Intervention de Louis Gautier

Réunion du 2 décembre 2015 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale :

Vous avez tout à fait raison, monsieur le député. Nous avons besoin, comme l'a dit Mme Fioraso, de développer une culture, mais aussi des outils et des moyens d'information. Car la menace à laquelle nous sommes exposés peut se concrétiser à Montauban comme à Saint-Quentin-Fallavier ou à Paris. C'est donc toute la chaîne formée par les responsables administratifs ainsi que par les élus qui doit recevoir des éléments de réponse, même s'il leur appartient d'apprécier la situation. Je viendrai très volontiers dans votre département. Le SGDSN pourrait, en lien avec l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) et le Haut Comité français pour la défense civile présidé par le sénateur Jacques Gautier, organiser des séminaires et diffuser des documents d'information, en collaborant avec les préfets.

Cette culture doit aussi toucher la population. Nous réfléchissons actuellement, avec le service d'information du Gouvernement (SIG), aux messages à diffuser. Ils ne doivent pas être anxiogènes : inutile d'en rajouter en développant une culture de l'angoisse. On m'a présenté des modèles d'affichettes sur la conduite à tenir dans telle ou telle situation. Le choix est délicat. On pourrait diffuser dans le métro des vidéos montrant où se trouvent les issues dans chaque station, ou des messages de prévention comme on l'a fait à propos des colis abandonnés. Tout cela est bien difficile, mais il est nécessaire de s'y atteler : tout en faisant preuve de circonspection, nous devons faire passer ces messages. Car comme on l'a vu au Bataclan, il existe des moyens de se mettre à l'abri du danger, que certains ont utilisés spontanément.

Monsieur de La Verpillière, peut-être ne me suis-je pas bien fait comprendre. Je pense en effet – mais ce sera à vous, parlementaires, d'en débattre – que la nouvelle loi sur l'état d'urgence pourrait permettre des évolutions.

À l'origine, toutefois, nous raisonnions à droit constant. Les armées demandent que l'on ne transforme pas leur métier ; elles ne veulent être ni des supplétifs, ni des forces de police de troisième catégorie. Nous avons donc d'abord cherché à poursuivre un même objectif en adaptant la mission. Ainsi la SUGE (surveillance générale de la SNCF) peut-elle recourir à des barrages, à des filtrages et à des contrôles, bien que ses membres ne soient pas OPJ.

Peut-être la future loi permettra-t-elle, dans un périmètre très restreint, pendant une période très courte – dans une situation comparable à celle de l'assaut de Saint-Denis –, d'autoriser les officiers à pratiquer des contrôles plus directifs. Mais cela suppose un débat, et un arbitrage entre ces nécessités et les libertés publiques qu'il n'est pas question d'improviser ici.

L'armée de terre a demandé que la formation dont bénéficient ses soldats soit adaptée. C'est en effet nécessaire, Monsieur Lamour, ainsi que de repréciser les missions. Il a été question d'un capitaine ; de fait, ce sont souvent eux, ou les lieutenants, qui ont le plus besoin que l'on précise leur mission : les officiers supérieurs sont en contact avec le préfet, le sous-préfet ou le commissaire de police, tandis que ceux qui patrouillent – sous-officiers, caporaux-chefs, caporaux, militaires du rang – ne connaissent que leur feuille de route quotidienne. Vous savez, puisque vous avez reçu le général Jean-Pierre Bosser, que la période peut fournir l'occasion de dispenser des formations. Il peut s'agir de formations préalables à la mission ou bien destinées aux soldats, auxquels elles étaient auparavant délivrées dans le cadre de l'entraînement ou de la reconstitution opérationnelle des unités – secours aux blessés, formations spécifiques, sport, tir, etc. Autant de moyens, envisagés par l'armée de terre, de densifier l'activité des unités sur place et aussi le rôle d'encadrement des jeunes officiers lors des missions Vigipirate.

Le risque de surchauffe opérationnelle est réel ; mais la période que nous vivons n'est-elle pas exceptionnelle ? Comme le constatait le CEMA : « Comment l'armée ne répondrait-elle pas aux préoccupations de la population, qui demande à être protégée ? » Cette réflexion du CEMA était pleine de sagesse. L'armée n'a-t-elle pas pour mission de défendre le territoire, la patrie, de sauvegarder la population ? Cette reformulation était demandée par les militaires eux-mêmes.

Reprenons la séquence politique longue. Le premier plan gouvernemental Vigipirate date de 1978. En 1991, lors de la Guerre du Golfe, les armées sont impliquées pour la première fois. Depuis 1995, elles sont employées sans discontinuer dans cette protection du territoire national.

L'actualisation de la programmation militaire pour 2015-2019 a ouvert un nouveau cycle, mais auparavant, dans le sillage du Livre blanc de 2008 et de la réforme des armées, les contraintes opérationnelles qui s'imposaient à l'extérieur avaient conduit à limiter à près de 1 000 soldats la mobilisation des effectifs militaires dans le cadre de Vigipirate, un nombre que l'on pouvait doubler en cas de crise. À cette possibilité s'ajoutait celle, que j'ai déjà évoquée, de projeter 10 000 hommes pendant une période très courte.

Le fait d'avoir allégé la pression sur les effectifs permet finalement de renouer en 2015 avec la logique d'emploi des armées dans Vigipirate mise en oeuvre depuis les années 1980.

Naturellement, ce desserrement n'est pas d'effet immédiat, de sorte que l'engagement simultané de nos armées sur le territoire national et dans des opérations importantes sur deux autres théâtres les soumet à de fortes contraintes.

Il serait injuste, a suggéré l'un d'entre vous, d'imposer aux militaires des sujétions exceptionnelles que l'on n'attendrait pas des policiers. Mais c'est aussi pour cela – je suis désolé de le dire – que nous avons besoin des militaires, qui constituent du fait de la taille des armées un réservoir de forces disponibles ! Le régime, le statut, les missions propres aux forces de sécurité intérieure – enquête judiciaire, ordre public, sécurité routière – ne sont pas les mêmes. Il est vrai que ces sujétions sont très fortes cette année, et le resteront sans doute l'année prochaine : il faut absolument mettre en oeuvre les plans d'engagement et de recrutement pour les alléger. Mais notre pays connaît des circonstances tout à fait exceptionnelles.

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