suspects.
Ce n'est que très récemment, en mars dernier, que ce passage en phase 2 a été accordé. Il est clair que l'examen correspondant portera notamment sur la volonté de coopération effective avec la France et la qualité de l'application du texte.
C'est pourquoi d'ailleurs, sans même attendre la ratification de l'accord, la Suisse a accéléré son délai de réponse aux demandes fiscales françaises depuis l'an passé.
C'est aussi pourquoi la Suisse a entouré la signature de l'accord du 25 juin d'une certaine solennité, puisque le ministre Michel Sapin et son homologue suisse se sont rencontrés ce même 25 juin 2014 à Berne.
Le Gouvernement suisse attend d'ailleurs la ratification de la France pour ratifier lui-même, sans passer par le parlement, puisqu'il bénéficie depuis 2011 d'une délégation générale pour ce type de texte.
Pour être exhaustif, l'accord du 25 juin ne règle pas la question de l'optimisation fiscale des sociétés.
C'est en effet l'objet d'un autre chantier de l'OCDE qui est encore en cours, mais en bonne voie. Le plan dit BEPS sur l'érosion des bases taxables et le transfert de profits a été adopté le 5 octobre dernier, par consensus.
Là aussi les perspectives sont bonnes.
C'est donc dans ce contexte et en raison de ses qualités intrinsèques qu'il convient d'adopter le présent projet de loi.