Intervention de Didier Chabert

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Didier Chabert, sous-directeur Moyen-Orient au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Vous avez raison. Cependant aux yeux du droit international, l'action de la coalition au Yémen est parfaitement justifiée. La base juridique est la même que celle de la coalition internationale en Irak : une lettre d'invitation des autorités légitimes à intervenir sur le territoire national. On peut penser tout ce qu'on veut du président Hadi et du rôle de l'Arabie saoudite, mais sur le plan de la stricte légalité internationale, la coalition n'a été contestée ni par le secrétaire général des Nations unies, ni par le Conseil de sécurité, ni dans la résolution 2216.

Si la coalition n'était pas intervenue, le jeu était fait : les Houthis auraient pris le contrôle du pays. Or ils ne représentent que 40 % de la population et n'auraient jamais tenu au pouvoir. Le pays était en train de sombrer dans le chaos, on voyait se réveiller les luttes tribales – notamment dans la région de Ma'rib. Pour toute une partie du pays, il n'était pas question d'admettre la domination des Houthis. Vraisemblablement, c'est la maladresse du président Hadi et de l'ancien envoyé spécial de l'ONU, Jamal Benomar, qui a fait sortir les Houthis de leurs gonds. Ils avaient participé à la conférence de dialogue national et en avaient approuvé les conclusions ; un comité de rédaction travaillait à une Constitution. Mais le choix du dessin des régions par le président a fait basculer la situation, la région donnée aux Houthis ne leur donnant accès ni à la mer ni aux ressources. C'est pourquoi il est important de réfléchir à ce qu'on peut leur proposer en matière de régionalisation, de partage des ressources et de postes au gouvernement. Ils étaient invités dans le gouvernement de réconciliation nationale, mais il faut considérer les postes qu'ils souhaitent avoir et la manière dont ils veulent être représentés dans les institutions. Il faut également leur donner les garanties de sécurité : s'ils lâchent leurs armes lourdes, quittent la capitale et rentrent dans le Nord, quelle garantie auront-ils qu'une fois que le gouvernement légitime sera revenu à Sanaa et aura reconstitué l'armée, il n'ira pas leur faire la peau grâce aux financements saoudiens ? Ils doivent donc bénéficier de mesures de confiance. Le partage des institutions et des territoires doit être clair et donner satisfaction à tout le monde, notamment aux Houthis. C'est pourquoi le processus ne peut qu'être long car il s'agit de parler du partage des régions, d'association au pouvoir et de lois électorales dans un pays ravagé aux intérêts multiples. Tout ne pourra pas être résolu en quelques jours à Genève ; il faudra mettre en place des groupes de travail et organiser une discussion interne au pays. Il faut identifier les éléments qui ont fait dérailler le train, alors qu'on avait le sentiment que les choses avançaient dans la bonne direction. On voyait bien que le président Hadi essayait de faire glisser le calendrier électoral pour rester six mois de plus au pouvoir ; mais ces petits jeux n'étaient pas dramatiques. Les solutions semblaient se mettre en place lorsque, tout d'un coup, la table a été renversée : pourquoi ? Pendant deux ans et demi, les yéménites ont été capables de discuter de manière productive ; il faut revenir à cette situation.

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