Intervention de Louis Gautier

Réunion du 2 décembre 2015 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale :

Cette audition était prévue avant les attentats qui ont frappé très durement notre pays le 13 novembre. Ces événements tragiques ont accru les préoccupations des Français et conduit les plus hautes autorités de l'État à prendre des mesures de réplique inédites : application de l'état d'urgence sur le territoire national et intensification des frappes contre Daech en Syrie.

Ils ont aussi eu un effet sur les travaux interministériels que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) conduit depuis le début de l'année. Trois chantiers, distincts mais imbriqués, sont concernés : la réévaluation de la menace terroriste et l'évaluation des dispositifs que nous déployons face à elle ; Vigipirate ; l'opération Sentinelle.

Je viens devant vous alors que l'ensemble de ces travaux ne sont pas finalisés : ils font l'objet d'ultimes discussions, avant d'être soumis à l'arbitrage du Président de la République et du Gouvernement. Je rencontrerai vos rapporteurs, MM. Audibert Troin et Léonard, le 15 décembre afin de compléter la présente audition. Nous sommes donc actuellement dans une phase d'échange où il importe de recueillir l'expression des préoccupations et des interrogations des uns et des autres. Vous comprendrez que, les travaux n'étant pas achevés, je ne sois pas en mesure de produire devant vous des documents qui auraient déjà été approuvés.

Le SGDSN n'est pas un service d'enquête ni un service de police. Son intervention se situe en amont, à côté, puis en aval de leurs interventions. En matière de sécurité et de défense, le SGDSN est en effet un architecte qui définit et propose des outils de gestion et de planification de crise ; il est aussi un maître d'ouvrage, car il fait vivre ces outils – je songe à Vigipirate dont les postures ont été adaptées une quinzaine de fois depuis janvier, pour réagir à l'évolution des menaces et des attentats. Ainsi, à la suite de l'attaque de Saint-Quentin-Fallavier, nous avons immédiatement procédé à un audit et à une réévaluation de la protection des sites Seveso. La mission du SGDSN obéit donc à une temporalité particulière. Elle consiste à vérifier et à améliorer la qualité des instruments et des processus de gestion de crise ; à tirer des alertes, des informations, de l'étude des événements, des circonstances et des dangers, les analyses les plus pertinentes à l'intention des autorités qui vont procéder aux arbitrages, notamment le Conseil de défense et de sécurité nationale ; puis à veiller à l'efficacité des mesures prises.

Que nous enseigne la tragique séquence de 2015 ? D'abord que des travaux conduits bien auparavant, notamment sous la responsabilité de mon prédécesseur, Francis Delon, ont été efficaces. Je songe en particulier à l'instruction interministérielle n° 10100 signée en 2010 et qui, en permettant de déployer des militaires sur le territoire, est à l'origine de l'opération Sentinelle. Je songe également au rapport de 2013 sur la radicalisation, qui a nourri une grande partie des dispositifs législatifs ou réglementaires adoptés pour réagir à ce phénomène. Je songe enfin à l'adaptation du plan Vigipirate en 2014, qui a permis de mobiliser les services de l'État – même si ce dispositif nécessite une actualisation, comme on l'a vu dès les attentats de janvier 2015.

Au cours de la séquence plus brève qui s'est déroulée depuis janvier, nous avons dû faire vivre les instruments dont nous disposions en nous montrant aussi réactifs que possible, mais aussi, dans le cadre du Retex (retour d'expérience), dégager les premiers enseignements des réponses apportées aux événements auxquels nous étions confrontés.

Tout d'abord, nous avons revu le fonctionnement de la cellule interministérielle de crise. Celle-ci a d'ailleurs donné entière satisfaction depuis le 13 novembre et a montré sa capacité à travailler dans la durée en basculant de la gestion opérationnelle déclenchée par les attentats à la sécurisation de la COP21.

De même, nous avions constaté quelques insuffisances de la cellule interministérielle d'aide aux victimes placée sous l'autorité du Premier ministre ; lors des récents attentats, celle-ci a été activée très rapidement, ce qui lui a permis de traiter dans la nuit même les premiers appels téléphoniques – elle en a traité 11 000 –, puis d'accomplir ses missions d'aide aux victimes.

