Intervention de Yves Foulon

Séance en hémicycle du 11 janvier 2016 à 21h30
Débat sur l'évaluation de la politique d'accueil touristique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Foulon :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le tourisme représente plus de 7 % de notre PIB, soit autant que le secteur automobile. Avec le numérique, cette véritable industrie constitue donc un enjeu de développement stratégique pour notre pays.

En 2014, la France était le pays le plus visité au monde, avec près de 84 millions de touristes. Toutefois, nous le savons tous, ce chiffre prend en compte les touristes qui traversent notre pays sans s’y arrêter, comme les Européens du Nord qui vont en Espagne ou au Portugal.

Contrairement à ce que l’on peut entendre, la France perd des parts de marché en termes de recettes, faute d’un rapport qualité-prix concurrentiel et d’infrastructures attractives, alors que le tourisme mondial est en forte croissance – il a progressé de 4 % au premier semestre 2015. Actuellement, un touriste dépense environ 650 euros en France, 1 000 euros en Espagne, en Italie et en Chine, 1 300 euros en Allemagne et au Royaume-Uni, et même 2 300 euros dans le pays leader, les États-Unis, qui ont fait du tourisme une priorité économique. Ce n’est pas tant le nombre de touristes qui constitue le critère pertinent : c’est surtout le chiffre d’affaires et les recettes.

Depuis le 13 novembre, notre pays, frappé par le terrorisme, est devenu moins attractif, notamment aux yeux des Américains et des Asiatiques pour qui la sécurité est un élément déterminant dans le choix de la destination. On a déploré un grand nombre d’annulations de réservation et de voyage : il est donc impératif d’agir pour rétablir la confiance et la sécurité, et éviter ainsi un nouveau drame, économique.

À court terme, il n’est bien sûr pas possible d’agir sur le tourisme international autrement que par une communication adaptée et responsable. En revanche, il est permis d’intervenir sur le tourisme des Français en France, qui représente, rappelons-le, les deux tiers des consommations touristiques, soit 106 milliards d’euros et 5 % de notre PIB. Le Gouvernement pourrait prendre des initiatives en la matière, développer les chèques-vacances ou offrir aux entreprises la possibilité de verser à leurs salariés une prime exceptionnelle ciblée et défiscalisée.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, l’industrie touristique est très malmenée par l’ubérisation de l’économie. Nous assistons en effet à une révolution des modes de consommation. Pour les entreprises traditionnelles, encadrées par toutes sortes de contraintes, de normes, de charges fiscales et sociales, il y a un véritable sentiment d’impuissance et d’injustice. Avec le principe « C to C » – de consommateur à consommateur –, c’est une nouvelle forme de concurrence que subissent de plein fouet les hôteliers, restaurateurs et autres entrepreneurs. En effet, les règles n’existent pas : pas de normes de sécurité, pas de normes d’hygiène, pas de normes d’accessibilité, pas d’obligations sociales, pas de fiscalité…

On nous promet que la loi Macron 2 arrangera les choses, mais aujourd’hui, les entreprises se sentent menacées, d’autant que l’Asie connaîtra certainement une grave crise économique en 2016 et que la France sera frappée de plein fouet. Il est donc urgent de créer un cadre réglementaire permettant aux entreprises traditionnelles de se battre à armes égales avec celles de la nouvelle économie dite collaborative.

Lors du congrès de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie – l’UMIH, ce syndicat qui représente 220 000 entreprises et un million de salariés – à Bordeaux, en novembre dernier, on nous a démontré comment on peut vivre hors de l’économie traditionnelle sans aucune fiscalité.

Prenons un exemple simple : deux touristes atterrissent à Roissy. Ils réservent deux places en covoiturage avec BlaBlaCar – c’est très bien – et ils louent un appartement via Airbnb. Ils n’ont pas rencontré le propriétaire de l’appartement – d’après le site, il s’agit de « Marie-Sophie, 22 ans, étudiante », mais il possède en fait dix appartements.

Pour visiter Paris by night, ces deux touristes avaient réservé une voiture pour deux jours sur Drivy pour 150 euros. Le soir, pour faire connaissance avec nos amis parisiens, ils sont allés dîner chez l’habitant grâce au site Internet VizEat, avec la possibilité de faire une dégustation pour 40 euros par personne. Ensuite, sur Internet, ils ont trouvé pour se délasser un peu une soirée en discothèque éphémère, dans l’appartement d’un particulier, qui, visiblement, n’a jamais entendu parler de licence IV, d’ERP, de Sacem ou encore de SPRÉ, la Société de perception de la rémunération équitable. Le matin, grâce à une application qu’ils ont sur leur portable, ils se sont fait livrer un petit-déjeuner, avant de rejoindre Roissy par un VTC Uber pour repartir chez eux.

C’est une histoire anecdotique mais réelle, qui démontre que, sans dépenser un centime dans une entreprise, sans faire travailler un seul salarié, un touriste a passé trois jours à Paris sans que l’État perçoive la moindre recette fiscale.

Sur le plan de l’organisation territoriale, l’application de l’article 68 de la loi NOTRe, qui entend transférer automatiquement la compétence du tourisme aux seuls EPCI, suscite une vive inquiétude chez de nombreux maires de communes touristiques.

Le tourisme est un secteur clé, pourvoyeurs de nombreux emplois, notamment non qualifiés. Pour l’emploi notamment, il doit devenir une priorité gouvernementale. Il est plus que jamais nécessaire d’en prendre la pleine mesure. C’est ce que nous attendons de votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État.

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