Intervention de Jean-Louis Destans

Réunion du 2 décembre 2015 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Destans, vice-président :

Ce projet de loi tend à répondre à une préoccupation, celle d'un bon fonctionnement de la Cour européenne des droits de l'homme qui est ambolisée aussi bien en stock qu'en flux. La Cour doit faire face à un volume de requêtes individuelles considérables et en augmentation continue. Environ 65.000 requêtes sont introduites chaque année devant la Cour et au 31 décembre 2013, environ 99.900 affaires étaient pendantes devant une formation judiciaire de la Cour. Dans le même temps, elle rendait 916 arrêts concernant 3 659 requêtes, pour 89 738 décisions d'irrecevabilité.

La Cour a instauré une politique de traitement des requêtes en fonction des priorités et a institué une nouvelle instance de filtrage des requêtes en provenance de Russie, Turquie, Roumanie, Ukraine et Pologne, constituant plus de la moitié des affaires pendantes. Ces mesures devraient permettre de purger progressivement les affaires pendantes tout en assurant un traitement différencié pertinent, notamment en termes de délais.

Mais précisément en termes de délais, la garantie des droits fondamentaux des justiciables ne peut être assurée efficacement dans les conditions actuelles, qui voient un délai moyen de jugement des affaires de 21 mois et 7 jours et pour les affaires non prioritaires de 5 ans.

Ce protocole n°15 portant amendement à la Convention a pour objet premier d'améliorer le fonctionnement de la Cour et de la désencombrer en traduisant les travaux conduits à cet effet depuis la Conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour qui s'est tenue à Interlaken les 18 et 19 février 2010. Ce protocole donne ainsi effet à certaines dispositions qui sont issues de la Déclaration de la Conférence de Brighton réunie les 19 et 20 avril 2012.

Les amendements à la Convention qu'il comporte ont été élaborés, avec une participation active de la France, au sein du Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH), qui les a adoptés lors de sa réunion des 27 au 30 novembre 2012. Le Comité des ministres a adopté le projet de Protocole en tant que Protocole n°15 lors de sa session du 16 mai 2013, après que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe eut adopté un avis le 26 avril 2013.

Ce Protocole comporte 9 articles dont trois articles proposent d'amender la convention pour améliorer l'efficacité du système et réduire les délais de traitement des affaires recevables.

L'article 3 modifie l'article 30 de la Convention relatif au renvoi d'une affaire en Grande chambre par une chambre de la Cour, lorsque cette dernière estime que l'affaire à trancher soulève une question grave d'interprétation de la convention ou si la solution à une question peut conduire à une contradiction avec la jurisprudence de la Cour. Une partie à l'affaire pouvait jusqu'alors s'opposer à un tel renvoi. Cette possibilité est supprimée, ce qui contribuera à la cohérence de la jurisprudence de la Cour et en même temps diminuera les délais.

L'article 5 modifie l'irrecevabilité d'une requête en l'absence de préjudice important en supprimant la condition que l'affaire ait été dûment examinée par un tribunal interne. Cela vise théoriquement à éviter que la Cour ne soit encombrée d'affaires de peu d'importance.

– L'article 4 réduit de six à quatre mois le délai suivant la date de la décision interne définitive dans lequel une requête doit être introduite devant la Cour. Cette restriction du délai n'entrera en vigueur qu'à compter de l'expiration d'une période de six mois après l'entrée en vigueur du Protocole ; de telle manière que les éventuels demandeurs aient le temps de s'adapter.

Les autres dispositions sont elles aussi issues des travaux des conférences précitées.

L'article 2 du protocole modifie la condition d'âge des juges pour qu'elle porte sur l'âge des candidats et la fixer à 65 ans, afin que les juges nommés puissent effectuer l'intégralité de leur mandat de neuf ans non renouvelable.

L'article 1er modifie quant à lui le préambule de la convention pour rappeler que les États parties à la convention sont les premiers garants des droits et libertés définis par la convention et qu'ils disposent à cette fin d'une certaine marge d'appréciation.

Ce principe de subsidiarité n'affecte pas le droit de recours individuel et est encadré. Il doit être interprété au regard de l'effectivité des droits des justiciables, notamment de recours. D'autre part, la marge d'appréciation laissée aux États s'exerce in fine sous le contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme. Ainsi, il n'y a pas de marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de droits comme la torture ou les traitements inhumains ou dégradants.

Conformément à l'article 7, le protocole entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après que l'ensemble des États parties aura signé et ratifié le protocole.

À la date du 17 novembre 2015, 41 États partie à la Convention avaient signé le Protocole. N'avaient toujours pas signé le Protocole : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Grèce, la Lettonie, Malte et la Russie. Parmi les signataires, 22 États l'avaient ratifié.

Le Sénat a adopté le présent projet de loi et je vous propose de faire de même.

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