Outre ces remises à niveau, le SGDSN a également rédigé un document confidentiel qui a été transmis au Premier ministre le 23 juillet. Il s'agit d'un guide d'aide à la décision en réaction à un attentat massif ou à une vague d'attentats, un mémento de ce que l'on peut immédiatement faire pour mobiliser les services de l'État. Ce document évoquait la possibilité de déclencher l'état d'urgence selon les circonstances. Il a été utile.

Pendant l'été, le SGDSN a été mandaté pour rendre un rapport sur les aménagements possibles du dispositif Sentinelle. Pourquoi à cette époque ? Parce qu'au premier semestre, le déclenchement du contrat d'emploi protection des armées débouchait sur la nécessité de procéder à des adaptations pour assurer la disponibilité, la capacité d'action et l'efficacité des militaires déployés au sol pour la protection du territoire national. Il fallait aussi dégager toutes les conséquences pour les armées d'effectifs mobilisés sur le territoire non pour une courte période, mais dans la durée.

Après l'attentat de Saint-Quentin-Fallavier, nous avons également été chargés de réévaluer la sécurité des sites Seveso. Nous avons dressé un inventaire des mesures à prendre sur l'ensemble de ces sites et nous sommes en train de finaliser un rapport qui contient des préconisations visant à améliorer encore davantage la protection de ces sites industriels.

En faisant vivre les quinze postures Vigipirate déclenchées depuis janvier, nous avons constaté que le plan Vigipirate méritait d'être également à nouveau adapté, à la suite de trois observations.

Premièrement, le déploiement d'effectifs militaires sur notre territoire relève de trois types de documents : l'instruction interministérielle n° 10100 ; le plan Vigipirate dont certaines mesures spécifiques, notamment la BAT 13-04, consistent à recourir à des effectifs militaires pour sécuriser certains sites ; enfin, le « contrat opérationnel de protection » qui, selon la doctrine des armées, permet lors d'une catastrophe de déployer jusqu'à 10 000 soldats, mais pour quelques semaines seulement. Entre ces documents, il n'y avait pas de contradiction, mais il n'existait pas non plus d'articulation. Celle-ci faisait particulièrement défaut entre le plan Vigipirate, qui impliquait alors pour les armées de fournir de manière permanente près de 1 000 militaires pour participer à la protection du territoire, et le contrat opérationnel de protection des armées qui, conformément à la doctrine et à la programmation militaires, prévoit en cas d'urgence le déploiement sur le territoire de 10 000 militaires dans une opération de projection intérieure vers une zone définie et pour une période brève. Il fallait donc réarticuler entre eux ces différents dispositifs.

Deuxièmement, la posture « alerte attentat » du plan Vigipirate, considérée comme celle caractérisant l'urgence maximale, avait été prolongée en Île-de-France depuis les attentats de janvier alors que cette posture ne devait initialement s'appliquer que pendant une courte période en raison des fortes contraintes qu'elle impose aux opérateurs. En outre, cette posture s'est trouvée complètement dépassée en novembre 2015 par la déclaration de l'état d'urgence.

Troisièmement, comment assurer une parfaite souplesse de la gestion des effectifs militaires sur le territoire de manière à pouvoir les réduire, les relocaliser ou modifier leur mission en fonction des menaces, des dangers et des besoins exprimés par les autorités civiles ? En d'autres termes, comment gérer durablement la réversibilité de la mobilisation, avec des périodes de décrue permettant de reconstituer les forces, d'accorder des permissions et de concilier la mission menée sur le territoire national avec l'ensemble des autres missions des armées ?

À partir de cette réflexion, deux ou trois orientations possibles se dégagent que je vais dessiner à grands traits car les propositions que nous allons formuler ne sont pas encore arrêtées ; le travail interministériel n'est même pas achevé.

Le plan Vigipirate devant être adopté devrait prévoir quatre postures de protection. D'abord nous devrions adopter un premier niveau de vigilance impliquant diverses préconisations et correspondant à une sorte de socle comparable à celui d'ores et déjà existant dans Vigipirate ; ensuite serait établi un niveau dit de vigilance renforcée, qui se caractériserait par le renforcement des mesures de précaution et par le déclenchement du contrat opérationnel de protection des armées, afin de densifier la présence militaire sur le territoire.

