Madame la présidente, je vous adresse tous mes voeux pour 2016, ainsi qu’à vous, madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Les salariés de l’entreprise Air France ont connu depuis 2011 trois plans de départs volontaires, qui ont conduit à la suppression de plus de 8 000 emplois – l’historique est important.
Le plan Transform 2015 a ainsi permis l’augmentation de 20 % de la productivité des salariés, au prix du gel des salaires, de la réduction du personnel de bord et de l’augmentation du nombre d’heures de vol annuel par pilote. En 2015, c’est un nouveau plan de productivité, Perform 2020, qui a été proposé par la direction. Celui-ci visait à augmenter encore la productivité de l’entreprise en renforçant la présence de la compagnie en Europe et en Asie, ainsi qu’en accélérant le développement de sa compagnie low cost Transavia. Les négociations relatives à ce plan de productivité ont cependant échoué le 30 septembre 2015, ouvrant la voie à l’adoption du « plan B » présenté le 5 octobre dernier, à l’occasion d’un comité central d’entreprise pour le moins mouvementé.
À l’exact opposé de l’esprit du planPerform 2020, qui misait sur la croissance de la compagnie pour résorber ses difficultés financières, ce « plan B », également qualifié de « plan d’attrition », fait le choix de réduire drastiquement les capacités matérielles et humaines de l’entreprise. Ce sont ainsi plus de 2 900 postes qui doivent être supprimés d’ici à la fin de l’année 2017 : 300 pilotes, 900 hôtesses et stewards et 1 700 personnels au sol. En outre, cinq lignes seront fermées en Asie et plusieurs commandes d’appareils annulées.
Je souhaite donc exprimer mes doutes sur les conséquences, évidemment économiques et sociales, mais aussi sécuritaires, de ce plan. En effet, si des efforts pouvaient éventuellement s’admettre lorsqu’il s’agissait de participer à l’expansion de l’entreprise dans un contexte où le trafic aérien augmentait, en l’espace d’une année, de 4,2 % en France et de 9,2 % en Europe, l’adoption d’une stratégie d’attrition – j’insiste sur ce terme – présente le risque de faire reculer la compétitivité de l’entreprise en laissant aux seuls concurrents étrangers les bénéfices liés à la croissance du marché. Cela signifierait alors que les gains de productivité liés au plan « Transform 2015 », qui ont pourtant porté leurs fruits en permettant à la compagnie d’augmenter l’excédent brut d’exploitation de 50 % en trois ans, n’auraient servi ni les salariés, ni l’entreprise Air France, révélant des postures et des choix pour le moins incohérents.
Je partage également l’inquiétude des salariés quant aux conséquences humaines d’un tel plan social. Je rappelle en effet qu’en 2014, l’inspection du travail avait déjà tiré la sonnette d’alarme face aux risques psychosociaux induits par ce plan. La succession de ces plans sociaux et l’incertitude des négociations qui les accompagnent sont en elles-mêmes des facteurs de stress et de tension, qui ont connu leur apogée le 5 octobre dernier.
Il me semble également nécessaire de s’interroger sur les répercussions possibles du point de vue de la sécurité aérienne et aéroportuaire. En effet, au lendemain des attentats de Paris, des contrôles ont été opérés dans les aéroports parisiens et plus de soixante-dix badges d’accès ont été retirés à Roissy et à Orly, notamment pour prévenir d’éventuels cas de radicalisation. On s’en félicite, évidemment, mais on s’interroge aussi.
Madame la secrétaire d’État, vous n’êtes pas sans savoir qu’au terme de l’audition de la direction et de tous les syndicats – qu’il s’agisse de l’intersyndicale ou des syndicats signataires des différents plans, la CFDT et CFE-CGC – par la commission des affaires économiques, la commission des affaires sociales et la commission du développement durable, la représentation nationale reste particulièrement vigilante à la suite des négociations.
À ce sujet, la presse écrite indiquait hier qu’un comité central d’entreprise extraordinaire se réunirait le vendredi 15 janvier dans le but de proposer un « plan A+ » afin de sortir le dialogue social du blocage et de parvenir enfin à un accord. Il serait question d’une croissance assortie d’une politique d’embauche et de progression de carrière également ambitieuse, en contrepartie d’efforts de productivité.
Dans cette perspective, je souhaiterais savoir dans quel état d’esprit se trouve l’État, actionnaire à hauteur de 17,6 %. Au moment où la communauté nationale se réunit autour du drapeau français, il serait dommageable que le bleu-blanc-rouge disparaisse peu à peu de l’espace aérien.