Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 12 janvier 2016 à 15h00
Débat sur les politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l'éducation nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, notre système éducatif est élitiste et aggrave les inégalités. C’est en France que les performances scolaires sont le plus liées aux origines sociales et le constat sévère dressé dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques par nos deux rapporteurs Yves Durand et Rudy Salles, se retrouve dans de nombreux travaux récents sur le sujet. Je pense notamment à ceux du Conseil économique, social et environnemental – CESE –, du Conseil national de l’évaluation du système scolaire – CNESCO – ou encore à celui de Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale, pour n’évoquer que ces quelques exemples.

Ce constat est affligeant, mais il n’est guère surprenant. Ségrégation sociale, scolaire et résidentielle se renforcent mutuellement, au point que nos établissements scolaires sont en moyenne plus ségrégués que ceux des autres pays de l’OCDE. Près de 10 % de nos établissements sont même assimilés à des « ghettos scolaires ». Les élèves défavorisés sont surreprésentés dans les établissements déjà socialement défavorisés, et cette tendance augmente sous l’effet des stratégies d’évitement qui alimentent une concurrence déloyale entre les établissements renforcée pour partie par les phénomènes de labellisation. Or, l’effet « établissement ségrégué » renforce les inégalités d’apprentissage et équivaut pour les élèves défavorisés à deux ou trois années de retard scolaire. Comment accepter qu’une partie de notre population soit tenue à l’écart et condamnée à une scolarité écourtée, incomplète, qui conduit trop souvent au décrochage scolaire ?

On sait que la ségrégation sociale est un obstacle pour la réussite de tous et menace le vivre ensemble, dont on parle tant, et nos valeurs républicaines. La lutte contre les inégalités est une priorité qui doit mobiliser l’ensemble de nos politiques publiques. Il y va de notre capacité à construire une société où chacun dispose des mêmes droits et des mêmes chances de réussite. Il y va du respect de notre pacte républicain.

C’est pourquoi il est urgent d’agir pour que la démocratisation de la réussite soit enfin une réalité. La plupart des mesures prises depuis 2012 servent cette ambition : la restauration de la formation des enseignants, la priorité donnée au primaire, la scolarisation des enfants dès deux ans, le dispositif « plus de maîtres que de classes ».

Cependant, au vu de la situation, il est nécessaire d’aller plus loin en mettant en oeuvre nombre des recommandations formulées dans les différents rapports établis sur ces enjeux, dont celui dont il est question aujourd’hui. Je pense par exemple à la fermeture des établissements ghettos, à la révision de la sectorisation et au travail à mener sur les critères d’affectation ou les indicateurs.

Certaines pistes et expérimentations proposées dans le rapport ne demandent d’ailleurs qu’à être approfondies. À ce propos, si parmi les diverses pistes avancées une attention accrue devrait être accordée au respect des cycles, je soutiens pleinement la démarche de concertation avec l’ensemble des acteurs sur laquelle s’appuient les récentes annonces relatives aux secteurs multi-collèges. Ouvrir davantage l’école, y compris aux familles, ne peut que contribuer à la réussite des politiques menées et, surtout, à celle des élèves.

Il conviendrait aussi d’examiner de façon plus attentive les initiatives en cours qui rencontrent du succès, comme celle du collège Rimbaud d’Amiens. Dans cet établissement, une refonte de la sectorisation en cohérence avec le réseau de transport et un travail des équipes sur la pédagogie et le climat scolaire ont permis une meilleure mixité sociale et une progression des résultats de l’ensemble des élèves. En effet, si la mixité sociale doit être au coeur des politiques de sectorisation, il ne faut pas oublier que les pays qui ont le plus réduit la ségrégation scolaire sont ceux qui ont gommé les hiérarchisations et les concurrences entre établissements. Il faut donc également rendre les établissements plus attractifs au moyen notamment d’une amélioration du climat scolaire, d’un travail sur la pédagogie – en favorisant par exemple les pédagogies différenciées et l’innovation –, ou encore d’une homogénéisation de l’offre de formation. C’est d’ailleurs un des objectifs de la réforme du collège, que de proposer une offre éducative de qualité, quel que soit l’établissement concerné, pour mettre fin à la ségrégation scolaire. Je suis donc étonnée de la proposition no 16 de ce rapport.

Un autre enjeu essentiel qui mériterait plus d’attention pour que les choses changent est la formation des enseignants. Volontaires, ces derniers se sentent parfois démunis sur le terrain. Il est urgent de leur donner, au travers de leur formation initiale et continue, les clés et outils pour une école réellement inclusive. En outre, bien sûr, la question des moyens est incontournable, et le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle fait à cet égard des propositions intéressantes. Cela étant dit, il ne s’agit pas de soutenir financièrement la création de nouveaux établissements privés dans les quartiers défavorisés, clairement identifiée comme un facteur supplémentaire de déstabilisation et de renforcement de la ségrégation. Le fil conducteur du renforcement et du redéploiement des moyens financiers et humains doit au contraire être l’amélioration de la mixité, et même des mixités, facteur de réussite pour toutes et tous.

Cela suppose de mettre fin à la « ségrégation budgétaire » pointée dans le rapport en affectant réellement plus de moyens aux élèves qui ont les besoins les plus importants. Cela suppose aussi de mieux valoriser encore dans la carrière des enseignants les années passées en réseau d’éducation prioritaire plus ou REP+, de constituer des équipes stables, ou encore de repenser le système des affectations. Des pistes existent, il faut désormais les suivre, car l’école de la République doit être inclusive et incarner un espoir pour chacun, quels que soient son origine sociale, son lieu d’habitation ou ses difficultés.

1 commentaire :

Le 13/01/2016 à 18:43, laïc a dit :

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C'est du bidon ce discours : les mêmes moyens sont alloués, et même plus de moyens pour les collège en REP, à tous les collèges de France. Tout a déjà été fait. Si les élèves ne réussissent pas dans les collèges de REP, alors qu'ils ont plus de moyens, ils n'ont qu'à s'en prendre qu'à eux-mêmes.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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