S'y ajouteraient deux autres niveaux. L'un – déclenché en cas d'alerte d'un service de renseignement sur une zone très spécifique, par exemple lorsque l'on recherche un fugitif, etc. – correspondrait au niveau alerte attentat actuel et serait caractérisé par l'imposition, pendant une courte période, d'une série de préconisations drastiques de vigilance, d'alerte, de protection.

Le dernier stade découlant de l'application de l'état d'urgence, correspondrait à une posture qualifiée d'« urgence attentat » et consisterait à moduler les mesures d'état d'urgence pour une période donnée. Il ne peut se concevoir que dans le cadre d'une loi sur l'état d'urgence rénovée. Cette posture est encore en état futur d'achèvement car elle nécessite une phase de préparation et d'arbitrage gouvernemental, puis un débat au parlement, et enfin le vote d'une loi permettant d'imposer certaines dispositions, de réformer la loi de 1955 et, sans doute, de fixer des règles contraignantes pour certains opérateurs. Aujourd'hui, en effet, même au stade le plus élevé de l'alerte attentat, le plan Vigipirate ne formule que de simples préconisations aux opérateurs ou aux acteurs économiques : les contrôles à l'entrée des grands magasins, les fouilles, etc., ne sont pas obligatoires ; l'application de telles mesures suppose donc un travail de persuasion et une capacité d'autodiscipline et d'autofinancement des entreprises ou des établissements désignés. La déclaration de l'état d'urgence sous une forme adaptée permettrait, dans certaines conditions et selon certaines modalités, d'imposer des mesures adéquates de protection qui seraient alors obligatoires. Cela peut aussi concerner les lieux accueillant du public ou les services de transports. Il s'agirait au total d'un dispositif « à la carte », nécessairement guidé par l'attention à la nature du risque, soumis à conditions et de durée limitée. Le travail de préparation de ce texte commence aujourd'hui et se poursuivra selon le calendrier parlementaire que vous connaissez.

Venons-en maintenant au sujet qui est au coeur de la réflexion de la commission de Défense : l'opération Sentinelle proprement dite – même si toutes les questions (Vigipirate, état d'urgence et contrat emploi protection des armées) sont totalement emboîtées.

La première question qui se pose est celle de l'opportunité de recourir aux armées dans le cadre de la mise en oeuvre des plans Vigipirate. Certains estiment qu'il suffit d'accroître les effectifs des forces de police ou de gendarmerie. Même si comparaison n'est pas raison, constatons d'abord ce qui est fait autour de nous. En Belgique, vous l'avez vu, les autorités, confrontées à des événements d'ampleur similaire à ceux que nous connaissions, ont déployé des militaires. Ce même choix est effectué d'ailleurs partout en Europe : en Espagne, en Italie, en Allemagne, au Royaume-Uni. Je recevais il y a quelques jours les responsables de la sécurité britannique. Chez eux, l'opération Temperer, qui n'est pas pour l'heure déclenchée, est analogue dans son principe à l'opération Sentinelle.

Pourquoi donc ce recours aux armées ? Pour réagir aux situations d'urgence, aux circonstances exceptionnelles, nous avons besoin d'un réservoir de forces et de moyens immédiatement mobilisables. Or les effectifs militaires, importants, permettent de déployer des unités substantielles, de les renouveler, de les faire relever par d'autres unités militaires. Il n'existe d'ailleurs aucune antinomie entre la politique de renforcement des effectifs menée pour faciliter le rehaussement du contrat opérationnel de protection des armées, notamment dans le cadre de l'actualisation de la loi de programmation militaire que vous avez votée, et la hausse des effectifs de police et de gendarmerie. J'en veux pour preuve le fait que le président de la République et le Gouvernement ont simultanément pris le parti d'augmenter les effectifs de police et de gendarmerie et, dans le cadre des décisions qui ont conduit à la suppression des déflations des effectifs militaires, d'accroître le niveau de la force opérationnelle terrestre et le contrat d'emploi protection des armées. Le réservoir de forces dont je parlais se trouve ainsi sensiblement augmenté, de manière à pouvoir mobiliser durablement une force de 7 000 soldats dans la durée, comme nous le faisons depuis janvier.

Du point de vue de la gestion des ressources humaines, alors que le recrutement d'un policier ou d'un gendarme l'inscrit dans une carrière, celui d'un militaire du rang correspond à un contrat, qui pourra être renouvelé mais ne durera pas nécessairement. En outre, les effectifs de police et de gendarmerie sont positionnés, donc disséminés sur l'ensemble du territoire, ce qui rend compliqué la génération très rapide d'une force pour les besoins de Vigipirate. Certes les escadrons de gendarmerie mobile et les compagnies républicaines de sécurité (CRS) font exception à cet égard, mais l'on ne peut pas augmenter leur nombre au-delà des besoins habituels en matière d'ordre public.

Ce raisonnement est en quelque sorte validé par les solutions adoptées ailleurs, en particulier chez nos partenaires européens, où les possibilités d'engagement des forces militaires peuvent même être supérieures – par exemple en Italie.

L'idée est au fond que les armées, qui constituent une ressource de forces, interviennent non en remplacement, mais en appui, en soutien, en parfaite complémentarité avec les forces de sécurité intérieure, notamment parce que leurs effectifs, leur organisation, leurs capacités, y compris du point de vue des équipements, procurent des ressources mobilisables dans l'urgence et parfaitement réactives. Voilà d'ailleurs pourquoi on les réquisitionne lors de catastrophes.

À partir de cette analyse, ont été adoptées diverses mesures d'effectifs, en faveur des armées mais également au profit des services de police et de gendarmerie, ce qui a conduit à l'arrêt des déflations prévues dans la programmation militaire. L'arrêt partiel de ces déflations a été voté dans le cadre de l'actualisation de la LPM en juillet 2015 et l'annonce devant le parlement par le président de la République de l'abandon total des déflations prévues sur la période 2016-2019 devrait entraîner une nouvelle actualisation des bases de cette loi.

La deuxième question qui se pose à nous est la suivante : faut-il ou non changer le cadre juridique en vertu duquel l'implication de l'armée de terre dans des missions de protection sur le territoire procède de la réquisition par le pouvoir civil ? La réponse est négative. Même si l'on envisage aujourd'hui, lorsqu'il le faut, de recourir sur le territoire national à des forces militaires plus nombreuses et à le faire plus durablement, cela ne doit pas modifier le principe de déploiement sur réquisition de l'autorité civile, c'est-à-dire du ministre de l'intérieur et des préfets.

Fallait-il bouleverser d'autres aspects du cadre réglementaire ? On a évoqué la possibilité d'instituer en agents ou officiers de police judiciaire (OPJ) les militaires, ou du moins certains officiers ou sous-officiers. Mais l'on a finalement estimé que si l'on définissait bien les missions, il n'était pas nécessaire de changer le droit. D'abord parce que des OPJ sont souvent présents sur le terrain au côté des militaires déployés. Ensuite parce qu'il existe toute une série d'actes – contrôle de foules, vérification d'identité – que l'on peut effectuer à droit constant, sans avoir besoin d'exciper d'un statut d'OPJ. On le voit dans les transports, par exemple. Les citoyens ne sont pas tenus de déférer à la demande qui leur est faite de prouver leur identité ; mais s'ils s'y refusent, par exemple à un passage filtrant, ils ne peuvent pas le franchir. La question s'est posée à propos de la préparation de l'Euro 2016. Les militaires ne pourront pas obliger un individu à prouver son identité, mais pourront refuser l'accès aux personnes qui refuseraient de le faire, ou les renvoyer vers un OPJ qui sera à proximité. D'ailleurs, dans des espaces privés comme les entrées de bâtiments, ou dans les trains, des contrôles sont pratiqués par des personnes qui ne sont pas OPJ.

Bref, les grands principes juridiques encadrant l'emploi des militaires ne devraient pas être bouleversés, même si des adaptations sont envisagées. L'idée est plutôt de consolider les principes républicains fondamentaux sur lesquels reposent actuellement les missions confiées aux armées sur le territoire national.

La troisième question concerne la doctrine des armées. Cette question primordiale explique ma méthode de travail : j'ai laissé la réflexion décanter au sein de chaque ministère avant d'en venir au stade interministériel de la discussion et de rechercher la formulation d'une proposition de compromis. Les choix dont nous parlons ont donc été étudiés puis assumés par les autorités civiles et militaires du ministère de la Défense. Cela me paraissait essentiel de laisser d'abord se développer une discussion au sein de ce ministère. En effet, la mission confiée aux armées dans le cadre de Vigipirate depuis janvier induit un aménagement de la doctrine et des formats militaires.

Depuis la fin de la guerre froide, les politiques militaires étaient en effet principalement guidées par la priorité donnée à la projection extérieure. Toute une série de décisions – la professionnalisation, la limitation des réserves, la restructuration sur de grandes bases – a de fait allégé l'empreinte territoriale des armées, en particulier de l'armée de terre. À l'époque où j'ai fait mon service militaire, dans les années 1980, l'armée de terre était répartie par régiment dans de nombreux chefs-lieux de canton et les unités étaient facilement mobilisées en cas de défaillance des services publics. Les choix qui ont été faits ultérieurement étaient logiques, compte tenu de l'évolution des risques qu'affrontait notre pays.

Ce primat de la projection extérieure, qui impliquait une armée plus ramassée, professionnalisée, donc plus légère, moins présente à l'intérieur, avait conduit à considérer l'action de protection sur le territoire national comme une autre forme de projection : une projection intérieure, déclenchée par une urgence absolue, en cas de catastrophe ou d'événement extraordinaire. Dans ces circonstances, on planifiait au niveau national la mission et les moyens militaires en mobilisant des forces venues de toute la France et projetées dans des endroits précis, par exemple après une marée noire, pour rétablir les voies de communication après une tempête, etc., bref en vue d'une action ponctuelle circonscrite dans le temps et dans l'espace.

Cette doctrine, à cause de la menace terroriste, a été modifiée afin de déployer dans la durée davantage d'effectifs militaires sur le territoire national. De ce fait, l'enjeu est devenu celui de reconnecter la mission de protection terrestre à celles qui avaient perduré en matière de surveillance et de protection de nos approches maritimes, assurée par la marine nationale, et de surveillance du ciel au-dessus de notre pays et de ses pourtours, confiée à l'armée de l'air. C'est à mon sens un résultat pertinent. Voilà pourquoi il était important que la discussion vienne des armées elles-mêmes. Il s'agit en somme pour l'armée de terre d'une réarticulation doctrinale, très intéressante du point de vue de son cadre d'emploi. La discussion au sein du ministère de la Défense a permis de redéfinir les postures des trois armées de telle sorte que la mission territoriale de l'ensemble du ministère renoue, s'agissant de l'armée de terre, avec une logique de la permanence et de la continuité qui avait été préservée dans les domaines aérien et maritime.

Parmi les autres aspects de la réflexion qui préside à l'élaboration du rapport se pose le problème de la génération de forces, qui a encore besoin d'être approfondi.

Il faut d'abord fixer les règles de la gouvernance. Au sommet de l'État, le président de la République, chef des armées, dispose de la force militaire, donc détermine les décisions prises au sein du Conseil de défense et de sécurité nationale – lequel a été réuni plusieurs fois en 2015, pour déclencher le contrat opérationnel de protection, l'adapter, puis le revoir, en particulier au cours de la phase que nous venons de vivre.

Il faut également, dans le cadre de la réquisition, articuler le besoin exprimé par le pouvoir civil à la capacité de l'autorité militaire à y répondre. Comment conjoindre la planification des missions, qui doit rester aux mains du pouvoir civil et des préfets, et celle des moyens, qui implique nécessairement les autorités militaires, en particulier les officiers généraux chargés des zones de défense ? Cette coordination civilo-militaire doit être assurée de telle sorte que les décisions puissent être prises dans la journée, voire dans l'heure, ce qui suppose d'identifier des instances de rapprochement permettant la réaction la plus rapide possible.

Comment définir les missions respectives des militaires, d'une part, et des policiers et gendarmes, de l'autre, de manière à proscrire toute redondance ? Ce point a déjà été développé. Le principe est que les armées relaient la police et la gendarmerie pour permettre à ces dernières de se réorienter vers leurs missions propres. Dès lors, les armées entendent voir privilégier le contrôle de zones, la mobilité tactique, la sécurisation de grands espaces tels que les gares.

S'agissant enfin des règles d'engagement, de formation et d'équipement des armées, nous en sommes également à une phase de discussion et de rapprochement des points de vue. Je constate en tout cas que les autorités militaires, soucieuses de préserver la réversibilité des missions confiées aux armées à l'intérieur ou à l'extérieur, ne souhaitent pas que l'on modifie l'équipement des militaires et qu'ils sont formés et entraînés à utiliser. L'essentiel, ce sont les formations adaptées à ces missions, qui doivent être confortées.

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